CA Nîmes, 4e ch. com., 16 mai 2025, n° 23/02429
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°148
N° RG 23/02429 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4RO
CC
JUGE COMMISSAIRE DE [Localité 9]
04 juillet 2023 RG :17/00022
S.C.A. CAVE DE [Localité 8] - [B] ET [F]
C/
S.E.L.A.R.L. BRMJ
S.E.L.A.R.L. SELARL [R] & [G]
S.C.E.A. DU GRAND ALCYON
Copie exécutoire délivrée
le 16/05/2025
à :
Me Guilhem NOGAREDE
Me Patricia HIRSCH
Me Stéphane GOUIN
Me Jérôme LETANG
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 16 MAI 2025
Décision déférée à la cour : Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 9] en date du 04 Juillet 2023, N°17/00022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.C.A. CAVE DE [Localité 8] - [B] ET [F],Immatriculée au RCS d'[Localité 7] sous le numéro [Numéro identifiant 4], au capital de 307.850 ', agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Patricia HIRSCH de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS PATRICIA HIRSCH, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. BRMJ La SELARL BRMJ représentée par Maître [X] [J], Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée, au capital de 10.000 ', immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 812 777 142, prise en sa qualité de Mandataire Judiciaire de la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE CAVE DE [Localité 8] désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS du 21 FRévrier 2014,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.E.L.A.R.L. SELARL [R] & [G], prise en sa qualité de Commissaire à l'Exécution du plan de la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE CAVE DE [Localité 8], désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS du 18 Décembre 2015,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.C.E.A. DU GRAND ALCYON, Société Civile d'Exploitation Agricole au capital de 38 125 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'AVIGNON sous le numéro 350 678 330, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représentée par Me Caroline BEVERAGGI de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Représentée par Me Jérôme LETANG de la SELARL JEROME LETANG, Plaidant, avocat au barreau de LYON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 16 Mai 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 13 juillet 2023 par la SCA Cave de [Localité 8] ' [B] et [F] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 4 juillet 2023 par le juge commissaire du tribunal de grande instance de Carpentras dans l'instance n° RG 17/00022 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 29 février 2024 par la SCA Cave de [Localité 8] ' [B] et [F], appelante, intimée incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 février 2025 par la SCEA Du Grand Alcyon, intimée, appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 28 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 13 février 2025 ;
Vu l'arrêt du 14 mars 2025 ordonnant la réouverture des débats pour communication de l'affaire au ministère public ;
Vu les conclusions du ministère public reçues le 14 mars 2025.
***
Par jugement du 21 février 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cave de [Localité 8] par le tribunal de grande instance de Carpentras. La société BRMJ, représentée par Maître [X] [J], a été désignée mandataire judiciaire de la société Cave de [Localité 8], et la société [R] et [G] a été nommée administrateur judiciaire. Un plan de redressement de la société Cave de [Localité 8] a été arrêté par jugement du 18 décembre 2015 et la société [R] et [G] a été désignée commissaire à l'exécution du plan.
Par courrier du 18 avril 2014, la société Grand Alcyon a déclaré une créance envers la coopérative vinicole en cause pour un montant de 111.082,17 euros HT à titre chirographaire.
La société Grand Alcyon ayant apporté des récoltes de raisin à la Cave, cette somme correspondait, sur la base du prix du marché, aux soldes qui lui resteraient dûs au titre de la récolte 2010 (26.667,52 euros), de la récolte 2011 (9395,76 euros), de la récolte 2012 (32693 euros), ainsi que de la récolte 2013 (40.325,89 euros).
Le mandataire judiciaire a fait savoir au créancier par courrier recommandé qu'il ne proposerait l'admission de la créance ayant trait aux récoltes 2010-2012 qu'à hauteur de 1171,44 euros et l'admission de la créance ayant trait à la récolte 2013 qu'à hauteur de 33.781,22 euros au regard des décisions prises à ce titre par les instances dirigeantes de la cave.
La société Grand Alcyon a maintenu sa déclaration en critiquant la validité des décisions qui lui étaient opposées.
Par ordonnance du 7 janvier 20l6 le juge commissaire a sursis à statuer afin qu'une décision incontestable soit prise par la société débitrice ou la juridiction compétente quant à la rémunération des apports.
Par ordonnance du 10 juillet 2017, le juge commissaire a à nouveau sursis à statuer sur le montant de la créance de la société Grand Alcyon jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne dans l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Carpentras sous le numéro RG 15/01927.
Par décision définitive du 4 septembre 2018 (numéro RG 15/01927), le tribunal de grande instance de Carpentras a annulé l'ensemble des délibérations du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la société Cave de [Localité 8] du 16 décembre 2013, 23 avril 2015, 20 janvier 2016, 31 mars 2016, 31 mai 2016.
