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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 20 mai 2025, n° 23/01183

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

M LECOMTE

Défendeur :

Atlantic Financement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salmeron

Conseillers :

Mme Moulayes, Mme Martin de la Moutte

Avocats :

Me Godefroy, Me Fraysse, Me de Sars de Roquette

T. com. Toulouse, du 1er févr. 2023, n° …

1 février 2023

Faits et procédure

Monsieur [F] [G], conseil en gestion de patrimoine, spécialisé dans le conseil en placements immobiliers et produits de défiscalisation à [Localité 5], exerce son activité d'entrepreneur individuel sous le nom commercial Ora.

A partir de 2008 et afin de promouvoir son activité, Monsieur [F] [G] a créé, développé et édité un site internet dans lequel plusieurs dispositifs de défiscalisation sont présentés notamment le dispositif dit « loi Malraux ».

Afin de conserver la preuve de sa création, il a fait procéder le 12 décembre 2009 à un constat d'huissier à propos du contenu du site.

La Sarl Atlantic Financement est une société exerçant une activité de courtage en assurance et en financement intermédiaires d'affaires en opérations commerciales et financières.

Elle a également développé un site internet qui présente des dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement immobilier, et notamment le dispositif « loi Malraux ».

Monsieur [G], estimant qu'un de ses articles sur le dispositif « loi Malraux » avait été copié sur le site internet de la Sarl Atlantic Financement, a fait dresser constat d'huissier le 11 novembre 2020.

Il en a avisé la société par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 novembre 2020, la mettant en demeure de retirer de son site internet le contenu plagié.

Par assignation en date du 19 mars 2021, Monsieur [F] [G] a assigné la Sarl Atlantic Financement devant le tribunal de commerce de Toulouse afin qu'elle soit condamnée à lui payer la somme totale de 60 000 euros au titre de divers préjudices.

Par jugement du 1er février 2023, le tribunal de commerce de Toulouse, après s'être déclaré compétent, a :

- débouté Monsieur [F] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit l'exécution provisoire de plein droit,

- condamné Monsieur [F] [G] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 30 mars 2023, Monsieur [F] [G] a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation des chefs du jugement qui ont :

- débouté Monsieur [F] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit l'exécution provisoire de plein droit,

- condamné Monsieur [F] [G] aux entiers dépens.

La clôture est intervenue le 3 février 2025, et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 mars 2025.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions d'appelant n°1 notifiées le 29 juin 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [F] [G] demandant, au visa des articles 1240 et suivants, de :

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 1er février 2023, en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [F] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamné Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit l'exécution provisoire de plein droit ;

- condamné Monsieur [F] [G] aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Atlantic Financement à payer à M. [G] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique lié au détournement de clientèle,

- condamner la société Atlantic Financement à payer à M. [G] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- condamner la société Atlantic Financement à payer à M. [G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte d'investissement ;

- condamner la société Atlantic Financement à payer à M. [G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner ;

- condamner la société Atlantic Financement à payer à M. [G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte d'image ;

- ordonner à titre de complément de dommages et intérêts la publication aux frais de la société Atlantic Financement de la décision à intervenir, par extraits au choix de Monsieur [F] [G] dans trois médias français au choix de ce dernier sans que la valeur globale de ces publications n'excède la somme de 10 000 euros augmentée de la tva ;

- ordonner à ce que dans un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la société Atlantic Financement procède à ses frais et pendant une durée d'un mois à la publication du jugement à intervenir, par extraits au choix de Monsieur [F] [G], sur la page d'accueil de son site internet accessible à l'adresse www.atlanticfinancement.com comme suit : au-dessus de la ligne de flottaison, dans la partie centrale du premier écran de présentation qui s'affiche en appelant l'adresse www.defiscalisez-france.fr de façon visible, et en caractères « times new roman », de taille 12, sans italique, de couleur noire et sur fond blanc, sans mention ajoutée, dans un encadré de 468x120 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être immédiatement précédé du titre communique judiciaire en lettres capitales, de taille 14, sans italique, de couleur noire et sur fond blanc ;

- ordonner à ce que dans un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, que la société Atlantic Financement procède à ses frais et pendant une durée de six mois à l'insertion sur la partie supérieure de la première page de son site www.atlanticfinancement.com d'un lien hypertexte renvoyant au site www.ora-defiscalisation.com ;

