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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 15 mai 2025, n° 24/16119

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Française de Réparations Automobiles (SAS)

Défendeur :

Alv (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Masseron

Conseillers :

Mme Chopin, M. Najem

Avocats :

Me Robert, Me Regnier, Me Menard

TJ Créteil, du 4 juin 2024, n° 24/00249

4 juin 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 26 mai 2004, avec effet au 1er août 2004, la société SCI ALV du [Adresse 2] (la société SCI ALV), a donné à bail commercial à la société Société Française de Réparation Automobiles dite Les 3 R (la société Les 3 R), des locaux situés [Adresse 2] et [Adresse 1] et [Adresse 4], moyennant un loyer annuel de 72.000 euros, hors charges et hors taxes, payable trimestriellement à terme échu.

Des loyers étant demeurés impayés, la société SCI ALV a, par acte de commissaire de justice du 8 décembre 2023, fait délivrer à sa locataire un commandement de payer, visant la clause résolutoire prévue au bail, la somme de 53.718,42 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 novembre 2023.

Par acte du 2 février 2024, la société SCI ALV a fait assigner en référé la société Les 3 R devant le tribunal judiciaire de Créteil, aux fins de voir :

A titre principal, constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,

A titre subsidiaire, constater la résiliation de plein droit du bail,

Ordonner l'expulsion de la société Les 3 R et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est,

Autoriser la société SCI ALV à faire enlever dans tel local de son choix, aux frais, risques et péril de la société Les 3 R, les meubles et marchandises se trouvant dans les lieux,

Condamner la société Les 3 R à payer à la société SCI ALV la somme provisionnelle de 79.529,74 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance du commandement,

Fixer et condamner la société Les 3 R au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du dernier loyer en vigueur augmenté des charges, jusqu'à la libération des locaux,

Ordonner que l'exécution de l'ordonnance de référé à intervenir aura lieu au vu de la seule minute,

Condamner la société Les 3 R au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement.

Par ordonnance réputée contradictoire du 4 juin 2024, la société Les 3 R n'ayant pas comparu, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 janvier 2024,

Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Les 3 R et de tout occupant de son chef des lieux avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

Dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point,

Fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Les 3 R, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la société Les 3 R à la payer,

Condamné par provision la société Les 3 R à payer à la société SCI ALV la somme de 62.800,72 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 6 mai 2024 (1er trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2023 sur 53.718,42 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures,

Condamné la société Les 3 R aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement,

Condamné la société Les 3 R à payer à la société SCI ALV la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire,

Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 11 septembre 2024, la société Les 3 R a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 3 mars 2025 elle demande à la cour, au visa des articles 1104, 1343-5 du code civil, L145-41, A441-31, A441-32 du code de commerce, de :

La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Infirmer l'ordonnance du 4 juin 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Créteil et,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Constater l'existence de contestations sérieuses relatives à la validité du commandement du 8 décembre 2023 ;

Constater l'existence de contestations sérieuses relatives aux quantums sollicités par la société SCI ALV et dire que la société Les 3R n'est redevable d'aucune somme ;

En conséquence,

Débouter la société SCI ALV de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, si la juridiction de céans devait par extraordinaire considérer que le commandement du 8 décembre 2023 était régulier et valable,

Ordonner que la société Les 3R était redevable de la somme de 41.867,22 euros TTC au titre des causes du commandement de payer du 8 décembre 2023 ;

Suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire du bail commercial du 26 mai 2004 au paiement par la société Les 3R de la somme de 41.867,22 euros TTC au plus tard le 11 avril 2024 à son bailleur, la société SCI ALV ;

Constater que la somme de 41.867,22 euros ttc a été réglée à la société SCI ALV dans le délai fixé et en conséquence, dire que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué ;

A titre infiniment subsidiaire, et dans l'hypothèse où la Cour de céans devait considérer que la société Les 3R serait redevable de l'ensemble des charges réclamées alors,

Condamner la société Les 3 R au paiement de la somme de 25.020 euros TTC à la société SCI ALV ;

Ordonner que toute somme due puisse être acquittée en sus des loyers courants en douze mensualités égales et consécutives, le 15 de chaque mois, le premier versement devant intervenir le 15 du mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

Ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

En tout état de cause,

Condamner la société SCI ALV au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société SCI ALV aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 10 mars 2025 la société SCI ALV demande à la cour, au visa des articles L145-41 du code de commerce, 834, 835, 836, 700, 699 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil, de :

Juger la société Les 3 R mal fondée en son appel de l'ordonnance de référé rendue le 4 juin 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;

En conséquence,

Débouter la société Les 3 R de l'ensemble de ses demandes ;

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 4 juin 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;

Y ajoutant,

Condamner la société Les 3 R à payer à la société SCI ALV la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Les 3 R aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la société Regnier Bequet et associés, représentée par Me Regnier en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties il convient de se référer aux motifs ci-après.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2025.