Par exploits des 5 et 6 avril 2022, la société Grand Alcyon a fait assigner la société Cave de [Localité 8] pour - qu'en présence du mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan de redressement depuis lors adopté - sa créance soit fixée dans ladite procédure à la somme de 105.459,87 euros et que le défendeur soit condamné à lui payer diverses sommes au titre notamment des annuités échues du plan adopté et des dommages et intérêts pour procédure abusive, devant le tribunal judiciaire de Carpentras. Cette action a été déclarée irrecevable par le juge de la mise en état de Carpentras selon ordonnance du 4 octobre 2022.
Le 3 novembre 2022, la SCEA Grand Alcyon a adressé au juge commissaire des conclusions de reprise d'instance.
Par ordonnance du 4 juillet 2023, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Carpentras :
« Ecarte l'exception de péremption.
Disons que la réclamation de la SCEA Grand Alcyon tendant à ce que sa créance portant sur la rémunération de ses apports à la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] pour les années 2010 à 2013 soit fixée judiciairement sur la base de conclusions d'un rapport d'expertise et non par le biais des décisions prises par les instances dirigeantes de la personne morale, conformément aux règles régissant celle-ci, relève de la compétence du tribunal judiciaire de Carpentras.
Disons que, sauf recours, la présente décision ouvre à la SCEA Grand Alcyon un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente.
Disons qu'en l'absence de diligences des parties et/ou de rejet dé nitif de ladite réclamation, il y a lieu de surseoir à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés)
Ordonnons l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Disons n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles.».
***
La société Cave de [Localité 8] a relevé appel le 13 juillet 2023 de cette ordonnance pour la voir infirmer, annuler ou réformer en ce qu'elle a :
écarté l'exception de péremption.
dit que la réclamation de la société Grand Alcyon tendant à ce que sa créance portant sur la rémunération de ses apports à la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] pour les années 2010 à 2013 soit fixée judiciairement sur la base de conclusions d'un rapport d'expertise et non par le biais des décisions prises par les instances dirigeantes de la personne morale, conformément aux règles régissant celle-ci, relève de la compétence du tribunal judiciaire de Carpentras.
dit que, sauf recours, la présente décision ouvre à la société Grand Alcyon un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente.
dit qu'en l'absence de diligences des parties et/ou de rejet définitif de ladite réclamation, il y a lieu de surseoir à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés.
Et a rejeté les conclusions de la société Cave de [Localité 8] visant à :
au principal et in limine litis
Juger périmée l'instance introduite par la société Grand Alcyon en fixation de sa créance au passif de la société Cave de [Localité 8] à défaut d'avoir déposé des conclusions en reprise d'instance avant le 4 septembre 2020.
Débouter la société Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions.
Fixer sa créance au passif de la société Cave de [Localité 8] à la somme de 1.171,44 euros à titre chirographaire selon la proposition initiale de la société BRMJ, es qualités de mandataire judiciaire.
Subsidiairement, à défaut de péremption d'instance,
Juger le juge-commissaire incompétent pour connaitre de la contestation de créance de la société Grand Alcyon en raison de la discussion sérieuse tenant à la valorisation des apports effectués auprès de la société Cave de [Localité 8] au titre des années 2010 à 2013.
Débouter la société Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions
En conséquence,
Inviter la société Grand Alcyon à saisir dans le délai d'un mois de la notification de son ordonnance, le tribunal judiciaire de Carpentras afin qu'il tranche la question de la valorisation de ses apports.
Plus subsidiairement, à défaut de péremption et d'incompétence du juge-commissaire,
Juger que la rémunération des apports de la société Grand Alcyon GRAND aux acomptes déjà perçus pour les millésimes 2010 à 2013 est conforme à l'équité due aux coopérateurs et aux règles statutaires de la société cave de [Localité 8].
Débouter la société Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions.
En conséquence,
Débouter la société Grand Alcyon de toutes ses demandes et conclusions et admettre sa créance au passif de la société Cave de [Localité 8] pour la somme de 1.171,44 euros à titre chirographaire.
En tout état de cause
Condamner la société Grand Alcyon à porter et payer à la société Cave de [Localité 8], la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Juger les dépens en frais privilégiés de la procédure collective. ».
***
Dans ses dernières conclusions, la société Cave de [Localité 8], appelante, intimée incidente, demande à la cour, au visa des articles 386 et 388 du code de procédure civile, de :
« Déclarer recevable l'appel formé par la SCA La cave de [Localité 8],
Infirmer l'ordonnance du 4 juillet 2023,
In limine litis,
Juger que l'action de la SCEA Grand Alcyon en fixation de sa créance au passif de la SCA Cave de [Localité 8] est périmée à défaut d'avoir été introduite avant le 4 septembre 2020,
Débouter la SCEA Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions,
Juger que le rapport [L] est inopposable à la SCEA Grand Alcyon puisqu'il n'y a jamais eu ni appel en cause ou intervention volontaire durant l'expertise judiciaire,
Fixer sa créance à la somme de 1 171,44 euros à titre chirographaire selon la lettre recommandée de la SELARL BRMJ ès qualité de mandataire judiciaire.
