CA Reims, ch.-1 civ. et com., 20 mai 2025, n° 24/00244
REIMS
Arrêt
Autre
ARRET N°
du 20 mai 2025
N° RG 24/00244 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FOL7
S.C.I. GROS CAILLOU
S.A.S. CABINET IMMOBILIER BARSOTTI
c/
[P]
[V]
Formule exécutoire le :
à :
la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 20 MAI 2025
APPELANTES :
d'un jugement rendu le 28 juin 2023 par le tribunal judiciaire de CHALONS-EN- CHAMPAGNE
La société GROS CAILLOU, société civile immobilière, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOULON sous le n°413 473 216, dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social,
Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Me Cyril MARTELLO de la SELARL cabinet d'Avocats MARTELLO, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant,
La société Cabinet Immobilier BARSOTTI, société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOULON sous le n°316 502 913, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social,
Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Me Cyril MARTELLO de la SELARL cabinet d'Avocats MARTELLO, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant,
INTIMES :
Monsieur [R] [P], né le 26 septembre 1950 à [Localité 5] (55), demeurant et domicilié [Adresse 3],
Non comparant, ni représenté bien que régulièrement assigné
Madame [K] [V] épouse [P], née le 18 janvier 1953 à [Localité 7] (51) demeurant et domiciliée [Adresse 3],
Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame PILON, conseillère et Madame POZZO DI BORGO, conseillère ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère,
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats,
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du délibéré
DEBATS :
A l'audience publique du 31 mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 mai 2025,
ARRET :
Par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025 et signé par Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d'une promesse synallagmatique de vente des 20 et 22 octobre 2020 signée électroniquement entre la SCI gros caillou, d'une part, et M. [R] [P] et son épouse, Mme [V] d'autre part, portant sur un bien immobilier situé à la [Localité 10] (Var) pour un prix de 556 000 euros, par son intermédiaire, selon mandat du 13 juillet 2020 et ses avenants du 11 et 20 octobre 2020, la SAS cabinet immobilier Barsotti, par lettre recommandée du 6 novembre 2020, réitérée le 8 décembre 2020, a rappelé à Mme [V] et M. [P] les engagements et obligations contractés à l'occasion de cette promesse.
Un acompte de 25 000 euros a été consigné, en exécution de cette promesse, auprès de la SAS cabinet immobilier Barsotti restitué à Maître [D] [M], notaire à [Localité 8] (Var) le 12 mars 2021.
Par courrier recommandé qu'il a réceptionné le 11 mars 2021, M. [P] a été convoqué devant notaire afin de réitérer l'acte de vente en la forme authentique.
Un procès-verbal de carence a été dressé par le notaire le 16 mars 2021 puis dénoncé par exploit du 29 avril 2021 à M. [P] et son épouse.
Par exploits séparés du même jour, il a été fait sommation à Mme [V] et M. [P] d'avoir à payer la somme de 55 817,61 euros conformément aux clauses du compromis de vente au titre de la résolution de plein droit emportant versement d'une clause pénale.
Par lettre recommandée du 29 juin 2021, réceptionnée le 30 juin suivant, la SCI gros caillou, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure Mme [V] et M. [P] de lui régler la somme de 55817,61 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2021, de verser celle de 23 000 euros à la société cabinet immobilier Barsotti et de donner leur accord immédiat et sans délai au tiers séquestre de se dessaisir à son profit de la somme de 25 000 euros en paiement partiel des sommes dues.
Faute d'exécution, par exploit du 13 juillet 2022, la SCI gros caillou et la SAS cabinet immobilier Barsotti ont fait assigner Mme [V] et M. [P] devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne.
Par jugement du 28 juin 2023, ce tribunal a :
- débouté la SCI gros caillou et la SAS cabinet immobilier Barsotti de l'ensemble de leurs demandes,
- laissé les dépens à leur charge.
Par déclaration du 13 février 2024, elles ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions transmises par la voie électronique le 7 mai 2024, elles demandent à la cour de :
- infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
- condamner solidairement Mme [V] et M. [P] à payer à la SCI gros caillou la somme de 55 817,61 euros, majorée des intérêts à compter du 29 avril 2021, avec capitalisation,
- les condamner solidairement à payer à la SAS cabinet immobilier Barsotti la somme de 23 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 juin 2021, avec capitalisation,
- ordonner à Maître [M], notaire à la Cadière d'Azur, de se dessaisir de la somme de 25 000 euros séquestrée dans le cadre de la vente de l'immeuble sis [Adresse 2] au profit de la SCI gros caillou et le cabinet immobilier Barsotti pour règlement des condamnations prononcées,
- condamner solidairement Mme [V] et M. [P] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de signification préalable à l'introduction de l'instance.
