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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 20 mai 2025, n° 22/02832

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Verspieren Assurances (SA), Tokio Marine Europe (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseiller :

M. Sousa

Conseiller :

Mme Grua

Avocats :

Me Cousseau, Me Marinos, SCP Simard Vollet Oungre Clin, SELAS Cabinet Byrd Selas

TJ Orléans, du 7 avr. 2022

7 avril 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Le 17 novembre 2011, M. et Mme [E] ont conclu 2011 avec la société Maisons Rouilly un contrat de construction d'une maison individuelle sur un terrain à bâtir situé [Adresse 4] à [Localité 14]. Le constructeur avait souscrit une garantie de livraison à prix et délais convenus auprès de HCC International Insurance Company PLC (la société HCCI) par l'intermédiaire d'un courtier, la société Verspieren assurances.

Par acte d'huissier signifiés le 22 février 2013, la société Maisons Rouilly a fait assigner M. et Mme [E] devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins notamment de voir prononcer la réception de l'ouvrage.

Le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire portant sur les désordres invoqués par le maître d'ouvrage. L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 21 mai 2014.

Le 2 février 2017, la société Tokio Marine Europe (TME) venant aux droits de la société HCCI, a informé M. et Mme [E] qu'elle se chargeait de terminer le chantier, qui a effectivement été réceptionné le 18 décembre 2018 avec réserves qui ont été levées le 24 avril 2019.

Par acte d'huissier signifié le 2 novembre 2015, M. et Mme [E] ont fait assigner la société Verspieren assurances devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de paiement des pénalités de retard. La société HCCI est intervenue volontairement à cette instance, en qualité de garant de la livraison.

Par acte d'huissier de justice en date du 19 janvier 2018, M. et Mme [E] ont mis en cause Maître [G] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Maisons Rouilly, ainsi désigné par jugement rendu le 2 novembre 2016 par le tribunal de commerce d'Orléans, aux fins d'indemnisation du préjudice subi.

Ces instances ont été jointes à celle introduite par le constructeur.

Par jugement en date du 7 avril 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Tokio Marine Europe, venant aux droits de la société HCC International Insurance compagny PLC ;

- mis hors de cause la société Verspieren de l'action formée par M. et Mme [E] sur le fondement des articles 1134 du code civil et l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté les demandes formulées par M. et Mme [E] à l'encontre de la société Verspieren ;

- dit que la société Maisons Rouilly est défaillante dans la livraison de l'ouvrage conforme à sa destination locative dans les délais contractuels et que sa responsabilité contractuelle est engagée à ce titre à l'égard de M. et Mme [E] ;

- constaté que les demandes de la société Maisons Rouilly aux fins de réception judiciaire des travaux et de paiement du solde du prix sont devenues sans objet en raison de la réalisation de l'achèvement des travaux par la société HCC lnternational Insurance Company PLC, en sa qualité de garant de la livraison à délai convenu, et de la réception des travaux avec réserves intervenue le 18 décembre 2018 ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. et Mme [E] tendant à ordonner la production par la société Maisons Rouilly de la facture d'un montant de 108,58 euros H.T correspondant à la plus-value électrique ;

- débouté M. et Mme [E] de leurs demandes en paiement et indemnitaires présentées à l'encontre de la société Verspieren ;

- condamné la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] les sommes de 7 036,32 ' au titre des pénalités de retard, de 34 850 ' au titre de leurs pertes locatives, de 152 ' au titre de la location du compteur d'eau ;

- débouté M. et Mme [E] du surplus de leurs demandes en paiement et indemnitaires présentées à rencontre de la société Tokio Marine Europe ;

- ordonné à M. et Mme [E] le paiement direct auprès de la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC de la somme de 32 375 euros restant due au titre du contrat de construction signé le 15 novembre 2011 avec la société Maisons Rouilly ;

- fixé la créance de M. et Mme [E] à l'encontre de la société Maisons Rouilly aux sommes de 34 850 euros au titre de l'indemnisation de leurs pertes locatives et de 46 052,96 euros au titre des pénalités de retard contractuelles, et dit que ces sommes devront faire l'objet d'une inscription au passif de la liquidation de la société Maisons Rouilly ;

- débouté M. et Mme [E] de leurs demandes plus amples ou contraires relatives à leur créance à l'encontre de la société Maisons Rouilly ;

- condamné la société Maisons Rouilly, représentée par son mandataire liquidateur Maître [T], et la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC, au paiement des dépens qui seront partagés entre elles à proportion de la moitié chacune, en ce compris frais d'expertise judiciaire de M. [I] [T] qui s'élèvent à 2 206,48 euros ;

- dit que les frais de constat d'huissier par Me [R] en date du 09/10/2015 ne sont pas compris dans les dépens ;

- débouté la société Tokio Marine Europe et la société Maisons Rouilly de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Maisons Rouilly, en la personne de son mandataire-liquidateur, Me [T], à verser à M. et Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Tokio Marine Europe, venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [E] à payer à la société Verspieren la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 8 décembre 2022, M. et Mme [E] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- mis hors de cause la société Verspieren de l'action formée par M. et Mme [E] sur le fondement des articles 1134 du code civil et l'article L231-6 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté les demandes formulées par M. et Mme [E] à l'encontre de la société Verspieren ;

- débouté M. et Mme [E] de leurs demandes en paiement et indemnitaires présentées à l'encontre de la société Verspieren ;

- condamné la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] les sommes de 7 036,32 ' au titre des pégalités de retard, de 34 850 ' au titre de leurs pertes locatives, de 152 ' au titre de la location du compteur d'eau ;

- déboute M. et Mme [E] du surplus de leurs demandes en paiement et indemnitaires présentées à rencontre de la société Tokio Marine Europe ;