Subsidiairement à défaut de péremption d'instance,
Juger le juge commissaire incompétent pour connaitre de la contestation de créance de la SCEA Grand Alcyon en raison de la contestation sérieuse au titre de la rémunération des apports des récoltes 2010 à 2013.
Juger que le rapport [L] est inopposable à la SCEA Grand Alcyon, puisqu'il n'y a jamais eu ni appel en cause ou intervention volontaire durant l'expertise judiciaire,
Débouter la SCEA Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions,
Subsidiairement à défaut de péremption d'instance et d'incompétence du juge commissaire,
Juger que le rapport [L] est inopposable à la SCEA Grand Alcyon, puisqu'il n'y a jamais eu ni appel en cause ou intervention volontaire durant l'expertise judiciaire,
Juger que la rémunération des apports de la SCEA Grand Alcyon à la SCA Cave de [Localité 8] est conforme aux principes du code rural et de la pêche maritime,
Condamner SCEA Grand Alcyon à la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance distrait au profit de la Selarl Guilhem Nogarede. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Cave de [Localité 8], appelante, intimée incidente, expose in limine litis que l'instance est périmée car le jugement du tribunal de grande instance du 4 septembre 2018 a constitué la fin de la cause du sursis prononcé le 10 juillet 2017. Or, ce n'est qu'en 2022 que le créancier a sollicité une reprise d'instance devant le juge commissaire et c'est le 31 juillet 2023 qu'il introduit sa demande au fond après avoir été débouté sur la procédure initiée le 1er avril 2022 par ordonnance du juge de la mise en état. La société Cave de [Localité 8] soutient que les diligences aux fins de reprise d'instance sont indépendantes et autonomes de la procédure de vérification du passif et que le créancier ne peut se retrancher derrière une absence de diligence à accomplir dans le cadre de la procédure de vérification d'instance pour échapper à la péremption.
Sur le fond, la société Cave de [Localité 8] conclut à l'inopposabilité du rapport [L] pour ne pas avoir été mise en cause. Elle ajoute que ses apports de récolte ne sont nullement évoqués dans le rapport et que celui-ci lui a été adressé sans les annexes, ce qui est une atteinte au principe du contradictoire. En tout état de cause, elle fait valoir que les informations ayant servies aux conclusions de l'expert sont incohérentes et que le rapport [L] n'est pas crédible.
En définitive, elle ne se reconnait redevable que d'une somme de 1 171,44 euros, ainsi que reconnu par le mandataire judiciaire sur le fondement des décisions des organes de gouvernance.
***
Dans ses dernières conclusions, la société Grand Alcyon, intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa de l'article 74 du code de procédure civile, de :
« Déclarer l'exception de péremption soulevée par l'appelante irrecevable.
Subsidiairement, la rejeter comme non fondée.
Vu les articles L 624-2 et R 624-5 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la procédure de redressement judiciaire de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8],
Confirmer l'ordonnance entreprise en première instance en ce qu'elle a décidé de renvoyer la cause devant le juge du fond.
Infirmant partiellement l'ordonnance entreprise en première instance,
Juger qu'il appartiendra au juge-commissaire de surseoir à statuer sur l'admission définitive de la créance de l'intimée au passif de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne au fond sur la fixation du montant de cette créance.
Condamner la SCA Cave de [Localité 8] ' [B] et [F] à payer à la société SCEA Du Grand Alcyon la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Grand Alcyon, intimée, appelante incidente, expose tout d'abord que l'exception de péremption est irrecevable car elle aurait du être présentée simultanément avec l'exception d'incompétence soulevée devant le tribunal judiciaire de Carpentras, par application de l'article 74 du code de procédure civile, étant donné que la procédure suivie devant le juge commissaire et le tribunal judiciaire de Carpentras sont une seule et même instance suivie depuis l'origine, une seule procédure en admission/contestation de créance.
Le créancier soutient en outre que l'instance en contestation de créance ne peut faire l'objet d'une péremption sur le fondement de l'article 386 du code de procédure civile car les créanciers n'ont aucune diligence à faire, autre que leur déclaration de créance dans les délais légaux.
Il ne critique pas la décision de première instance qui a décidé que la question de la fixation de la créance relevait de la compétence du tribunal judiciaire de Carpentras, sauf à préciser que la procédure collective a été ouverte avant l'ordonnance du 12 mars 2014. Il précise qu'une instance est d'ailleurs en cours devant le tribunal judiciaire de Carpentras.
Il conclut à l'irrecevabilité de la demande de fixation de créance, une instance étant en cours sur ce point, et considère que la cour n'est saisie que de la question de la compétence pour statuer en l'état sur l'admission de sa créance.
Enfin, le créancier forme appel incident sur la disposition qui donne pouvoir aux instances dirigeantes de la cave de statuer sur le montant de la rémunération des apports concernés alors qu'une fixation judiciaire s'impose.
