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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 20 mai 2025, n° 23/01763

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/01763

19 mai 2025

20/05/2025

ARRÊT N°25/200

N° RG 23/01763 - N° Portalis DBVI-V-B7H-POF5

MN CG

Décision déférée du 20 Avril 2023

Tribunal de Commerce de TOULOUSE

( )

M. LOZE

[P] [X]

C/

Société [X]

Société [2]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à Me RIBAUTE

Me SOREL

Me ASTIE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT MAI DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [P] [X]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Xavier RIBAUTE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

Société [X] prise en la personne de son représentant légal domicilié en sa qualité au dit siège social

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Olivier RICHARD, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

Société [2] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe LAVERNE de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

Représentée par Me Emmanuelle ASTIE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. NORGUET, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

I. MARTIN DE LA MOUTTE, présidente

M. NORGUET, conseillère

S. MOULAYES, conseillère

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par I. MARTIN DE LA MOUTTE, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Faits et procédure :

La Sarlu [X] a été créée en 1997 par [P] [X], dirigeant et associé unique à compter de 2005, pour exercer une activité d'installation de machines et d'équipements électriques.

Dès sa création, la Sarl [2] a exercé une mission d'expertise-comptable auprès de la Sarlu [X] comprenant le traitement comptable et l'établissement des bilans de la société ainsi que des travaux juridiques, dont l'établissement des convocations aux assemblées générales ordinaires et les procès-verbaux d'assemblées, des travaux sociaux et des travaux fiscaux dont notamment l'établissement de diverses déclarations fiscales. Plusieurs lettres de missions se sont ainsi succédées, la dernière étant datée du 3 octobre 2014.

En octobre 2014, [P] [X], sur conseils de la Sarl [2], a réalisé une opération de réduction du capital social de la Sarlu [X] lequel s'élevait à 340 000 euros pour 21 250 parts sociales depuis le 29 décembre 2009.

Ainsi, la somme de 260 000 euros a été virée du compte courant associé de [P] [X] sur son compte bancaire personnel le 27 octobre 2014.

Puis, par deux délibérations immédiatement successives de l'assemblée générale extraordinaire du 15 septembre 2015, le capital social à été amené à 40 000 euros par remboursement à l'associé unique, sur son compte courant d'associé, de la somme de 300 000 euros représentant le prix de 18 750 parts sociales et l'assemblée générale a immédiatement réaugmenté le capital social pour le porter à nouveau à 340 000 euros par émission de 18 750 nouvelles parts sociales par « incorporation » des sommes disponibles dans les réserves de la société.

La Sarl [2] a réalisé les opérations comptables en vue de l'établissement du bilan de l'année 2014-2015, arrêté au 30 septembre 2015 ainsi que les déclarations fiscales afférentes pour la Sarlu [X] et son dirigeant.

Dans le courant de l'année 2016, la Sasu [10] a exprimé son souhait d'acquérir l'ensemble des parts sociales de la Sarlu [X].

Ainsi, le 4 octobre 2016, [P] [X] a signé un compromis de vente de la totalité de ses parts sociales dans la Sarlu [X] avec la Sasu [10] sous conditions suspensives notamment de modification de forme de la personne morale.

Par décision de l'assemblée générale du 5 décembre 2016, la Sarlu [X] a été transformée en Sasu.

Après levée des conditions suspensives, par acte du 12 janvier 2017, [P] [X] a cédé la totalité des actions composant le capital social de la Sasu [X] à la Sasu [10]. Une garantie d'actif-passif a été incluse dans l'acte de cession pour tous les actes ou opérations antérieures aux comptes de l'exercice clos au 30 septembre 2016.

Le 6 février 2018, l'administration fiscale a avisé [P] [X], la Sasu [X] et la Sasu [10] de ce qu'elle allait procéder à une vérification de la comptabilité des deux sociétés.

Le 20 juin 2018, l'administration fiscale a notifié à la Sasu [X] une proposition de rectification fiscale pour les exercices 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017, d'un montant total de 233 287 euros concernant l'opération du 15 septembre 2015, pour mauvaise qualification de l'opération s'agissant d'une réduction de capital social par remboursement des parts à l'associé unique non motivée par des pertes au sein d'une société bénéficiant de réserves, opération devant s'analyser en une distribution de revenus, en l'espèce de réserves, à l'associé unique et devant donner lieu à l'envoi de déclarations obligatoires afférentes 2777-D et IFU 2561 dans les délais requis.

Le 31 juillet 2018, l'administration fiscale a notifié à [P] [X] une proposition de rectification fiscale personnelle, s'agissant de cette même opération ainsi requalifiée, au titre de son imposition sur ses revenus pour l'année 2015 pour un montant total de 113 958 euros.

La Sasu [X] a informé la Sarl [2] de l'existence de la procédure fiscale en cours et l'a invité à formuler des observations aux fins de contestation de la proposition de rectification.

Par courrier du 4 juillet 2018, la Sarl [2] a contesté, au nom de la Sasu [X] et de [P] [X], les propositions de rectification de l'administration fiscale, que celle-ci lui a indiqué maintenir par courrier retour du 16 août 2018.

L'amende, les rappels de droits ainsi que les intérêts et pénalités ont été mis en recouvrement le 15 janvier 2019 contre la Sasu [X] pour un montant total de 233 238 euros. Celle-ci a formé une contestation par réclamation du 26 mars 2019 à laquelle l'administration fiscale a refusé de faire droit par décision du 9 septembre 2019.

Le rappel sur l'impôt sur le revenu pour l'année 2015 s'agissant de [P] [X], a été mis en recouvrement pour la somme totale de 113 958 euros. [P] [X] a formulé une réclamation par courrier en date du 5 novembre 2019 à laquelle l'administration fiscale a refusé de faire doit par courrier retour du 1er septembre 2020.

Par courrier recommandé du 3 avril 2019, la Sasu [X], soutenant une faute de l'expert-comptable à l'origine de l'ensemble des redressements, a mis en demeure la Sarl [2] de lui régler la somme de 249 751 euros en réparation de ses divers préjudices financiers.

Par requêtes du 29 octobre 2019, 30 octobre 2020 et 4 novembre 2020, la Sasu [X] et [P] [X] ont saisi le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'obtenir décharge des sommes réclamées à l'issue des rectifications.

Par exploit d'huissier en date du 24 décembre 2019, la Sasu [X] a assigné de la Sarl [2] devant le tribunal de commerce de Toulouse en responsabilité contractuelle aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de 249 751 euros, avec intérêts de droit depuis le 3 avril 2019, en réparation des divers préjudices découlant du redressement fiscal.

Par jugement du 7 décembre 2021, le tribunal administratif a rejeté l'intégralité des demandes de la Sasu [X] et de [P] [X] et validé l'ensemble des redressements opérés par l'administration fiscale.

Au titre des différents rappels de droit et pénalités sur les revenus pour l'année 2015 et la plus-value de cession des parts sociales de 2017, [P] [X] a acquitté auprès de la DGFIP, courant décembre 2021, la somme de 295 725 euros.

La Sasu [X] faisant l'objet d'une mise en demeure de l'administration fiscale en date du 15 décembre 2021 aux fins de paiement de la somme de 233 238 euros, la Sasu [10] a, par courrier recommandé du 21 décembre 2021, mise en jeu la garantie d'actif-passif consentie par [P] [X] dans l'acte de cession de parts du 12 janvier 2017, en lui réclamant, sous huit jours, le paiement de cette somme.

[P] [X] a accepté la mise en jeu de sa garantie d'actif-passif et a payé cette somme à titre de réduction du prix de cession, par virement du 5 janvier 2022.