- ordonné à M. et Mme [E] le paiement direct auprès de la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC de la somme de 32 375 euros restant due au titre du contrat de construction signé le 15 novembre 2011 avec la société Maisons Rouilly ;

- fixé la créance de M. et Mme [E] à l'encontre de la société Maisons Rouilly aux sommes de 34 850 euros au titre de l'indemnisation de leurs pertes locatives et de 46 052,96 euros au titre des pénalités de retard contractuelles, et dit que ces sommes devront faire l'objet d'une inscription au passif de la liquidation de la société Maisons Rouilly ;

- débouté M. et Mme [E] de leurs demandes plus amples ou contraires relatives à leur créance à l'encontre de la société Maisons Rouilly ;

- condamné M. et Mme [E] à payer à la société Verspieren la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Les appelants ont fait signifier la déclaration d'appel à Me [T] par acte d'huissier de justice délivré le 30 mars 2023 par procès-verbal de recherches infructueuses.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 31 décembre 2024, M. et Mme [E] demandent à la cour de :

- dire recevable et bien fondé leur appel ;

- infirmer le jugement en ses chefs visés dans la déclaration d'appel ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société Verspieren à leur payer la somme de 39 016,64 euros au titre des pénalités forfaitaires pour la période du 30 mai 2013 au 19 novembre 2015 ;

- condamner la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC à leur payer la somme de 7 036,32 au titre des pénalités forfaitaires pour la période du 30/11/2015 au 24/04/2019 (soit la somme de 54 036,32 ' de laquelle sont déduites la somme de 32 000 ' due par les époux [E] au titre du chantier et la somme de 15 000 ' déjà versée par la société HCC International en janvier 2019) ;

- condamner la société Verspieren à leur payer la somme de 25 500 euros au titre des pertes locatives pour la période du juin 2013 à novembre 2015 ;

- condamner solidairement la société Tokio Marine Europe et la société Verspieren à leur payer la somme de 34 850 euros au titre des pertes locatives de décembre 2015 au 24 avril 2019 (levée des réserves) ;

- condamner solidairement la société Tokio Marine Europe et la société Verspieren à leur payer la somme de 152 euros au titre de la location du compteur d'eau ;

- condamner solidairement la société Tokio Marine Europe et la société Verspieren à leur payer les sommes de :

o 526,24 euros TTC correspondant aux prestations de la société Dekra ;

o 3 253,08 euros au titre des intérêts intercalaires qu'ils ont dû régler depuis le mois de juin 2013 et jusqu'au mois de juin 2014 ;

o la somme de 1 800 ' représentant les honoraires de l'expert comptable mandaté ;

- condamner la société Verspieren à leur payer la somme de 36 252 euros au titre de la perte de la défiscalisation ;

- condamner solidairement les sociétés Verspieren et Tokio Marine Europe à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant le montant des frais d'expertise qui s'élève à 2 206,48 euros et les frais de constat de Me [R] du 1er mars 2013 qui s'élèvent à 258,09 euros ;

- confirmer la décision en toutes ses autres dispositions ;

- débouter la société Tokio Marine Europe de son appel incident.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2023, les sociétés Tokio Marine Europe (TME) et Verspieren demandent à la cour de :

Vis-à-vis de la société Verspieren :

- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause de la société Verspieren ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [E] à payer à la société Verspieren la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conséquent,

- débouter les époux [E] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Verspieren ;

Vis-à-vis de la société TME :

À titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société TME à régler :

' 7 036,32 euros au titre des pénalités de retard ;

' 34 850 euros au titre des pertes locatives ;

' 152 euros au titre de la location du compteur d'eau ;

' 2 206 euros au titre des dépens ;

' 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- débouter les époux [E] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société TME ;

À titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société TME à régler :

' 34 850 euros au titre des pertes locatives ;

' 152 euros au titre de la location du compteur d'eau ;

' 2 206 euros au titre des dépens ;

' 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement seulement en ce qu'il a condamné la société TME à régler 7 036,32 euros au titre des pénalités de retard ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [E] à régler à la société TME la somme de 32 275 euros au titre des appels de fonds ;

- ordonner la compensation de ces appels de fonds avec toute somme à laquelle la société TME serait condamnée ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [E] de l'ensemble de leurs autres demandes en paiement ou indemnitaires à l'encontre de la société TME ;

- condamner les époux [E] à payer à la société TME et à la société Verspieren la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner les époux [E] aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

La cour a interrogé les parties sur l'irrecevabilité éventuelle des demandes à l'égard de la société Maisons Rouilly, le liquidateur judiciaire étant dessaisi par suite du jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif prononcé le 6 juillet 2018.

Les parties n'ont formulé aucune observation dans le délai imparti.

MOTIFS

I- Sur les demandes à l'égard de la société Maisons Brouilly

La clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif prive le liquidateur du droit de représenter le débiteur, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (2e civ., 17 octobre 2002, pourvoi n° 01-13.553). Seul un mandataire ad'hoc désigné à cette fin peut donc représenter en justice la société dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.

Les appelants ont fait signifier la déclaration d'appel au liquidateur judiciaire de la société Maisons Rouilly, pourtant dessaisi de la représentation de celle-ci depuis la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif le 6 juillet 2018. Il apparaît en outre que le mandataire judiciaire a cessé son activité, ce qui justifie que l'acte de signification de la déclation d'appel a été délivré par procès-verbal de recherches infructueuses.

Il s'ensuit que la déclaration d'appel n'ayant pas été signifiée à un mandataire ad'hoc seul à même de représenter la société Maisons Rouilly en cause d'appel, les demandes formées à l'encontre de la la société Maisons Brouilly non régulièrement appelée à l'instance sont irrecevables.

