CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 15 mai 2025, n° 24/05837
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mollat
Conseillers :
Pelier-Tetreau, Tabourot
Avocats :
Boccon Gibod, Petreschi
Exposé des faits et de la procédure
La société par actions simplifiée [11] a pour activité principale l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration.
Elle a été créée par MM. [R]-[S], [H], [F], [Y] et [O].
M. [O], professionnel de la restauration, détenait 200 actions, et était le seul titulaire d'actions de catégorie A. Il a été désigné directeur général de la société.
Par acte du 28 février 2022, la société a contracté un prêt de 350 000 euros auprès de la [12], afin d'acquérir du matériel nécessaire à l'activité professionnelle et les travaux d'aménagement du local commercial.
Un engagement de blocage de compte-courant d'associé et de promesse de nantissement de compte-courant pour une durée de 4 ans a été pris par les associés à hauteur de 150 000 euros lors de la souscription du prêt à la demande de la [12].
La ventilation de cette somme a été réalisée suivant le nombre d'actions dont disposaient les associés. M. [O] a ainsi bloqué la somme de 30 000 euros sur le compte courant d'associé, et ce pour une durée allant jusqu'au 28 février 2026.
Par lettre recommandée du 18 février 2023, la société [11] a révoqué M. [O] qui lui a alors demandé de lui régler les sommes sur son compte courant d'associé.
Par assignation en référé du 30 juin 2023, M. [O] a demandé le remboursement de son compte courant d'associé.
Par ordonnance du 4 octobre 2023, statuant en matière de référé, le tribunal a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé les parties au fond.
Par jugement du 29 février 2024, le tribunal de commerce d'Evry a notamment :
- Condamné la société [11] à payer à M. [O] la somme de 30 000 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure ;
- Condamné M. [O] à payer à la société [11] la somme de 15 956,66 euros, représentant le montant des salaires indument perçus et l'a déboutée du surplus de sa demande ;
- Condamné la société [11] à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros pour préjudice moral et l'a déboutée du surplus de sa demande ;
- Débouté la société [11] de sa demande pour procédure abusive.
Par déclaration du 20 mars 2024, la société [11] a interjeté appel du jugement.
*****
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 octobre 2024, la société [11] demande à la cour de :
- La juger recevable et bien fondée en son appel interjeté le 20 mars 2024 à l'encontre du jugement prononcé le 29 février 2024 par le tribunal de commerce d'Evry ;
- Infirmer le jugement du 29 février 2024 du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a :
o Condamné la société [11] à payer à M. [O] la somme de 30 000 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure
o Condamné M. [O] à payer à la société [11] la somme de 15 956,66 euros, représentant le montant des salaires indument perçus et l'a déboutée du surplus de sa demande ;
o Condamné la société [11] à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros pour préjudice moral ;
o Débouté la société [11] de sa demande pour procédure abusive ;
o Ordonné la capitalisation des intérêts ;
o Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Débouté la société [11] de sa demande de suspension et ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
o Condamné la société [11] aux entiers dépens de l'instance ;
Et, statuant à nouveau,
- Constater que M. [O] s'est engagé à bloquer son compte-courant d'associé, d'un montant de 30 000 euros, jusqu'au 28 février 2026, tant auprès de la [12] qu'auprès de la société [11] ;
- Juger que M. [O] a commis des fautes durant son mandat de directeur général de la société [11] engageant sa responsabilité à l'encontre de la société [11] ;
En conséquence,
- Condamner M. [O] à verser à la société [11] la somme totale de 26 656,66 euros au titre des fautes commises durant l'exercice de ses fonctions de directeur général de la société [11] ;
- Condamner M. [O] à verser à la société [11] la somme totale de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner M. [O] à verser à la société [11] la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel, soit 10 000 euros au total ;
- Condamner M. [O] aux entiers dépens de l'instance, tant de première instance qu'en appel, distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 août 2024, M. [O] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé :
o Condamner la société [11] à payer à M. [O] la somme de 30 000 euros majorée des intérêts de retard à compter de la mise en demeure ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé :
o Condamne M. [O] à payer à la société [11] la somme de 15 956,66 euros, représentant le montant des salaries indument perçus et la déboute du surplus de sa demande ;
o Condamne la société [11] à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros pour préjudice moral et le déboute du surplus de sa demande ;
o Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Déboute M. [O] de sa demande d'astreinte ;
En statuant à nouveau :
- Condamner la société [11] à payer à M. [O] la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- Condamner la société [11] à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Petreschi avocat aux offres de droit ;
- Condamner la société [11] à payer à M. [O] les frais d'huissiers engagés dans le cadre de la saisie des sommes allouées par le tribunal ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Débouter la société [11] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Ordonner le paiement des sommes dues à M. [O] sous une astreinte de 450 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.