Le ministère public s'en rapporte.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la péremption d'instance :
Selon l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, le juge-commissaire, au vu des propositions du mandataire judiciaire, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
En présence d'une contestation sérieuse, le juge commissaire doit surseoir à statuer pour dépassement de son office juridictionnel. Il lui incombe, en application de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa version applicable à l'espèce, de constater que la contestation fait l'objet d'une contestation sérieuse, de dire que la demande d'admission de la créance excède ses pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et inviter l'auteur de la contestation à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois de la signification de la décision, à peine de forclusion.
Ce n'est pas ce qui a été décidé par le juge commissaire les 7 janvier 2016 et 10 juillet 2017 : il a prononcé un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive dans l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Carpentras sous le numéro RG 15/01927. Cette instance concernait un litige opposant initialement l'Earl les Avocats (un autre créancier) et les organes de la procédure collective ainsi que le débiteur.
Etant donné que la SCEA du Grand Alcyon était intervenue volontairement à la procédure le 26 janvier 2017, le juge commissaire n'avait pas à décider le 10 juillet 2017 que la contestation de créance dépassait son office juridictionnel car la saisine par anticipation de la juridiction apte à trancher le litige ôtait à la contestation son influence sur l'admission de la créance.
Com. 13 février 2019 n°1721216
Après la fin de la cause de sursis à statuer, le juge commissaire, saisi par le créancier en reprise d'instance, a écarté l'exception de péremption et a décidé que la contestation ne relevait pas de sa compétence dans l'ordonnance déférée et non pas dans ses précédentes décisions de 2016 et 2017.
Selon l'article 388 du code de procédure civile, la péremption doit être, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen. Il s'agit d'une exception éteignant l'instance et non l'action.
Par acte du 1er avril 2022, le créancier avait fait délivrer au débiteur et aux organes de la procédure collective une assignation devant le tribunal judiciaire de Carpentras.
Les défendeurs avaient déposé des conclusions d'incident aux fins d'incompétence devant le juge de la mise en état et il avait été fait droit à cette exception par ordonnance du 4 octobre 2022. Cette instance est donc close. Elle est distincte de la procédure de vérification de créances dont l'instance était suspendue par le sursis à statuer, sans application de l'article R.124-2 du code de commerce.
Le 3 novembre 2022, la SCEA Grand Alcyon a adressé au juge commissaire des conclusions de reprise d'instance. Les intimés opposent au créancier la péremption de l'instance avant tout autre moyen, de sorte que l'exception est recevable.
Mais la péremption d'instance a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties. Or les créanciers n'ont aucune diligence à accomplir une fois leurs déclarations effectuées car les opérations de vérification des créances incombent aux mandataires judiciaires. En effet, le juge commissaire n'est pas saisi directement par le créancier, mais par la liste des créances déclarées mentionnant les propositions du mandataire judiciaire, liste que lui transmet le greffe et qui a été établie par le mandataire judiciaire
Com. 8 janvier 2020 n°1822606 à 1822608.
L'exception de péremption est par conséquent rejetée.
Sur le fond :
La déclaration de créances de la SCEA du Grand Alcyon porte sur des soldes impayés des récoltes 2010 à 2013 pour un montant total de 111 082,17 euros, sur le fondement d'un état comptable.
Le mandataire judiciaire a contesté cette créance au motif qu'elle n'était pas conforme à la décision du conseil d'administration du 16 décembre 2013 pour les millésimes 2010 à 2012 et que le conseil d'administration n'avait pas encore pris sa décision pour l'année 2013.
Ces délibérations ont été annulées par le jugement du 4 septembre 2018.
Toutes les parties admettent que la contestation de créance dépasse l'office juridictionnel du juge commissaire et seul le terme du sursis à statuer est discuté.
Le juge commissaire a décidé de surseoir à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés. Cela revient à donner au débiteur le pouvoir de fixer le terme du sursis à statuer. Par conséquent, il sera fait droit à l'appel incident du créancier et de décider de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur la contestation de créance, étant précisé que le tribunal judiciaire de Carpentras a été saisi par assignation du créancier du 31 juillet 2023.
Sur les frais de l'instance :
Les appelantes principales, qui succombent en leurs prétentions devront bénéficier d'une somme équitablement arbitrée à 2 500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera fixée au passif de la SCEA Cave de [Localité 8].
