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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 20 mai 2025, n° 24/04365

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Holding A.E.H. (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Ramin, Mme Pichon

Avocats :

Me Poirier, Me Busquet, Me Dreux

TJ Fougères, du 13 oct. 2022

13 octobre 2022

FAITS ET PROCEDURE

Selon bon de commande signé le 07 janvier 2020, M. [G] [Z] a confié à la société Agence énergie habitat (AEH) des travaux d'application d'un hydrofuge après nettoyage/démoussage d'une toiture de 250 m² de sa maison d'habitation pour un montant de 14 660,80 ' TTC.

Le 3 février 2020, un nouveau bon de commande a été signé entre les parties pour la pose d'un hydrofuge incolore après nettoyage pour une surface de 73 m² pour un montant de 5 909,60 ' sans qu'il ne soit finalement donné suite.

Par courrier du 5 mars 2020, la facture émise le 22 janvier 2020 portant sur la première prestation pour le montant devisé de 14 660,80 euros TTC a été adressée au père de M. [Z]. Elle a été réglée par chèque.

Par jugement du 13 octobre 2022, M. [G] [Z] a été placé sous curatelle renforcée.

Après une première mise en demeure du 4 avril 2023, par laquelle il a réclamé le remboursement de la différence entre les deux devis, faisant valoir qu'il s'agissait d'une même prestation, le conseil de M. [Z] a adressé une deuxième mise en demeure le 19 avril 2023, par laquelle il a réclamé le remboursement de l'intégralité de la première prestation sur le fondement de dispositions du code de la consommation mais également en raison de la vulnérabilité apparente de M. [Z] et de pratiques commerciales trompeuses.

Le 07 juillet 2023, M. [Z] a assigné la société AEH (devenue Holding AEH) devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins d'obtenir, à titre principal, l'annulation du contrat du 07 janvier 2020 et, à titre subsidiaire, une diminution de prix de moitié.

Par jugement du 23 mai 2024, le tribunal de commerce de Rennes a :

- débouté M. [Z] de sa demande de nullité du contrat conclu avec la société AEH pour dol,

- débouté M. [Z] de sa demande de résolution du contrat signé le 7 janvier 2020 avec la société AEH,

- débouté M. [Z] de sa demande de condamnation de la société AEH à lui restituer la somme de 14 660,80 ',

- débouté M. [Z] de sa demande de réduction de prix de la prestation de AEH à hauteur de 7 500 ',

- condamné M. [Z] à payer à la société AEH la somme de 1 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté la société AEH du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné M. [Z] aux entiers dépens,

- liquidé les fais de greffe à la somme de 69,59 e tels que prévus aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 juillet 2024, M. [Z] a interjeté appel du jugement.

Mme [E] [T], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, curatrice de M. [Z], est intervenue volontairement à la procédure.

Les dernières conclusions de M. [Z] et de Mme [T] ès qualités sont du 20 février 2025.

Les dernières conclusions de l'intimée sont du 25 février 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2025.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

M. [Z] et Mme [T], ès qualités, demandent à la cour de :

- recevoir M. [G] [Z] et Mme [E] [T], mandataire à la protection des majeurs, en leur appel,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 23 mai 2024 en ce qu'il a intégralement débouté M. [Z] de sa demande aux fins d'annulation du contrat et de restitution des sommes et la condamner au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700,

à titre principal, sur les fondements des dispositions du code de la consommation notamment,

- prononcer l'annulation du contrat de vente du 7 janvier 2020 entre la société AEH d'une part et M. [G] [Z] d'autre part,

subsidiairement, sur le fondement du dol,

- prononcer la résolution du contrat de vente du 7 janvier 2020 entre la société AEH d'une part et M. [G] [Z] d'autre part,

en conséquence,

- condamner la société AEH à verser à M. [G] [Z] la somme de 14 660,80 euros,

- condamner la société AEH à verser à M. [G] [Z] la somme de de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Holding AEH demande à la cour de :

- confirmer l'intégralité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 23 mai 2024,

- débouter en conséquence M. [G] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

y ajoutant,

- condamner M. [G] [Z] à payer à la société Holding AEH la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] [Z] aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

M. [Z] fait valoir que le contrat est un contrat conclu hors d'établissement qui ne respecte pas le formalisme imposé à peine de nullité par le code de la consommation.