II- Sur les demandes à l'encontre de la société Verspieren

Moyens des parties

M. et Mme [E] soutiennent que la société Maisons Rouilly a souscrit une garantie de livraison à prix et délais convenus par le biais de la société Verspieren qui a donc agi en qualité d'intermédiaire auprès de la société HCC International ; que le courrier de refus reçu en 2013 adressé par la Verspieren est établi à la seule entête de Verspieren ce qui laisse à penser que cette réponse est à sa seule initiative, d'autant que cette société est, selon son site, forte d'une équipe qui réunit des juristes et des techniciens de la construction, car elle est spécialisée et expérimentée dans la souscription des assurances construction obligatoire ; qu'à aucun moment, la société Verspieren n'a demandé aux maîtres d'ouvrage d'écrire à HCC International ; que la société Verspieren a donc commis une faute en ne communiquant pas au garant les quatre déclarations de sinistre dont la première date de juillet 2013 ce qui est confirmé par la société HCC International dans ses conclusions récapitulatives ; que la société HCCI reconnaîtra ne pas avoir été informée par la société Verspieren des quatre lettres recommandées qu'ils leur ont adressé afin d'obtenir au bénéfice de leur chantier la garantie de livraison à prix et délais convenus ; qu'ils ont détaillé dans leurs mises en demeure les décisions rendues dans le dossier les opposant aux Maisons Rouilly ; que lorsque l'assignation leur a été délivrée le 2 novembre 2015, la société HCCI savait que l'assignation, l'ordonnance de référé, la date d'expertise et le rapport d'expertise avaient été communiqués à la société Verspieren ; qu'il est donc déduit et prouvé des écritures de la société HCCI que la société Verspieren a commis une faute envers le garant, qui l'a empêché de mettre en 'uvre, dès juillet 2013, sa garantie au profit du chantier garanti ; que ces manquements, présentant un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi, ont contribué à un retard de livraison de l'immeuble ainsi qu'à la perte de loyers, la perte de la défiscalisation, ouvrant droit aussi au versement des pénalités de retard telles que définies à l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation.

La société Verspieren réplique que la société Maisons Rouilly a souscrit une garantie de livraison à prix et délai convenus par le biais de la société Verspieren auprès de la société HCCI, tel que cela apparaît clairement dans le certificat de garantie ; que les demandeurs l'ont initialement faite assigner, en considérant qu'elle était le garant du chantier et demandé sa condamnation en cette qualité ; qu'il a été indiqué par la société HCCI, intervenante volontaire, dans ses premières conclusions devant le tribunal judiciaire que cela était erroné, car la société Verspieren n'était pas garant de livraison ; que pour corriger leur erreur d'assignation, les époux [E] ont répliqué que qu'elle serait responsable à leur égard pour ne pas avoir communiqué au garant les courriers de réclamation et ainsi retardé la prise en charge de leur chantier par la société HCCI ; que les époux [E] ne savent rien des échanges entre la société HCCI puis TME et la société Verspieren ; que la société TME ne nie pas avoir été informée des courriers de réclamation des époux [E] par la société Verspieren ; qu'en revanche il y a, une différence entre recevoir des courriers de la part des maîtres d'ouvrage donnant leur version de l'histoire et avoir des informations sur une procédure judiciaire en cours et surtout faire partie de la procédure elle-même ; qu'il est surprenant de voir les maîtres de l'ouvrage alléguer une faute de sa part vis-à-vis de la société TME alors que celle-ci ne lui reproche rien ; qu'en tout état de cause, ces courriers ne font état que de la position des maîtres de l'ouvrage, puis font état d'une expertise judiciaire et enfin du rapport d'expertise rendu ; qu'en réalité, l'absence d'intervention sur le chantier de la société TME ne résulte pas de l'absence d'information donnée par la société Verspieren mais seulement de l'absence de défaillance de la société Maisons Rouilly à cet instant ; que la société TME n'avait alors aucune raison d'intervenir jusqu'au placement en liquidation judiciaire de la société Maisons Rouilly, le 2 novembre 2016 ; qu'elle n'a commis aucune faute, n'étant tenue d'aucune obligation à l'égard des maîtres de l'ouvrage et sa responsabilité ne saurait se voir engagée en sa qualité d'intermédiaire d'assurance ; qu'en tout état de cause, aucune faute n'est démontrée à son encontre de nature à pouvoir entraîner une quelconque condamnation à son encontre ; que la cour confirmera donc le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause.

Réponse de la cour

L'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

En l'espèce, la société Verspieren est intervenue en qualité d'intermédiaire d'assurance, au titre du contrat de garantie de livraison souscrit par la société Maisons Rouilly auprès de la société HCCI devenue la société TME. M. et Mme [E] ne pouvaient ignorer que la société Vespieren n'était pas le garant de livraison, puisque le certificat de garantie mentionne que la société HCCI déclarait accorder la garantie de livraison à prix et délai convenus pour la construction concernée, et était signée par la société Verspieren « courtier en assurances » et « par délégation ».

La notice annexée au certificat de garantie prévoit que « Le Maitre de l'ouvrage doit informer par lettre recommandée avec accusé de réception, la société Verspieren, sise [Adresse 9] - [Localité 10], mandataire de la Cautiom, dès qu'il en a connaissance, de tout événement constitutif d'une défaillance du constructeur dans l'exécution de ses obligations contractuelles ».

C'est ainsi que M. et Mme [E] ont écrit à la société Verspieren à plusieurs reprises à compter du 18 juillet 2013, pour solliciter l'application de la garantie de livraison. La société Verspieren n'avait nullement à informer M. et Mme [E] d'écrire directement à la société HCCI, puisqu'elle devait être la destinataire des courriers des maîtres de l'ouvrage, aux termes du contrat de garantie.