SUR CE, LA COUR

La société Les 3 R soutient d'abord l'existence de contestations sérieuses relativement à la validité du commandement de payer du 8 décembre 2023 visant la clause résolutoire, en ce que :

Le quantum réclamé au titre de la cause pénale n'est pas dû s'agissant d'une sanction dont la libre appréciation appartient au juge du fond,

Le commandement est imprécis sur un montant de 11.851,20 euros réclamé au titre d'un reliquat qui n'est pas expliqué,

Le commandement a été délivré de mauvaise foi par le bailleur, celui-ci réclamant le paiement de taxes qui ne sont pas dues par le locataire et tentant en réalité d'évincer sa locataire et la famille [T], fondatrice de la société Les 3 R et habitant dans une maison faisant partie de l'assiette du bail, afin d'éviter le paiement d'une indemnité d'éviction et de reprendre les locaux à moindre frais pour réaliser une opération de promotion immobilière.

L'appelante soutient ensuite l'existence de contestations sérieuses quant au quantum sollicité, à savoir des frais de recouvrement dont le fondement n'est pas indiqué, d'autres frais de recouvrement retenus par le commissaire de justice (ayant pratiqué les mesures d'exécution) pour un montant de 7.000 euros qui excède ce qui peut être mis à la charge du débiteur en application de l'article A 444-31 du code de commerce (soit 550 euros), et des taxes du bureau et de surface de stationnement dont seul le propriétaire est le redevable légal.

Elle en tire la conséquence qu'il ne peut être constaté l'acquisition de la clause résolutoire et qu'elle n'est plus redevable d'aucune somme au titre d'un arriéré de loyers.

Subsidiairement, elle sollicite des délais de paiement rétroactifs et suspensifs des effets de la clause résolutoire, exposant qu'elle s'est toujours évertuée à régler ses loyers en dépit des difficultés économiques qu'elle rencontre depuis 2024, qu'elle est en mesure de régler l'arriéré locatif en sus des loyers courants sur un délai de douze mois, précisant que déduction faite des montants injustifiés qui lui sont réclamés sa dette s'élève aujourd'hui, au plus, à la somme de 25.020 euros.

L'intimée expose en réponse :

Que le montant réclamé au commandement au titre de la clause pénale ne souffre d'aucune contestation sérieuse, étant prévue par le contrat de bail, le pouvoir de modération du juge n'affectant pas la validité du commandement de payer ;

Que pour ce qui est de la reprise du solde pour un montant de 11.851,20 euros, le locataire est parfaitement informé de la nature et des montants sollicités du fait des avis d'échéance qu'il reçoit tous les mois, des lettres de relance aux fins de paiement qu'il réceptionnait régulièrement ; il est locataire depuis mai 2004 et la nature des loyers et charges n'a pas changé ; par ailleurs il est versé aux débats un historique du compte locatif depuis le 31 décembre 2019 qui détaille cette reprise de solde ;

Qu'en tout état de cause le commandement demeure valable à concurrence des sommes justifiées, dont le locataire n'a pas effectué le paiement dans le délai imparti, ce qu'il ne conteste pas ;

Qu'à l'analyse de la clause du bail relative aux charges il apparaît clairement que l'intention des parties est de mettre à la charge du locataire tous impôts ou taxes afférents aux lieux loués, et ce afin que le bailleur n'en soit pas responsable ; qu'ainsi tant la taxe de bureau que la taxe de stationnement sont bien comprises dans les charges récupérables ; le locataire ne les a d'ailleurs jamais contestées avant la présente procédure ;

Que tous les frais liés à l'exécution sont à la charge du débiteur ;

Qu'aucun délai de paiement ne saurait être accordé au locataire qui n'est pas de bonne foi : la dette locative n'est toujours pas soldée et se chiffre à 32.231,42 euros au 26 février 2025 (terme d'octobre à décembre2024 inclus) ; les impayés sont chroniques depuis novembre 2019 ; jusqu'au prononcé de l'ordonnance de référé dont appel le locataire n'a pas pris attache avec son bailleur pour solliciter un échéancier ;