Par courriers recommandés avec accusé de réception des 17 décembre 2021 et 3 et 26 janvier 2022, [P] [X], soutenant également la faute de l'expert-comptable à l'origine de l'ensemble des redressements opérés, a mis en demeure la Sarl [2] de lui régler la somme de 383 628 euros au titre de ses divers préjudices financiers.

Par conclusions en date du 15 février 2022, [P] [X] est intervenu volontairement à la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Toulouse aux fins de demander, sur le fondement de sa responsabilité délictuelle et contractuelle, la condamnation de la Sarl [2] au paiement de la somme 383 628 euros en réparation de ses divers préjudices financiers personnels.

Reconventionnellement, la Sarl [2] a soulevé l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de [P] [X] pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.

Par jugement du 20 avril 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :

dit [P] [X] irrecevable en ses demandes à l'encontre de la Sarl [2],

débouté la Sasu [X] de ses demandes à l'encontre de la Sarl [2],

débouté [P] [X] de sa demande en remboursement à la Sasu [X] de la somme de 33 238 euros,

dit que chaque partie conservera à sa charge les frais qu'elle a engagés au titre de la procédure,

condamné la Sasu [X] et [P] [X] aux dépens.

Par déclaration en date du 16 mai 2023, [P] [X] a relevé appel du jugement du tribunal de commerce aux fins de le voir réformé en intégralité.

Par voie de conclusions, la Sasu [X] a fait appel incident des chefs de dispositif l'ayant déboutée de ses demandes à l'encontre de la Sarl [2] et condamnée aux dépens.

Par conclusions d'incident en date du 4 octobre 2023, la Sarl [2] a saisi le conseiller en charge de la mise en état aux fins de voir déclarée irrecevable l'action de la Sasu [X] à son encontre en raison de l'irrespect d'une clause de conciliation préalable obligatoire.

Le 31 janvier 2024, [P] [X] a payé à la DGFIP la somme de 129 982 euros au titre des rappels d'impôt et majorations pour l'année 2015.

Par ordonnance du 13 juin 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse :

s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée d'une clause de conciliation prétendument obligatoire,

a déclaré irrecevable l'exception de procédure tirée de la clause d'arbitrage,

a condamné la Sarl [2] aux dépens de l'incident,

a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 6 janvier 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 5 février 2025.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions récapitulatives devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 17 décembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles [P] [X], demande au visa des articles 184 à 198 du code de procédure civile, 1240, 1231-1, 1302 et suivants, 1346 et 1346-1, 1383 du code civil :

statuant avant dire droit en considération de la présentation contestée des faits de la cause par la Sarl [2], actuellement dénommée [9] [Localité 5], du réel désaccord entre les parties sur les faits de la cause et, notamment, sur le point de savoir si le prélèvement effectué par [P] [X] sur le compte bancaire de la société [X] et l'opération consécutive de réduction de capital étaient préconisés par son expert-comptable [G] [T] et en considération du fait que la solution du litige peut dépendre de la réalité de ces faits, que soit ordonnée la comparution personnelle des parties,

qu'il soit dit que [P] [X] et [G] [T] devront se présenter à la Cour à la date heure et lieu qu'elle fixera dans son arrêt avant dire droit,

que soit ordonnée la convocation, par le greffe, des intéressés, conformément aux dispositions de l'article 160 du Code de procédure civile aux fins que lui soit posées les questions suivantes : Lorsque [P] [X] vous a informé de ses intentions d'acquérir un bien immobilier confirmez-vous lui avoir préconisé d'utiliser la trésorerie de la société et de prélever les fonds nécessaires sur les comptes bancaires de la société ' Lui avez-vous ensuite indiqué que ce prélèvement ne poserait aucune difficulté juridique et fiscale et que vous aviez déjà effectué ce type d'opération ' Lui avez-vous ensuite précisé que cette opération pouvait s'effectuer sans fiscalité ' Cette opération s'inscrivait elle dans un projet de vente de la société [X] '

en cas d'arrêt avant dire-droit, que les dépens soit réservés,

au fond, l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 avril 2023 rendu sous le numéro 2019J934, en ce qu'il a :

déclaré irrecevable la demande formée par M. [X] à l'encontre de la société [2] au motif qu'il ne pourrait se prévaloir de la responsabilité contractuelle puisqu'il était tiers au contrat liant la société [X] à cette société d'expertise comptable,

considéré n'y avoir lieu à responsabilité civile de l'expert-comptable faute de préjudice subi par la Sasu [X] puisque ce dommage a été réparé dans le cadre de la garantie de passif,

débouté M. [X] de sa demande à l'encontre de la Sasu [X] au motif qu'il ne justifierait pas de la raison d'un éventuel remboursement du trop-perçu d'un montant de 33 238 euros (233 238/200 000),

confirmé le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de la société [X] à l'encontre de la société [2] devenue [9],

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

que soit déclarée recevable l'action de [P] [X] à l'encontre de la société [2], actuellement dénommée [9], et que cette dernière soit déboutée de sa fin de non-recevoir tirée de la clause de conciliation insérée dans la lettre de mission conclue entre la société [X] et son expert-comptable comme de toutes ses demande d'irrecevabilité,

le rejet de la demande d'irrecevabilité de la réclamation de M. [X] au titre de la réparation du préjudice moral, formulée par la société [2] comme nouvelle au sens de l'article 564 du cpc,

la condamnation de la Sarl [2] actuellement dénommée [9] à payer à Monsieur [P] [X] la somme de 379 648 euros, assortie des intérêts de retard courant à compter des mises en demeure qui lui ont été adressées les 17 décembre 2021, 3 janvier 2022 et 26 janvier 2022, cette somme se décomposant comme suit :

la somme de 233 238 euros en réparation du préjudice de M. [X] consécutif à l'exécution de la garantie de passif,

la somme de 129 982 euros en réparation du préjudice résultant de son propre redressement fiscal,

la somme de 16 428 euros en réparation du préjudice financier correspondant à toutes les dépenses de frais et de conseil assumées par M. [X] hors instance actuelle,

la condamnation de la Sarl [2] actuellement dénommée [9] à payer à Monsieur [P] [X] une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

la condamnation de la Sarl [2] actuellement dénommée [9] à payer à Monsieur [P] [X] la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et la condamner aux entiers dépens,

la condamnation de la Sasu [X] à rembourser à Monsieur [P] [X] la somme de 33 238 euros qui lui a été indûment versée, eu égard au plafonnement de la garantie prévue dans l'acte du 12 janvier 2017 à 200 000 euros et, en tant que de besoin, déduire cette somme de la condamnation de la Sarl [2] à indemniser le préjudice subi par Monsieur [X] ;

que la condamnation ainsi prononcée soit assortie des intérêts de retard au taux légal courant à compter du 5 janvier 2022.