- ordonner que l'ensemble des astreintes commencera à courir passé un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir sur les condamnations assorties de l'exécution provisoire et, à défaut d'exécution provisoire, à compter de l'expiration du délai d'appel, que l'ensemble des astreintes prononcées sont productrices d'intérêts au taux légal et se réserver le pouvoir de liquider les astreintes prononcées ;

- condamner la société Atlantic Financement à payer à M. [G] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Atlantic Financement aux entiers dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il reproche à l'intimée des actes de parasitisme économique par la reprise massive du contenu de son site internet ; il précise que le contenu plagié était le fruit de son travail, et ne résultait pas d'une simple reprise des textes légaux.

Il affirme ainsi que la société Atlantic Financement a profité de sa notoriété en s'appropriant un travail intellectuel dont il était l'auteur.

Vu les conclusions d'intimée n°2 notifiées le 31 janvier 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Atlantic Financement demandant, au visa des articles 1240 et 1343-5 du code civil, 9, 42 et 46 du code de procédure civile, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré sa compétence ;

- débouté Monsieur [F] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamné Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit l'exécution provisoire de plein droit ;

- condamné Monsieur [F] [G] aux entiers dépens.

Y ajoutant :

- condamner Monsieur [F] [G] à la somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive,

Subsidiairement :

- accorder à la Société Atlantic Financement des délais de paiement échelonnés sur 24 mois à compter de l'arrêt à intervenir pour s'acquitter des sommes dont elle serait débitrice,

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens.

Elle conteste en premier lieu exercer une activité concurrente de celle de Monsieur [G], que ce soit en terme de secteur d'activité, ou de secteur géographique.

Sur le parasitisme économique, elle rappelle qu'il ne peut être constitué en cas de copie qu'à la condition de caractériser un investissement de celui qui affirme avoir été plagié ; or en l'espèce, les articles litigieux ne font que présenter le dispositif « loi Malraux », ce qui ne constitue pas une 'uvre intellectuelle originale.

Enfin elle conteste tout préjudice en lien avec la faute alléguée.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater que les parties ne contestent pas le chef de jugement relatif à la compétence du tribunal de commerce de Toulouse ; la Cour n'en est donc pas saisie.

Sur la concurrence déloyale par parasitisme économique

Il ressort des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil que tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La libre concurrence supposant la licéité du dommage concurrentiel, l'action en concurrence déloyale repose sur une responsabilité pour faute prouvée et non sur une présomption de responsabilité ; c'est au demandeur de rapporter la preuve de la faute.

La jurisprudence reconnaît plusieurs fautes constitutives de concurrence déloyale, à savoir le dénigrement, les pratiques ayant désorganisé l'entreprise, un réseau de distribution ou un marché tout entier, la confusion par imitation ou par copie servile, et le parasitisme économique.

En l'espèce, c'est le parasitisme économique qui est invoqué par l'appelant.

Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Le parasitisme résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion.

Il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque, ainsi que la volonté d'un tiers de se placer dans son sillage.

Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit.

Les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme.

Monsieur [G] fait valoir qu'il exerce une activité de conseil en patrimoine, et qu'il a développé dans ce cadre un site internet ora-defiscalisation.com, dans lequel il propose des guides explicatifs de différents dispositifs de défiscalisation, notamment celui résultant de la Loi Malraux.

Il justifie par la production d'un constat d'huissier du 12 décembre 2009 de la mise en ligne de ce guide « Loi Malraux » sur son site internet.

Il précise que ce guide n'est pas une simple synthèse des dispositions légales, et qu'il a travaillé sur une présentation, des formulations et un vocabulaire lui permettant de répondre aux attentes des algorithmes des moteurs de recherches afin de bénéficier d'un bon référencement, et d'attirer ainsi une clientèle nouvelle.

Il reproche à la société intimée d'avoir proposé sur son site internet atlanticfinancement.fr un guide sur le dispositif « Loi Malraux » reproduisant à l'identique son travail, ayant eu pour conséquence un déréférencement de son site et une perte de chance de réaliser des opérations économiques.