La société Holding AEH ne conteste pas qu'il s'agisse d'un contrat conclu hors établissement soumis au code de la consommation mais soutient, en substance, que les irrégularités alléguées ne sont pas établies, et à défaut, que M. [Z] a renoncé à s'en prévaloir.

L'article L.221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, dispose que:

« Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ».

Selon l'article L.221-5 du même code, dans sa version applicable au contrat litigieux :

« Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; (...)

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

(...) »

L'article L.111-1 issu de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016 dispose que:

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat. »

L'article L.242-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, prévoit que :

« les dispositions des articles L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement ».

Parmi les irrégularités invoquées, M. [Z] fait valoir un défaut de formalisme du bordereau de rétractation en ce qu'il ne répond ni dans sa forme ni dans son contenu aux dispositions normatives et notamment à l'impossibilité de le détacher sans amputer au recto la signature du consommateur, élément essentiel à la preuve de l'existence même dudit contrat.

Selon l'article L. 221-9 susvisé, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

A peine de nullité prévue à l'article L. 242-1 du même code, il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

De la faculté offerte au consommateur d'exercer son droit de rétractation au moyen d'un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l'emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver.

En l'espèce, le bon de rétractation se situe en bas de la page 4, au verso du bas de la page 3 du bon de commande qui comporte les mentions relatives à la date et au lieu de contractualisation, aux signatures des parties et au prix de la prestation. L'emploi du formulaire de rétractation a donc pour effet de porter atteinte à l'intégrité du document contractuel, dans ses éléments essentiels pour vérifier la matérialisation de la rencontre des volontés.

Dès lors, ce seul motif suffit à faire encourir la nullité du contrat.

Au surplus, il ressort des documents communiqués que les travaux ont eu lieu avant la fin du délai de rétractation de 14 jours puisque sur le document intitulé « contrôle de garantie », la date des travaux indiquée est le 17 janvier 2020, soit le 10ème jour après la signature du contrat.

Il ne peut être considéré que les informations données sur le contrat et sur le bordereau sur les conditions de la rétractation permettaient à M. [Z] de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation des dispositions susvisées, ce d'autant que les articles mentionnés sont erronés comme étant abrogés. Dès lors, l'absence de tentative de rétractation, l'acceptation de l'intervention ou le paiement de la prestation ne pouvait valoir confirmation tacite de l'acte nul ou renoncement non équivoque à se prévaloir de la nullité au sens de l'article 1182 du code civil.

Surabondamment, parmi les irrégularités invoquées par M. [Z], il est relevé que si le paragraphe 4 des conditions générales rappelle que la date de réalisation des travaux « est indiquée sur le bon de commande signé par le client », aucune date n'y est pourtant mentionnée. Le document commercial d'informations versé par M. [Z] sur l'activité de la société AEH qui promet des interventions « sous 15 à 30 jours après accord du dossier » ne fait pas partie du contrat.

Le contrat ne respecte pas l'article L.111-1 3° auquel renvoie l'article L.221-9 du code de la consommation.

La nullité est également encourue de ce chef.

Le jugement est infirmé. Il convient de prononcer la nullité du contrat.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Il convient, dès lors, de faire droit à la demande de restitution du prix de M. [Z] et de condamner la société Holding AEH à lui payer la somme de 14 660,80 '.

Dépens et frais irrépétibles

Le jugement de première instance est infirmé.

Succombant principalement, la société Holding AEH est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [Z] une somme de 3 000 ' au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Prononce la nullité du contrat conclu le 3 février 2020 entre M. [G] [Z] et la société Agence Energie Habitat,

Condamne la société Holding Agence Energie Habitat à payer à M. [G] [Z] la somme de 14 660,80 ' à titre de restitution du prix,

Condamne la société Holding Agence Energie Habitat aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Holding Agence Energie Habitat à payer à M. [G] [Z] la somme de 3 000 ' au titre des frais irrépétibles,

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