Que le bailleur est lui de bonne foi : il est faux d'affirmer qu'il a diligenté une procédure d'expulsion pour régler une indemnité d'éviction, alors que la promesse de vente qu'il a régularisée le 25 novembre 2020 avec un promoteur immobilier fait référence à cette indemnité d'éviction due au preneur ; l'appelante a elle-même vendu ses parcelles occupées à un promoteur ; en réalité le locataire est seul responsable de l'éventuelle perte de l'indemnité d'éviction pour ne pas avoir respecté son obligation contractuelle de régler les loyers et charges.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

Il doit aussi être rappelé que la mise en oeuvre des dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce n'échappe pas à la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi, énoncée par l'article 1104 du code civil, de sorte que la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi par le bailleur.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Au cas présent, le commandement de payer du 8 décembre 2023, visant la clause résolutoire stipulée au bail, a été délivré à la société locataire Les 3 R pour un montant total de 59.428,06 euros se décomposant comme suit :

53.718,42 euros au titre des loyers et charges dus au 30 novembre 2023,

5.371,84 euros au titre de la clause pénale (10%)

337,80 euros au titre du coût de l'acte de commandement.

A cet acte est annexé un décompte détaillé du montant des loyers et charges échus depuis le 1er janvier 2022 jusqu'au 30 novembre 2023.

L'appelante relève à raison que dans ce décompte un montant est indéterminé correspondant à la somme de 11.851,20 euros au titre d'un solde antérieur au 1er janvier 2022. Aucun détail de ce montant n'est fourni de sorte que le débiteur n'est pas mis en mesure de le comprendre et le cas échéant de le contester à la simple lecture du commandement, étant inopérants les éléments qu'il a reçus au cours de l'exécution du bail et le relevé de compte venant expliquer ce solde produit a posteriori par le bailleur dans le cadre de la présente instance.

Si ce montant non expliqué de 11.851,20 euros est ainsi sérieusement contestable, il reste que le commandement a été valablement délivré pour un montant en principal de 41.867,22 euros (53.718,42 euros - 11.851,20 euros).

S'agissant de la somme de 5.371,84 euros réclamée au titre de la clause pénale, au stade de la délivrance du commandement sa prise en compte dans le montant des sommes dues par le locataire est justifiée, dès lors que ce montant est bien exigible en application d'une clause pénale effectivement stipulée au bail à hauteur de 10% des sommes dues par le preneur. Le pouvoir de modération du juge ultérieurement saisi n'affecte pas la validité du commandement sur ce point, comme le souligne à raison la bailleresse.

S'agissant des charges incluses dans le décompte et spécialement les taxes de bureau et de stationnement dont le preneur conteste l'exigibilité par le bailleur, le bail commercial stipule à sa clause « charges » que le preneur s'engage, d'une part, à « rembourser au bailleur ou à son mandataire en acquittant chaque terme de loyer, même à titre provisionnel, la quote-part des charges et prestations, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, de déversement à l'égout, de balayage et autres, incombant à l'immeuble, toutes nouvelles contributions, taxes augmentation d'impôt légalement mises à la charge des locataires ; lesdites charges, prestations et taxes calculées au prorata des loyers ou sur la base des répartitions prévues au règlement de copropriété. », d'autre part, à « acquitter en outre directement, toutes consommations personnelles d'eau et de gaz, d'électricité, de téléphone, etc, selon les indications de ses compteurs et relevés, ainsi que tous impôts lui incombant, tels que cote mobilière et taxe professionnelle, sans que le bailleur en soit responsable. »

Comme l'indique le bailleur, il ressort clairement de cette clause que l'intention des parties a été de mettre à la charge du locataire tous les impôts ou taxes afférents aux lieux loués.

Aussi, il n'est pas sérieusement contestable que les taxes de bureau et de stationnement, qui sont mises à la charge du propriétaire des locaux par l'administration fiscale, sont bien récupérables par le bailleur auprès de son locataire en application des dispositions contractuelles, et cela même si ce dernier obtient ensuite de l'administration fiscale le dégrèvement de la taxe de stationnement au regard de la nature de son activité.

S'agissant des frais de recouvrement inclus dans le décompte annexé au commandement de payer, une somme de 265 euros est débitée le 1er janvier 2022 au titre de « frais de recouvrement » dont il n'est pas précisé la nature, alors en outre que le bail ne contient pas de clause mettant à la charge du locataire les frais de recouvrement qui seraient engagés par le bailleur.

Il résulte de ce qui précède que le commandement de payer a été valablement délivré pour un montant total de 47.311,86 euros (59.428,06 euros - 11.851,20 euros - 265 euros).

