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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 15 mai 2025, n° 24/18480

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/18480

15 mai 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 15 MAI 2025

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/18480 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKJUI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2024 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2024P00533

APPELANTE

E.U.R.L. GARE DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de sous le n° 851 900 878

Représentée par Me Damien CHEVRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0920

INTIMÉS

S.C.P. ANGEL-HAZANE-[F] en qualité de mandataire liquidateur de l'E.U.R.L. GARE DISTRIBUTION

[Adresse 7]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de MEAUX sous le n° 500 966 999

Représentée par Me Jean-marc BORTOLOTTI de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

M. LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société à responsabilité limitée à caractère unipersonnel Gare Distribution, immatriculée le 27 juin 2019 et gérée par M. [O], exerce une activité de commerce d'alimentation générale.

Par jugement réputé contradictoire du 7 octobre 2024, sur requête du ministère public, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Gare Distribution, fixé au 11 avril 2023 la date de cessation des paiements, désigné la SCP Angel-Hazane-[F] en qualité de liquidateur judiciaire, et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration du 28 octobre 2024, la société Gare Distribution a interjeté appel de ce jugement, intimant ainsi la SCP Angel-Hazane-[F], ès-qualités, et M. le procureur général.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 avril 2025, la société Gare Distribution demande à la cour d'appel de Paris de :

A titre principal,

- Infirmer le jugement du 7 octobre 2024 dont appel déféré en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau,

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- Dire n'y avoir lieu d'ouvrir une procédure de liquidation ou de redressement judiciaires à l'égard de la société Gare Distribution ;

- Débouter la société la SCP Angel-Hazane-[F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Dire et juger que la société Gare Distribution n'a pas à supporter les frais ou les honoraires ou les émoluments de la SCP Angel-Hazane-[F] ou de son avocat constitué en appel.

A titre subsidiaire,

- Convertir la procédure de liquidation judiciaire en procédure de redressement judiciaire.

En conséquence,

- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Gare Distribution,

- Maintenir les organes de la procédure,

- Fixer une période d'observation de six mois.

En tout état de cause,

- Laisser les entiers dépens de première instance et d'appel à la charge du trésor public

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2025, la SCP Angel-Hazane-[F], ès-qualités, demande à la cour d'appel de Paris de :

- Lui donner acte qu'elle s'en rapporte sur la demande faite par la société Gare Distribution de convertir la liquidation judiciaire en redressement judiciaire ;

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Suivant avis 15 janvier 2025, notifié par voie électronique le 17 janvier 2025, le ministère public sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a ouvert une liquidation judiciaire à l'égard de la société Gare Distribution, de dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective, à défaut ouvrir un redressement judiciaire au bénéfice de ladite société si un passif demeurait et était mis en évidence dans le cadre des déclarations de créances.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'état de cessation des paiements

La société Gare Distribution soutient que les dettes mentionnées dans le jugement, à savoir celle de 6 117,53 euros à l'égard de l'Urssaf et celle de 3 759 euros à l'égard du service des impôts de [Localité 9] au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation foncière des entreprises, ont été réglées par un associé de la société Gare Distribution au titre d'un compte courant d'associé en raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire ; qu'elle est à jour de ses obligations fiscales et sociales et qu'elle en justifie notamment par une attestation certifiée par l'expert-comptable de la société ; que l'extrait de son compte bancaire CIC fait état d'un solde créditeur de 4 070,94 euros au 27 décembre 2024 ; que sont versés aux débats le bilan de l'exercice 2023 qui mentionne un chiffre d'affaires de 89 869 euros, un résultat de ' 26 205 euros, et un prévisionnel pour les années 2025, 2026 et 2027 ; qu'en réponse à l'observation du mandataire judiciaire relative à la taxe sur la valeur ajoutée de l'exercice 2023, celle-ci a été régulièrement déclarée et fait apparaître un crédit de 56 euros ; que la créance de la banque CIC est non exigible et s'inscrit dans le cadre d'un prêt bancaire et d'un prêt garanti par l'Etat, et que ces deux dettes bancaires sont honorées conformément au plan de remboursement prévu ; que les trois autres dettes, respectivement à l'égard des sociétés EDF, Integrhalles et Verisure, ne justifient en rien un état de cessation des paiements, étant précisé que la créance détenue par EDF a été réglée intégralement en janvier 2025 et que les dettes fournisseurs à l'égard des sociétés Integrhalles et Verisure, qui ne s'élèvent qu'à quelques centaines d' euros, vont être payées comptant par les associés de l'appelante ; que l'état de ses inscriptions ne fait apparaître aucune inscription ; qu'en conséquence, elle n'est pas en état de cessation des paiements.

La SCP Angel-Hazane-[F], ès-qualités, soutient que, préalablement à l'audience du 1er juillet, deux courriers ont été adressés au dirigeant, d'une part, par lettre recommandée avec accusé de réception et, d'autre part, par lettre simple à l'adresse du dirigeant, qui ont été retournés avec la mention « n'habite à l'adresse indiquée » ; que le dirigeant n'était pas présent ni représenté à l'audience du 7 octobre 2024 ; qu'il n'a pas été possible de connaître la situation comptable de l'entreprise à juin 2023 faute de participation et de coopération du dirigeant ; que le commissaire de justice a établi un procès-verbal de carence le 12 décembre 2024, puisque le dirigeant n'a pu être joint ; qu'aucune mention ne figurait sur l'état des inscriptions au 4 juin 2024 ; que des déclarations de créances ont été réalisées pour un montant de 46 061,14 euros, étant précisé que le délai de déclaration est désormais expiré ; qu'il n'est pas justifié d'une police d'assurance en cours de validité ; qu'il n'apparaît pas que les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ont été déposées depuis l'exercice 2023 ; que, concernant le règlement des dettes sociales et fiscales telles que ressortant de l'enquête, les paiements y afférents, réalisés par les associés, n'ont été effectués qu'en décembre 2024 et janvier 2025 ; qu'ainsi, il est démontré que l'exploitation ne suffit pas à couvrir les charges courantes, ce qui établit de manière certaine l'état de cessation des paiements de la société ; qu'en conséquence, l'état de cessation des paiements de la société Gare Distribution est caractérisé.

