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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 15 mai 2025, n° 24/16672

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16672

15 mai 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 15 MAI 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16672 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKD5M

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2024 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2024P01298

APPELANTE

S.A.S. C.B.M prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de MEAUX sous le n° 851 077 339

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMÉES

S.A.S. AM PARTNER prise en la personne de ses représentants légaux domicliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 891 016 057

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocate au barreau de PARIS, toque : D1878

Assistée par Me Yoni WEIZMAN de la SCP ORSAY SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P253 substitué par Me Camila SIQUEIRA DO AMARAL, avocate au barreau de PARIS, toque : P253

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS prise en la personne de Me [M] [S] liquidateur de la société S.A.S. C.B.M

[Adresse 3]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 403 608 136

Représentée par Me Marc VOLFINGER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 86

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère faisant fonction de présidente

Caroline TABOUROT, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Par jugement réputé contradictoire du 17 septembre 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a, sur assignation de la société AM Partner, prononcé la liquidation judiciaire de la SAS CBM et désigné la SELAS MJS Partners en la personne de Maître [M] [S] en qualité de liquidateur.

Par déclaration du 29 septembre 2024, la société CBM a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par RPVA du 28 octobre 2024, la société CBM demande à la cour de :

A titre principal

- Annuler jugement rendu le 17 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Bobigny ayant ouvert la liquidation judiciaire de la société CBM ;

A titre subsidiaire

- Constater que la société CBM n'est pas en état de cessation des paiements,

Et, en conséquence,

- Infirmer le jugement rendu le 17 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Bobigny ce qu'il a :

o Ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l'activité à l'égard de la société CBM ;

o Fixé au 17 septembre 2026 le délai au terme duquel il examinera la clôture de la procédure ;

o Nommé la SELAS M.J.S. Partners prise en la personne de Me [M] [S] en qualité de mandataire liquidateur;

o Confié au liquidateur la mission de réaliser l'inventaire dans cette procédure;

o Fixé provisoirement au 4 décembre 2023 la date de cessation des paiements;

o Dit que la liste des créances devra être établie dans le délai de 15 mois à compter de la publication du présent jugement;

o Imparti aux créanciers pour la déclaration de leurs créances un délai de 2 mois à compter de la publication du présent jugement au BODACC;

o Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

En tout état de cause

- Débouter la société AM Partner de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires;

- Condamner la société AM Partner à payer une somme de 5.000 euros à la société CBM, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19 décembre 2024, les sociétés AM Partner et Followeb demandent à la cour de :

- Déclarer recevable et bien-fondée la société FOLLOWEB en son intervention volontaire;

- Déclarer recevable et bien-fondée la société AM Partner en ses conclusions d'intimée ;

Y faisant droit,

- Débouter la société CBM de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2024 par le Tribunal de commerce de Bobigny en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 3 décembre 2024,

Et statuant à nouveau sur ce seul point:

- Fixer la date de cessation des paiements de la société CBM au 3 avril 2023 ;

En tout état de cause,

- Inviter les organes de la procédure à rechercher la responsabilité des anciens dirigeants et à étendre la procédure de liquidation judiciaire à la société CBM DISTRIBUTION créée à la suite de la liquidation judiciaire de la société CBM ,

- Condamner la société CBM à payer à la société AM PARTNER la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- Condamner la société CBM à payer à la société FOLLOWEB la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- Condamner la société CBM aux entiers dépens d'instance.

Par conclusions notifiées par RPVA le 6 mars 2025, la SELAS MJS Partners demande à la cour de :

- Confirmer le jugement de liquidation judiciaire prononcée le 17 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Bobigny à l'encontre de la société CBM,

- Dire ce que de droit sur les dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 mars 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur l'intervention volontaire de la société Followeb

Les sociétés AM Partner et Followeb demandent à la cour de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Followeb. Elles font valoir que la société Followeb est, comme AM Partner, créancière de CBM au titre d'une créance, certaine, liquide et exigible, devenue définitive et incontestable. A cet titre, elles en concluent que la société Followeb a manifestement intérêt à soutenir AM Partner dans sa démonstration quant à l'état de cessation des paiements avéré de CBM et des actes de détournement organisés par cette dernière afin de se trouver en état de faillite provoquée, à dessein qu'elle soit supportée par d'autre que les anciens dirigeants.

La société CBM et la SELAS MJS Partners ès-qualités ne répondent pas sur ce point.

Sur ce,

Selon l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention volontaire accessoire, qui appuie les prétentions d'une partie, est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

En l'espèce, la société Followeb détient une créance de 63 127,27 euros issue d'un jugement définitif de condamnation du tribunal de commerce de Bobigny du 12 mars 2024.

Il s'en déduit qu'elle a un intérêt, pour la conservation de son droit à recouvrer sa créance, à soutenir la société AM Partner en sa demande de confirmation du jugement de liquidation judiciaire. Son intervention volontaire sera jugée recevable.

II. Sur l'annulation du jugement

La société CBM soutient que les conditions de forme et de fond de l'assignation n'ont pas été respectées puisqu'elle lui a été délivrée à une mauvaise adresse alors que l'extrait K-bis mentionnait bien sa nouvelle adresse. Elle sollicite ainsi l'annulation du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire arguant que le principe du contradictoire n'a pas pu être respecté compte tenu de la signification irrégulière de l'assignation devant le tribunal de commerce de Bobigny.

Le liquidateur s'en rapporte sur le mérite des griefs soulevés par l'appelante en soulignant toutefois qu'elle déclare dans ses conclusions avoir été tout à la fois présente au siège de [Localité 6], contestant ainsi qu'un procès-verbal de signification pris conformément à l'article 659 code de procédure civile ait pu être dressé par le commissaire de justice, et au nouveau siège social situé à [Localité 7].