Elles affirment rapporter la preuve de la signature du compromis de vente en cause.
Elles soutiennent que la promesse de vente mentionne l'indemnité forfaitaire et la clause pénale dont le paiement est réclamé.
Elles font valoir que, faute pour les acquéreurs de justifier des démarches pour l'obtention de leur prêt, condition suspensive de la réalisation de la vente, elles étaient en droit d'opter pour la résolution de plein droit de celle-ci et le versement par les acquéreurs, partie défaillante, de l'indemnité forfaitaire et de la clause pénale contractuellement prévue.
Elles exposent enfin que les acquéreurs sont également redevables, du fait de leur défaillance dans la réitération de la vente en la forme authentique, auprès de l'agence immobilière, d'une indemnité égale à sa rémunération.
Mme [V] et M. [P], auxquels la déclaration d'appel a été signifiée par exploit du 30 avril 2024 remis à étude et les conclusions des appelantes le 10 juin 2024 à domicile, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 31 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'article 1103 du code civil précise que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1231-1 de ce même code dispose pour sa part que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Selon l'article 1353, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il résulte de l'article 1366 que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
Enfin, l'article 1367 dispose que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. [...] Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
En l'espèce, il est établi par la production du contrat en cause et de ses avenants (pièces 14 et 15) que la société gros caillou a donné mandat exclusif au cabinet Barsotti, exerçant sous l'enseigne Orpi, de vendre l'immeuble en cause. L'avenant au mandat de vente du 11 septembre 2020 précise que le prix de vente est fixé à la somme de 574 000 euros et qu'en cas de réalisation de l'opération, le montant des honoraires du mandataire, correspondant à 4,18 % TTC du prix de vente, est fixé à 24 000 euros TTC.
Il est en outre démontré par le bon de recherche et de visite du 18 septembre 2020 versé aux débats (pièce 16) que M. [P] a contacté l'agence Orpi, lui a demandé de rechercher pour son compte en vue d'une acquisition un bien et que celle-ci lui a présenté l'immeuble en cause dont le prix de vente était de 574 000 euros.
Au soutien de leurs demandes en paiement, les appelantes communiquent un compromis de vente (pièce 10) duquel il ressort que :
' il est conclu entre la société gros caillou, représentée par M. [U] [H], et M. [P] (acquéreur) avec le concours de la société cabinet immobilier Barsotti,
' le bien objet de la vente est une maison d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 9] (Var),
' la vente est consentie et acceptée moyennant le prix de 556 000 euros,
' son acquisition est financée par un apport personnel de l'acquéreur de 296 200 euros et un prêt classique de 300 000 euros,
' une somme de 25 000 euros sera déposée à titre d'acompte entre les mains de l'agence, choisie pour séquestre par les parties au plus tard le 20 octobre 2020 qui s'imputera sur le prix, les frais et honoraires convenus, y compris les honoraires de l'agence,
' la vente est conclue sous la condition suspensive de l'obtention du prêt, l'acquéreur s'engageant à déposer dans les plus brefs délais, des dossiers complets de demande de prêts répondant aux caractéristiques auprès de tout organisme prêteur et dans au moins deux établissements financiers ou banques et à en justifier au vendeur et au rédacteur du compromis dans un délai maximum de quinze jours à compter de la conclusion de celui-ci.
Il est mentionné en page 14 que ce document est fait à [Localité 11] et signé électroniquement par l'ensemble des parties, chacune d'elles en conservant un exemplaire original sur un support durable garantissant l'intégrité de l'acte. Au verso de cette page, figure un certificat de signature électronique précisant qu'il concerne les signatures électroniques du document et de ses 11 annexes et portant les mentions suivantes « signé par [U] [H] le 20/10/2020 à 16 h 31 et par [R] [P] le 22 octobre 2020 à 08h57 » suivies des noms et prénoms des intéressés.
Y sont insérées par ailleurs les mentions suivantes : object identifer (O.I.D.) ou certification policy (CP) concernés : YOUSIGN SAS SIGN2 CA 1.2.250.1.302.1.5.1.0. suivies d'une adresse située à [Localité 6] (14).
Ce même numéro est reporté sur le certificat versé par les appelantes qui précise l'identifiant du contrat, le nombre total de pages signées (91), le nombre d'annexes signées (11) et la clé de hachage.
