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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 15 mai 2025, n° 24/03160

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Axa France IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Azouard

Conseillers :

Mme Huet, M. Liegeon

Avocats :

Me Julie, Me Vajou

Paris, du 11 juill. 2024, n° 23-11.675

11 juillet 2024

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 26 juin 2009, Mme [W] a vendu à M. [P] [U] et Mme [T] [S] une maison d'habitation sise sur la commune de [Localité 6] (Pyrénées-Orientales), lotissement «'[Adresse 4]'», [Adresse 7], dont la construction a été confiée en 2008 à la société Les Nouvelles constructions du sud, assurée auprès de la société MAAF assurances, avant sa dissolution amiable le 20 décembre 2008.

La société d'exploitation des établissements Verge Claude, assurée auprès de la société Axa France IARD, a fourni et posé la charpente.

Par jugement du 7 septembre 2011, la SARL Les Nouvelles constructions du sud a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Se plaignant d'une non-conformité de l'habitation à la réglementation parasismique, M. [U] et Mme [S] ont obtenu, par ordonnance du 28 septembre 2011 du président du tribunal de grande instance de Perpignan, une expertise judiciaire confiée à M. [K].

L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 25 mars 2012 et un additif en date du 7 juillet 2012 pour actualiser le montant des réparations en retenant l'indice BT 01 du mois de mars 2012, le nouvel indice étant intervenu simultanément au dépôt du rapport.

Par acte authentique du 31 janvier 2013, l'immeuble litigieux a été attribué en totalité et en pleine propriété à M. [P] [U].

Par actes des 16 et 18 avril 2013 et 2 mai 2013, M. [U] a fait assigner au fond en indemnisation les sociétés MAAF, Axa et Verge Claude.

Par ordonnance rendue le 3 juillet 2014, le juge de la mise en état a rejeté la demande de condamnation provisionnelle de M. [U].

Le tribunal de grande instance de Perpignan, par jugement contradictoire du 6 décembre 2016, a :

Vu l'ordonnance de clôture du 26 mai 2016,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil, et l'article L 124-3 et suivants du code des assurances,

Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. [K],

Vu le caractère décennal des désordres n° 1, 2, 4,

- Dit que la MAAF doit sa garantie à la SARL Les Nouvelles constructions du sud,

- Dit que la SA Axa France IARD doit sa garantie à la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude,

- Dit que la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude engage sa responsabilité pour défaut de conseil en acceptant le support sans réserve,

- Condamné solidairement la MAAF, la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la SA Axa France IARD à payer à M. [P] [U] :

* 131.773,79 euros TTC au titre du désordre n° 1, soit le non-respect aux règles parasismiques avec application de l'indice du BT 01, l'indice de base étant celui du mois de mai 2012, soit 875,30,

* 17.857,88 euros TTC au titre du préjudice accessoire avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- Condamné la SA MAAF à porter et à payer à M. [P] [U] :

* 16.871,30 euros TTC au titre des désordres n° 2 et 4,

* 1.811,37 euros TTC au titre des travaux conservatoires avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- Dit que la MAAF devra relever et garantir Axa France IARD et la Société d'exploitation des établissements Verge Claude de toutes les sommes mis à leur charge au-delà de 5 %,

- Condamné solidairement la MAAF, la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la SA Axa France IARD à payer au concluant la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 code de procédure civile en faveur de tout autre partie,

- Condamné solidairement la MAAF, la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la SA Axa France IARD aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Sagard-Coderch Herre- Justafre -Sagard -Coderch-Massot, en application de l'article 699 du code de procédure civile y compris notamment les frais d'expertise judiciaire.

Par jugement du 5 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Perpignan a rectifié le jugement du 6 décembre 2016 en le complétant par la mention « prononce l'exécution provisoire'».

