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Décisions

CA Pau, 1re ch., 20 mai 2025, n° 23/02540

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

B V

Défendeur :

L O

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseillers :

Mme de Framond, Mme Blanchard

Avocats :

Me Astabie, SELARL Tortigue Petit Sornique Ribeton

TJ Bayonne, du 4 sept. 2023, n° 17/02298

4 septembre 2023

SdF/ND

Numéro 25/01556

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 20/05/2025

Dossier : N° RG 23/02540 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IUOO

Nature affaire :

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Affaire :

[B] [V]

C/

[L] [O]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Mai 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 11 Mars 2025, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame DE FRAMOND, Conseillère, chargée du rapport conformément aux dispositions de l'article 804 du code de procédure civile

Madame BLANCHARD, Conseillère

assistées de M. VIGNASSE, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [B] [V]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alain ASTABIE de la SCP ABC AVOCAT, avocat au barreau de Bayonnr

INTIME :

Monsieur [L] [O]

né le 18 Juillet 1952 à [Localité 4] (Hautes-Pyrénées)

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 1] (Espagne)

Représenté par Me Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de Bayonne

sur appel de la décision

en date du 04 SEPTEMBRE 2023

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BAYONNE

RG numéro : 17/02298

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 21 septembre 2015, M. [A] [E] et son épouse, Mme [B] [V], ont acheté auprès de Mme [N] [S] divorcée [D] une maison d'habitation située à [Localité 5] (64), alors occupée par son fils, M. [L] [O], pour un prix total de 310 000 ', dont 20 000 ' au titre du mobilier.

Par courrier du 6 janvier 2016, la commune de [Localité 5] a avisé les époux [E]/[V] de ce que la clôture en bois construite avant la vente devait être remplacée par une clôture conforme au PLU.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 2016, les époux [E] ont fait part à Mme [D] d'un problème d'horizontalité affectant le sol du rez-de-chaussée et de l'étage de la maison acquise.

Par ordonnance du 8 novembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne, saisi à cette fin par les époux [E], a ordonné une expertise des désordres allégués confiée à M. [K].

Par actes des 22 novembre et 11 décembre 2017, les époux [E] ont fait assigner Mme [D] et M. [O] devant le tribunal de grande instance de Bayonne en restitution d'une partie du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, et à titre subsidiaire, en dommages et intérêts du fait du dol ayant vicié leur consentement lors de la vente.

Par convention de divorce du 21 août 2018, la maison du couple a été attribuée à Mme [V].

L'expert a déposé son rapport le 11 mars 2019.

Mme [S] divorcée [D] est décédée le 9 septembre 2019.

Par acte authentique du 9 avril 2021, Mme [V] a revendu la maison pour le prix de 150 000 '.

Suivant jugement contradictoire du 4 septembre 2023, le tribunal a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée à Mme [B] [V],

- débouté Mme [B] [V] de ses demandes,

- débouté M. [L] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné Mme [B] [V] au paiement de la somme de 2.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, incluant le coût de l'expertise,

- accordé à la SELARL TORTIGUE-PETIT-SORNIQUE-RIBETON le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :

- que les époux [E]-[V] ont assigné Mme [D] en qualité de venderesse de la maison, et son fils M. [O], en raison du rôle qu'il aurait tenu au moment de la mise en vente et des visites du bien, de sorte que Mme [D] étant décédée, les demandes de Mme [V] sont désormais dirigées à l'encontre de M. [O] 'en sa qualité d'héritier', sans qu'il n'ait été nécessaire de régulariser la procédure à son égard, l'instance ayant dès le départ été engagée à son encontre, et l'action étant transmissible,

- que l'inclinaison de la maison, alléguée par Mme [V] et relevée par l'expert, était visible lors de l'achat, et que ce phénomène était stabilisé de longue date, de sorte qu'il appartenait aux acheteurs de s'enquérir de ses causes et des moyens d'y remédier, alors que l'expert a souligné sans être contredit que la question avait été évoquée lors des visites de la maison,

- que l'expert a souligné que l'inclinaison n'avait pas d'impact sur la stabilité ou la solidité de l'immeuble, de sorte qu'il ne peut être soutenu que les répercussions de l'inclinaison visible étaient quant à elles dissimulées,

- que s'agissant de la clôture, la dissimulation par Mme [D] de sa non-conformité aux prescriptions du PLU, n'apparaît pas à l'origine d'un préjudice quelconque, qui serait indemnisable sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance d'un bien exempt de vice, dès lors que Mme [V] n'a pas eu à se conformer à une injonction de la mairie pour procéder au remplacement de la clôture, et qu'elle ne fait pas état de ce que l'aspect de celle-ci et sa non-conformité ont entraîné une diminution du prix de revente de la maison à hauteur du coût des travaux de remplacement,

- que M. [O] ne justifie pas d'un préjudice moral.