M. et Mme [E] allègue un défaut de transmission de ses courriers par la société Verspieren à la société HCCI, sur la foi des conclusions de celle-ci mentionnant ne pas avoir été informée des « tenants et aboutissants » de la procédure diligentée par eux. Aucun élément ne permet de retenir ce défaut de transmission. En revanche, il est certain que le garant de livraison n'a pas été mis en cause par les maîtres de l'ouvrage, de sorte que les opérations d'expertise judiciaire n'ont été réalisées qu'au contradictoire de la société Maisons Rouilly et de M. et Mme [E].

Ce n'est qu'après délivrance de l'assignation à la société Verspieren le 2 novembre 2015, par M. et Mme [E], que la société HCCI est intervenue volontairement à l'instance, en qualité de garant de la livraison, preuve que la société Verspieren communiquait avec celui-ci dans le cadre du mandat qui les unissait.

En outre, il n'est pas démontré que la société Verspieren était contractuellement tenue de communiquer les courriers des maîtres de l'ouvrage à la société HCCI, alors que le contrat de mandat qui unissait les deux sociétés ne l'obligeait qu'à rendre compte à son mandant. Il apparaît que tel a bien été le cas puisque par courrier du 22 août 2013, la société Verspieren a écrit à M. et Mme [E] pour leur faire part d'un refus de garantie en ces termes :

« le garant se substituant au constructeur uniquement en cas de défaillance de ce dernier. Or, à ce jour rien ne prouve la défaillance de celui-ci, bien au contraire puisqu'il a engagé une procédure à votre encontre ».

M. et Mme [E] ne démontrent pas que la société Verspieren aurait commis une faute envers le garant, dans le cadre du mandat qui l'unissait à la société HCCI, en opposant un refus de garantie auquel celle-ci n'aurait pas consenti, outre le fait que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas contesté ce refus de garantie en faisant assigner le garant de livraison en justice.

Il résulte de ces éléments que M. et Mme [E] n'établissent pas une faute de la société Verspieren qui leur aurait causé préjudice, de sorte qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes formées à l'encontre de celle-ci.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Verspieren et rejeté les demandes formulées par M. et Mme [E] à l'encontre de la société Verspieren.

III- Sur la garantie de livraison

A- Sur le prix des travaux

Moyens des parties

La société TME explique que la garantie de livraison n'a pas à couvrir d'autres préjudices que les dépassements de prix, les suppléments de prix et les pénalités de retard ; qu'elle a fait le nécessaire pour ce qui concerne le prix, puisqu'elle a pris en charge l'achèvement des travaux sans coût supplémentaire pour les maîtres de l'ouvrage ; que dès lors qu'elle a procédé aux travaux, elle est en droit de procéder aux appels de fonds des sommes encore entre les mains des maîtres de l'ouvrage relatives au prix convenu initial, en application de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation ; qu'à défaut, les maîtres de l'ouvrage termineraient leurs travaux gratuitement sans même payer le prix qu'ils s'étaient engagés à payer en contractant avec le constructeur initial ; que ce point n'est d'ailleurs pas contesté par les maîtres de l'ouvrage ; que la cour confirmera donc le jugement en ce qu'il a condamné les maîtres de l'ouvrage à lui régler la somme de 32 375 euros au titre des travaux.

M. et Mme [E] répliquent que les fonds restants dus ne sont pas de 32 500 ' mais de 32 000 ' puisque que le projet portait sur la somme de 129 500 ' ainsi que l'a rappelé l'expert ; que c'est par erreur que le tribunal les a condamnés dans son dispositif à verser le solde des travaux alors que cette somme a déjà été déduite au titre des sommes dues par la société TME au titre des pénalités forfaitaires.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L.231-6 du III code de la construction et de l'habitation, en cas de défaillance du constructeur, le garant est en droit d'exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu'il effectue ou fait effectuer dans les conditions prévues au e de l'article L.231-2.

La société TME produit les deux appels de fonds adressés à M. et Mme [E] après réalisation des travaux depuis lors réceptionnés, mentionnant une somme totale due de 32 375 euros. Les maîtres de l'ouvrage ne justifiant pas avoir réglé ladite somme, il convient de dire que M. et Mme [E] sont débiteurs de la somme de 32 375 euros envers la société TME.

B- Sur les pénalités de retard

Moyens des parties

La société TME indique que les maîtres de l'ouvrage sollicitent le paiement de pénalités de retard entre le 30 novembre 2015 (date de constitution de la société TME) et le 24 avril 2019, date du quitus de levée des réserves ; que cependant, initialement, c'est un conflit entre maîtres de l'ouvrage et constructeur ainsi qu'une expertise judiciaire à la demande des maîtres de l'ouvrage qui a conduit au retard du chantier et non la défaillance du constructeur au sens de la loi et de la garantie souscrite ; qu'en effet, la société Maisons Rouilly a demandé à être réglée de deux appels de fonds et à ce que la réception judiciaire soit prononcée, les maîtres de l'ouvrage s'y opposant en sollicitant une expertise judiciaire ; que le rapport d'expertise judiciaire note seulement 13 524 euros de travaux nécessaires qui sont assez mineurs et les maîtres de l'ouvrage avaient encore en leur possession la somme de 32 845,99 euros ; que cette expertise est donc venue prolonger le délai de réception sans raison valable puisque l'expert a confirmé que les maîtres de l'ouvrage devaient bien des fonds à la société Maisons Rouilly ; que le retard de paiement des appels de fonds des maîtres de l'ouvrage envers la société Maisons Rouilly pouvait justifier la suspension du chantier, de sorte que les pénalités de retard ne sont pas dues aux maîtres de l'ouvrage ; qu'en outre, la livraison et non la levée des réserves marque le terme des pénalités de retard ; que la cour infirmera donc le jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler des pénalités de retard aux consorts [E], et tout au plus les pénalités de retard ne pourront être dues que sur la durée entre la liquidation de la société Maisons Rouilly, le 20 novembre 2016, et la livraison le 18 décembre 2018, soit 758 jours ; que le coût de la construction étant de 129 968,99 ' le montant de la pénalité de retard journalière est de 43,32 euros ; qu'en conséquence, les pénalités de retard dues sont tout au plus de 32 836,56 euros ; qu'ayant déjà réglé aux maîtres de l'ouvrage la somme de 15 000 euros au titre d'une avance sur pénalités, elle ne pourra pas être condamnée à plus de 17 836,56 euros au titre des pénalités de retard ; que ces pénalités se compensant avec le montant des appels de fonds dus par les maîtres de l'ouvrage, ceux-ci restent redevables de la somme de 14 538,44 euros.