Vu les conclusions n°3 notifiées le 16 octobre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sasu [X] demande au visa des articles L123-14, L123-15, L123-20, L123-23 et suivants du code de commerce, 12 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, décret 2012-432 du 30 mars 2012, 1217 et 1231-1 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile :

le rejet de la fin de non-recevoir de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]),

la reconnaissance du caractère recevable de l'action de la société [X] à l'encontre de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]),

la confirmation du jugement rendu le 20 avril 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [X] de sa demande en remboursement à la Sasu [X] de la somme de 33 238 euros,

l'infirmation du jugement rendu le 20 avril 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu'il a :

débouté la Sasu [X] de ses demandes à l'encontre de la Sarl [2],

condamné la Sasu [X] aux dépens,

et statuant à nouveau, le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]) à l'endroit de la société [X],

si par extraordinaire la Cour d'appel venait à infirmer le jugement rendu le 20 avril 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [X] de sa demande en remboursement à la Sasu [X] de la somme de 33 238 euros,

le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]),

la condamnation de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]) à payer à la société [X] la somme de 33 238 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019, date de la mise en demeure,

la condamnation de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]) à payer Monsieur [P] [X] la somme de 200 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019, date de la mise en demeure,

en toute hypothèse, la condamnation solidaire de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]) et de Monsieur [X] à payer à la société [X] un montant de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamnation solidaire de la société [2] (aujourd'hui [9] [Localité 5]) et de Monsieur [X] aux dépens et dire que Maître Olivier Richard pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions d'intimée n°4 notifiées le 23 décembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sarl [2] demande :

à titre principal, la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 avril 2023 en ce qu'il a dit Monsieur [P] [X] irrecevable en ses demandes à l'encontre de la Sarl [2],

l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 avril 2023 en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société [X],

et statuant à nouveau, que l'action de la société [X] à l'encontre de la société [2] soit déclarée irrecevable,

à titre subsidiaire si la Cour déclarait recevable l'action de Monsieur [P] [X] et de la société [X], la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 avril 2023 en ce qu'il a débouté la Sasu [X] de ses demandes à l'encontre de la Sarl [2],

que Monsieur [P] [X] soit déclaré irrecevable en sa demande au titre de son préjudice moral,

le rejet des demandes formulées par Monsieur [P] [X] à l'encontre de la société [2],

à titre plus subsidiaire, si la Cour entrait en voie de condamnation à l'encontre de la concluante,

que le montant des condamnations soit limité à de plus justes proportions,

en tout état de cause, l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 avril 2023 en ce qu'il a dit que la société [2] devait conserver à sa charge les frais qu'elle avait engagés au titre de la procédure,

et, statuant à nouveau, la condamnation in solidum de Monsieur [P] [X] et de la société [X] à payer à la société [2] 15 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

leur condamnation in solidum aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La Sarl [2] avance trois fins de non-recevoir à l'encontre de la Sasu [X] et de [P] [X].

Sur l'irrecevabilité des demandes formulées par la Sasu [X] et [P] [X] pour non-respect de la clause de conciliation ou d'arbitrage préalable

La Sarl [2] soutient l'irrecevabilité des demandes de la Sasu [X] en raison de l'irrespect de la clause de conciliation préalable énoncée à l'alinéa 2 de l'article 8 de la dernière lettre de mission de l'expert-comptable, datée du 3 octobre 2014. Selon elle, cette clause a prévu le recours préalable et impératif soit à la conciliation, soit à l'arbitrage, pour la résolution des différends entre les parties avant toute action en justice. Or la Sasu [X] l'ayant assignée devant une juridiction, écartant donc la voie de l'arbitrage, mais sans emprunter au préalable la voie de la conciliation comme contractuellement prévu, ses demandes sont irrecevables.

En réplique à la critique d'imprécision de la procédure de conciliation devant être suivie soulevée par la Sasu [X], elle produit le Règlement de conciliation de la Chambre d'Arbitrage présentant les modalités à suivre, tout en reconnaissant qu'il ne s'agit pas de la version applicable en 2014.

La Sarl [2] ajoute que si la cour venait à retenir à son encontre une responsabilité contractuelle à l'égard de [P] [X], elle serait fondée à lui opposer de la même façon le non-respect de la clause de conciliation préalable avant son action en justice et donc l'irrecevabilité de ses demandes à son égard.

La Sasu [X] réplique en affirmant que la clause d'un contrat imposant le recours à une procédure de conciliation préalablement à la saisine d'un juge ne constitue une fin de non-recevoir que si elle est expresse, non équivoque et qu'elle mentionne les conditions particulières de sa mise en 'uvre. Or, elle met en avant que la formulation de la clause dans la lettre de mission du 3 octobre 2014 est à la fois équivoque, puisqu'elle prévoit indifféremment un recours à la conciliation ou à l'arbitrage, et dépourvue de force contraignante, en ce qu'elle n'indique pas que le recours à la conciliation est un préalable obligatoire avant toute saisine de juridiction.

[P] [X] répond pour sa part que les fautes reprochées à l'expert-comptable n'entraient pas dans le cadre des missions ordinaires prévues dans la lettre de mission et que dès lors, s'agissant de conseils donnés dans le cadre des missions extraordinaires de l'expert-comptable, c'est l'alinéa 1 de la clause contractuelle qui doit s'appliquer et non l'alinéa 2, or l'alinéa 1 ne prévoit qu'une simple faculté de saisine du président du Conseil de l'ordre des experts-comptables. Il affirme qu'à le considérer applicable, l'alinéa 2 ne proposant qu'une alternative facultative, il n'a aucun pouvoir contraignant et ne peut constituer une fin de non-recevoir. Enfin, il avance que cette clause ne lui est, en tous les cas, pas opposable puisqu'il exerce une action directe à l'encontre de la Sarl [2] pour la réparation de son propre préjudice et qu'il ne peut lui être opposé des dispositions d'un contrat auquel il est tiers et qu'il n'a pas négocié.

La cour rappelle au préalable que le conseiller en charge de la mise en état, dans son ordonnance du 13 juin 2024, revêtue de l'autorité de chose jugée à défaut de déféré, a déclaré irrecevable l'exception de procédure relative à l'irrespect de la clause d'arbitrage contenue dans la lettre de mission d'expertise comptable comme soulevée par la Sarl [2] pour la première fois en appel.

S'agissant de la partie de la clause relative à la conciliation préalable, il est de jurisprudence constante que les clauses de conciliation préalables à une action judiciaire sont licites et constituent des fins de non-recevoir soumises au régime des articles 122 et suivants du code de procédure civile si elles répondent à des critères spécifiques et notamment s'il y est prévu les conditions particulières de leur mise en 'uvre, avec le détail des modalités de saisine ou de désignation des conciliateurs ou médiateurs, ainsi que leur identité, ou les divers délais à respecter.

Dès lors, les clauses trop vagues et imprécises, qui ne remplissent pas ces critères, ne peuvent constituer des fins de non-recevoir.

En l'espèce, la clause litigieuse contenue dans la lettre de mission du 3 octobre 2014, produite en pièce 1 par [P] [X], prévoit dans son article VIII « Différends » que « les différends et les litiges qui viendraient à se produire à l'occasion ou à la suite du présent contrat seront résolus par voie de conciliation ou d'arbitrage conformément au Règlement de la Chambre d'Arbitrage de Toulouse, [Adresse 1], auquel les parties déclarent expressément adhérer ».

La cour constate que la clause est équivoque en ce qu'elle parait ne lier le règlement de la Chambre d'Arbitrage qu'à la procédure d'arbitrage et non aux deux voies proposées. Dès lors, la production du Règlement de conciliation de la Chambre d'Arbitrage par la Sarl [2] n'apporte aucune précision utile. Plus encore, ladite clause n'expose aucune condition particulière de mise en 'uvre de la conciliation prévue s'agissant tant des délais à respecter, des modalités de convocation des parties ou de leur rencontre ainsi que de la désignation des conciliateurs, de sorte qu'elle ne revêt pas la précision suffisante pour constituer une fin de non-recevoir. Enfin, il doit être noté qu'elle n'a contractuellement prévu aucune sanction en cas de non-respect de ses dispositions.

En outre, le Règlement de conciliation de la Chambre d'Arbitrage produit par la Sarl [2], dans une version non contemporaine de la signature de la lettre de mission, n'a pas été joint en annexe de ce contrat, paraphé par les parties, qui n'en fait aucune mention, de sorte qu'il ne constitue pas un tout compris dans le champ contractuel liant les parties.

Enfin, la cour constate qu'aucune des parties n'a engagé les voies amiables prétendument obligatoires avant l'instance au fond et que la Sarl [2] n'a soulevé le caractère obligatoire du recours à la conciliation préalable que pour la première fois à hauteur d'appel.