Sur l'appel de la SA MAAf assurances, par arrêt contradictoire du 9 juin 2022, la cour d'appel de Montpellier a :

- Infirmé le jugement sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la garantie de la SA Axa France Iard ;

Statuant à nouveau,

- Dit que la garantie de la Maaf n'est pas mobilisable ;

- Rejeté en conséquence les demandes présentées à son encontre au titre de l'action directe et des appels en garantie ;

- Condamné solidairement la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la SA Axa France Iard à payer à M. [U], compte tenu du partage de responsabilité retenu, la somme de 6 773,41 euros TTC au titre du non-respect des règles parasismiques, avec application de l'indice BT01, l'indice de base étant celui de mars 2012 ;

- Condamné solidairement la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la SA Axa France Iard, compte tenu du partage de responsabilité retenu, à payer à M. [U] la somme de 895,36 euros TTC, au titre des préjudices accessoires, avec intérêt au taux légal à compter du 2 mai 2013, date de l'assignation ;

- Rejeté les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné solidairement, dans la proportion de 5'%, la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la SA Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

La Société d'exploitation des établissements Verge Claude a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 juillet 2022.

M. [U] a formé un pourvoi contre cet arrêt le 4 février 2023 (pourvoi n° R 23-11.675). Il s'est désisté de son pourvoi à l'encontre de la société MAAF et a maintenu ses demandes à l'encontre de la société Axa et M. [B], pris en sa qualité de liquidateur de la Société d'exploitation des établissements Verge Claude.

Le 9 février 2024, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude pour insuffisance d'actif.

'

Par arrêt rendu le 11 juillet 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a statué ainsi qu'il suit':

- Casse et annule, mais seulement en ce qu'il :

* condamne solidairement la Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la société Axa France IARD à payer à M. [U], compte tenu du partage de responsabilité retenu, la somme de 6 773,41 euros TTC au titre du non-respect des règles parasismiques, avec application de l'indice BT01, l'indice de base étant celui de mars 2012 ;

* condamne solidairement la Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la société Axa France IARD, compte tenu du partage de responsabilité retenu, à payer à M. [U] la somme de 895,36 euros TTC, au titre des préjudices accessoires, avec intérêt au taux légal à compter du 2 mai 2013, date de l'assignation ;

* rejette les demandes présentées par M. [U], la Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la société Axa France IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamne solidairement, dans la proportion de 5 %, la Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la société Axa France IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire';

l'arrêt rendu le 9 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

- Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

- Condamne la société Axa France IARD et la société MJSA, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société d'exploitation des établissements Verge Claude, aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne, in solidum avec la société MJSA, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société d'exploitation des établissements Verge Claude, à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros.

La Cour de cassation, en réponse au moyen de M. [U] pris en sa seconde branche critiquant l'arrêt ayant condamné solidairement les sociétés Verge Claude et Axa à lui payer les seules sommes de 6 773,41 euros au titre du non-respect aux règles parasismiques et de 895,36 au titre du préjudice accessoire, énonce':

Vu l'article 1203, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ce texte que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux, et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

8. Pour limiter l'obligation à réparation de la société Verge Claude et de son assureur, l'arrêt retient que l'intervention de la société Les Nouvelles constructions du sud n'étant pas démontrée sur le chantier, la garantie de son assureur n'était pas mobilisable, de sorte que les demandes formées à son encontre et les appels en garantie devaient être rejetés.

9. Puis, il relève que l'expert a retenu à la charge de la société Verge Claude une responsabilité à hauteur de 5 % s'agissant du non-respect des règles parasismiques, celle-ci ayant accepté de poser la charpente sur un support non conforme et que cette responsabilité n'avait pas été contestée.

10. Il en déduit qu'en application du partage de responsabilité ainsi retenu entre les sociétés Les Nouvelles constructions du sud et Verge Claude au titre du non-respect des règles parasismiques, cette dernière ne pouvait être tenue, avec son assureur, à indemniser M. [U] qu'à hauteur de 5 % du montant total de la reprise de ce désordre et des préjudices accessoires.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que l'intervention de la société Verge Claude avait contribué à la réalisation d'un même dommage tenant au non-respect des règles parasismiques, ce dont il résultait que celle-ci devait être condamnée, avec son assureur, à le réparer dans sa totalité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Par déclaration du 30 septembre 2024, la SA Axa France IARD a saisi la cour d'appel de céans statuant comme cour de renvoi.