M. et Mme [E] expliquent que l'argument selon lequel, en sollicitant une expertise, ils ont conduit au retard du chantier, ne saurait prospérer ; que c'est uniquement pour préserver leurs droits, suite à assignation du constructeur, qu'ils ont sollicité une expertise à laquelle il a été fait droit ; que le garant ne peut exclure du calcul des indemnités de retard dues en l'absence de livraison, comme constitutive d'une faute étrangère, la durée de l'expertise judiciaire ; que le retard de livraison par la société Maisons Rouilly ne résulte en aucun cas d'une défaillance qui leur serait étrangère ; que dans le contrat visé à l'article L.231-3 du code de la construction et de l'habitation, sont réputées non écrites les clauses ayant pour objet ou pour effet de décharger le constructeur de son obligation d'exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat en prévoyant notamment des causes légitimes de retard autres que les intempéries, les cas de force majeure et les cas fortuits ; qu'au regard du rapport d'expertise, il est établi que la société Maisons Rouilly est défaillante au sens de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation ; que la garantie de livraison est l'engagement pris par une banque ou un assureur, auprès du constructeur, d'assumer financièrement l'achèvement de la construction s'il venait à être défaillant, ce qui vise non seulement la défaillance économique du constructeur mais aussi des manquements à son engagement de livrer une construction déterminée à prix et délai convenus ; que les pénalités forfaitaires prévues au contrat du fait du retard de livraison de leur construction dues au fait de la défaillance de la société Maisons Rouilly, du 30/05/2013 au 24/04/2019, date de la levée des réserves, s'élèvent à la somme de 93 052,96 euros à raison de 43,16 euros par jour de retard pendant 256 jours ; que la garantie de livraison prend fin telle que définie au paragraphe IV de l'article L 231-6 du code de la construction et de l'habitation à la réception des travaux ou à la levée des réserves ; que la cour devra juger que le retard de livraison imputable à la société HCCI solidairement avec les Maisons Rouilly est de 1 252 jours, soit du 30/11/2015, date de constitution de la société HCCI au 24/04/2019, date de la levée des réserves, au titre des pénalités forfaitaires, car la société HCCI informée de la non-livraison de l'immeuble et intervenue volontairement aux débats se devait de mettre en oeuvre son action ; que la cour prononcera la condamnation solidaire des Maisons Rouilly et la société TME à leur payer la somme de 7 036,32 euros, se décomposant comme suit : 54 036,32 euros pour 1 252 jours dont à déduire la somme de 32 000 euros qui revient de droit à HCCI qui a terminé les travaux et 15 000 euros versés par HCCI en janvier 2019 au titre des pénalités forfaitaires pour la période du 30/11/2015 au 24/04/2019.

Réponse de la cour

L'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

« I.-La garantie de livraison prévue au k de l'article L. 231-2 couvre le maître de l'ouvrage, à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus.

En cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : [...]

c) Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret.

[...]

IV.-La garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l'expiration du délai de huit jours prévu à l'article L.231-8 pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées. »

En l'espèce, M. et Mme [E] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle pour un prix de 129 500 euros, stipulant un délai de livraison de 12 mois à compter de l'ouverture du chantier. La déclaration d'ouverture de chantier a été établie le 29 mai 2012, de sorte que la construction devait être livrée au plus tard le 29 mai 2013.

Le contrat de construction stipule une pénalité de 1/3000e du prix convenu par jours ouvrables de retard à compter de l'expiration du délai de livraison.

Le rapport d'expertise judiciaire ayant été déposé le 21 mai 2014 et la demande de pénalités de retard formée à l'égard de la société TME ne portant que la période postérieure au 30 novembre 2015, date de l'intervention volontaire du garant de livraison devant le tribunal, la société TME est mal-fondée à invoquer la suspension légitime des travaux en raison de l'expertise judiciaire, pour la période antérieure non concernée par la demande en paiement.

Il convient de relever que le rapport d'expertise faisait état de malfaçons et non-façons dont le coût de reprise était évalué à la somme de 15 429,60 euros et mentionnait :

« L'expert s'étonne que la société Maisons Rouilly ait proposé par courrier R+AR une date de « Réception au 4 février à midi ou le 8 février 2013 au matin » estimant les « travaux terminés » alors qu'ils ne l'étaient manifestement pas, et en ayant produit deux demandes d'appel de fonds ».

Il est établi que le 2 novembre 2015, M. et Mme [E] ont fait assigner la société Verspieren assurances, qu'ils croyaient être le garant de livraison, devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de paiement des pénalités de retard. C'est dans ce contexte que la société HCCI est intervenue volontairement à cette instance, en qualité de garant de la livraison, le 30 novembre 2015, de sorte qu'à cette date, elle savait que les travaux n'étaient pas achevés et que la réception n'avait pas été prononcée, nonobstant le dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

Il s'ensuit que la société HCCI avait connaissance à cette date de la défaillance du constructeur au sens de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation qui ne limite pas la défaillance au seul cas de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du constructeur, étant précisée que cette défaillance avait déjà signalée par les maîtres de l'ouvrage à la société Viersperen. Le garant de livraison devait donc intervenir dès le 30 novembre 2015 pour achever les travaux.

