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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 20 mai 2025, n° 24/05896

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/05896

20 mai 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°175

N° RG 24/05896 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VJ6O

(Réf 1ère instance : 2024F803)

S.A.R.L. [Z] [11]

C/

S.A.R.L. [10]

S.E.L..A.R.L. [13]

S.E.L.A.R.L. [13]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me BOURGES

Me FANEN

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

[Z] [11]

[10]

[13]

Parquet général

TC Lorient

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 MAI 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes du 10 février 2025

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, entendu en ses observations.

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Mars 2025 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Par défaut, prononcé publiquement le 20 Mai 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. [Z] [11] inscrite sous le N° [N° SIREN/SIRET 9] au RCS de Lorient, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Héléna SIMON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

S.A.R.L. [10] immatriculée sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8] du registre du commerce et des sociétés de Lorient prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de Justice en date du 15 novembre 2024 remis à étude

S.E.L..A.R.L. [13] prise en la personne de Maître [S] [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [Z] [11] nommée à cette fonction suivant jugement du Tribunal de Commerce de LORIENT du 18 octobre 2024

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Julien FANEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

S.E.L.A.R.L. [13] prise en la personne de Maître [S] [W] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [10] nommée à cette fonction suivant jugement du Tribunal de Commerce de LORIENT du 22 mars 2024

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Julien FANEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCEDURE :

La société [Z] [O] [12] a été constituée par M. [Z] et Mme [I] en 2012. Elle a une activité de travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment.

Le société [Z] [11] (la société [Z] [11]) est détenue par M. [Z] et Mme [I].

La société [Z] [12] était détenue par M. [Z] et Mme [I].

Le 30 juin 2015, la société [Z] [11] a reçu par voie d'apport la totalité des parts sociales de la société [10] (1.000 parts sociales).

Le 15 septembre 2017, la société [Z] [12] a été placée en redressement judiciaire.

Le 21 septembre 2018, un plan de redressement a été arrêté.

Le 2 novembre 2023, lors d'une assemblée générale extraordinaire de la société [Z] [12] il a été a voté plusieurs résolutions, notamment :

- le changement de dénomination sociale, la société [Z] [O] [12] devenant la société [10],

- le constat de la démission de M. [Z] et la nomination de M. [D] [N] en qualité de gérant,

- l'agrément de la cession d'actions entre la société [Z] [11] et M. [D] [N].

Les statuts de la société [10] ont été mis à jour et M. [D] [N] y apparaît comme unique associé.

Le 1er décembre 2023, sur assignation de l'Urssaf Bretagne, une nouvelle procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société [10].

Le 22 mars 2024, la procédure de redressement a été convertie en liquidation judiciaire.

La société [W] [1] (la société [13]), prise en la personne de M. [W], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 11 juin 2024, la société [13] a assigné la société [Z] [11] en extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société [10].

Par jugement du 18 octobre 2024, le tribunal de commerce de Lorient a :

- Constaté l'existence de relations financières anormales entre la société [Z] [11] et la société [10] (anciennement dénomée [Z] [O] [12]),

- étendu à :

la société [Z] [11]

[Adresse 5]

[Localité 7]

La procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de :

la société [10]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6]

- Dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun,

- Fixé la date de cessation des paiements au 1er juin 2022, conformément à celle initialement fixée pour la procédure de la société [10] (anciennement dénomée [Z] [O] [12]),

- Débouté la société [Z] [11] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Maintenu les organes suivants :

M. Guillaume, en qualité de juge commissaire titulaire,

M. Mignon, en qualité de juge commissaire suppléant,

la société [13] (anciennement dénomée Selarl [W] [1]), en qualité de liquidateur,

- Dit que le débiteur devra remettre au liquidateur dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement, la liste de ses créanciers comportant les nom ou dénomination, siège ou domicile de chacun avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance, et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie,

- Dit que le liquidateur devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances,

- Fixé à vingt quatre mois à compter du jugement d'ouverture de la procédure de la société [10] le délai au terme duquel l'affaire sera examinée en vue de la clôture de la procédure,

- Ordonné les mesures de publicité conformément au Livre VI du code de commerce,

- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure,

- Constaté que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 25 octobre 2024, la société [Z] [11] a interjeté appel.

Les dernières conclusions de la société [Z] [11] ont été déposées le 6 décembre 2024.

Les dernières conclusions de la société [13] nt été déposées le 13 janvier 2025.