Or, il est constant que ce montant de 47.311,86 euros n'a pas été payé dans le délai d'un mois imparti par commandement de payer. Les deux versements de 25.811,32 euros chacun dont la société Les 3 R se prévaut, non contestés par le bailleur, datent en effet du 27 février 2024 et de 11 avril 2024, ils ont soldé le montant du commandement mais après l'expiration du délai d'un mois.

Il ne peut être considéré que le bailleur aurait délivré le commandement de mauvaise foi pour éviter de payer l'indemnité d'éviction due à sa locataire dans le cadre de la promesse de vente qu'il a signée avec un promoteur immobilier (sous la condition suspensive de la résiliation du bail), dès lors que le manquement du locataire à son obligation de payer le loyer et les charges est avéré et justifie la mise en 'uvre de la clause résolutoire prévue au bail.

C'est donc à bon droit que le premier juge a constaté que sont réunies les conditions d'acquisition de la clause résolutoire et constaté la résiliation du bail à la date du 9 janvier 2024, avec toutes conséquences de droit.

Il ressort du décompte actualisé produit par le bailleur, arrêté au 26 février 2025 (pièce 36 de l'intimée), que la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation de la société Les 3 R se chiffre à la somme de 32.231,42 euros.

Ce décompte inclut tous les versements dont se prévaut le débiteur, lequel est cependant fondé à contester devoir en référé, comme étant sérieusement contestable, la somme de 7.211,42 euros correspondant au montant des émoluments qui a été prélevé par le commissaire de justice sur le montant total des sommes saisies sur les comptes bancaires du débiteur, au-delà du montant maximum de 550 euros fixé par l'article A 444-31 du code de commerce. En effet, sur un montant total saisi de 52.761,42 euros n'a été recrédité sur le compte du locataire que la somme de 45.000 euros versée par le commissaire de justice à la société SCI ALV.

Il en résulte que le montant non sérieusement contestable de l'obligation de paiement de la société Les 3 R à la date du 26 février 2025 est de 24.755 euros, déduction faite des montants sérieusement contestés de 265 euros (frais de recouvrement indéterminés débités le 1er janvier 2022) et de 7.211,42 euros (frais de recouvrement objets du développement qui précède).

La société Les 3 R sollicite un délai de douze mois rétroactif et suspensif des effets de la clause résolutoire pour le paiement de cet arriéré en sus des loyers et charges courants, auquel la société SCI ALV s'oppose.

Comme le souligne la société SCI ALV, le compte de sa locataire est en situation débitrice depuis plusieurs années et il n'a été créditeur (d'un montant de 1.843,92 euros) qu'une seule fois le 28 novembre 2022, redevenant rapidement débiteur et atteignant plus de 60.000 euros en avril 2024. Ses difficultés à payer le loyer ne datent donc pas que de l'année 2024 comme elle l'indique. Elle ne produit aucun élément sur sa situation comptable en 2024, le seul bilan produit étant celui de l'année 2023. Le ralentissement de son activité qu'elle invoque à compter de 2024 n'est donc pas vérifiable. Les montants importants qu'elle a été en capacité de payer après la délivrance du commandement de payer et le montant de plus de 50.000 euros saisi sur ses comptes bancaires révèlent l'existence d'une trésorerie substantielle et interrogent sur sa bonne foi dans l'exécution de son obligation contractuelle de paiement du loyer et des charges à bonne date. En outre, elle ne justifie d'aucune démarche auprès de son bailleur pour obtenir un échéancier en raison de difficultés financières. Elle affirme être en mesure de régler plus de 2.000 euros par mois en sus du terme courant sans toutefois faire état d'aucun élément chiffré sur sa situation économique actuelle, et elle a déjà bénéficié de longs délais de fait.

La demande de délais de paiement sera rejetée.

En définitive, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et frais irrépétibles, justement appréciés, sauf à actualiser le montant de la condamnation provisionnelle au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 26 février 2025, à la somme de 24.755 euros.

Partie perdante, l'appelante sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et à payer à l'intimée la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf à actualiser le montant de la provision due par la société Société Française de Réparation Automobiles dite Les 3 R, au titre de l'arriéré locatif, à la somme provisionnelle de 24.755 euros arrêtée au 26 février 2025,

Y ajoutant,

Déboute la société Société Française de Réparation Automobiles dite Les 3 R de l'ensemble de ses demandes,

La condamne aux dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de la société Regnier Bequet et associés, représentée par Me Regnier, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

La condamne à payer à la société SCI ALV du [Adresse 2] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

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