Dès lors, la cour en conclut que la clause litigieuse ne remplit pas les critères lui conférant la nature d'une fin de non-recevoir opposable au juge, et partant opposable à la Sasu [X] ou à [P] [X].

Les demandes de la Sasu [X] et de [P] [X] formulées à l'encontre de la Sarl [2] sont jugées recevables ; la fin de non-recevoir présentée par la Sarl [2] est rejetée.

Sur l'irrecevabilité des demandes formulées par [P] [X] pour défaut d'intérêt à agir

La Sarl [2] soutient que [P] [X] ne peut formuler à son encontre des demandes sur le fondement de sa responsabilité contractuelle puisqu'elle n'avait pas de lien contractuel avec l'appelant, étant l'expert-comptable de la seule Sasu [X], et conteste la faculté de la Sasu [X] d'avoir représenté [P] [X] ou d'avoir postulé pour son compte lors de la signature de la lettre de mission du 3 octobre 2014.

Elle soutient également que [P] [X] ne peut pas rechercher sa responsabilité sur un fondement délictuel en raison du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle et que dès lors, les demandes de l'appelant sont infondées juridiquement.

En réplique, [P] [X] affirme que son action est recevable car il est en droit de rechercher à la fois la responsabilité contractuelle de la Sarl [2] en qualité de contribuable ayant dû subir un redressement fiscal du fait du manquement de l'expert-comptable à son devoir de conseil et de l'irrégularité de ses déclarations fiscales personnelles, et sa responsabilité délictuelle, en qualité de tiers invoquant une faute contractuelle de l'expert-comptable dans ses rapports avec la Sasu [X], lui ayant causé personnellement un dommage découlant de la mise en jeu de sa garantie d'actif-passif consentie dans l'acte de cession des parts sociales.

Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Toute personne qui prétend qu'une atteinte a été portée à un droit lui appartenant et qui profitera personnellement de la mesure qu'elle réclame à un intérêt personnel à agir en justice.

Il est de jurisprudence constante que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du droit ou du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.

Dès lors, soutenant d'une part que la Sarl [2] avait bien une relation contractuelle avec lui s'agissant de l'établissement de ses déclarations fiscales personnelles, d'autre part, qu'elle a commis une faute dans ce cadre lui ayant causé un préjudice en raison de son redressement personnel, et enfin, qu'il est en droit d'invoquer à son bénéfice la faute contractuelle commise par l'expert-comptable à l'encontre de la Sasu [X] en sa qualité de tiers au contrat ayant subi un préjudice de ce chef, [P] [X] a nécessairement un intérêt à agir contre la Sarl [2] à ces titres.

La question de savoir si la Sarl [2] a engagé sa responsabilité contractuelle ou délictuelle envers [P] [X] relève exclusivement de l'appréciation du bien-fondé de l'action ainsi intentée.

La cour infirme donc le jugement de première instance en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir de la Sarl [2] et a dit que les demandes de [P] [X] dirigées à son encontre étaient irrecevables.

La cour déclare les demandes de [P] [X] formulées à l'encontre de la Sarl [2] recevables.

Sur la demande nouvelle en appel

La Sarl [2] soutient l'irrecevabilité de la demande d'allocation de la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral de [P] [X] comme étant formulée pour la première fois en cause d'appel.

[P] [X] le conteste, en affirmant que cette demande procède du même fait initial que ses autres demandes et que son préjudice moral a été d'autant aggravé qu'il a du faire appel de la décision du premier juge pour tenter de faire reconnaître la responsabilité de la Sarl [2].

Les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile disposent qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la cour constate que [P] [X] poursuit depuis la première instance la responsabilité de la Sarl [2] à son égard et sa condamnation en paiement de sommes en réparation de divers préjudices qu'il allègue. Dès lors, la demande de réparation d'un nouveau chef de préjudice tend bien aux mêmes fins que ses demandes initiales, de sorte que cette demande n'est pas nouvelle en appel.

La fin de non-recevoir est écartée et la demande de réparation de son préjudice moral formulée par [P] [X] est déclarée recevable.

Sur l'appel incident de la Sasu [X]

La cour constate que la Sasu [X], demanderesse en première instance et intimée en appel, a formé appel incident et ne formule à son bénéfice qu'une demande de remboursement de la somme présentée comme trop-versée par [P] [X] dans l'hypothèse où la cour venait à infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté [P] [X] de cette demande, ainsi que des frais irrépétibles.

Figure également au dispositif de ses conclusions, la prétention visant à voir la Sarl [2] condamnée à payer à [P] [X] la somme de 200 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019, date de la mise en demeure. Or en application du principe selon lequel nul ne plaide par procureur, la demande de condamnation éventuelle ne pouvant émaner que de son bénéficiaire, [P] [X], la cour n'est donc pas saisie de cette demande qui est irrecevable.

Sur la demande de comparution personnelle des parties

Avant dire-droit, [P] [X] sollicite que sa comparution personnelle ainsi que celle de [G] [T] soit ordonnée afin qu'ils puissent répondre à certaines questions, intéressant le fond du litige, directement à la cour.

Il avance que la comparution personnelle de [G] [T] permettrait d'apporter la preuve que l'opération de réduction du capital social n'était pas motivée par la nécessité de combler le compte courant associé débiteur de [P] [X] avant la cession de ses parts sociales comme avancé par la Sarl [2].

La Sarl [2] ne formule aucune observation en réponse à cette demande.

L'article 184 du code de procédure civile dispose que le juge peut, en toute matière, faire comparaître personnellement les parties ou l'une d'elles. Les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner une comparution personnelle.

[G] [T] n'étant pas partie à la procédure, la demande de comparution personnelle formulée à son encontre par [P] [X] sur le fondement de l'article 184 du code de procédure civile ne peut prospérer et sera écartée.

La comparution personnelle de [P] [X] n'apparaît aucunement nécessaire à la résolution du présent litige dans la mesure où il est partie à la procédure depuis la première instance et a pu présenter l'ensemble des moyens qu'il souhaitait faire valoir à l'appui de ses prétentions ainsi que produire toutes les pièces qu'il estimait utiles.

La demande que soit ordonnée avant dire-droit la comparution personnelle de [G] [T] et [P] [X] formulée par ce dernier est donc rejetée.

Sur la responsabilité contractuelle et délictuelle de la Sarl [2] envers la Sasu [X] et [P] [X]

[P] [X] et la Sasu [X] poursuivent la responsabilité contractuelle, et s'agissant de [P] [X], délictuelle, de la Sarl [2] pour fautes professionnelles et manquements à son devoir de conseil et d'information en tant qu'expert-comptable.

De ces chefs, [P] [X] sollicite à titre de réparation une indemnisation à hauteur du montant qu'il a dû payer à la Sasu [X] au titre de sa garantie actif-passif correspondant au redressement fiscal subi par la société ainsi que le montant de son propre redressement fiscal subi à titre personnel outre ses frais de conseils et de procédure exposés pendant la procédure fiscale.

La Sasu [X] sollicite pour sa part, mais dans l'unique cas où la cour infirmerait le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement du trop-versé au titre de la GAP formulée à son encontre par [P] [X], la condamnation de la Sarl [2] à lui payer cette même somme de 33 328 euros.

La Sarl [2] demande le rejet de l'ensemble des demandes indemnitaires formulées à son encontre en avançant que sa responsabilité ne peut être engagée en l'espèce, soit du fait de l'absence de tout lien contractuel avec [P] [X], soit d'une manière plus générale par l'absence de toute faute ou de tout manquement à son devoir de conseil et d'information pouvant être retenus à son encontre s'agissant d'un choix fait par sa cliente de réaliser une opération de réduction du capital social par remboursement de parts sociales dans les conditions de la cause.