Par ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 20 février 2025, l'affaire a été appelée à bref délai à l'audience du 4 mars 2025, en application des dispositions l'article 1037-1 du code de procédure civile et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 15 mai 2025.

Par avis de fixation du greffe du 6 novembre 2024, les représentants des parties ont notamment été informés qu'à peine de caducité de la déclaration relevée d'office, celle-ci devra être signifiée dans les vingt jours du présent avis aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation, et que l'auteur de la déclaration dispose d'un délai de deux mois, à compter de la déclaration, pour remettre ses conclusions au greffe ainsi que pour les notifier aux autres parties, qu'elles devront être transmises par voie de signification dans le mois suivant l'expiration du délai précité aux parties n'ayant pas constitué avocat.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA Axa France Iard n'a pas conclu devant la présente cour statuant comme cour de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2025, M. [P] [U], intimé, demande à la cour de :

Vu les articles 1792 et suivants du code civil, et l'article L 124-3 et suivants du code des assurances, 1037-1 du code de procédure civile,

Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. [K],

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation,

Tenant l'absence de conclusions de la SA Axa France IARD dans le délai légal suite à sa déclaration de saisine,

- Juger que la société auteur de la saisine est hors délai et se trouve irrecevable à conclure,

- Faire application des dispositions de l'article 1037-1 alinéa 6 du code de procédure civile,

Constatant le caractère décennal du désordre n° 1,

Rejetant toutes écritures contraires comme injustes ou infondées,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la garantie de la société Axa France IARD et l'a condamné à indemniser le préjudice subi par le concluant,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement la SARL Société d'exploitation des établissements Verge Claude et la société Axa France Iard à réparer le désordre n° 1 et le préjudice accessoire,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant des travaux conservatoires à la somme de 1.811,37 euros TTC avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué au concluant une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- Réformer le jugement entrepris concernant le montant des réparations du désordre n° 1 et le montant du préjudice accessoire, à tout le moins rectifier l'erreur matérielle sur le montant des condamnations,

Ce faisant et statuant à nouveau :

- Condamner la SA Axa France IARD à payer au concluant :

* 135.468,38 euros TTC (non pas 131.773,79 euros TTC) pour le désordre n°'1, avec application de l'indice du BT01, l'indice de base étant celui du mois de mars 2012, soit 875,30,

* 17.907,26 euros TTC (et non pas 17.857,88 euros dans le dispositif du jugement) le préjudice accessoire avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- Condamner la SA Axa France IARD à payer au concluant la somme de 6.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Condamner la SA Axa France IARD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Vajou, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION':

Selon l'article 1037-1 du code de procédure civile, les parties qui ne respectent pas les délais pour conclure sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

En l'espèce, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique devant la cour d'appel de Montpellier le 7 juin 2017, la SA Axa France Iard demandait à ladite cour de':

Vu les articles 1792 du code civil et L. 124-3 du code des assurances,

Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. [K],

Vu le jugement entrepris,

Vu l'appel de la MAAF,

A titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris en ce que la responsabilité de la SARL Société d'exploitation des établissements Verge, assurée auprès de la compagnie Axa, a été limitée à 5 % du non-respect de la règlementation parasismique,

- Statuer ce que de droit sur les demandes de réévaluation du montant des travaux de reprise au titre des désordres affectant le non-respect des règles parasismiques,

- Confirmer le jugement entrepris en ce que la MAAF relèvera et garantira la SARL Société d'exploitation des établissements Verge et son assureur, Axa, à hauteur de 95 % des travaux de reprise concernant le litige afférent au parasismique, somme à indexer selon la variation de l'indice BT 01 au jour du paiement,

- Confirmer le jugement entrepris en ce que la MAAF relèvera et garantira la SARL Société d'exploitation des établissements Verge et son assureur, Axa, à hauteur de 95 % des sommes afférentes au relogement pendant les travaux,

- Condamner la MAAF à relever et garantir la compagnie Axa de 95 % des éventuelles sommes mises à sa charge et en particulier, la somme afférente à l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et frais d'expertise,

- Condamner toute partie défaillante à verser à la compagnie Axa la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SA AXA soutenait essentiellement':