Mme [B] [V] a interjeté appel par déclaration du 19 septembre 2023 (RG n°23/02540), critiquant le jugement en ce qu'il a :

- débouté Mme [B] [V] de ses demandes,

- condamné Mme [B] [V] au paiement de la somme de 2 500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, incluant le coût de l'expertise,

- accordé à la SELARL TORTIGUE-PETIT-SORNIQUE-RIBETON le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 août 2024, Mme [B] [V], appelante, entend voir la cour :

- débouter M. [L] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée à Mme [B] [V],

- débouté M. [L] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté Mme [B] [V] de ses demandes,

- condamné Mme [B] [V] au paiement de la somme de 2 500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, incluant le coût de l'expertise,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [L] [O] à lui verser la somme de 140.000 ' à titre de dommages et intérêts en diminution du prix,

En toutes hypothèses,

- condamner M. [L] [O] à lui verser, en réparation de son préjudice de jouissance, la somme de 500 ' par mois à compter du 1er octobre 2015 et jusqu'à la vente du bien, soit 33 500 ' (500 ' x 67 mois),

- condamner M. [O] au paiement d'une indemnité de 10 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les honoraires de l'expert [M] et les frais d'expertise judiciaire.

Au soutien de ses demandes, Mme [V] fait valoir, au visa des articles 873, 1116 ancien, 1137, 1138 et 1139, 1641, 1147 et 1382 anciens du code civil :

- que ses demandes indemnitaires sont désormais dirigées contre M. [O], en sa qualité d'héritier de Mme [D], tenu des dettes successorales tant qu'il ne démontre pas ne pas être héritier ou ne pas être le seul héritier, ou avoir renoncé à la succession,

- qu'elle a remarqué une déclivité des sols lors des visites de la maison, mais ignorait le phénomène de basculement généralisé de l'ouvrage relevé par l'expert, qui ne peut être considéré comme un vice apparent au jour de la vente,

- que seules les expertises ont permis de révéler l'ampleur des désordres, chiffrant les travaux de reprise, selon la méthode choisie, entre 89.976,99 ' HT et 146 900 ' HT,

- qu'elle est profane en matière de construction et n'était pas à même de déceler l'ampleur et les conséquences du désordre de basculement, qui a été dissimulé par la vendeuse et son fils par des réparations de camouflage successives et dans des proportions croissantes, sans l'en informer lors de l'achat alors qu'il s'agissait pour elle d'une information décisive de son consentement à l'achat, manoeuvres constitutives d'un dol, ou à titre subsidiaire un vice caché affectant le bien qu'elle ne pouvait déceler avant la vente, et qui était connu des vendeurs qui sont de mauvaises foi

- qu'au-delà de la gêne évidente affectant l'usage du bien depuis son entrée dans lieux le 25 septembre 2015 jusqu'à la revente le 9 avril 2021 et constituant un préjudice de jouisssance, son préjudice consiste également en la perte de valeur vénale du bien du fait des investigations menées par l'expert judiciaire et par le chiffrage des travaux réparatoires, tel qu'en atteste le prix de revente du bien (150 000 ' ), moitié moins que sa valeur d'achat (290.000 ' ),

- que le dol ou le vice caché à titre subsidiaire peut également être retenu concernant la clôture en panneaux de bois installée par la vendeuse et son fils sans l'accord de la mairie, et sans l'informer des circonstances de l'installation ; que la non conformité administrative lui cause un préjudice en ce qu'elle doit satisfaire à la demande de mise en conformité de la mairie, pour un coût de plus de 5 000 ', cet élément ayant contribué à la revente du bien au faible prix de 150 000 ',

- que M. [O], en sa qualité d'intermédiaire à la vente, ne pouvait ignorer l'existence des désordres affectant le bien qu'il occupait depuis 1992, de sorte qu'il a également commis un dol, ayant agi comme tiers de connivence,

- que M. [O] ne démontre pas avoir subi un préjudice moral, ou que l'action intentée à son encontre serait abusive.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 mars 2024, M. [L] [O], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- débouté Mme [B] [V] de ses demandes,

- condamné Mme [B] [V] au paiement de la somme de 2 500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, incluant le coût de l'expertise,