Sur les causes des redressements fiscaux et la qualification fiscale de l'opération de réduction du capital social litigieuse

Afin de déterminer si des fautes et des manquements peuvent être retenus à l'encontre de l'expert-comptable, il convient de déterminer les causes des redressements fiscaux infligés à la Sasu [X] et à [P] [X].

' s'agissant de la Sasu [X]

L'analyse des divers documents et courriers adressés par l'administration fiscale à la Sasu [X] démontre que le redressement fiscal de cette dernière a pour origine le mauvais traitement fiscal de l'opération de réduction du capital social réalisé par la société entre le 27 octobre 2014 et le 15 septembre 2015.

En effet, pour l'administration fiscale, en application des dispositions de l'article 112 du code général des impôts, l'opération de réduction du capital social en cause, réalisée par remboursement de parts sociales à l'associé unique, opération non motivée par les pertes de la société et réalisée alors que la société n'avait pas réparti ses bénéfices et réserves qui se montaient pour cet exercice à la somme de 1 392 315 euros, s'analyse en une distribution de revenus à l'associé unique au 15 septembre 2015 à hauteur de 300 000 euros.

De ce fait, il appartenait à la Sasu [X] de procéder à deux déclarations fiscales obligatoires en suite de cette distribution de revenus : la déclaration 2777-D devant être déposée par la société « versante » dans les 15 jours suivant l'expiration du mois au cours duquel les revenus ont été payés aux fins de prélèvement forfaitaire de 21% et de versements par la société des contributions et prélèvements sociaux de 17,2%, ainsi que la déclaration IFU N°2561 devant être adressée par la société aux services fiscaux avant le 15 février de l'année N+1 afin de déclarer l'identité des bénéficiaires des revenus distribués et de les récapituler.

L'administration fiscale reproche donc à la Sasu [X] de ne pas avoir adressé ces deux déclarations et de ne pas avoir payé les prélèvements d'impôts et les prélèvements sociaux afférents à cette distribution de revenus. Plus encore, elle lui fait grief de ce que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes pour l'exercice clos au 30 septembre 2015 n'a mentionné aucune distribution ou intention de distribution à l'associé unique des réserves détenues par la société.

L'administration fiscale a dès lors sanctionné le défaut de déclarations ainsi caractérisé de rappel d'impôts et de prélèvements à hauteur de 68 270 euros, d'une majoration de 10% ainsi que de l'amende prévue à l'article 1736 I I du Code général des impôts, se montant à 50% des sommes concernées, soit en l'espèce, à 150 000 euros.

' s'agissant de [P] [X]

Dans sa proposition de rectification adressée le 31 juillet 2018 à [P] [X], l'administration fiscale a indiqué que l'opération de réduction du capital social litigieuse s'analysant en une distribution de revenus, il revenait à [P] [X] de déclarer ces revenus pour l'année 2015, ce que ce dernier n'a pas fait.

En outre, l'administration fiscale a relevé que la Sasu [X] avait payé à la place de [P] [X] son RSI et son impôt sur le revenu pour les années 2015 et 2016.

Le service lui infligeait, s'agissant de la seule opération de réduction du capital social concernée par le présent litige, une sanction de rappel d'impôt à hauteur de 76 688 euros ainsi que des intérêts de retard à 0,40% et la majoration de 40% prévue à l'article L1729-a du Code général des impôts en cas d'établissement du manquement délibéré en vue d'éluder l'impôt, soit un total de 113 958 euros.

Le tribunal administratif a, par jugement du 7 décembre 2021, confirmé en intégralité l'analyse faite par l'administration fiscale de l'opération en cause et de ses incidences fiscales s'agissant tant de la Sasu [X] que de son dirigeant.

Ainsi, la Sarl [2] dans ses écritures est donc inopérante. Elle a, dans les courriers échangés avec l'administration fiscale de juillet et septembre 2018, parfaitement admis avoir ignoré les conditions d'application des dispositions de l'article 12 du CGI à l'opération de réduction fiscale réalisée.

- Sur la responsabilité délictuelle et contractuelle de la Sarl [2] et les manquements reprochés à l'expert-comptable

' sur l'existence d'une relation contractuelle entre la Sarl [2], la Sasu [X] et [P] [X]

Si la relation contractuelle est établie entre la Sarl [2] et la Sasu [X] du fait de la signature de la lettre de mission du 3 octobre 2014, la Sarl [2] maintient n'avoir eu aucune relation contractuelle avec son dirigeant, [P] [X] à titre personnel, de sorte que celui-ci ne peut poursuivre sa responsabilité sur un fondement contractuel.

[P] [X] soutient au contraire que la lettre de mission ayant expressément prévu que l'expert-comptable se chargerait de ses déclarations fiscales personnelles, il est lui-même lié à la Sarl [2] par un lien contractuel direct s'agissant de cette tâche précise.

En l'espèce, la lecture de la lettre de mission du 3 octobre 2014 démontre que sont listés, en annexe, dans un tableau à croix, les travaux entrant dans la mission permanente assurée par la Sarl [2] auprès de la Sasu [X]. Ainsi, il est mis à la charge de la Sarl [2], outre les travaux comptables et les travaux juridiques, habituels, au titre de ses « travaux fiscaux », « les déclarations du bénéfice réel » et les tableaux annexes ainsi que le « bordereau de versement de l'impôt sur les sociétés » pour la Sasu [X] mais également la prise en charge d'une « imposition du revenu global (2042) ».

Or, le formulaire 2042 étant destiné à déclarer les revenus d'un foyer fiscal taxables à l'impôt sur les revenus ne peut concerner la personne morale. L'analyse de ce document permet à la cour d'en conclure que la Sarl [2] était en charge des déclarations fiscales de la société mais également des déclarations fiscales personnelles de son dirigeant.

Ce mécanisme s'analyse comme une stipulation pour autrui qui a crée à la charge de l'expert-comptable un engagement à l'égard de [P] [X]. La responsabilité de l'expert-comptable doit donc s'analyser en vertu des termes du contrat.

' sur la possibilité pour [P] [X] de poursuivre également la responsabilité délictuelle de la Sarl [2]

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est jugé que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage s'il établit le lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit. Il n'est alors pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.

Dès lors, contrairement à ce qu'avance la Sarl [2], [P] [X] ne poursuit pas sa responsabilité contractuelle et délictuelle concomitamment pour les mêmes fautes alors que ce cumul est interdit mais il poursuit bien, d'une part, sa responsabilité contractuelle s'agissant des omissions de déclarations fiscales ayant abouti à son propre redressement personnel dans le cadre de la mission définie par la lettre de mission et, d'autre part, sa responsabilité délictuelle, en sa qualité de tiers au contrat, s'agissant du manquement reproché par la Sasu [X] à l'expert-comptable dans le cadre de leurs propres relations contractuelles ayant abouti au redressement fiscal de la société, que [P] [X] a été tenu de compenser lors de la mise en jeu de sa garantie d'actif-passif.

S'il est exact que ce même tiers peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants, la cour écarte l'opposabilité de la clause de conciliation préalable à [P] [X] comme elle l'a fait précédemment, au titre des fins de non-recevoir, s'agissant d'une clause équivoque et imprécise.

' sur le devoir de conseil de l'expert-comptable et les manquements reprochés

En application des dispositions des articles 141 et 155 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable, dans la mise en 'uvre de leurs missions, les experts-comptables sont tenus vis à vis de leur client d'un devoir d'information et de conseil qu'ils remplissent dans le respect des textes en vigueur.