La société [10] n'a pas constitué avocat devant la cour.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2025.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

La société [Z] [11] demande à la cour de :

- Réformer la décision,

Ce faisant :

- Constater qu'il n'est pas démontré l'existence de flux financiers anormaux entre la société [10] et la société [Z] [11],

- Rejeter la demande d'extension de procédure de liquidation judiciaire de la société [10] à la société [Z] [11],

- Condamner la société [W] ès qualité de liquidateur de la société [10] à verser à la société [Z] [11] a somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société [W] ès qualité de liquidateur de la société [10] aux entiers dépens de l'instance.

La société [13] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Débouter la société [Z] [11] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société [Z] [11] à verser à la société [13] ès qualité de liquidateur des sociétés [10] et [Z] [11] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux dépens.

Le minsitère public est d'avis de confirmer le jugement en ce qu'il existerait des flux financiers anormaux entre les sociétés [Z] [11] et [10].

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

La société [10] n'a pas constitué avocat devant la cour. Elle est réputée adopter les motifs du jugement.

Sur l'extension de la procédure collective :

La procédure de liquidation peut être étendue à une autre personne en cas de confusion de patrimoine :

Article L. 621-2 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 15 mai 2022 :

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas.

A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.

Pour l'application des deuxième et troisième alinéas du présent article, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens du défendeur à l'action mentionnée à ces mêmes alinéas, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office.

Le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent pour ces demandes. Lorsque le débiteur soumis à la procédure initiale ou le débiteur visé par l'extension exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue en chambre du conseil après avoir entendu ou dûment appelé l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève.

La confusion de patrimoine peut être caractérisée par une imbrication des comptes ou des relations financières anormales.

Pour apprécier une éventuelle confusion de patrimoine, il y a lieu d'examiner uniquement les flux financiers antérieurs à la date d'ouverture de la procédure collective, soit en l'espère le 1er décembre 2023.

La société [13] fait valoir que de nombreux prélèvements ont été effectués sur les comptes de la société [10] par la société [Z] [11] sans qu'aucune convention de trésorerie n'existe entre elles et sans qu'aucun justificatif ne soit produit. Elle estime que la tenue de la comptabilité de la société [Z] [11] ne permet pas d'établir l'absence de confusion des patrimoines entre les deux sociétés et que la société [Z] [11] n'apporte aucune preuve de la réciprocité des flux.

La société [Z] [11] fait valoir qu'il n'existe pas de flux financiers anormaux en ce qu'il n'est pas précisé quelles dépenses seraient douteuses parmi les flux existant entre les sociétés. Elle retient qu'il existe des mouvements de fonds réciproques entre les deux sociétés du groupe.

Il résulte des pièces comptables produites qu'en 2021, le montant 'Compte réciproque groupe' s'élevait à 40.486,27 euros et à 376.899,64 euros en 2022, soit une augmentation de 336.413,37 euros. Ces versements ont continué lors de l'exercice suivant puisque sur le bilan comptable de 2022/2023, il est indiqué au passif de la société [Z] [11] au niveau du 'Compte réciproque groupe' une augmentation de sa dette pour un montant de 90.600 euros, la somme étant passée de 376.900 euros à 467.500 euros. Le détail de l'actif n'indique aucune créance à l'égard de la société [10] et indique des dettes à l'égard de cette dernière pour un montant de 467.500 euros.

Le chiffre d'affaires de la société [10] a été de 3.878.463 euros au cours de l'exercice clos le 31 mars 2022.

Le montant des versements depuis la société [10] vers sa holding représente ainsi près de 10% du chiffre d'affaires annuel de la première. Il n'est pas justifié d'une contrepartie à ces versements et aucune convention de trésorerie n'est produite. Ces versements sont injustifiés et ont précipité la défaillance de la société [10] ce que la société [Z] [11], associé unique, ne pouvait pas ignorer. Il y a confusion de patrimoine et le jugement sera confirmé.

Pour mémoire, la cour n'a pas été en mesure de comprendre dans quelles circonstances la société [10], en état de cessation des paiements depuis plusieurs mois, a pu être cédée à une personne physique quelques semaines avant l'ouverture de la procédure collective. L'acte de cession n'est pas produit pas plus que la justification d'un prix de cession qui aurait pu être payé.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de dire que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective. Il y a lieu de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement,

Y ajoutant :

- Rejette les demandes contraires ou plus amples des parties,

- Dit que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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