Ces éléments démontrent que M. [P] a signé le compromis de vente en cause et qu'il s'est engagé dans les termes contractuellement convenus.
Le courriel du 24 novembre 2020 de l'étude notariale de [Localité 12] (pièce 2), choisie par ce dernier, aux termes duquel il est mentionné que M. [P] confirme être toujours acquéreur et qu'il va procéder au versement de l'acompte de manière incessante de même que le règlement par celui-ci de la somme en cause de 25 000 euros confirment qu'il avait parfaitement connaissance de ce compromis et de ses engagements.
En revanche, aucune des pièces produites ne permet d'établir que son épouse en est également la signataire, seul le nom de M. [P] et la signature électronique de ce dernier étant certifiés.
Le compromis stipule en page 14 sous le paragraphe « réitération par acte authentique » qu'à défaut de s'être exécutée dans un délai de dix jours suivant la date de première présentation de la lettre recommandée mettant en demeure la partie défaillante de s'exécuter, la partie non défaillante aura le choix entre :
- invoquer la résolution de plein droit du compromis sans qu'il soit besoin de la faire constater judiciairement. La partie défaillante lui versera, à titre d'indemnité forfaitaire et de clause pénale, la somme de 55 600 euros,
- poursuivre en justice la réalisation de la vente, la partie défaillante supportant tous les frais de poursuites ou de justice augmentés du montant de l'indemnité forfaitaire prévue.
Or, il ressort des pièces versées que malgré plusieurs interpellations de l'agent immobilier (pièce 12) et du notaire (pièce 5), M. [P] n'a pas justifié des démarches accomplies auprès des organismes bancaires pour l'obtention du prêt conditionnant la réalisation de la vente, comme l'y obligeait le compromis. En outre, bien qu'invité à s'y rendre, par lettre recommandée dont la réception est établie (pièce 11), il ne s'est pas présenté au rendez-vous du notaire pour la signature de l'acte authentique de vente.
Dans ces conditions, au vu des manquements de M. [P], la SCI gros caillou est bien fondée à obtenir le paiement de la somme de 55 600 euros à titre d'indemnité forfaitaire. M. [P] sera donc condamné à la lui verser avec intérêt au taux légal à compter du 29 avril 2021, date de la sommation.
La demande en paiement dirigée contre son épouse est pour sa part rejetée.
Le compromis stipule par ailleurs en page 8 que « les parties reconnaissent que les présentes ont été négociées par l'agence côté sud immobilier exploitée par le cabinet immobilier Barsotti qu'elles déclarent bénéficiaire du montant de la rémunération convenue, soit la somme de 23 000 euros TTC conformément au mandat écrit du 13 juillet 2020 portant le numéro 1032. Ces honoraires seront dus par le vendeur et ils seront exigibles le jour de la réitération des présentes par acte authentique ('). Au cas où toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'acquéreur ou le vendeur après avoir été mis en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, une indemnité d'un montant égal à la rémunération de l'agence sera due intégralement à cette dernière par la partie défaillante, l'opération étant définitivement conclue ».
M. [P], signataire du compromis, ayant failli, malgré la mise en demeure reçue, à son obligation de justifier de ses démarches en vue de l'obtention d'un prêt immobilier et en ne déférant pas au rendez-vous fixé par le notaire pour la réitération de la promesse de vente par acte authentique, la SAS cabinet immobilier Barsotti doit obtenir le paiement par M. [P], partie défaillante, de l'indemnité égale à sa rémunération, fixée à la somme de 23 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 juin 2021, date de la mise en demeure. La demande présentée à ce titre contre son épouse, dont il n'est pas démontré qu'elle a signé le compromis, est pour sa part rejetée.
Les appelantes le sollicitant, la capitalisation des intérêts doit être ordonnée sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, à compter de la date à laquelle ils sont dus pour la première fois pour une année entière.
Les demandes formées contre Maître [M], notaire à [Localité 8] (83), ne peuvent prospérer dès lors que ce dernier n'est pas partie à l'instance d'appel.
Le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions.