Il est de jurisprudence constante que le devoir d'information et de conseil de l'expert-comptable accompagne toutes les missions dévolues à ce dernier et se compose non seulement de l'obligation d'informer son client mais aussi de la nécessité de tirer les conséquences de ses constatations et, le cas échéant, de mettre en garde son client ou de l'alerter. La portée du devoir de conseil est appréciée en fonction de la nature et de l'étendue de la mission confiée à l'expert-comptable dans la lettre de mission signée avec son client. Les juges du fond apprécient souverainement les éléments de preuve permettant de déterminer l'étendue de la mission et de caractériser la responsabilité de l'expert-comptable.

La charge de la preuve de la bonne exécution du devoir de conseil repose sur l'expert-comptable.

En l'espèce, s'agissant de la détermination de la nature et de l'étendue de la Sarl [2] et renvoyant à son analyse du contenu de la lettre de mission du 3 octobre 2014, la cour rappelle que la Sarl [2] devait établir les déclarations fiscales de sa cliente et avait, dans ce cadre, une obligation de conseil.

Les parties s'opposent sur l'éventuel manquement de l'expert-comptable à son devoir de conseil et d'information s'agissant de l'opportunité de recourir à la réduction de capital dans les conditions dans lesquelles elle est intervenue ainsi que sur l'information des risques découlant du mauvais traitement fiscal de cette opération et sur à la charge de l'envoi des déclarations fiscales obligatoires en découlant.

Il ressort des écritures de la Sarl [2] qu'elle ne conteste pas être à l'origine de l'opération de réduction du capital social réalisée dans les conditions reprochées. Elle admet donc avoir agi auprès de ses clients en dehors du cadre des missions normales prévues par la lettre de mission.

Cependant, elle affirme avoir agi à la demande du dirigeant et dans le seul but de combler son compte courant associé débiteur, avant la cession des parts, compte pour lequel aucune autre solution de comblement ne pouvait être adoptée et, dès lors, ne pas être responsable de ses conséquences dommageables. Rappelant que l'expert-comptable n'est tenu que d'une obligation de moyens, elle affirme qu'il revient à celui qui poursuit sa responsabilité de rapporter la preuve des faits reprochées, ce que les autres parties ne font pas.

En réplique, [P] [X] et la Sasu [X], avancent que l'opération de réduction du capital par remboursement des parts sociales à l'associé n'était pas une opération pertinente puisque la société bénéficiait de réserves et de bénéfices et que l'opération n'était pas motivée par des pertes. Ils affirment qu'il ressortait bien de la compétence de l'expert-comptable non seulement de connaître la fiscalité applicable aux opérations conseillées et de l'appliquer mais également d'attirer leur attention sur les risques fiscaux découlant des opérations envisagées puis réalisées. Or, la Sarl [2] ignorait, ce qu'elle a reconnu dans le cadre de la procédure fiscale, que l'opération projetée tombait sous le coup des dispositions de l'article 12 du Code général des impôts et n'a donc pu ni les informer du traitement fiscal exact de l'opération réalisée, ni attirer leur attention sur les risques encourus, ni leur conseiller une meilleure option et enfin, elle n'a pas correctement assuré le traitement fiscal de l'opération. Il s'agit d'une faute majeure de l'expert-comptable de nature à engager sa responsabilité à leur égard.

[P] [X] et la Sasu [X] contestent enfin l'existence d'un compte courant associé débiteur du dirigeant et la nécessité de le combler avant la cession des parts sociales, en mettant en avant le temps important s'étant écoulé entre les deux opérations et en indiquant que si telle avait été leur demande, il appartenait à l'expert-comptable d'attirer leur attention sur l'illicéité de la situation du compte courant associé ainsi que sur toutes les répercussions des opérations envisagées.

En l'espèce, la cour constate que l'extrait du compte [XXXXXXXXXX06] « C/C [X] [P] », produit en pièce 2 par [P] [X] lui-même, atteste de la réalité de la position débitrice de son compte courant d'associé, pour la somme de 260 000 euros au 27 octobre 2014, ce dont il avait nécessairement connaissance en sa qualité en sa qualité de dirigeant.

S'agissant des manquements reprochés à l'expert-comptable, il ressort de la lecture des échanges produits, par courriers ou lors des entretiens entre l'administration fiscale et la Sarl [2] pendant la procédure de redressement, que l'expert-comptable a toujours admis son ignorance des implications fiscales de l'application de l'article 12 du CGI à une opération de réduction du capital social, par remboursement de parts à l'associé, non motivée par des pertes, au sein d'une personne morale disposant de bénéfices et de réserves.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter, comme le sollicite la Sarl [2] le courrier, produit en pièce 3-3 par [P] [X], daté du 12 janvier 2022 et rédigé par [G] [T], ancien dirigeant de la Sarl, dans lequel celui-ci confirme avoir conseillé l'opération litigieuse aux parties car il pensait qu'elle était licite et nette d'imposition et avoir rédigé les actes juridiques afférents, position répétée auprès de l'administration fiscale pendant la procédure de vérification.

En matière fiscale, il est attendu de l'expert-comptable qu'il connaisse la législation applicable et qu'il attire l'attention de son client sur les incidences fiscales des opérations envisagées comme sur les risques de redressement en cas de mauvais traitement fiscal.

Le fait même que l'expert-comptable ait ignoré la législation applicable à l'opération conseillée est en soi une faute professionnelle. Le fait qu'il n'ait pu, de par cette ignorance, ni conseiller une opération plus adaptée, ni avertir ses clients des risques fiscaux attachés à l'opération ainsi conseillée, ni valablement traiter les incidences fiscales de l'opération une fois réalisée caractérisent aussi des fautes professionnelles par manquement à son devoir de conseil et d'information.

Le fait que le dirigeant ait agi de son côté pour renflouer, sans bourse délier, son propre compte-courant associé débiteur avec les ressources internes de l'entreprise n'est pas de nature à exonérer l'expert-comptable de sa responsabilité dans la mesure où il appartenait à ce dernier d'attirer l'attention de ses clients sur l'illicéité de la situation dans laquelle ils se trouvaient, voire de refuser de collaborer à une opération manifestement frauduleuse et dans la mesure où il lui appartenait de conseiller des options licites de rétablissement de leur équilibre ou d'informer ses clients des risques encourus à poursuivre dans une telle voie.

La Sarl [2], sur qui pèse la charge de prouver qu'elle a correctement rempli son obligation au titre du devoir de conseil et d'information, ne rapporte aucune preuve de ce qu'elle a informé la Sasu [X] et [P] [X] de l'illicéité de la situation relative au compte-courant débiteur, à l'incidence fiscale de l'opération projetée ou qu'elle a attiré leur attention sur les risques liés au traitement fiscal de ces opérations.

Au surplus, elle a commis une faute en n'assurant pas le bon traitement fiscal de l'opération en aval de celle-ci tant pour la Sasu [X] dont elle n'a pas attiré l'attention sur la nécessité de procéder aux transmissions du formulaire 2777-D et l'IFU N°2561, que pour que pour [P] [X], en ne procédant pas à une exacte déclaration fiscale de ses revenus personnels pour l'année 2015.

La Sarl [2] engage donc sa responsabilité contractuelle tant envers la Sasu [X] qu'envers [P] [X] de ces chefs ainsi que sa responsabilité délictuelle envers [P] [X].

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a retenu que la Sarl [2] avait engagé sa responsabilité contractuelle envers la Sasu [X].

Sur les préjudices, le lien de causalité et les demandes indemnitaires

En application des dispositions des articles 1217 et 1147 du code civil, dans leur version applicable au contrat en cause, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : ['] demander réparation des conséquences de l'inexécution. [...] le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Les fautes caractérisées à l'encontre de la Sarl [2] ont eu pour conséquence une mauvaise qualification fiscale de l'opération de réduction fiscale, une absence de transmission des déclarations 2777-D et IFU 2561 par la Sasu [X] et de déclaration exacte des revenus pour l'année 2015 pour [P] [X], et donc un redressement fiscal propre à chacun des deux clients de l'expert-comptable. Dès lors, le lien de causalité entre les fautes reprochées et les redressements fiscaux subis est établi.