Le ministère public, rappelant que l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue, soutient des moyens analogues à ceux développés par la société Gare Distribution.

Sur ce,

Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

En outre, aux termes de l'article L. 631-1 du même code, la cessation des paiements est définie comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

En l'espèce, la société Gare Distribution fait état d'un actif disponible au 27 décembre 2024 de 4 070,94 euros.

Le passif déclaré au mandataire judiciaire s'élève à 46 061,14 euros, ainsi décomposé étant précisé que le délai de déclaration est désormais expiré :

- 27 418,65 euros au titre d'un prêt bancaire du CIC de 60 000 euros ;

- 10 088,76 euros au titre d'un PGE du CIC ;

- 7346,16 euros EDF ;

- 834,44 euros Intergrhalles ;

- 375,13 euros Verisure.

Sur ces 46 061,14 euros, les créances bancaires sont devenues exigibles du fait de l'ouverture de la procédure collective.

La société Gare Distribution démontre que l'unique associé a procédé à des virements entre le 27 décembre 2024 et le 1er janvier 2025 aux fins de payer la cotisation foncière des entreprises 2023 pour un montant de 1963 euros, l'ensemble des dettes fiscales échues pour un montant de 3759 euros ainsi que les cotisations sociales URSSAF de 2023 à 2024 pour 5635,95 euros.

Aucun paiement n'est intervenu pour les dettes exigibles de EDF, Intergrhalles et Verisure.

Il s'ensuit que l'actif disponible au 27 décembre 2024 de 4 070,94 euros est insuffisant pour couvrir l'ensemble des dettes exigibles, étant entendu que la seule créance EDF s'élève à 7346,16 euros.

Par conséquent, la société Gare Distribution est en état de cessation des paiements puisqu'elle est dans l'impossibilité de faire face à l'ensemble de son passif exigible à défaut de fonds disponible suffisant.

Il apparaît que cet état de cessation des paiements perdure depuis 2023 puisque les cotisations fiscales et sociales anciennes n'ont été payées que fin de l'année dernière uniquement grâce au prêt de l'associé unique. Aussi, la cour retiendra comme date de cessation des paiements, une date antérieure de dix-huit mois au présent arrêt soit le 15 décembre 2023.

Sur l'impossibilité manifeste de redressement

La société Gare Distribution soutient que, compte tenu de l'actif disponible dont elle justifie et de la modicité d'un éventuel passif exigible, elle n'apparaît pas manifestement insusceptible de redressement.

La SCP Angel-Hazane-[F], ès-qualités, rappelant les arguments de l'appelante tenant à sa situation comptable, s'en rapporte sur la conversion de la liquidation judiciaire en redressement judiciaire.

Le ministère public est d'avis que l'impossibilité du redressement de la société Gare Distribution n'est pas démontrée au vu des données comptables qu'elle produit, faisant notamment état d'un chiffre d'affaires de 89 869 euros en 2023, de résultats prévisionnels de 27 185 euros pour 2025, 34 230 euros pour 2026 et 42 225 euros pour 2027, ainsi qu'une capacité d'autofinancement prévisionnelle de 30 215 euros pour 2025, 37 260 euros pour 2026 et 45 255 euros pour 2027.

Sur ce,

Sur les perspectives de redressement, la société Gare Distribution produit un prévisionnel non attesté par un expert-comptable pour les années 2025, 2026 et 2027 faisant état d'un résultat positif de 27 185 euros pour l'année 1, 32 230 euros pour l'année 2, et de 42 225 euros pour l'année 3. Ce prévisionnel apparaît optimiste par rapport aux années antérieures puisque le résultat pour 2023 était déficitaire à hauteur de ' 26 205 euros et qu'il n'est pas produit devant la cour son résultat pour 2024 mais un chiffre d'affaires en hausse attesté par un expert-comptable.

Cependant, au vu du faible montant du passif exigible et du fait qu'aucune inscription n'ait été faite auparavant, un redressement n'est pas impossible de telle sorte qu'il convient d'infirmer la décision et d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire.

L'équité commande qu'il n'y ait pas de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel sont passés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Melun du 7 octobre 2024

Statuant à nouveau,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire au lieu et place de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Gare Distribution, dont le siège social est situé au [Adresse 1], immatriculée sous le RCS Melun 851 900 878 ;

Fixe provisoirement au 15 décembre 2023 la date de cessation des paiements,

Désigne :

la SCP Angel-Hazane-[F] en la personne de Maître [F], en qualité de mandataire judiciaire, [Adresse 8]

M. [W] [X], juge-commissaire,

Dit n'y avoir lieu à nomination d'un administrateur judiciaire,

Désigne la SELARL [B] [R] commissaire-priseur représentée par Me [R] [Adresse 3] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur ainsi que les garanties qui le grèvent,

Fixe la période d'observation à 6 mois ;

Fixe le délai de déclarations des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du présent arrêt.

Fixe le délai de dépôt de la liste des créances par le mandataire à 12 mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du présent arrêt.

Dit que le présent arrêt est exécutoire de plein droit.

Ordonne l'emploi de dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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