*****
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le remboursement du compte-courant d'associé
La société [11] soutient qu'il est de jurisprudence constante que des dispositions statutaires peuvent prévoir l'impossibilité de rembourser le compte-courant d'un associé avant une certaine date, peu important que l'associé perde entre temps sa qualité d'associé ; que les associés se sont individuellement engagés auprès de la [12] à nantir leur compte-courant d'associé et le bloquer pendant 4 ans, à compter du 28 février 2022 ; que M. [O] ne pourrait obtenir le remboursement anticipé de son compte-courant que si la banque et la société donnaient leur accord ; que si la société débloquait le compte-courant de M. [O] sans l'accord préalable de la banque, cette dernière serait alors fondée à solliciter la déchéance du terme de l'emprunt.
M. [O] réplique qu'en vertu de l'article 1104 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation, un associé ayant consenti une avance en compte-courant est en droit d'exiger son remboursement. Il fait valoir qu'il a signé la convention d'apport en compte-courant bloqué en sa seule qualité d'associé, et que les parties ont expressément précisé que les dispositions relatives au blocage de compte courant étaient liées à cette qualité. Or, il n'a plus la qualité d'associé depuis son éviction de la société [11] et est toujours titulaire d'un compte-courant d'un montant de 30 000 euros non remboursé à ce jour. Il explique s'être rapproché de la [12], qui lui a indiqué qu'aucun n'engagement n'a été souscrit s'agissant des comptes-courants d'associés. Enfin, M. [O] soutient que le document dénommé « engagement de blocage de compte-courant d'associé et promesse de nantissement bloqué » est incomplet, et ne lui est donc pas opposable.
Sur ce,
Il est de principe que la qualification de prêt autorise l'associé ayant consenti une avance en compte-courant à décider librement du moment où il entend en réclamer le remboursement.
Les statuts ou la convention de compte-courant peuvent toutefois contenir des clauses soumettant à une procédure particulière la demande de remboursement d'un compte-courant d'associé.
Par la convention de blocage, dès lors qu'elle est valide et clairement exprimée les fonds, sont stabilisés dans la société pour une durée déterminée.
Le titulaire d'un compte-courant peut donner en gage le solde de son compte à un établissement de crédit. Cette constitution de gage doit être établie par écrit à peine de nullité, conformément à l'article 2356, alinéa 1er du code civil.
Enfin, en application de l'article 2362 du même code, pour être opposable à la société débitrice, le nantissement doit lui être notifié ou cette dernière doit intervenir à l'acte. Si la sûreté a été notifiée, le créancier nanti peut, seul, en recouvrer le montant. Si la société débitrice n'a pas été informée, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que M. [O] s'est engagé à bloquer son compte-courant dans trois documents différents, à savoir l'engagement de blocage de compte-courant et promesse de nantissement de compte bloqué auprès de la banque du 28 février 2022, l'avenant n°1 à la convention d'apport en compte-courant d'associé du 1er février 2022 et une lettre qu'il a adressée à la société [11] le 1er février 2022.
M. [O] ne rapporte pas la preuve que l'engagement serait non valide ou que les termes seraient insuffisamment exprimés, la seule mention restée « en blanc » ne remettant pas en cause son engagement, de sorte que l'engagement qu'il a valablement consenti lui est opposable.
Il est en outre établi que, par courriel du 22 mars 2024, la [12] a confirmé à la société [11] que tous les comptes-courants, y compris celui de M. [O], devaient rester bloqués jusqu'au 28 février 2026.
Enfin, il est indifférent que M. [O] ait perdu sa qualité d'associé par suite de son exclusion de la société, dès lors que les associés se sont individuellement engagés auprès de la [12] à nantir leur compte-courant d'associé et le bloquer pendant 4 ans, à compter du 28 février 2022.
Il s'ensuit que M. [O] ne peut obtenir le remboursement anticipé de son compte-courant alors que ni la banque ni la société [11] n'ont donné leur accord.
C'est par conséquent à tort que les premiers juges ont considéré que c'était en sa qualité d'associé que M. [O] s'était engagé à bloquer une somme de 30 000 euros en compte-courant d'associé et qu'ayant perdu ce statut, il se trouvait délié de son engagement de laisser la somme précitée sur les comptes de la société et qu'il était donc fondé à en exiger le remboursement.
Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef et la demande de M. [O] sera rejetée.