Or, ce n'est que le 2 février 2017 que la société TME venant aux droits de la société HCCI, a informé M. et Mme [E] qu'elle se chargeait de terminer le chantier, qui a effectivement été réceptionné le 18 décembre 2018 avec réserves qui ont été levées le 24 avril 2019.

Si en application de l'article L.231-6-IV du code de la construction et de l'habitation précité, la garantie cesse à la levée des réserves lorsque celles-ci ont été formulées, comme tel est le cas en l'espèce, il résulte des articles L.231-2, i, et L. 231-6 , I, c, du code de la construction et de l'habitation que les pénalités prévues dans un contrat de construction de maison individuelle en cas de retard ont pour terme la livraison et non la levée des réserves consignées à la réception, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (3e Civ., 8 février 2023, pourvoi n° 21-16.914)

M. et Mme [E] sont donc bien-fondés à solliciter de la société TME le paiement des pénalités de de retard que du 30 novembre 2015 au 18 décembre 2018, date de la réception et de la livrasion de l'ouvrage, soit pendant 1114 jours, étant précisé que le seuil de 30 jours de pénalités de retard était déjà dépassé au 30 novembre 2015.

Le coût de la construction initial étant de 129 500 euros, la pénalité de retard journalière s'élève à la somme de 43,16 euros. Les pénalités de retard à la charge du garant de livraison, la société TME, sur la période du 30 novembre 2015 au 18 décembre 2018 s'élèvent donc à la somme de 48 080,24 euros.

Conformément aux demandes des parties, il convient de déduire de cette somme, celle due par les maîtres d'ouvrage au garant de livraison, soit 32 375 euros, et l'avance faite par la société TME au titre des pénalités de retard, soit la somme de 15 000 euros.

En conséquence, la société TME sera condamnée à payer à M. et Mme [E] de la somme de 705,24 euros (48 080,24 - 32 375 - 15 000).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] la somme de 7 036,32 euros au titre des pénalités de retard.

La somme de 32 375 euros ayant déjà été prise en compte dans le calcul de la somme due au titre des pénalités de retard, M. et Mme [E] ne peuvent être condamnés au paiement de cette somme au profit du garant de livraison, sauf à réaliser un double paiement du coût des travaux. Il convient donc d'infirmer également le jugement en ce qu'il a ordonné à M. et Mme [E] le paiement direct auprès de la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC de la somme de 32 375 euros restant due au titre du contrat de construction signé le 15 novembre 2011 avec la société Maisons Rouilly.

IV- Sur la responsabilité du garant de livraison

A- Sur la faute du garant de livraison

Moyens des parties

M. et Mme [E] expliquent que la faute de la société HCCI devenue la société TME doit être retenue à compter de la date de sa constitution en justice ; que la loi du 19 décembre 1990 a mis aussi à la charge du garant une obligation d'intervention de sa propre initiative s'il constate la défaillance du constructeur ; que la société Maisons Rouilly était encore au moment de son intervention volontaire in bonis ; que selon l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation si la société HCCI constatait que le délai de livraison n'était pas respecté, elle devait mettre en demeure la société maisons Rouilly d'avoir à terminer les travaux et devait faire de même lorsqu'elle était avisée par le maître d'ouvrage ; qu'au vu des éléments communiqués aux débats et de l'assignation, elle se devait de mettre en 'uvre sa garantie ; que la société HCCI a donc commis aussi une faute dans le refus de mettre 'uvre sa garantie ce qui a contribué à faire perdurer les préjudices immatériels subis, car les travaux auraient pu débuter dès janvier 2016 et non pas juin 2018 ; qu'ils ont demandé à plusieurs reprises à pouvoir bénéficier de la garantie de livraison prévue à l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation au motif que le délai de livraison n'était pas respecté, leurs demandes s'assimilant à une déclaration de sinistre que la société Verspieren a refusé de transmettre à la société HCCI ; qu'il y a donc lieu de retenir la faute incontestable et directe de la société HCCI et de condamner cette société à les dédommager solidairement avec les sociétés Maisons Rouilly et Verspieren de toutes les conséquences financières qui ont perduré et subies à compter pour elle de la date de sa constitution jusqu'au 24 avril 2019, date de la levée des réserves.

La société TME réplique qu'elle n'a commis aucune faute, car jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de la société Maisons Rouilly, la condition d'activation de la garantie n'était pas remplie ; qu'elle s'est portée caution de la société Maisons Rouilly vis-à-vis du maître de l'ouvrage dans le cas où le constructeur serait défaillant à son égard ; qu'un ensemble de travaux a été réalisé par Maisons Rouilly qui a même sollicité devant le tribunal la réception judiciaire de la maison, ce qui a été contesté par les maîtres de l'ouvrage et a conduit à l'expertise judiciaire afin de faire le point sur les travaux en cours ; que cela confirme que la maison était terminée ou tout du moins proche de son état final ; que c'est la raison pour laquelle elle n'avait pas mis en 'uvre sa garantie de livraison à prix et délai convenus au profit des époux [E], faute de l'existence d'une condition essentielle à sa mise en jeu, à savoir la défaillance du constructeur ; que dès lors que la condition d'activation de la garantie était remplie, la société TME a pu tout mettre en oeuvre afin que le chantier puisse être repris et terminé suivant quitus de levée de réserves en date du 24 avril 2019 ; qu'elle n'a donc commis aucune faute et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il l'a condamnée à indemniser les autres préjudices des maîtres de l'ouvrage.