- qu'il n'est pas établi que les sociétés Verge Claude et les Nouvelles constructions du Sud auraient causé le même dommage. Ce n'est pas la charpente elle-même fournie et posée par la société Verge Claude qui n'était pas conforme aux règles parasismiques mais le support de la charpente, ce qui ressort du rapport d'expertise judiciaire. AXA considère que la pose de la charpente par la société Verge Claude sur un support non-conforme aux règles parasismiques constituait un dommage distinct de celui résultant de cette non-conformité. AXA en conclut que la société Verge Claude n'étant pas co-responsable d'un même dommage, elle n'était pas tenue à l'intégralité de la dette correspondant aux frais de travaux de reprise destinés à rendre l'ouvrage conforme aux règles parasismiques, de sorte qu'elle ne peut pas être condamnée au paiement de l'intégralité de la dette. Elle sollicite la confirmation du jugement de première instance qui a limité sa condamnation à 5 % en ce qui concerne le non-respect des règles parasismiques.

- qu'elle n'est tenu d'aucune obligation de conseil puisqu'elle n'a effectué aucune préconisation et qu'elle n'est qu'un simple fournisseur.

- que le non-respect des règles parasismiques relève exclusivement du lot gros 'uvre.

M. [P] [U] soutient essentiellement que':

- qu'il n'est pas possible de limiter la condamnation solidaire des sociétés Verge Claude et Axa à certaines sommes au titre du désordre relatif au non-respect des règles parasismiques au motif que le partage de responsabilité retenu par l'expert entre la société Verge Claude et la société Les nouvelles constructions du sud dans la réalisation des préjudices étant de 5% et 95%, un pourcentage de 5% de l'évaluation des préjudices devait être appliqué pour fixer leurs condamnations, alors que chacun des coresponsables d'un même dommage doit être condamné au profit de la victime à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

- qu'en conséquence, la société Verge Claude et son assureur doivent être condamnés à réparer les dommages dans leur totalité sans tenir compte du partage de responsabilité.

- que le montant des réparations n'a pas été discuté, qu'il y a cependant lieu de tenir compte d'une erreur matérielle et du changement de taux de la TVA.

Réponse de la cour':

I ' sur le principe de l'obligation et de la contribution à la dette':

L'obligation à la dette régit les rapports entre le créancier et les codébiteurs. Si les codébiteurs sont condamnés solidairement ou in solidum au paiement d'une dette, le créancier peut solliciter la condamnation d'un codébiteur de son choix pour la totalité de cette dette.

Ainsi, lorsque des intervenants à l'opération de construction concourent à la création de l'entier dommage, un seul d'entre eux peut être condamné à le réparer en totalité (Civ. 3e, 23 sept. 2009, 07-21.634 et 07-21.782 ; Civ. 3e, 4 févr. 2016, n 13-23.654).

Il ne s'agit pas de tenir un locateur d'ouvrage responsable des dommages causés par les autres coobligés, mais de le condamner à réparer intégralement le préjudice subi par le maître de l'ouvrage et auquel il a contribué.

Il résulte de l'article 1203 ancien du code civil que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux, et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée (1ere Civ., 22 avril 1992, pourvoi n 90-14.598 ; Com., 14 janvier 1997, pourvoi n°95-10.188, 95-10.214 ; 2e Civ., 12 janvier 1984, pourvoi n°82-14.346).

Une condamnation in solidum des constructeurs suppose que les fautes qui peuvent leur être reprochées ou que leurs interventions respectives sur le chantier aient contribué à la survenance du même dommage.

Chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage (3e Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n°20-15.376, publié).

Les dommages qui ne peuvent être rattachées à la faute ou à l'intervention du constructeur ne peuvent être mis à sa charge in solidum, par un amalgame de tous les dommages affectant l'immeuble. L'obligation in solidum ne permet pas de déroger à la nécessité de caractériser un lien de causalité entre la faute et le préjudice ou un lien d'imputabilité entre l'intervention du constructeur et l'apparition du dommage. Elle n'a pas pour objet de mettre à la charge d'une partie les conséquences de la faute ou de l'intervention des autres mais de résoudre la difficulté tenant à la pluralité des débiteurs de l'obligation de réparation d'un même dommage.