Sur les fautes de M. [O] et le préjudice moral de M. [O]
La société [11] fait valoir que le tribunal ne pouvait allouer des dommages intérêts à M. [O] au titre de sa révocation sans juger au préalable que celle-ci était fautive. Elle expose que la gestion de M. [O] était calamiteuse entraînant la société au bord du dépôt de bilan lorsque sa révocation est intervenue ; qu'il a en outre frauduleusement détourné des fonds ; que les comportements fautifs reprochés par M. [O] à ses associés ne la concernent pas, et qu'il lui appartient d'engager leurs responsabilités personnelles et non la sienne ; enfin, à titre superfétatoire, que l'intimé ne rapporte pas la preuve des mauvais traitements que lui auraient fait subir ses associés, le dépôt de plainte du 3 août 2023 versé aux débats alors que les faits remonteraient au 30 décembre 2022 et 7 février 2023, et l'attestation fallacieuse rédigée par un ancien salarié de l'entreprise, devenu nouvel associé de M. [O] dans une autre société, étant inopérants.
Enfin, elle énonce que M. [O] a commis deux fautes durant l'exercice de son mandat de directeur général, engageant sa responsabilité en application des statuts et des articles L. 227-8, L. 225-251 et L. 227-10 du code de commerce, à savoir le versement d'une rémunération injustifiée à hauteur de 15 956,66 euros et la facturation de prestations fictives à hauteur de 8 700 euros sans obtenir l'accord préalable des associés, en violation de l'article L. 227-10 relatif aux conventions réglementées et de l'article 19-1 des statuts.
M. [O] réplique que son expérience dans la restauration et ses qualités ont été utilisées pour créer la société [11], obtenir un prêt, capter la licence IV dont il était propriétaire et exploiter le restaurant, et qu'une fois parvenus à leurs fins, les associés l'ont illégitimement et violemment exclu de la société. Il fait état d'altercations et menaces proférées à son encontre, et d'une agression par MM. [F] et [R] le 7 février 2023. Il conclut qu'il devrait être indemnisé du préjudice subi au titre des méthodes employées.
S'agissant des fautes qui lui sont reprochées, il expose que ses anciens associés étaient parfaitement informés de sa rémunération qu'il se versait qui apparaissait clairement en comptabilité, de sorte qu'il ne saurait lui être opposer le versement prétendument caché de salaires. Concernant la facturation de prestation, il énonce que ces conventions portaient sur des opérations courantes conclues à des conditions normales, échappant ainsi à la procédure des conventions réglementées.
Sur ce,
Sur le montant de la rémunération de M. [O]
L'article 18.5 des statuts stipule que la rémunération des directeurs généraux est exclusivement fixée par une décision collective des associés. Selon procès-verbal d'assemblée générale du 1er mars 2022, il a été convenu que M. [O] percevrait une rémunération brute mensuelle de 300 euros servie sur 12 mois, étant précisé qu'il s'agissait pour lui d'un complément de revenus dans la mesure où il en percevait déjà via sa société [7].
Or, il est établi que M. [O] a prélevé les sommes de 2 441,68 euros bruts en septembre, octobre et novembre 2022, 2 188,08 euros bruts en décembre 2022 et 3 202,41 euros bruts en janvier 2023. Le surcoût pour la société s'élève en conséquence à la somme de 15 956,66 euros.
Il s'ensuit que c'est par une exacte appréciation des faits que les premiers juges ont condamné M. [O] à rembourser à la société [11] la somme totale de15 956,66 euros au titre de ces versements indus. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la facturation de prestations
La convention de prestation de services est soumise à la procédure des conventions réglementées prévue à l'article L. 227-10 du code de commerce qui dispose que Le commissaire aux comptes ou, s'il n'en a pas été désigné, le président de la société présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président, l'un de ses dirigeants, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3. Les associés statuent sur ce rapport. Les conventions non approuvées, produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d'en supporter les conséquences dommageables pour la société.
L'article L. 227-11 ajoute que L'article L. 227-10 n'est pas applicable aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.
Les conventions dites réglementées conclues sans autorisation préalable peuvent ainsi être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, la nullité encourue étant facultative. Lorsque la nullité est prononcée, elle produit les mêmes effets que toute nullité, soit l'anéantissement rétroactif du contrat, engendrant des restitutions le cas échéant.
Toutefois, les opérations courantes conclues à des conditions normales échappent aux procédures de contrôle de conventions réglementées. Les opérations relevant de l'activité habituelle de l'entreprise concernée (achat, ventes, sous-traitance, prestations) sont des transactions commerciales courantes. Pour apprécier le caractère courant de l'opération, il y a lieu de s'attacher au marché, aux conséquences internes de l'opération, ainsi qu'aux contreparties éventuelles. Enfin, l'appréciation du caractère normal des conditions de ces transactions s'effectue notamment en fonction de l'importance des montants en cause au regard de la situation financière de la société et, notamment, des possibilités financières de la société qui en supporte la charge.
En l'espèce, il est établi que M. [O] a facturé des prestations sans obtenir l'accord préalable des associés, sans respecter la procédure de l'article L. 227-10 relatif aux conventions réglementées et celle de l'article 19-1 des statuts.