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a sursis à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés)
Et statuant à nouveau de ce chef,
Surseoit à statuer sur le sort de la créance jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur la contestation de créance, étant précisé que le tribunal judiciaire de Carpentras a été saisi par assignation du créancier du 31 juillet 2023,
Y ajoutant,
Fixe au passif de la SCA Cave de [Localité 8] la somme de 2500 euros due à la SCEA du Grand Alcyon sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°148
N° RG 23/02429 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4RO
CC
JUGE COMMISSAIRE DE [Localité 9]
04 juillet 2023 RG :17/00022
S.C.A. CAVE DE [Localité 8] - [B] ET [F]
C/
S.E.L.A.R.L. BRMJ
S.E.L.A.R.L. SELARL [R] & [G]
S.C.E.A. DU GRAND ALCYON
Copie exécutoire délivrée
le 16/05/2025
à :
Me Guilhem NOGAREDE
Me Patricia HIRSCH
Me Stéphane GOUIN
Me Jérôme LETANG
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 16 MAI 2025
Décision déférée à la cour : Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 9] en date du 04 Juillet 2023, N°17/00022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.C.A. CAVE DE [Localité 8] - [B] ET [F],Immatriculée au RCS d'[Localité 7] sous le numéro [Numéro identifiant 4], au capital de 307.850 ', agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Patricia HIRSCH de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS PATRICIA HIRSCH, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. BRMJ La SELARL BRMJ représentée par Maître [X] [J], Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée, au capital de 10.000 ', immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 812 777 142, prise en sa qualité de Mandataire Judiciaire de la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE CAVE DE [Localité 8] désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS du 21 FRévrier 2014,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.E.L.A.R.L. SELARL [R] & [G], prise en sa qualité de Commissaire à l'Exécution du plan de la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE CAVE DE [Localité 8], désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS du 18 Décembre 2015,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.C.E.A. DU GRAND ALCYON, Société Civile d'Exploitation Agricole au capital de 38 125 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'AVIGNON sous le numéro 350 678 330, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représentée par Me Caroline BEVERAGGI de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Représentée par Me Jérôme LETANG de la SELARL JEROME LETANG, Plaidant, avocat au barreau de LYON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 16 Mai 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 13 juillet 2023 par la SCA Cave de [Localité 8] ' [B] et [F] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 4 juillet 2023 par le juge commissaire du tribunal de grande instance de Carpentras dans l'instance n° RG 17/00022 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 29 février 2024 par la SCA Cave de [Localité 8] ' [B] et [F], appelante, intimée incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 février 2025 par la SCEA Du Grand Alcyon, intimée, appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 28 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 13 février 2025 ;
Vu l'arrêt du 14 mars 2025 ordonnant la réouverture des débats pour communication de l'affaire au ministère public ;
Vu les conclusions du ministère public reçues le 14 mars 2025.
***
Par jugement du 21 février 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cave de [Localité 8] par le tribunal de grande instance de Carpentras. La société BRMJ, représentée par Maître [X] [J], a été désignée mandataire judiciaire de la société Cave de [Localité 8], et la société [R] et [G] a été nommée administrateur judiciaire. Un plan de redressement de la société Cave de [Localité 8] a été arrêté par jugement du 18 décembre 2015 et la société [R] et [G] a été désignée commissaire à l'exécution du plan.
Par courrier du 18 avril 2014, la société Grand Alcyon a déclaré une créance envers la coopérative vinicole en cause pour un montant de 111.082,17 euros HT à titre chirographaire.
La société Grand Alcyon ayant apporté des récoltes de raisin à la Cave, cette somme correspondait, sur la base du prix du marché, aux soldes qui lui resteraient dûs au titre de la récolte 2010 (26.667,52 euros), de la récolte 2011 (9395,76 euros), de la récolte 2012 (32693 euros), ainsi que de la récolte 2013 (40.325,89 euros).
Le mandataire judiciaire a fait savoir au créancier par courrier recommandé qu'il ne proposerait l'admission de la créance ayant trait aux récoltes 2010-2012 qu'à hauteur de 1171,44 euros et l'admission de la créance ayant trait à la récolte 2013 qu'à hauteur de 33.781,22 euros au regard des décisions prises à ce titre par les instances dirigeantes de la cave.
La société Grand Alcyon a maintenu sa déclaration en critiquant la validité des décisions qui lui étaient opposées.
Par ordonnance du 7 janvier 20l6 le juge commissaire a sursis à statuer afin qu'une décision incontestable soit prise par la société débitrice ou la juridiction compétente quant à la rémunération des apports.
Par ordonnance du 10 juillet 2017, le juge commissaire a à nouveau sursis à statuer sur le montant de la créance de la société Grand Alcyon jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne dans l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Carpentras sous le numéro RG 15/01927.
Par décision définitive du 4 septembre 2018 (numéro RG 15/01927), le tribunal de grande instance de Carpentras a annulé l'ensemble des délibérations du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la société Cave de [Localité 8] du 16 décembre 2013, 23 avril 2015, 20 janvier 2016, 31 mars 2016, 31 mai 2016.