Réponse de la cour

L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article L.231-6 II du code de la construction et de l'habitation dispose :

« Dans le cas où le garant constate que le délai de livraison n'est pas respecté ou que les travaux nécessaires à la levée des réserves formulées à la réception ne sont pas réalisés, il met en demeure sans délai le constructeur soit de livrer l'immeuble, soit d'exécuter les travaux. Le garant est tenu à la même obligation lorsqu'il est informé par le maître de l'ouvrage des faits susindiqués.

Quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse, le garant procède à l'exécution de ses obligations dans les conditions prévues au paragraphe III du présent article.

Au cas où, en cours d'exécution des travaux, le constructeur fait l'objet des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire prévues par le code de commerce, le garant peut mettre en demeure l'administrateur de se prononcer sur l'exécution du contrat conformément à l'article L. 621-28 dudit code. A défaut de réponse dans le délai d'un mois et sans que ce délai puisse être prorogé pour quelque raison que ce soit, le garant procède à l'exécution de ses obligations. Il y procède également dans le cas où, malgré sa réponse positive, l'administrateur ne poursuit pas l'exécution du contrat dans les quinze jours qui suivent sa réponse ».

Il est constant que le garant de livraison engage sa responsabilité à l'encontre du maître d'ouvrage en cas de faute résultant de la méconnaissance de son obligation légale de garantie prévue à l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation.

En l'espèce, les maîtres de l'ouvrage allèguent une faute du garant de livraison à compter du 30 novembre 2015 qui, bien qu'intervenant à l'instance les opposant à la société Viersperen, n'a pas mis en 'uvre la garantie de livraison avant l'année 2018.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la société HCCI est intervenue volontairement à l'instance mettant en cause son courtier et mandataire, la société Viersperen, en qualité de garant de la livraison. Dès le 30 novembre 2015, la société HCCI avait connaissance d'une part du défaut de livraison et de réception de l'ouvrage dont le délai a expiré le 29 mai 2013, et d'autre part du rapport d'expertise judiciaire faisant état de l'inachèvement de l'ouvrage. Il convient en outre de relever, que dès 2013, M. et Mme [E] avait écrit à plusieurs reprises au mandataire de la société HCCI, pour solliciter la mise en 'uvre de la garantie.

Le garant de livraison qui avait connaissance de la défaillance de la société Maisons Rouilly n'a pas mis en demeure celle-ci d'exécuter les travaux et de livrer l'immeuble. La société HCCI a ainsi attendu que la société Maisons Rouilly soit placée en liquidation judiciaire pour intervenir, alors que l'article L.231-6 code de la construction et de l'habitation commandait d'intervenir dès qu'il était constaté que le délai de livraison n'était pas respecté.

En conséquence, la société HCCI, aux droits de laquelle vient désormais la société TME, a commis une faute engageant sa responsabilité civile à l'égard des maîtres de l'ouvrage qui n'ont pas pu bénéficier de la livraison de leur immeuble à plus brève échéance.

B- Sur l'indemnisation des maîtres de l'ouvrage

Moyens des parties

M. et Mme [E] expliquent qu'ils ont subi un préjudice au titre de la location du compteur d'eau pour un total de 152 euros de juillet 2013 à fin 2018 ; qu'ils ont également subi des pertes de loyer et la cour prononcera la condamnation de la société TME à leur payer la somme de 34 850 ' au titre des pertes locatives pour la période de décembre 2015 à avril 2019 ; que l'évaluation de 850 euros par mois n'est absolument pas excessive puisqu'ils justifient avoir réussi à le louer pour un montant de 827 ' TTC, ayant accepté de baisser le loyer, car le locataire disposait d'un dispositif garantissant les impayés de loyer et qu'il s'agissait des personnes de confiance ; qu'ils ont subi des difficultés financières du fait de l'absence de perception de loyers ; qu'après les versements de 2016, ils ont dû sérieusement faire attention à tout (report de travaux') et leur famille a dû les aider ponctuellement pour des versements moins importants ce qui leur a permis d'honorer les échéances de leur crédit ; que les conséquences financières du manque à gagner par la non-perception des loyers devant leur permettre d'honorer les mensualités, a été très important ; qu'ils ont été interdits bancaires par la Banque de France ; qu'ils ont perdu le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ils pouvaient prétendre (dispositif Scellier) ; que le montant dû au titre de la perte de la défiscalisation, selon rapport de M. [H], expert comptable, s'élève à la somme de 36 252 euros, à laquelle la société TME doit être condamnée ; qu'ils demandent également qu'il leur soit remboursé le montant de la prestation de la société Dekra dont ils ont dû faire l'avance, soit la somme de 526,24 euros TTC ; qu'ils demandent également l'indemnisation des intérêts intercalaires qu'ils ont dû poursuivre à régler entre le mois de juin 2013 et le mois juin 2014 à raison de 271,09 euros par mois ; qu'il est également demandé le remboursement de la somme de 1 800 euros au titre du coût de l'expert comptable mandaté.

La société TME réplique qu'elle ne peut être condamnée à payer aux maîtres de l'ouvrage toute autre somme que celles prévues limitativement par la loi ; qu'aux termes de l'article L.231-6, III, du code de la construction et de l'habitation, dès lors que la défaillance du constructeur est établie, et le chantier non terminé, le garant est débiteur d'une obligation de faire, c'est-à-dire qu'il lui appartient de mettre en demeure le constructeur, et sans réponse ou exécution, de désigner un repreneur afin de terminer les travaux ; qu'en aucun cas elle ne peut donc être condamnée au paiement d'une somme d'argent et encore moins au paiement d'une somme d'argent ; qu'aucun préjudice n'est justifié par les maîtres de l'ouvrage et en tout état de cause, les préjudices allégués ont vocation à être couverts par les pénalités de retard qui doivent être payées par le constructeur ; qu'ainsi, pour les coûts induits seulement par un retard de livraison, les maîtres de l'ouvrage ne peuvent solliciter une double indemnisation, même en arguant de l'attitude fautive du garant de livraison, si tant est qu'elle serait avérée ; qu'en conséquence, la cour infirmera le jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler des pertes locatives ainsi que la location du compteur d'eau ; que les maîtres de l'ouvrage seront déboutés de toutes leurs autres demandes, celles-ci ne relevant pas de la garantie de livraison à prix et délai convenus.