Ainsi, M. [O], dirigeant de la SASU [7], exploitant une cave à vin, a émis 3 factures de 2 900 euros chacune pour des prestations de mise en place de cartes de vins et formations du personnel sur les produits du bar, et ce sans informer ses associés.
Or, de telles prestations de service ont le caractère de conventions courantes, eu égard notamment à la modicité de leur montant, à leur récurrence dans le cadre de l'activité de la société [11] et au fait que M. [O], diplômé de l'école [10], avait été recruté en raison de ses compétences non contestées en matière d'exploitation de restaurant.
Il s'ensuit que ces prestations courantes et conclues à des conditions normales n'étaient pas soumises à la procédure relative aux conventions réglementées.
M. [O] ne saurait par conséquent être condamné à ce titre. Aussi, convient-il de confirmer le jugement de ce chef.
Sur le préjudice moral
M. [O] rapporte valablement la preuve que son expérience dans la restauration et ses qualités ont été utilisées pour créer la société [11], obtenir un prêt, capter la licence IV dont il était propriétaire et exploiter le restaurant, et qu'une fois parvenus à leurs fins, les associés l'ont exclu de la société. Il fait en outre état d'altercations et de menaces proférées à son encontre, et d'une agression par MM. [F] et [R] le 7 février 2023.
Ainsi, s'agissant du préjudice moral dont il est démontré qu'il est distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice, qui est réparé, le cas échéant, par l'allocation d'une indemnité de procédure, la cour accordera à M. [O] une indemnité en considération des années de procédure, de l'incertitude de pouvoir récupérer les sommes investies et de l'angoisse générée par la situation après sa révocation.
C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que la société [11] avait commis une faute à son encontre lui causant un préjudice qui méritait réparation.
Toutefois, la cour infirmera le jugement sur le quantum octroyé et accordera à M. [O] la somme de 30 000 euros.
Sur la procédure abusive
La société [11] soutient que M. [O] a engagé une procédure abusive car il a agi en justice alors même qu'il savait avoir commis des fautes civiles à l'encontre de la société en détournant des fonds, et que la procédure était vouée à l'échec. En effet, elle soutient qu'avant la délivrance de l'assignation en référé, par courriel du 28 juin 2023, le conseil de la société [11] avait transmis à son confrère adverse les éléments prouvant l'existence d'un compte-courant bloqué d'associé, et l'impossibilité pour M. [O] d'en solliciter le remboursement.
M. [O] ne répond pas sur ce point.
Sur ce,
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés
L'article 559 du même code pose la même règle s'agissant de la procédure d'appel.
L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus, la faute se caractérisant notamment par l'intention de nuire, étant précisé que la multiplication des procédures n'est pas en elle-même constitutive d'une faute.
Ainsi, la condamnation à des dommages et intérêts de ce chef suppose la démonstration d'une faute commise dans l'exercice du droit d'agir faisant dégénérer l'action en abus, l'octroi de dommages et intérêts étant en tout état de cause subordonné à l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute, conformément à l'article 1240 du code civil.
En l'espèce, la société [11] ne démontre pas la faute commise par M. [O] qui aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressé ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, notamment sur le remboursement de son avance en compte-courant, pas plus qu'il ne justifie de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice, qui est réparé, le cas échéant, par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le rejet par les premiers juges de la demande formée par l'appelante de ce chef doit donc être confirmé.
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [11], qui succombent à titre principal, sera condamnée aux dépens d'appel,
La cour rejettera en outre la demande de M. [O] formée au titre des frais de commissaire de justice engagés dans le cadre de la saisie des sommes allouées par le tribunal, non motivée.
La société [11] sera enfin condamnée à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- Condamné M. [O] à payer à la société [11] la somme de 15 956,66 euros, représentant le montant de la rémunération indument perçue ;
- Débouté la société [11] de sa demande pour procédure abusive ;
- Rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société [11] aux dépens ;
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société [11] à payer à M. [O] la somme de 30 000 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure ;
- Condamné la société [11] à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros pour préjudice moral et l'a déboutée du surplus de sa demande ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Rejette la demande de remboursement de son compte-courant à hauteur de 30 000 formée par M. [J] [O] ;
Rejette la demande formée par la société [11] au titre des prestations facturées par la société [7] à hauteur de 8 700 euros sur le fondement des conventions réglementées ;
Condamne la société [11] à payer à M. [J] [O] la somme de 30 000 euros pour préjudice moral ;
Condamne la société [11] à payer à M. [J] [O] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [J] [O] au titre des frais de commissaire de justice engagés dans le cadre de la saisie des sommes allouées par le tribunal ;
Condamne la société [11] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.