Par exploits des 5 et 6 avril 2022, la société Grand Alcyon a fait assigner la société Cave de [Localité 8] pour - qu'en présence du mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan de redressement depuis lors adopté - sa créance soit fixée dans ladite procédure à la somme de 105.459,87 euros et que le défendeur soit condamné à lui payer diverses sommes au titre notamment des annuités échues du plan adopté et des dommages et intérêts pour procédure abusive, devant le tribunal judiciaire de Carpentras. Cette action a été déclarée irrecevable par le juge de la mise en état de Carpentras selon ordonnance du 4 octobre 2022.
Le 3 novembre 2022, la SCEA Grand Alcyon a adressé au juge commissaire des conclusions de reprise d'instance.
Par ordonnance du 4 juillet 2023, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Carpentras :
« Ecarte l'exception de péremption.
Disons que la réclamation de la SCEA Grand Alcyon tendant à ce que sa créance portant sur la rémunération de ses apports à la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] pour les années 2010 à 2013 soit fixée judiciairement sur la base de conclusions d'un rapport d'expertise et non par le biais des décisions prises par les instances dirigeantes de la personne morale, conformément aux règles régissant celle-ci, relève de la compétence du tribunal judiciaire de Carpentras.
Disons que, sauf recours, la présente décision ouvre à la SCEA Grand Alcyon un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente.
Disons qu'en l'absence de diligences des parties et/ou de rejet dé nitif de ladite réclamation, il y a lieu de surseoir à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés)
Ordonnons l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Disons n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles.».
***
La société Cave de [Localité 8] a relevé appel le 13 juillet 2023 de cette ordonnance pour la voir infirmer, annuler ou réformer en ce qu'elle a :
écarté l'exception de péremption.
dit que la réclamation de la société Grand Alcyon tendant à ce que sa créance portant sur la rémunération de ses apports à la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] pour les années 2010 à 2013 soit fixée judiciairement sur la base de conclusions d'un rapport d'expertise et non par le biais des décisions prises par les instances dirigeantes de la personne morale, conformément aux règles régissant celle-ci, relève de la compétence du tribunal judiciaire de Carpentras.
dit que, sauf recours, la présente décision ouvre à la société Grand Alcyon un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente.
dit qu'en l'absence de diligences des parties et/ou de rejet définitif de ladite réclamation, il y a lieu de surseoir à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés.
Et a rejeté les conclusions de la société Cave de [Localité 8] visant à :
au principal et in limine litis
Juger périmée l'instance introduite par la société Grand Alcyon en fixation de sa créance au passif de la société Cave de [Localité 8] à défaut d'avoir déposé des conclusions en reprise d'instance avant le 4 septembre 2020.
Débouter la société Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions.
Fixer sa créance au passif de la société Cave de [Localité 8] à la somme de 1.171,44 euros à titre chirographaire selon la proposition initiale de la société BRMJ, es qualités de mandataire judiciaire.
Subsidiairement, à défaut de péremption d'instance,
Juger le juge-commissaire incompétent pour connaitre de la contestation de créance de la société Grand Alcyon en raison de la discussion sérieuse tenant à la valorisation des apports effectués auprès de la société Cave de [Localité 8] au titre des années 2010 à 2013.
Débouter la société Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions
En conséquence,
Inviter la société Grand Alcyon à saisir dans le délai d'un mois de la notification de son ordonnance, le tribunal judiciaire de Carpentras afin qu'il tranche la question de la valorisation de ses apports.
Plus subsidiairement, à défaut de péremption et d'incompétence du juge-commissaire,
Juger que la rémunération des apports de la société Grand Alcyon GRAND aux acomptes déjà perçus pour les millésimes 2010 à 2013 est conforme à l'équité due aux coopérateurs et aux règles statutaires de la société cave de [Localité 8].
Débouter la société Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions.
En conséquence,
Débouter la société Grand Alcyon de toutes ses demandes et conclusions et admettre sa créance au passif de la société Cave de [Localité 8] pour la somme de 1.171,44 euros à titre chirographaire.
En tout état de cause
Condamner la société Grand Alcyon à porter et payer à la société Cave de [Localité 8], la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Juger les dépens en frais privilégiés de la procédure collective. ».
***
Dans ses dernières conclusions, la société Cave de [Localité 8], appelante, intimée incidente, demande à la cour, au visa des articles 386 et 388 du code de procédure civile, de :
« Déclarer recevable l'appel formé par la SCA La cave de [Localité 8],
Infirmer l'ordonnance du 4 juillet 2023,
In limine litis,
Juger que l'action de la SCEA Grand Alcyon en fixation de sa créance au passif de la SCA Cave de [Localité 8] est périmée à défaut d'avoir été introduite avant le 4 septembre 2020,
Débouter la SCEA Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions,
Juger que le rapport [L] est inopposable à la SCEA Grand Alcyon puisqu'il n'y a jamais eu ni appel en cause ou intervention volontaire durant l'expertise judiciaire,
Fixer sa créance à la somme de 1 171,44 euros à titre chirographaire selon la lettre recommandée de la SELARL BRMJ ès qualité de mandataire judiciaire.
