CA Montpellier, ch. com., 20 mai 2025, n° 23/02881
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Lovema (SARL)
Défendeur :
Forrajes Martinez Del Pico (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
M. Graffin, M. Vetu
Avocats :
Me Viste, Me Nese, Me Alcover Navarro, SCP Auran-Viste & Associes
FAITS ET PROCEDURE :
La SARL Lovema sise à [Localité 4] (66), [Adresse 3] exerce l'activité de commerce de gros et interentreprises, de machines et outils pour l'extraction, la construction et le génie civil.
Au cours de l'année 2021, une SARL Lovema BTP, se domiciliant sur la commune de [Localité 4] (66), [Adresse 3], a fait paraître une annonce pour la vente d'un chariot télescopique d'occasion Manitou MT 728, pour un prix HT de 11 850 euros avec une garantie de 12 mois (pièces et main d''uvre).
Par courrier électronique en date du 22 novembre 2021, la société de droit espagnol Forrajes Martinez Del Pico, a voulu faire l'acquisition de ce matériel.
Par retour de message électronique du même jour, la SARL Lovema BTP a adressé à la société de droit espagnol un bon de commande n° BC02086230 pour l'achat de cette machine au prix de 11 850 euros, outre la somme de 685 euros de frais de livraison, soit au total la somme de 12 535 euros.
Le lendemain, le gérant de la société Forrajes Martinez Del Pico a signé le bon de commande et procédé au virement bancaire d'un acompte de 6 257 euros sur le compte de la société Lovema BTP portant les références IBAN FR76218330000100011315573143.
La livraison prévue le 29 novembre 2021 n'est jamais intervenue.
Le 24 mai 2022, la société Forrajes Martinez Del Pico a adressé une lettre de mise en demeure à la société Lovema BTP. Cette lettre lui a été retournée avec la mention « défaut d'accès ou d'adressage ».
Par exploit du 3 août 2022, la société Forrajes Martinez Del Pico a assigné la société Lovema BTP à l'adresse de la société Lovema devant le tribunal de commerce de Béziers.
Par jugement réputé contradictoire du 7 novembre 2022, le tribunal de commerce de Béziers a :
jugé l'action de la société de droit espagnol Forrajes Martinez Del Pico recevable et bien fondée ;
jugé que, conformément aux articles 4 et 7 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, L. 721-3 du code de commerce, et 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980, le tribunal de commerce de Béziers est compétent et que la loi applicable au contrat est la loi française ;
jugé qu'un contrat de vente d'un chariot télescopique d'occasion a bien été conclu le 25 novembre 2021 entre la société Forrajes Martinez Del Pico et la société Lovema ;
constaté que la société Forrajes Martinez Del Pico a versé à la société Lovema la somme de 6 257,50 euros dès la prise de commande ;
constaté que la société Lovema n'a jamais livré la marchandise convenue à la société de droit espagnol Forrajes Martinez Del Pico ;
jugé que la société Lovema n'a pas exécuté son obligation de délivrance ;
prononcé la résolution du contrat de vente intervenu entre la société Lovema et la société Forrajes Martinez Del Pico ;
condamné la société Lovema à payer la somme de 6 257,50 euros à la société Forrajes Martinez Del Pico sur le fondement des articles 1229 et 1352-6 du code civil ;
condamné la société Lovema à payer des intérêts de retard calculés sur la somme de 6 257,50 euros à compter du 24 mai 2022, sur le fondement de l'article 1352-6 du code civil ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
condamné la société Lovema à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
et rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 2 juin 2023, la société Lovema a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 19 septembre 2024, la SARL Lovema demande à la cour, au visa de l'article 1582 du code civil, de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
juger que l'action intentée par la société Forrajes Martinez Del Pico est irrecevable et mal fondée, cette dernière n'étant pas sa contractante ;
juger qu'elle n'a pas contracté avec la société Forrajes Martinez Del Pico pour la vente d'un chariot télescopique Manitou ;
juger qu'elle n'était tenue à aucune obligation de délivrance de cette machine ;
juger qu'elle n'est redevable d'aucune somme envers la société Forrajes Martinez Del Pico ;
condamner la société Forrajes Martinez Del Pico à lui restituer la somme de 9 368,29 euros prélevée sur son compte bancaire suite à la saisie attribution effectuée le 10 mai 2023 ;
la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
et la condamner à payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 21 novembre 2023, la société Forrajes Martinez Del Pico demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1342-3 et 1156 et suivants du code civil, de :
débouter la société Lovema de l'ensemble de ses demandes ;
juger que la société la société Lovema n'apporte pas la preuve de l'absence de conclusion du contrat ;
constater qu'elle a payé de bonne foi à la société Lovema, qui se présentait comme un créancier apparent ;
juger en conséquence que le paiement de la somme de 6 257,50 euros effectué produit les effets de l'article 1342-3 du code civil ;
confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
et la condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 19 novembre 2024.