- accordé à la SELARL TORTIGUE-PETIT-SORNIQUE-RIBETON le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée à Mme [B] [V],

- débouté M. [L] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

- déclarer Mme [B] [V] irrecevable pour l'ensemble de ses demandes présentées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- débouter Mme [B] [V] de l'ensemble de ses demandes présentées à son encontre,

En tout état de cause,

- condamner Mme [B] [V] à lui verser somme de 5 000 ' en réparation de son préjudice moral,

- condamner Mme [B] [V] à lui verser la somme de 9 000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en réparation des frais de justice qu'il a été contraint d'exposer devant le juge des référés, en phase d'expertise judiciaire, devant le tribunal et en cause d'appel,

- condamner Mme [B] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL TORTIGUE-PETIT-SORNIQUE, qui sera autorisée à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [O] fait valoir, au visa des articles 873, 1641, 1116, 1110, 1147 et 1382 du code civil :

- que les demandes de Mme [V] à son encontre sont irrecevables en ce qu'il n'est pas établi qu'il vienne seul aux droits de sa défunte mère, de sorte qu'il ne pourrait en tout état de cause être tenu qu'à hauteur de sa part dans la succession de sa mère,

- que le basculement de la maison a été vu et discuté entre les parties avant la vente, les acheteurs ayant pu en outre visiter les lieux autant de fois qu'ils l'ont souhaité, et se rendre compte des travaux d'entretien effectués à plusieurs reprises pour des raisons esthétiques (jour s'agrandissant entre le trottoir et la façade), de sorte qu'ils ont signé le compromis de vente puis l'acte authentique en connaissance de cause,

- qu'il n'est pas, ni sa mère n'était, professionnels de la construction, et que l'acte de vente contient une clause d'exonération de la garantie des vices cachés en leur qualité de vendeur de bonne foi,

- que le prix de vente a été négocié au vu de l'état du bien,

- que l'inclinaison de la maison est survenue dès la fin des travaux de construction en 1987, et s'est ensuite stabilisée, l'expert ayant conclu à l'absence de mouvement actuel du bâti, de sorte que l'inclinaison est la même que celle qui a été vue par Mme [V] avant l'achat,

- que la perte de valeur du bien n'est pas démontrée, dès lors le lien de causalité entre la baisse du prix de vente et l'inclinaison de la maison n'est pas établi, la baisse consentie par Mme [V] étant largement supérieure au coût du redressement des sols chiffré par l'expert,

- qu'il n'appartient pas à un expert judiciaire de se prononcer sur la conformité administrative de la clôture en bois ; qu'en tout état de cause, la clôture est démontable, et la commune n'a pas initié de procédure contraignante, de sorte qu'aucun préjudice personnel, réel et certain n'est démontré à ce titre,

- que le préjudice de jouissance allégué par Mme [V] n'est pas justifié, dès lors que le dommage n'induit aucune atteinte à la jouissance des lieux, en toute leur superficie,

- qu'il subit un préjudice moral du fait de l'action engagée par Mme [V] à son encontre, qui s'entête à vouloir battre monnaie de la situation malgré les conclusions claires du rapport d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de Mme [V] contre M. [O]:

Selon l'article 724 du code civil les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

En outre, en application de l'article 873 du code civil les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession personnellement pour leur part successorale et hypothécairement pour le tout.

M. [O], en sa qualité de fils de Mme [S] divorcée [D] est donc héritier de plein droit de celle-ci.

Il incombe à l'héritier désigné par la loi de démontrer qu'il ne l'est pas ou qu'il a renoncé, ou qu'il y a d'autres héritiers plus proches. Mme [V] produit un courrier du 15 janvier 2021 du greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux au service d'enregistrement des renonciations à succession qui indique qu'aucune renonciation à la succession de Mme [S] n'a été enregistré à cette date.

Faute de produire la moindre preuve, ne serait-ce qu'un certificat de notoriété que le notaire chargé de la succession de sa mère peut lui fournir à sa demande, M. [O] est présumé seul héritier de Mme [S] et sa fin de non-recevoir doit être rejetée, et les demandes de Mme [V] à son encontre sont donc recevables.

Sur'la demande de Mme [V] en indemnisation :

Mme [V] ayant vendu la maison objet du litige par acte du 9 avril 2021, elle ne poursuit pas la résolution ou la nullité de la vente, mais son indemnisation en réduction du prix de son acquisition.

* A titre principal sur le fondement du dol

Selon l'article 1109 du Code civil dans sa version applicable au présent litige, il n'y a pas de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L'article 1116 du Code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

La jurisprudence assimile au dol la rétention par le vendeur d'une information qu'il sait déterminante pour l'acquéreur.