La contribution à la dette consiste à procéder à la répartition de la dette entre les responsables condamnés in solidum à réparer un même dommage et à fixer ainsi la part contributive de chacun des coobligés.

La fixation de la part contributive dépend de l'implication de chacun des débiteurs dans la réalisation du dommage et notamment de l'existence de fautes permettant de mesurer et individualiser les parts de responsabilité.

Le recours entre constructeurs, non contractuellement liés, ne peut avoir qu'un fondement quasi-délictuel et en leur qualité de coauteurs, obligés solidairement à la réparation du même dommage, ces constructeurs ne peuvent être tenus entre eux que chacun pour sa part déterminée à proportion du degré de gravité des fautes respectives. (3e Civ., 14 septembre 2005, pourvoi n 04-10.241).

Le juge, saisi d'une demande de garantie entre co-débiteurs in solidum, est tenu de déterminer, dans leurs rapports entre eux, la contribution de chacun des coauteurs dans la réparation du dommage (1re Civ., 29 novembre 2005, pourvoi n 02-13.550 ; 1re Civ., 14 mai 2009, pourvoi n 07-21.885).

Même si un seul des co-débiteurs forme la demande de garantie ou de contribution, le juge doit déterminer la part de chacun des co-débiteurs (3e Civ., 28 mai 2008,pourvoi no 06-20.403, Bull. 2008, III, no 98 : le juge saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre d'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la condamnation.).

* * *

La saisine de la présente cour ne concerne que le désordre n°1 relatif au non-respect des normes parasismiques, litige cantonné entre M. [U] et la société AXA France Iard, assureur décennal des établissements VERGES.

La cour de cassation indique dans la présente affaire': « En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que l'intervention de la société VERGE CLAUDE avait contribué à la réalisation d'un même dommage tenant au non-respect des règles parasismiques, ce dont il résultait que celle-ci devait être condamnée, avec son assureur, à la réparer dans la totalité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

En l'espèce, il est constant et d'ailleurs non contesté que M. [U] possède au titre des articles L124-3 et suivants du code des assurances, une action directe contre la SA AXA France Iard.

En page 22 de son rapport, l'expert judiciaire précise que les règles parasismiques ne sont pas respectées ce qui engendre un risque pour la solidité et la sécurité des personnes en cas de secousse sismique.

Il mentionne en page 20 de son rapport, « sans qu'il soit nécessaire de recourir à des analyses, il est possible d'évoquer une mauvaise qualité non généralisée des bétons qui sont de toute évidence sous dosés et ne présentent pas des caractéristiques suffisantes de résistance ».

En page 25 de son rapport, il ajoute « la vérification des non conformités affectant les profils métalliques, les escaliers et les fondations a été effectués au Chap. 5° ci-dessus, cette analyse conclut à une non-conformité des escaliers et du support de charpente métallique mais confirme la possibilité d'absence de joint de fractionnement en fondations en conformité avec la réglementation parasismique ».

L'expert conclut à une responsabilité à la charge de la société Verge Claude à hauteur de 5 % s'agissant du non-respect des règles parasismiques.

La société Claude Verge a facturé directement sa prestation relative à la fourniture et pose de la charpente à Madame [W] (compagne de M. [U]), comme en témoigne la facture versée aux débats. Elle était donc, comme le soutient M. [U], tenue d'une obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage et engage également sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

La société Claude Verge a aussi accepté de poser la charpente sur un support non-conforme (l'expert le décrit comme «'manifestement défectueux'» en page 4 de ses conclusions) de sorte qu'elle a engagé sa responsabilité. En effet, l'acceptation du support par la société Verge n'exonère pas l'entreprise de maçonnerie mais rend solidaire la responsabilité des locateurs d'ouvrage concernés par les désordres.

La société Claude Verge a ainsi contribué à la réalisation d'un même dommage tenant au non-respect des règles parasismiques, ce dont il résulte que celle-ci doit être condamnée, avec son assureur, à le réparer dans la totalité. En ce sens, la décision de première instance qui a prononcé une condamnation solidaire au titre du désordre n°1 sera confirmée.