La société Atlantic Financement conteste en premier lieu être une société concurrente de celle de Monsieur [G], tant du point de vue de son activité que du secteur géographique dans lequel elle l'exerce.

Elle ajoute que l'appelant ne démontre pas un travail particulier réalisé sur le dispositif « Loi Malraux », son guide n'étant qu'un résumé des dispositions légales, et qu'il ne rapporte pas plus la preuve de la paternité de l'article publié sur son site.

Elle affirme enfin qu'il n'est pas démontré que l'article litigieux ait encore été présent sur le site internet ora-defiscalisation.com après le constat du 12 décembre 2009.

Il convient de relever que si Monsieur [G] affirme être gestionnaire de patrimoine, et qu'Atlantic Financement se présente sur son site internet comme courtier en crédit immobilier, il ressort de leurs extraits Kbis qu'elles ont en commun une activité de courtage en opérations de banque et en services de paiement.

C'est donc en vain que l'intimée affirme ne pas faire de chiffre d'affaires par l'activité de conseil en gestion de patrimoine, dans la mesure où l'activité concurrentielle est celle de courtage en opérations de banque.

De la même manière, le fait que les deux sociétés exercent leurs activités dans des départements éloignés (Haute-Savoie pour Monsieur [G], et Vendée pour Atlantic Financement) est sans effet sur la question de l'activité concurrentielle, dans la mesure où les faits objets du litige concernent des sites internet accessibles sur l'ensemble du territoire.

Monsieur [G] et la société Atlantic Financement exercent dont des activités concurrentielles, sur le sujet objet du litige.

Par ailleurs, la Cour constate que la société Atlantic Financement produit en pièce n°9 l'impression de la page internet extraite du site ora-defiscalisation.com sur la présentation de la Loi Malraux ; cette impression est datée en bas de page du 29 novembre 2021, de sorte que c'est à tort qu'Atlantic Financement affirme qu'il n'est pas démontré que ce guide « Loi Malraux » ait été en ligne postérieurement au constat d'huissier du 12 décembre 2009.

Elle produit elle-même la preuve contraire à ses affirmations.

La Cour constate qu'il ressort du constat d'huissier du 12 décembre 2009, et de l'impression datée du 29 novembre 2021 de la page internet ora-defiscalisation.com sur la Loi Malraux, que le guide proposé est articulé autour des 15 titres suivants :

- Principe de la loi Malraux

- Qui peut bénéficier de la loi défiscalisation Malraux '

- Historique et règles de la loi Malraux '

- Les avantages fiscaux de la loi Malraux

- Les logements concernés par la loi Malraux '

- Les obligations du régime Malraux

- Les travaux concernés par la loi Malraux

- Le cumul d'économies fiscales est-il possible '

- Peut-on louer le bien à ses enfants '

- Peut-on démembrer le bien immobilier Malraux Usufruitier ' Nu propriétaire '

- Peut-on acheter un appartement Malraux en indivision '

- Peut-on investir en Malraux avec une SCI '

- A propos de la plus-value d'un investissement Malraux '

- L'investissement Malraux et le plafond des niches fiscales '

- Déclaration fiscale Malraux '

Ces titres sont repris strictement à l'identique sur le site atlanticfinancement.fr, dans l'arborescence permettant d'accéder à un article pour chacun de ces titres, selon le constat d'huissier réalisé le 11 novembre 2020.

Le contenu des articles sous ces titres ne diffère que très légèrement, des paragraphes entiers étant repris à l'identique du texte mis en ligne par Monsieur [G], au mot et à la ponctuation près, sous les 15 titres concernés, les quelques rares modification concernant un ajout pour coller au plus près de l'actualisation de la loi.

Par ailleurs, sous le titre « Les avantages fiscaux de la loi Malraux », les trois tableaux de simulation du site de Monsieur [G] sont exactement repris sur le site de l'intimée.

Enfin, la Cour constate que le mécanisme du titre comportant une question, avec une réponse immédiate « oui » ou « non » en lettres majuscules, suivie d'un point d'exclamation, a également été repris à l'identique dans les 5 titres concernés.

La société Atlantic Financement ne s'est donc pas limitée à copier le texte de loi, mais elle a bien repris quasiment à l'identique le guide mis en ligne antérieurement par Monsieur [G].