Réponse de la cour

Les pénalités prévues à l'article L. 231-14 du code de la construction et de l'habitation en cas de retard de livraison ne sont pas exclusives de l'allocation de dommages-intérêts, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-21.208 ; 3e Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 12-14.090).

Toutefois, l'indemnisation doit alors porter sur la réparation d'un préjudice distinct de celui réparé par les pénalités de retard (3e Civ., 9 octobre 2013, n° 12-24.900 ).

En l'espèce, il convient de rappeler que les pénalités de retard à la charge du garant de livraison, la société TME, sur la période du 30 novembre 2015 au 18 décembre 2018 s'élèvent à la somme de 48 080,24 euros, à raison de 43,16 euros par jour soit 1 294,80 euros par mois.

Les pénalités de retard couvrent ainsi le préjudice de jouissance subi à raison du défaut de livraison du bien, ce qui inclut la possibilité de louer le bien, et donc les pertes de loyers sur la période du retard de chantier, à raison de 850 euros par mois. En conséquence, M. et Mme [E] seront déboutés de leur demande en paiement formée à l'encontre de la société TME à ce titre.

De même, M. et Mme [E] n'établissent pas que la location d'un compteur d'eau pour louer leur bien immobilier constitue un préjudice distinct de celui réparé par les pénalités de retard, imputable à la faute du garant de livraison. Cette demande sera donc également rejetée.

M. et Mme [E] sollicitent ensuite le paiement d'intérêts intercalaires dont ils ont dû poursuivre le remboursement entre le mois de juin 2013 et le mois juin 2014 à raison de 271,09 euros soit 3 253,08 euros au total. Cependant, ce préjudice est antérieur à la faute alléguée du garant de livraison par les maîtres d'ouvrage, et retenue par la présente décision, à savoir le défaut de mise en oeuvre de la garantie de livraison à compter du 30 novembre 2015, date de l'intervention volontaire de la société HCCI à l'instance mettant en cause son courtier et mandataire, la société Viersperen. M. et Mme [E] seront donc déboutés de leur demande indemnitaire formée à ce titre.

Les maîtres d'ouvrage sollicitent également une somme de 526,24 euros au titre des interventions de la société Dekra les 18 janvier 2013 et 8 mars 2013, au titre du l'accessibilité des locaux. Cependant, ce préjudice est également antérieur la faute alléguée et retenue du garant de livraison à compter du 30 novembre 2015. Cette demande sera donc rejetée.

S'agissant de la perte du bénéfice du dispositif de défiscalisation résultant de la loi « Scellier », M. et Mme [E] n'ont pas formé de demande en paiement à l'encontre de la société TME, dans le dispositif de leurs conclusions récapitulatives qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu à statuer sur ce préjudice évoqué dans les motifs des conclusions des appelants.

M. et Mme [E] sollicitent le paiement par la société TME des frais d'expertise comptable engagés pour évaluer la perte de bénéfice du dispositif de désfiscalisation. Or, ils ont eux-mêmes expliqué que ce préjudice provient du fait que les travaux n'ont pas été achevés savant le 31 décembre de la deuxième année qui suit le dépôt de la demande du permis, soit le 31 décembre 2013. Le défaut de réalisation des travaux avant cette date est donc imputable au constructeur et non au garant de livraison que les maîtres d'ouvrage n'ont pas assigné en justice avant cette date, et auquel ils imputent une faute qu'à compter du 30 novembre 2015, date de l'intervention volontaire de la société HCCI. Leur demande indemnitaire formée au titre des frais d'expertise comptable sera donc rejetée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] les sommes de 7 036,32 ' au titre des pénalités de retard, de 34 850 ' au titre de leurs pertes locatives, de 152 ' au titre de la location du compteur d'eau.

V- Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Compte-tenu de la solution donnée au litige, M. et Mme [E] seront condamnés aux dépens d'appel et les demandes fondées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] la somme de 7 036,32 euros au titre des pénalités de retard ;

- ordonné à M. et Mme [E] le paiement direct auprès de la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC de la somme de 32 375 euros restant due au titre du contrat de construction signé le 15 novembre 2011 avec la société Maisons Rouilly ;

- condamné la société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société HCC International Insurance Company PLC à verser à M. et Mme [E] les sommes de 7 036,32 ' au titre des pénalités de retard, de 34 850 ' au titre de leurs pertes locatives, de 152 ' au titre de la location du compteur d'eau ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes formées en appel à l'encontre de la société Maisons Brouilly ;

DIT que M. et Mme [E] sont redevables à la société Tokio Marine Europe de la somme de 32 375 euros au titre du coût des travaux ;

DIT que la société Tokio Marine Europe est redevable à M. et Mme [E] de la somme de 48 080,24 euros au titre des pénalités de retard dues sur la période du 30 novembre 2015 au 24 avril 2019 ;

CONDAMNE la société Tokio Marine Europe à payer à M. et Mme [E] la somme de 705,24 euros au titre des pénalités de retard après compensation des sommes dues entre les parties et déduction de l'avance faite au titre des pénalités de retard ;

DÉBOUTE la société Tokio Marine Europe de sa demande en paiement de la somme de 32 375 euros au titre du coût des travaux ;

DÉBOUTE M. et Mme [E] de leurs demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de la société Tokio Marine Europe ;

CONDAMNE M. et Mme [E] aux entiers dépens d'appel ;

REJETTE les demandes fondées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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