En l'espèce, Mme [V] invoque deux défauts dissimulés ayant vicié son consentement.

- le défaut d'horizontalité de la maison :

La Cour relève dans les déclarations des parties que la vente a été conclue en quelques jours, sans intermédiaire, après une visite le 10 juillet 2015, et une signature du compromis de vente le 17 juillet 2015, mais après 4 visites de l'immeuble selon M. [O] qui n'est pas contredit par Mme [V] sur ce point.

L'expert judiciaire M. [K] a constaté une pente générale et homogène des planchers et sols à l'intérieur de la maison, en raison d'un tassement d'environ 20 cm de la partie ouest de l'ouvrage, par défaut de conception des fondations n'ayant pas pris en compte la nature du terrain remblayé, insuffisamment compacté. Ce tassement s'est produit rapidement après la construction de la maison en 1987.

Il a noté un basculement généralisé de la maison, la présence de nombreuses fissures matées en façades ne constituant cependant pas des fissures structurelles actives, et des éléments de maçonnerie extérieurs (mortier inséré dans le vide constitué par le basculement) visant à combler des écarts entre la façade et le trottoir périphérique.

L'expert judiciaire a fait poser des jauges maintenues pendant 4 saisons pour rechercher une aggravation qu'il n'a pas constaté, un désordre des canalisations n'étant pas en lien avec le tassement. Il affirme que la solidité de l'ouvrage n'est pas compromise, mais que ce tassement affecte seulement l'usage de la maison.

L'expert privé M. [M] avait constaté le 10 décembre 2015 un écart important entre la façade et le trottoir autour de la maison, ayant été rebouché à plusieurs reprises par des mortiers de différentes consistances.

Mme [V] considère que le fait de boucher cet espace toujours plus grand, et de calfeutrer les fissurations en façade avaient pour but de masquer le basculement généralisé de la maison qui était ainsi caché. Des travaux ont été réalisé par les vendeurs à plusieurs reprises et dans des proportions croissantes constituant pour elle la dissimulation reprochée.

Toutefois il n'est pas contesté que lors de la visite de l'immeuble, les époux [E]- [V] ont constaté par eux-mêmes le défaut de planéité de la maison qui était visible et dont témoigne un voisin présent lors de cette visite, M. [Y], qui a constaté la discussion entre les parties sur ce défaut du sol, précisant avoir plaisanté en disant 'l'avantage, c'est que la porte d'entrée se ferme toute seule'.

Cette remarque démontre que ce n'était pas seulement le sol incliné qui était constaté, avec les cales sous les meubles visibles dans la maison meublée, mais bien l'inclinaison de toute la maison.

Par ailleurs, l'artisan peintre M. [X] atteste être venu en 2014 pour reprendre les fissures de façades pour éviter à l'humidité de s'infiltrer, sans chercher à les dissimuler par une reprise intégrale de l'enduit, laissant donc visibles les reprises ponctuelles.

Ainsi il importe peu que Mme [V] n'ait pas connu la cause exacte de cette inclinaison dès lors que l'expertise judiciaire note qu'elle est visible à l'oeil nu et qu'elle est sensible au pied. Lors de son acquisition, Mme [V] avait toute possibilité de s'enquérir de manière plus approfondie sur les désordres apparents constatés, ses causes et conséquence, qui ne lui ont donc pas été dissimulés par la venderesse et son fils. Aucune évolution ni aggravation n'étant constatée par l'expert judiciaire mais au contraire une stabilisation de la maison, elle se trouve donc dans le même état que lors des visites par les acquéreurs.

- la clôture en bois non conforme au PLU :

Le PLU de la Commune impose des clôtures en grillage d'1,80 mètres maximum, doublé de haies. La Mairie de [Localité 5] a adressé une lettre à Mme [V] le 6 janvier 2016 lui indiquant que la clôture en bois a été installée sans déclaration préalable en mairie, et ne respecte pas les prescriptions du PLU, et lui a demandé de procéder à la mise en conformité de cette clôture dans les meilleurs délais.

Si la clôture est parfaitement visible de l'acquéreur qui visite la maison, sa non-conformité aux prescriptions du PLU ne l'est pas pour un acheteur dont l'attention n'est pas attirée sur ce point.

Mais pour solliciter une indemnisation sur le fondement du dol, Mme [V] doit démontrer que le défaut d'information sur la non conformité de la clôture au PLU a été un élément déterminant de son consentement à l'acquisition de la maison et que la venderesse a intentionnellement dissimulé ce fait sachant que cette information pouvait compromettre la vente au prix convenu.