Elle l'a d'ailleurs expressément admis dans un courrier adressé à l'appelant le 21 décembre 2020, qu'elle verse en pièce n°3, en ces termes :

« En premier lieu, je tiens à vous renouveler mes excuses pour avoir recopié en 2016 des informations concernant le dispositif Malraux que vous avez publié sur votre site internet.

S'agissant d'un éclairage sur le dispositif fiscal, je n'ai pas mesuré l'incidence que cela pouvait avoir aujourd'hui plus de quatre ans après les faits ».

Par ces propos explicites, elle a également admis que les paragraphes entiers repris du site de Monsieur [G] constituaient un « éclairage », et non simplement une synthèse des textes légaux.

La Cour constate en effet que le guide publié sur le site ora-defiscalisation.com constitue une explication des textes, dans un langage accessible au public non rompu à ce type de dispositif de défiscalisation, sous forme de question/réponse, agrémenté de tableaux et de simulations caractérisant un effort particulier d'analyse, de vulgarisation et de présentation du dispositif Malraux de la part de Monsieur [G].

Il ne s'agit donc pas d'une simple synthèse de la législation applicable, mais bien d'un effort intellectuel produit par l'appelant.

En contestant que Monsieur [G] soit l'auteur initial des textes repris, la société Atlantic Financement met l'appelant en situation de devoir rapporter la preuve impossible du fait que personne avant lui n'avait publié un tel guide sur le dispositif Malraux, et ce sans rapporter le moindre élément de preuve permettant de démontrer que l'appelant lui-même ait pu copier un autre auteur.

La Cour relève l'antériorité de la publication de ce guide sur le site ora-defiscalisation.com, qui contenait dès le 12 décembre 2009, les éléments copiés en 2016 par Atlantic Financement ; elle constate également qu'aucun élément de la procédure ne permet de démontrer que Monsieur [G] ne soit pas l'auteur du guide publié sur son site internet.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, le comportement fautif de la société Atlantic Financement, qui a exploité le travail et l'effort intellectuel réalisé par Monsieur [G] pour réaliser son guide du dispositif « Loi Malraux », avec la volonté de se placer dans son sillage pour capter une nouvelle clientèle en faisant l'économie d'un tel travail, est constitué.

Sur le préjudice

Monsieur [G] demande la réparation de son préjudice économique résultant du déférencement de son site internet, constitué par la perte de chance de bénéficier de revenus supplémentaires ; il sollicite également l'indemnisation d'un préjudice moral lié à la copie massive de son contenu, d'une perte d'investissement résultant du plagiat d'un contenu pour l'élaboration duquel il avait mis des moyens financiers et humains importants, et d'un manque à gagner caractérisé par la nécessité de reconstituer le contenu de son site internet.

Il demande également l'indemnisation de son préjudice de perte d'image, estimant avoir perdu en notoriété du fait du déréférencement.

Le parasitisme économique consistant à s'immiscer dans le sillage d'autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de tels actes, même limités dans le temps. (Com., 17 mars 2021, n° 19-10.414)

Le préjudice moral de Monsieur [G], résultant de la faute de la société Atlantic Financement, sera indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros, étant rappelé que la société intimée a retiré le contenu litigieux de son site internet dès la première demande de l'appelant, ce qui n'est pas contesté par ce dernier.

En revanche, Monsieur [G] ne justifie de la perte de référencement de son site par aucune des pièces produites.

Sa Pièce n°13 dénommé dans son bordereau « statistique de fréquentation du site de M. [G] entre 2016 et 2019 » se présentant comme une vue d'ensemble du nombre de connexions pour les années concernées, ne permet pas d'établir un lien entre le nombre de vues du site ora-defiscalisation.com, avec des pics et des creux, et l'insertion des mentions contestées dans le site Atlantic Financement.

Monsieur [G] n'établit donc pas l'existence d'une perte de chance de conclure des affaires ou d'être visible pour de nouveaux clients, en lien avec la faute de l'intimée, étant précisé que selon la pièce n°5 produite par Atlantic Financement, la page internet du site atlanticfinancement.com relative à la Loi Malraux, n'a été visitée que 72 fois entre début 2016 et décembre 2020, pour un temps moyen passé sur cette page de 39 secondes, ce qui constitue un trafic anecdotique en terme de potentiels clients.