MOTIFS
1. A titre liminaire, il sera fait observer que les dispositions de l'article 1342-3 du code civil invoquées par l'intimé, insérées dans un chapitre consacré à l'extinction de l'obligation, consacrent seulement le principe selon lequel le paiement à un créancier apparent, produit un effet libératoire à l'égard de celui qui effectue son paiement de bonne foi.
2. Cependant, il ne permet pas de résoudre une supposée vente pour défaut de délivrance qui est l'action engagée par la société Forrajes Martinez Del Pico pour obtenir restitution de son acompte.
3. En effet, l'article 1582 du code civil définit la vente comme une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, l'autre à la payer. Elle sous-tend l'existence d'un vendeur et d'un acquéreur parfaitement identifiés.
4. Les manquements à l'obligation de délivrance (articles 1604 et suivants du code civil en ce qui concerne la vente) et les demandes de réparation subséquentes ne peuvent qu'être adressées à un vendeur réel comme le souligne, d'ailleurs, l'article 1603 du même code.
5. Or il résulte des productions que la société Forrajes Martinez Del Pico ne s'adresse pas au vendeur du chariot télescopique d'occasion Manitou MT 728 dont elle s'était portée acquéreur.
6. En effet, la société de droit espagnol ne rapporte pas la preuve d'avoir contracté avec la SARL Lovema, alors que ;
- l'ensemble des poursuites et actes de procédure concernent la société Lovema « BTP » qui n'est pas la société Lovema, son IBAN et son numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Béziers étant totalement différents de ceux qui lui avaient été fournis par la SARL Loveman « BTP » ;
- la SARL Lovema, pour sa part, n'a jamais perçu, sur aucun de ses comptes bancaires, l'acompte litigieux.
6. Il est d'ailleurs à noter que le tribunal, dans ses motifs, relève lui-même qu'un contrat a été conclu entre la société de droit espagnole demanderesse et une société de droit français Lovema « BTP ».
7. Ainsi, la preuve d'une escroquerie commise au profit d'une prétendue SARL Lovema BTP, par l'utilisation frauduleuse du numéro de téléphone et de l'adresse de la SARL Lovema, est rapportée par cette dernière.
7. En l'absence de tout contrat de vente conclu entre l'appelante et la société Forrajes Martinez Del Pico, il ne peut être reproché la SARL Lovema un quelconque défaut de délivrance. N'ayant ainsi jamais perçu l'acompte litigieux, celle-ci ne peut davantage être tenue à sa restitution.
8. Le jugement sera réformé en toutes ses dispositions, étant précisé que le présent arrêt infirmatif constitue le titre exécutoire ouvrant droit à la restitution des sommes versées au titre de l'exécution de cette décision. Il n'y a lieu dès lors de statuer spécifiquement sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute la société de droit espagnol Forrajes Martinez Del Pico de sa demande en paiement dirigée contre la SARL Lovema,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la SARL Lovema en restitution,
Condamne la société de droit espagnol Forrajes Martinez Del Pico aux dépens de première instance et d'appel.
Condamne la société de droit espagnol Forrajes Martinez Del Pico à payer à la SARL Lovema la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'appelante de sa demande de ce chef.