Or l'immeuble était mis en vente à 350.000 ' plus les honoraires de vente, et vendu à 290.000 ' (plus 20.000 ' pour les meubles), au regard du coût de la mise en conformité de la clôture chiffré par l'expert à 5380 ' TTC une dissimulation intentionnelle n'est pas vraisemblable d'autant qu'il n'est pas démontré que Mme [S] ou M. [O] ont eu conscience d'enfreindre le PLU lorsqu'ils ont modifié leur clôture sans faire de déclaration préalable de travaux et en remplaçant le grillage par une clôture en bois. La Mairie n'a adressé la demande de régularisation qu'aux acquéreurs après la vente en 2016 et non pas à Mme [S] ou à M. [O].

La demande d'indemnisation de Mme [V] fondée sur le dol doit par conséquent être rejetée par confirmation du jugement, faute de démontrer l'intention dolosive de Mme [S] et sa dissimulation délibérée du tassement de la maison vendue et de la non conformité de la clôture du terrain.

* Sur le fondement du vice caché :

L'article 1641 du code civil dispose que " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ".

Selon l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il résulte en outre des dispositions de l'article 1643 du même code que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; ladite stipulation étant privée d'effet en cas de mauvaise foi du vendeur caractérisée par la connaissance du vice.

Mme [V] reconnaît avoir constaté lors des visites une déclivité des sols (non contestée et l'expert confirme le caractère apparent du vice) mais ignorait le basculement généralisé (et le coût des travaux de reprise), la cause ne pouvant être connue que par un spécialiste selon l'expert, elle n'était qu'assistante immobilière sans compétence en matière de construction.

Cependant, comme vu ci-dessus, la cause du basculement réside dans le défaut de compactage du sol lors de la construction en 1987 et le tassement de la maison est intervenu dès après la construction pour être désormais stabilisé. Aucune aggravation de l'inclinaison ou du tassement n'est constaté, le vice était donc apparent dans toute son ampleur lors des visites par les acquéreurs.

Il n'y a donc aucun vice caché affectant cet immeuble, et aucune impropriété de la maison à son usage, ainsi qu'en atteste M. [C] qui a été locataire de 1987 à 1992: 'Durant cette période, nous avions constaté une légère déclivité des sols de la maison sans que cela n'altère l'agrément de la maison.'

Quant à la clôture non conforme, elle ne présente aucun vice et remplit sa fonction de clôture, sa non-conformité au PLU ne peut donc pas relever de la garantie des vices cachés invoquées en l'espèce.

Les demandes de Mme [V] seront également rejetées sur ce fondement par confirmation du jugement.

Sur la demande de Mme [V] en dommages pour préjudice de jouissance :

Occupante de la maison acquise de Mme [S] entre 2016 et 2021 date de sa revente, Mme [V] invoque un préjudice de jouissance que la cour rejette dès lors qu'il a été considéré qu'elle avait acquis le bien immobilier en connaissant l'inclinaison des sols qui était stabilisée et en l'absence de préjudice résultant de la non conformité d'une clôture au PLU.

Sur la demande reconventionnelle de M. [O] en dommages-intérêts pour préjudice moral :

Que ce soit sur le fondement contractuel en sa qualité d'héritier de sa mère qui a vendu le bien à Mme [V], ou sur le fondement initial délictuel au début de la procédure engagée contre sa mère et lui-même en sa qualité d'occupant de la maison, M. [O] doit démontrer une faute de Mme [V] dans son action en justice qui lui a causé un préjudice moral.

Or, il n'est pas établi que Mme [V] a exercé son droit d'agir de mauvaise foi ou dans l'intention de nuire à M. [O] , alors qu'elle a effectivement revendu, au bout de 5 ans, le bien acquis pour la moitié de son prix d'acquisition suite à l'expertise judiciaire chiffrant les travaux de rétablissant de la planéité de l'immeuble entre 90.000 et 147.000 ' HT. M. [O] ne justifie d'aucun préjudice moral et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande.

Sur les mesures accessoires':

Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une application équitable.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé sur ces dispositions.

Mme [V] devra supporter les dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu en équité de faire droit aux demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ces dispositions

Y ajoutant,

Condamne Mme [B] [V] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL TORTIGUE-PETIT-SORNIQUE, qui sera autorisée à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Rejette la demande des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame FAURE, Présidente et par Madame DENIS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire

La Greffière, La Présidente,

Nathalène DENIS Caroline FAURE

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