Subsidiairement à défaut de péremption d'instance,
Juger le juge commissaire incompétent pour connaitre de la contestation de créance de la SCEA Grand Alcyon en raison de la contestation sérieuse au titre de la rémunération des apports des récoltes 2010 à 2013.
Juger que le rapport [L] est inopposable à la SCEA Grand Alcyon, puisqu'il n'y a jamais eu ni appel en cause ou intervention volontaire durant l'expertise judiciaire,
Débouter la SCEA Grand Alcyon de tous ses moyens fins et conclusions,
Subsidiairement à défaut de péremption d'instance et d'incompétence du juge commissaire,
Juger que le rapport [L] est inopposable à la SCEA Grand Alcyon, puisqu'il n'y a jamais eu ni appel en cause ou intervention volontaire durant l'expertise judiciaire,
Juger que la rémunération des apports de la SCEA Grand Alcyon à la SCA Cave de [Localité 8] est conforme aux principes du code rural et de la pêche maritime,
Condamner SCEA Grand Alcyon à la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance distrait au profit de la Selarl Guilhem Nogarede. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Cave de [Localité 8], appelante, intimée incidente, expose in limine litis que l'instance est périmée car le jugement du tribunal de grande instance du 4 septembre 2018 a constitué la fin de la cause du sursis prononcé le 10 juillet 2017. Or, ce n'est qu'en 2022 que le créancier a sollicité une reprise d'instance devant le juge commissaire et c'est le 31 juillet 2023 qu'il introduit sa demande au fond après avoir été débouté sur la procédure initiée le 1er avril 2022 par ordonnance du juge de la mise en état. La société Cave de [Localité 8] soutient que les diligences aux fins de reprise d'instance sont indépendantes et autonomes de la procédure de vérification du passif et que le créancier ne peut se retrancher derrière une absence de diligence à accomplir dans le cadre de la procédure de vérification d'instance pour échapper à la péremption.
Sur le fond, la société Cave de [Localité 8] conclut à l'inopposabilité du rapport [L] pour ne pas avoir été mise en cause. Elle ajoute que ses apports de récolte ne sont nullement évoqués dans le rapport et que celui-ci lui a été adressé sans les annexes, ce qui est une atteinte au principe du contradictoire. En tout état de cause, elle fait valoir que les informations ayant servies aux conclusions de l'expert sont incohérentes et que le rapport [L] n'est pas crédible.
En définitive, elle ne se reconnait redevable que d'une somme de 1 171,44 euros, ainsi que reconnu par le mandataire judiciaire sur le fondement des décisions des organes de gouvernance.
***
Dans ses dernières conclusions, la société Grand Alcyon, intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa de l'article 74 du code de procédure civile, de :
« Déclarer l'exception de péremption soulevée par l'appelante irrecevable.
Subsidiairement, la rejeter comme non fondée.
Vu les articles L 624-2 et R 624-5 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la procédure de redressement judiciaire de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8],
Confirmer l'ordonnance entreprise en première instance en ce qu'elle a décidé de renvoyer la cause devant le juge du fond.
Infirmant partiellement l'ordonnance entreprise en première instance,
Juger qu'il appartiendra au juge-commissaire de surseoir à statuer sur l'admission définitive de la créance de l'intimée au passif de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne au fond sur la fixation du montant de cette créance.
Condamner la SCA Cave de [Localité 8] ' [B] et [F] à payer à la société SCEA Du Grand Alcyon la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Grand Alcyon, intimée, appelante incidente, expose tout d'abord que l'exception de péremption est irrecevable car elle aurait du être présentée simultanément avec l'exception d'incompétence soulevée devant le tribunal judiciaire de Carpentras, par application de l'article 74 du code de procédure civile, étant donné que la procédure suivie devant le juge commissaire et le tribunal judiciaire de Carpentras sont une seule et même instance suivie depuis l'origine, une seule procédure en admission/contestation de créance.
Le créancier soutient en outre que l'instance en contestation de créance ne peut faire l'objet d'une péremption sur le fondement de l'article 386 du code de procédure civile car les créanciers n'ont aucune diligence à faire, autre que leur déclaration de créance dans les délais légaux.
Il ne critique pas la décision de première instance qui a décidé que la question de la fixation de la créance relevait de la compétence du tribunal judiciaire de Carpentras, sauf à préciser que la procédure collective a été ouverte avant l'ordonnance du 12 mars 2014. Il précise qu'une instance est d'ailleurs en cours devant le tribunal judiciaire de Carpentras.
Il conclut à l'irrecevabilité de la demande de fixation de créance, une instance étant en cours sur ce point, et considère que la cour n'est saisie que de la question de la compétence pour statuer en l'état sur l'admission de sa créance.
Enfin, le créancier forme appel incident sur la disposition qui donne pouvoir aux instances dirigeantes de la cave de statuer sur le montant de la rémunération des apports concernés alors qu'une fixation judiciaire s'impose.