La cour constate que la Sasu [X] n'élève pas de demandes indemnitaires directes envers la Sarl [2] mais sollicite uniquement, dans l'hypothèse où la cour infirmerait la décision de première instance en ce qu'elle a débouté [P] [X] de sa demande de remboursement du trop-versé de 33 238 euros suite à la mise en jeu de sa garantie actif-passif, que la Sarl [2] soit condamnée à lui verser cette même somme.

[P] [X] sollicite pour sa part l'indemnisation de la totalité de son propre redressement fiscal et des frais exposés au cours de la procédure fiscale, l'indemnisation de la somme de 233 238 euros versée à la Sasu [X] suite à la mise en jeu de sa GAP et l'indemnisation de son préjudice moral.

Dès lors, avant de trancher les demandes indemnitaires formulées par [P] [X], la cour doit s'interroger sur le montant qui devait être mis à sa charge dans le cadre de la mise en jeu de sa GAP afin de déterminer la somme dont [P] [X] peut demander à être indemnisé à ce titre par la Sarl [2].

' sur le montant dû par [P] [X] au titre de sa garantie d'actif-passif

La Sasu [X] reconnaît avoir reçu de [P] [X] la somme de 233 238 euros au titre de la mise en jeu de sa GAP, représentant le montant total du redressement mis à sa charge par l'administration fiscale.

[P] [X] affirme que la GAP consentie prévoyait une dégressivité du plafond garanti à compter de la deuxième année, avec une limitation à la somme maximale de 200 000 euros, de sorte que le fait générateur de la mise en jeu de sa GAP étant survenu dans la deuxième année de sa garantie, en versant à la Sasu [X] la somme de 233 238 euros, il a excédé de manière indue ses obligations contractuelles et est fondé à lui demander le remboursement du trop-perçu à hauteur de 33 238 euros.

La Sasu [X] s'y oppose en avançant que [P] [X] s'est verbalement engagé, postérieurement au redressement fiscal, à déroger aux plafonds contractuellement prévus afin d'indemniser le repreneur de l'ensemble des conséquences du redressement subi bien qu'elles excédent les montants contractuellement arrêtés. Elle avance que cela est corroboré par l'absence de toute démarche amiable diligentée par l'ancien dirigeant aux fins de remboursement du trop-versé antérieurement à la procédure judiciaire. Dès lors, le paiement des 233 238 euros étant parfaitement justifié, elle s'oppose à toute répétition de la somme de 33 238 euros au bénéfice de [P] [X].

[P] [X] conteste que tout accord verbal postérieur puisse primer sur les engagements contractuellement convenus entre les parties tels que définis dans la garantie d'actif-passif.

Aux termes des articles 1101, 1102 et 1103 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Chacun est libre ['] de déterminer [son] contenu ['] Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sauf exceptions, non caractérisées en l'espèce, l'écrit n'étant pas un élément de validité du contrat, les parties restent libres de modifier d'un commun accord le contenu et la portée de leurs engagements postérieurement à la signature d'un contrat.

En application des dispositions de l'article 1315 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Il revient donc à la Sasu [X], qui excipe d'un nouvel accord des parties en vue de déroger aux plafonds contractuellement prévus dans la GAP pour leur substituer une prise en charge de l'ensemble du préjudice causé par le redressement fiscal de la société, d'en rapporter la preuve.

A cette fin, la Sasu [X] produit, en pièces 9 et 10, la copie de deux mails adressés par [P] [X] au nouveau dirigeant de la Sasu [X], le 29 décembre 2021 et le 27 janvier 2022, dans lesquels il indique : « en ce qui nous concerne, je tiendrais mes engagements (oraux et contractuels) comme souvent répété tout au long de cette procédure ['] Merci donc de m'envoyer par retour l'Iban de la société [X] afin de pouvoir procéder au règlement de cette dette suivant nos accords » et « encore désolé des désagréments occasionnés même si, comme convenu et promis, cela aura été transparent financièrement pour la Sasu [X]. ['] Tu ne seras plus emmerdé (sic) à cause de moi et des erreurs de mon expert-comptable.»

L'analyse de ces deux pièces démontre que, comme le soutient justement la Sasu [X], [P] [X] a manifesté sa volonté de déroger aux plafonds contractuellement convenus dans la GAP afin de compenser toutes les conséquences découlant pour le repreneur du redressement fiscal et de rendre l'opération financièrement « transparente » pour le cessionnaire.

La Sasu [X] rapportant la preuve de ce que la somme de 233 238 euros a été versée par [P] [X] en vertu de ses engagements contractuels, écrits et oraux, il n'y pas lieu à répétition au bénéfice de [P] [X] pour la somme de 33 238 euros.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté [P] [X] de cette demande de répétition.

Du fait de cette confirmation, il n'y a pas lieu de répondre à la prétention de la Sasu [X] visant à voir la Sarl [2] condamnée à lui verser cette somme de 33 238 euros.

' sur le remboursement du montant versé par [P] [X] au titre de sa GAP

La Sarl [2] ayant engagé sa responsabilité délictuelle à son égard et [P] [X] ayant dû verser à la Sasu [X] la somme de 233 238 euros au titre de sa GAP, il se dit fondé à solliciter de l'expert-comptable, à titre d'indemnisation, le remboursement intégral de cette somme, en ce compris les intérêts de retard.

La Sarl [2] affirme que les sommes versées au titre de la GAP ne constituent pas un préjudice indemnisable s'agissant d'un impôt auquel la société était légalement tenue et que s'agissant de l'amende et de la majoration de 10% infligées à la Sasu [X] pour défaut de transmission de l'IFU 2561, seule une perte de chance de ne pas subir ces pénalités peut être accordée en réparation mais que, compte tenu des circonstances de l'espèce, cette perte de chance est nulle. Enfin, elle conteste la possibilité d'être tenue de rembourser la somme de 33 2038 euros que [P] [X] a volontairement accepté de verser alors qu'elle excédait le plafond contractuel de sa garantie.

La cour rappelle qu'il a été jugé que dans le cadre de la mise en jeu d'une GAP, la restitution consécutive à la réduction du prix ne constitue pas, en elle-même, un préjudice réparable.

Dès lors, [P] [X] n'est pas fondé à solliciter de la Sarl [2] le remboursement des sommes versées en exécution de sa GAP, lesquelles ne visent qu'à rééquilibrer la différence de prix de cession découlant d'un côté des affirmations du cédant sur la valeur des parts sociales au moment de leur vente et, de l'autre, de la réalité de leur valeur suite à la découverte d'éléments de dépréciation inconnus du cessionnaire au moment de l'acte.

Sa demande d'indemnisation formulée à l'encontre de la Sarl [2] de ce chef est donc rejetée.

' sur le remboursement du redressement fiscal personnel de [P] [X] et des frais exposés

La Sarl [2] ayant engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, dont il est résulté son redressement fiscal personnel, [P] [X] sollicite une indemnisation à hauteur du montant dudit redressement fiscal, soit la somme de 129 982 euros, en avançant qu'autrement conseillé, il n'aurait pas réalisé l'opération de réduction de capital social litigieuse et n'aurait ainsi pas été exposé à la rectification fiscale. Il demande également réparation du préjudice financier constitué des frais d'assistance et de conseils exposés à l'occasion des procédures fiscale et administrative, pour un montant de 16 428 euros.