Les sociétés AM Partner et Followeb soutiennent que la cour d'appel, saisie d'un appel annulation contre un jugement d'ouverture et qui annule le jugement, n'a pas l'obligation de renvoyer devant le premier juge pour le prononcé d'une liquidation judiciaire, et ce quelle que soit la cause d'annulation du jugement et quelles que soient les conclusions de l'appelant (sur la procédure ou sur le fond). En outre, elles affirment qu'au 27 mars 2024, date de la signification, le siège social de la société CBM se trouvait toujours au [Adresse 1] à [Localité 6], aucune autre indication n'ayant permis au commissaire de justice de s'assurer que telle était bien la bonne adresse.

Sur ce,

Aux termes de l'article 655 du code de procédure civile, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

Il est de jurisprudence constante qu'une société est réputée conservée son siège social au lieu fixé par les statuts et publié au registre du commerce et des sociétés tant qu'elle n'a pas fait le choix d'un nouveau siège social.

En l'espèce, il ressort de la pièce 20 versée aux débats par les sociétés AM partner et Followeb que l'extrait Kbis de la société CBM indiquait à la date de signification de l'assignation, que cette dernière avait comme adresse de siège social le [Adresse 1].

La cour relève également que l'appelante déclare dans ses conclusions avoir été présente au siège de [Localité 6] à la date de la signification puisqu'elle indique que l'assemblée générale de la société CBM du 2 mai 2024 s'est tenue à cette adresse.

Il en résulte que la signification à l'adresse du siège social de la société CBM tel qu'il était indiqué dans l'extrait Kbis n'est pas irrégulière et que le moyen soulevé selon lequel le principe du contradictoire aurait été violé à défaut pour la société CBM d'avoir été valablement touchée est inopérant, peu important qu'elle ait changé d'adresse plusieurs mois après.

III. Sur la liquidation judiciaire de la société CBM

La société CBM prétend ne pas être en état de cessation des paiements et considère qu'aucune procédure collective ne peut par conséquent être ouverte à son égard. Elle affirme qu'elle dispose des liquidités nécessaires pour régulariser la créance. Elle souligne que la cessation des paiements ne peut être avérée alors que le passif exigible est limité à la créance de 5 000 euros, somme modeste qu'elle est prête à régler sans délai.

Le liquidateur demande la confirmation du jugement. Le montant du passif déclaré entre ses mains s'élève à la somme totale de 647 225,28 euros, dont 101 000 euros de créances privilégiées. Il souligne que si la société CBM soutient qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements, elle n'apporte aucune information sur son actif disponible permettant de couvrir un passif qu'elle estime être de 5 000 euros, très loin du montant déclaré entre les mains du liquidateur.

Les sociétés AM Partner et Followeb soutiennent qu'elles détiennent chacune des créances anciennes; de 5.000 euros, outre intérêts, pour l'une et de 56 487,34 euros, outre intérêts, pour l'autre et qu'aucun réglement n'est intervenu malgré les décisions de justice de condamnation, passées en force de chose jugée.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, 'Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible'.

L'état de cessation des paiements est défini à l'article L. 631-1 du code de commerce comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Aux termes de l'article L. 631-8 du code de commerce, la date d'état de cessation des paiements peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

En l'espèce, la société CBM conteste être en état de cessation des paiements et dit être en mesure de payer sans délai son passif qu'elle estime à 5000 euros. Force est cependant de constater que la société CBM ne produit aucun élément comptable permettant de prouver qu'elle ne serait pas en état de cessation des paiements et disposerait de liquidités nécessaires pour régulariser sa situation vis-à-vis de ses créanciers qui ont déclaré des créances auprès du mandataire judiciaire à hauteur de 647 225,28 ', dont 101 000 ' de créances privilégiées. La cour relève par ailleurs qu'aucun moyen de contestation de ce passif exigible n'est soulevé devant elle par l'appelante.

Il en résulte que la société CBM n'apportant pas la preuve qu'elle dispose d'un actif disponible suffisant lui permettant d'apurer son passif exigible, elle est considérée être en état de cessation des paiements.

Le tribunal de commerce de Bobigny a fixé la date de cessation des paiements au 3 décembre 2023. Or, la société Followeb rapporte la preuve que le 3 avril 2023, elle a tenté de saisir à titre conservatoire sa créance sur le compte en banque de la société CBM et que la saisie s'est révélée infructueuse. Cependant, aux termes des articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce, seuls ont qualité pour agir en report de la date de cessation des paiements l'administrateur, le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public à l'exclusion des créanciers, qui ne peuvent donc agir à cette fin. Il en résulte que les sociétés AM Partner et Followeb, créancières de la société CBM, sont irrecevables en leur appel tendant au report de la date de cessation des paiements.

Quant aux perspectives de redressement, la société CBM ne produit aucun élément comptable

prévisionnel permettant d'apprécier si l'activité pourrait reprendre, celle-ci ayant cessé le 17 septembre 2024.

Le jugement du 17 septembre 2024 sera par conséquent confirmé.

IV. Sur les frais du procès

Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés AM Partner et Followeb, les frais qu'elles ont engagés. Par conséquent, la société CBM sera condamnée à leur verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Followeb ;

Rejette la demande d'annulation du jugement ;

Déclare irrecevable la demande des sociétés AM Partner et Followeb en report de la date de cessation des paiements ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 17 décembre 2024 ;

Condamne la société CBM au paiement de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard des sociétés AM Partner et Followeb ;

Dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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