II - Sur le montant de l'indemnisation du préjudice':

* sur les travaux de reprise':

La cour constate qu'ils ont été calculés avec ou sans une éventuelle «'ristourne'» de la société qui effectuerait les travaux de reprise (à hauteur de 4%).

Il est raisonnable de prendre en compte les calculs sans «'ristourne'» celle-ci ayant été pensée en 2012, soit il y a plus de 14 ans.

Par ailleurs, à partir du 1er janvier 2014, les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les logements d'habitation (résidence principale ou secondaire) achevées depuis plus de 2 ans d'un propriétaire, locataire ou occupant) sont soumis à une TVA réduite à 10 %.

En conséquence, en prenant les chiffres de l'expert, sans ristourne, avec une TVA à 10 %, les travaux de reprises concernant le désordre n°1 s'élèvent à la somme de 135.468,38 ' TTC avec une TVA à 10 %, avec comme dernier indice du BT01 connu celui du mois de mars 2012, soit 875,30.

* sur le préjudice accessoire':

Par dire du 17 janvier 2012, non contesté, M. [U] a justifié son préjudice inhérent aux désordres constatés par l'expert judiciaire, se décomposant comme suit :

- 2.930,20 ' pour le déménagement des meubles,

- 3.415,00 ' pour la dépose de la cuisine avant travaux et la repose après travaux,

- 3.450,00 ' pour la location d'un pavillon similaire pendant 3 mois, soit la durée des travaux,

- 1.334,70 ' de frais de garde meubles pendant la durée des travaux,

- 2.571,40 ' pour le déménagement après travaux,

- 1.065,00 ' de frais divers.

Total':14.766,30 ' avec une TVA à 19,60 %

L'expert judiciaire a validé ce chiffrage du préjudice. Il y ajoute':

- 1.794 euros avec une TVA à 19,60 %

- 1'040,52 euros avec une TVA à 19,60 %

La cour constate cependant comme l'argue M. [U] que la TVA à compter du 1er janvier 2014 est désormais à 20 % (art. 278 du code général des impôts), pour la majorité des ventes de biens et des prestations de services : il s'applique à tous les produits ou services pour lesquels aucun autre taux n'est expressément prévu.

La cour constate qu'effectivement une légère erreur de calcul a été commise par l'expert dans l'addition des préjudices qu'il liste et additionne (haut de la page 28/36).

Le préjudice annexe de M. [U] se chiffre ainsi à :

(14.766,30 + 1.794,00 + 1.040,52 =) 17'907,26 TTC avec une TVA à 20% et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Sur les frais du procès :

Succombant à l'instance, la SA AXA France Iard sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître VAJOU, en application de l'article 699 du CPC, au titre de la procédure d'appel.

L'équité commande par ailleurs de confirmer la condamnation de la SA AXA France Iard au titre de la première instance et au titre de l'appel de condamner la SA AXA France Iard à payer à M. [P] [U] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, statuant en matière civile, rendu publiquement en dernier ressort,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation,

Vu l'absence de conclusions de la SA AXA France Iard,

Vu l'article 1037-1 alinéa 6 du code de procédure civile,

- Constate qu'elle n'est pas saisie de la demande relative à la fixation du montant des travaux conservatoires (à la somme de 1.811,37 ' TTC avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation),

- Confirme le jugement de première instance, en son principe, en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a condamné solidairement la SARL société d'exploitation des établissements Claude Verge et la société AXA FRANCE IARD à réparer le désordre n° 1 et le préjudice accessoire,

- Confirme le jugement de première instance dans ses condamnations au titre de l'article 700 et des dépens,

- Infirme le jugement, sur les quantums retenus en raison d'une erreur matérielle et du changement de taux de TVA,

Statuant à nouveau de ces chefs :

- Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à M. [P] [U] :

- la somme de 135.468,38 ' TTC pour le désordre n° 1, avec application de l'indice du BT01, l'indice de base étant celui du mois de mars 2012, soit 875,30,

- la somme de 17.907,26 ' TTC le préjudice accessoire avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

Y ajoutant,

- Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître VAJOU, en application de l'article 699 du CPC.

- Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à M. [P] [U] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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