L'expert-comptable réplique en soulignant que la mise en recouvrement des sommes perçues par [P] [X] ne procède pas des fautes qui lui sont reprochées mais de la volonté de l'ancien dirigeant de combler, avec les ressources de la Sasu [X], son compte courant associé débiteur. [P] [X] n'ayant fait qu'acquitter l'impôt dont il était légalement tenu, ne peut prétendre à aucune indemnisation de ce chef, pas plus que du chef des intérêts de retard ou des majorations. S'agissant des frais exposés à l'occasion de la procédure fiscale, la Sarl [2] s'oppose à tout remboursement de sa propre facture d'assistance ayant effectivement réalisé le travail facturé.

En l'espèce, il est évident que l'ignorance par l'expert-comptable du bon traitement fiscal à appliquer à une opération qu'il a lui-même conseillé, dont il a découlé une transmission de déclaration de revenus annuels fiscale erronée justifie l'indemnisation des préjudices subis du fait de la rectification fiscale ultérieurement appliquée.

Il convient d'indiquer que la somme de 129 982 euros réclamée se décompose en 76 688 euros de rappel d'impôts et de prélèvements fiscaux, 42 071 euros de majoration de 40% pour manquement délibéré, 6 595 euros d'intérêts de retard et 4 628 euros d'intérêts moratoires.

Néanmoins, la cour rappelle que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que, dûment informé ou conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt ou aurait acquitté un impôt moindre. L'expert-comptable ayant manqué à son obligation de conseil dans le cadre d'une opération ayant des incidences fiscales peut être condamné à indemniser la perte d'une chance d'éviter le paiement d'un impôt.

C'est de manière inopérante que [P] [X] affirme, sans pour autant l'établir, qu'autrement conseillé, il aurait choisi une option plus licite de comblement de son compte courant associé débiteur dans la mesure où il doit être constaté que l'opération réalisée lui a été doublement favorable, à la fois en ce qu'elle lui a permis de combler ledit compte courant associé débiteur, ce qui constituait une situation illicite qui ne pouvait lui échapper en tant que dirigeant et associé unique de la Sasu [X], et en ce qu'elle lui a permis de le faire sans prélèvement sur son patrimoine personnel.

Sa demande indemnitaire au titre du rappel d'impôt et des prélèvements légalement dus sera donc rejetée.

La cour relève ensuite que dans la proposition de rectification adressée le 31 juillet 2018 à [P] [X], l'administration fiscale a rappelé à ce dernier qu'« en votre qualité d'associé et de gérant de droit de la société, vous ne pouviez ignorer que les sommes inscrites au crédit de votre compte courant, suite à ces distributions de dividendes, constituaient un revenu imposable. ['] l'importance des revenus non déclarés [est à relever] L'ensemble de ces éléments permet de considérer qu'il ne s'agit pas d'une simple omission mais d'une volonté délibérée de soustraire ces sommes à toute imposition.».

La bonne foi de [P] [X] est d'autant moins évidente qu'il est établi par cette même procédure de vérification fiscale qu'il a fait acquitter son RSI et son impôt sur le revenu pour les années 2015 et 2016 par la Sasu [X] au lieu de les régler lui-même.

Dès lors, s'il y a bien une faute de l'expert-comptable chargé de la transmission des déclarations fiscales personnelles de [P] [X] par la transmission d'une déclaration erronée pour les revenus de l'année 2015, la volonté délibérée de l'ancien dirigeant d'échapper à l'impôt légalement dû ne lui permet pas de solliciter une indemnisation au titre de la majoration de 40% appliquée par l'administration fiscale pour « manquement délibéré ».

Sa demande indemnitaire formulée de ce chef sera également écartée.

Seuls les intérêts de retard sont directement imputables à la faute de l'expert-comptable à qui il appartenait de transmettre, au nom de l'ancien dirigeant, dans les délais requis une déclaration exacte de revenus pour l'année 2015.

Cependant, pour accueillir favorablement une demande indemnitaire au titre des intérêts de retard, les juridictions doivent rechercher si le contribuable n'en a pas retiré un avantage financier fût il partiel.

Or, en n'acquittant que le 26 juillet 2022, les intérêts de retard mis en recouvrement par l'administration fiscale à compter du 30 avril 2019, [P] [X] a nécessairement retiré un avantage financier de la conservation de cette somme dans son patrimoine personnel pendant une durée de 3 ans, de sorte que sa demande indemnitaire à ce titre ne peut être accueillie en totalité.

La demande indemnitaire formulée au titre des intérêts de retard est accueillie à hauteur de la somme de 3 300 euros.

La demande au titre des intérêts moratoires n'étant pas en lien avec les fautes reprochées à l'expert-comptable mais imputable au temps mis par le contribuable à payer les sommes mises en recouvrement en 2019, ne peut pas être accueillie.

Enfin, s'agissant des frais exposés dans le cadre de la procédure fiscale et administrative, la cour constate que [P] [X] a sollicité l'allocation d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L761-1 du Code de la justice administrative relatif aux dépens et frais irrépétibles exposés dans le cadre des instances administratives devant le tribunal administratif et que cette demande a été rejetée par jugement du 7 décembre 2021.

Il n'est donc pas fondé à demander la prise en charge de ces frais dans la présente procédure sur un autre fondement. Sa demande à ce titre est également rejetée.

' sur le préjudice moral

[P] [X] demande la condamnation de la Sarl [2] à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral pour les « peines et tracas » résultant tant du contrôle fiscal que des procédures judiciaires postérieurement subies.

La Sarl [2] conteste toute indemnisation de ce préjudice qu'elle affirme non justifié et sans lien de causalité avec les fautes qui lui sont reprochées.

Eu égard au manquement délibéré en matière de traitement fiscal de l'opération litigieuse retenu à l'encontre de [P] [X], la cour estime ne pas avoir à lui allouer une somme en réparation de son préjudice moral. Sa demande d'indemnisation à ce titre sera rejetée.

Sur les demandes accessoires,

Infirmé quasi intégralement, le jugement de première instance le sera également sur ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

La Sarl [2] et [P] [X], parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit alloué de sommes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes formulées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl [2] visant à voir déclarées irrecevables les demandes formulées par la Sasu [X] et [P] [X] pour non-respect d'une clause de conciliation préalable,

En conséquence, déclare recevables les demandes formulées par la Sasu [X] et [P] [X] à l'encontre de la Sarl [2],

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl [2] visant à voir déclarées irrecevables les demandes formulées par [P] [X] pour défaut d'intérêt à agir,

En conséquence, déclare recevables les demandes formulées par [P] [X] à l'encontre de la Sarl [2],

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl [2] visant à voir déclarées irrecevable la demande de réparation de son préjudice moral formulée par [P] [X] comme étant nouvelle en appel,

En conséquence, déclare recevable la demande de réparation de son préjudice moral formulée par [P] [X] à l'encontre de la Sarl [2],

Rejette la demande de comparution personnelle de [G] [T] et [P] [X] formulée par [P] [X],

Au fond, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté [P] [X] de sa demande en remboursement par la Sasu [X] de la somme de 33 238 euros,

Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que les manquements reprochés à la Sarl [2] à l'égard de la Sasu [X] et de [P] [X] sont établis pour les manquements contractuels et délictuels respectifs,

Rejette l'ensemble des demandes indemnitaires formulées par [P] [X] à l'encontre de la Sarl [2] à l'exception de la demande indemnitaire formulée au titre des intérêts de retard assortissant le redressement fiscal de l'opération litigieuse,

Condamne la Sarl [2] à verser à [P] [X] la somme de 3 300 euros en réparation du préjudice découlant de l'application par l'administration fiscale des intérêts de retard,

Y ajoutant,

Dit la demande de la Sasu [X] visant à voir la Sarl [2] condamnée à payer à [P] [X] la somme de 200 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019, date de la mise en demeure irrecevable,

Condamne la Sarl [2] et [P] [X], in solidum, aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute la Sarl [2], [P] [X] et la Sasu [X] de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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