Le ministère public s'en rapporte.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la péremption d'instance :
Selon l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, le juge-commissaire, au vu des propositions du mandataire judiciaire, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
En présence d'une contestation sérieuse, le juge commissaire doit surseoir à statuer pour dépassement de son office juridictionnel. Il lui incombe, en application de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa version applicable à l'espèce, de constater que la contestation fait l'objet d'une contestation sérieuse, de dire que la demande d'admission de la créance excède ses pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et inviter l'auteur de la contestation à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois de la signification de la décision, à peine de forclusion.
Ce n'est pas ce qui a été décidé par le juge commissaire les 7 janvier 2016 et 10 juillet 2017 : il a prononcé un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive dans l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Carpentras sous le numéro RG 15/01927. Cette instance concernait un litige opposant initialement l'Earl les Avocats (un autre créancier) et les organes de la procédure collective ainsi que le débiteur.
Etant donné que la SCEA du Grand Alcyon était intervenue volontairement à la procédure le 26 janvier 2017, le juge commissaire n'avait pas à décider le 10 juillet 2017 que la contestation de créance dépassait son office juridictionnel car la saisine par anticipation de la juridiction apte à trancher le litige ôtait à la contestation son influence sur l'admission de la créance.
Com. 13 février 2019 n°1721216
Après la fin de la cause de sursis à statuer, le juge commissaire, saisi par le créancier en reprise d'instance, a écarté l'exception de péremption et a décidé que la contestation ne relevait pas de sa compétence dans l'ordonnance déférée et non pas dans ses précédentes décisions de 2016 et 2017.
Selon l'article 388 du code de procédure civile, la péremption doit être, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen. Il s'agit d'une exception éteignant l'instance et non l'action.
Par acte du 1er avril 2022, le créancier avait fait délivrer au débiteur et aux organes de la procédure collective une assignation devant le tribunal judiciaire de Carpentras.
Les défendeurs avaient déposé des conclusions d'incident aux fins d'incompétence devant le juge de la mise en état et il avait été fait droit à cette exception par ordonnance du 4 octobre 2022. Cette instance est donc close. Elle est distincte de la procédure de vérification de créances dont l'instance était suspendue par le sursis à statuer, sans application de l'article R.124-2 du code de commerce.
Le 3 novembre 2022, la SCEA Grand Alcyon a adressé au juge commissaire des conclusions de reprise d'instance. Les intimés opposent au créancier la péremption de l'instance avant tout autre moyen, de sorte que l'exception est recevable.
Mais la péremption d'instance a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties. Or les créanciers n'ont aucune diligence à accomplir une fois leurs déclarations effectuées car les opérations de vérification des créances incombent aux mandataires judiciaires. En effet, le juge commissaire n'est pas saisi directement par le créancier, mais par la liste des créances déclarées mentionnant les propositions du mandataire judiciaire, liste que lui transmet le greffe et qui a été établie par le mandataire judiciaire
Com. 8 janvier 2020 n°1822606 à 1822608.
L'exception de péremption est par conséquent rejetée.
Sur le fond :
La déclaration de créances de la SCEA du Grand Alcyon porte sur des soldes impayés des récoltes 2010 à 2013 pour un montant total de 111 082,17 euros, sur le fondement d'un état comptable.
Le mandataire judiciaire a contesté cette créance au motif qu'elle n'était pas conforme à la décision du conseil d'administration du 16 décembre 2013 pour les millésimes 2010 à 2012 et que le conseil d'administration n'avait pas encore pris sa décision pour l'année 2013.
Ces délibérations ont été annulées par le jugement du 4 septembre 2018.
Toutes les parties admettent que la contestation de créance dépasse l'office juridictionnel du juge commissaire et seul le terme du sursis à statuer est discuté.
Le juge commissaire a décidé de surseoir à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés. Cela revient à donner au débiteur le pouvoir de fixer le terme du sursis à statuer. Par conséquent, il sera fait droit à l'appel incident du créancier et de décider de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur la contestation de créance, étant précisé que le tribunal judiciaire de Carpentras a été saisi par assignation du créancier du 31 juillet 2023.
Sur les frais de l'instance :
Les appelantes principales, qui succombent en leurs prétentions devront bénéficier d'une somme équitablement arbitrée à 2 500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera fixée au passif de la SCEA Cave de [Localité 8].
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a sursis à statuer sur la déclaration de créance concernée jusqu'à ce que les instances compétentes de la société coopérative vinicole Cave de [Localité 8] statuent régulièrement sur le montant de la rémunération des apports concernés)
Et statuant à nouveau de ce chef,
Surseoit à statuer sur le sort de la créance jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur la contestation de créance, étant précisé que le tribunal judiciaire de Carpentras a été saisi par assignation du créancier du 31 juillet 2023,
Y ajoutant,
Fixe au passif de la SCA Cave de [Localité 8] la somme de 2500 euros due à la SCEA du Grand Alcyon sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,