Il ne justifie pas plus des investissements humains et financiers dont il fait état, et qu'il présente perdus du fait d'Atlantic Financement.

Enfin, si Monsieur [G] fait état d'une notoriété en berne du fait des comportements parasitaires de la société Atlantic Financement, la Cour ne peut que relever qu'aucun élément soumis à son appréciation ne permet d'attester du niveau de notoriété dont bénéficiait l'appelant, et qu'il n'est par ailleurs démontré aucun lien avec les agissements de l'intimée qui, il faut le rappeler, n'a connu qu'un nombre très limité de connexions sur sa page consacrée au dispositif Malraux.

Il sera en conséquence débouté de ses plus amples demandes indemnitaires au titre du préjudice économique, de la perte d'investissements, du manque à gagner et de la perte d'image.

Monsieur [G] saisi par ailleurs la Cour d'une demande de publication d'extraits de la présente décision dans trois médias français, ainsi que sur le site atlanticfinancement.com, et d'une demande d'insertion sur ce même site internet d'un lien hypertexte renvoyant au site ora-defiscalisation.com, le tout sous astreinte.

Il motive ses demandes sur la nécessité de relancer la fréquentation de son site internet, et compenser les effets préjudiciables du comportement de l'intimée.

Toutefois, aucun des éléments débattus ne justifie de faire droit à ces demandes, dans la mesure où les mentions litigieuses ont été retirées du site atlanticfinancement.com depuis le 22 novembre 2020, ce qui n'est pas contesté par Monsieur [G], et où par ailleurs le nombre de vues sur la page internet litigieuse a été extrêmement limité.

Ainsi, le préjudice invoqué par l'appelant ne persiste pas.

Par ailleurs, il n'appartient pas à la Cour de relancer le site internet de l'appelant, et ce d'autant plus qu'aucune preuve du trafic actuel sur ce site n'est versée aux débats.

Monsieur [G] sera donc débouté de ses demandes de ce chef.

Sur les délais de paiement

Atlantic Financement demande à la Cour de lui accorder des délais de paiement échelonnés sur 24 mois à compter de l'arrêt à intervenir, afin de lui permettre de s'acquitter des condamnations mises à sa charge.

Monsieur [G] ne formule aucune observation sur cette demande.

En application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Au soutien de sa demande, l'intimée fait état des graves problèmes de santé de son gérant, qui a atteint la durée maximale d'arrêt de travail et qui ne peut plus bénéficier du versement d'indemnités journalières depuis le mois de janvier 2025, et des difficultés financières de l'entreprise, dont le résultat net comptable pour l'année 2024 est déficitaire.

Elle justifie de manière suffisante de sa situation financière précaire, et il convient d'accéder à sa demande d'échelonnement de sa dette sur 24 mois, selon les modalités formulées au dispositif du présent arrêt.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Atlantic Financement demande à la Cour de condamner Monsieur [G] au paiement de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.

Le simple fait de faire erreur sur son droit, ou de voir son action échouer en justice, ne suffit pas à rapporter la preuve du caractère abusif de la demande formulée.

En l'espèce, la société Atlantic Financement ne démontre pas que Monsieur [G] ait fait preuve de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière, et ce d'autant plus qu'une partie de ses demandes a été admise, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires

En l'état de la présente décision d'infirmation, la Cour infirmera également les chefs du jugement ayant condamné Monsieur [G] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance.

La société Atlantic Financement, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En revanche, l'équité ne commande pas d'allouer d'indemnité au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; les parties seront déboutées de leurs demandes sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions déférées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Atlantic Financement à payer à Monsieur [F] [G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;

Déboute Monsieur [F] [G] de ses autres demandes ;

Déboute la société Atlantic Financement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dirigée contre Monsieur [F] [G] ;

Prononce au bénéfice de la société Atlantic Financement, un échelonnement de sa dette résultant du présent arrêt, par le paiement de 24 échéances mensuelles égales ;

Dit qu'en cas de défaut de paiement d'une de ces échéances, le solde dû à Monsieur [F] [G] sera immédiatement exigible ;

Déboute la société Atlantic Financement et Monsieur [F] [G] de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne la société Atlantic Financement aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

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