M. [P], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer aux appelantes une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [R] [P] à payer à la SCI gros caillou la somme de 55 600 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 avril 2021;
Condamne M. [R] [P] à payer à la SAS cabinet immobilier Barsotti la somme de 23 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 juin 2021 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts de ces sommes dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
Rejette les demandes en paiement dirigées contre Mme [K] [V] épouse [P] ;
Rejette les demandes formées contre Maître [M], notaire à [Localité 8] (83) ;
Condamne M. [R] [P] aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne M. [R] [P] à payer à la SCI gros caillou et à la SAS cabinet immobilier Barsotti la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La conseillère
du 20 mai 2025
N° RG 24/00244 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FOL7
S.C.I. GROS CAILLOU
S.A.S. CABINET IMMOBILIER BARSOTTI
c/
[P]
[V]
Formule exécutoire le :
à :
la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 20 MAI 2025
APPELANTES :
d'un jugement rendu le 28 juin 2023 par le tribunal judiciaire de CHALONS-EN- CHAMPAGNE
La société GROS CAILLOU, société civile immobilière, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOULON sous le n°413 473 216, dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social,
Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Me Cyril MARTELLO de la SELARL cabinet d'Avocats MARTELLO, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant,
La société Cabinet Immobilier BARSOTTI, société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOULON sous le n°316 502 913, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social,
Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Me Cyril MARTELLO de la SELARL cabinet d'Avocats MARTELLO, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant,
INTIMES :
Monsieur [R] [P], né le 26 septembre 1950 à [Localité 5] (55), demeurant et domicilié [Adresse 3],
Non comparant, ni représenté bien que régulièrement assigné
Madame [K] [V] épouse [P], née le 18 janvier 1953 à [Localité 7] (51) demeurant et domiciliée [Adresse 3],
Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame PILON, conseillère et Madame POZZO DI BORGO, conseillère ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère,
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats,
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du délibéré
DEBATS :
A l'audience publique du 31 mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 mai 2025,
ARRET :
Par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025 et signé par Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d'une promesse synallagmatique de vente des 20 et 22 octobre 2020 signée électroniquement entre la SCI gros caillou, d'une part, et M. [R] [P] et son épouse, Mme [V] d'autre part, portant sur un bien immobilier situé à la [Localité 10] (Var) pour un prix de 556 000 euros, par son intermédiaire, selon mandat du 13 juillet 2020 et ses avenants du 11 et 20 octobre 2020, la SAS cabinet immobilier Barsotti, par lettre recommandée du 6 novembre 2020, réitérée le 8 décembre 2020, a rappelé à Mme [V] et M. [P] les engagements et obligations contractés à l'occasion de cette promesse.
Un acompte de 25 000 euros a été consigné, en exécution de cette promesse, auprès de la SAS cabinet immobilier Barsotti restitué à Maître [D] [M], notaire à [Localité 8] (Var) le 12 mars 2021.
Par courrier recommandé qu'il a réceptionné le 11 mars 2021, M. [P] a été convoqué devant notaire afin de réitérer l'acte de vente en la forme authentique.
Un procès-verbal de carence a été dressé par le notaire le 16 mars 2021 puis dénoncé par exploit du 29 avril 2021 à M. [P] et son épouse.
Par exploits séparés du même jour, il a été fait sommation à Mme [V] et M. [P] d'avoir à payer la somme de 55 817,61 euros conformément aux clauses du compromis de vente au titre de la résolution de plein droit emportant versement d'une clause pénale.
Par lettre recommandée du 29 juin 2021, réceptionnée le 30 juin suivant, la SCI gros caillou, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure Mme [V] et M. [P] de lui régler la somme de 55817,61 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2021, de verser celle de 23 000 euros à la société cabinet immobilier Barsotti et de donner leur accord immédiat et sans délai au tiers séquestre de se dessaisir à son profit de la somme de 25 000 euros en paiement partiel des sommes dues.
Faute d'exécution, par exploit du 13 juillet 2022, la SCI gros caillou et la SAS cabinet immobilier Barsotti ont fait assigner Mme [V] et M. [P] devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne.
Par jugement du 28 juin 2023, ce tribunal a :
- débouté la SCI gros caillou et la SAS cabinet immobilier Barsotti de l'ensemble de leurs demandes,
- laissé les dépens à leur charge.
Par déclaration du 13 février 2024, elles ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions transmises par la voie électronique le 7 mai 2024, elles demandent à la cour de :
- infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
- condamner solidairement Mme [V] et M. [P] à payer à la SCI gros caillou la somme de 55 817,61 euros, majorée des intérêts à compter du 29 avril 2021, avec capitalisation,
- les condamner solidairement à payer à la SAS cabinet immobilier Barsotti la somme de 23 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 29 juin 2021, avec capitalisation,
- ordonner à Maître [M], notaire à la Cadière d'Azur, de se dessaisir de la somme de 25 000 euros séquestrée dans le cadre de la vente de l'immeuble sis [Adresse 2] au profit de la SCI gros caillou et le cabinet immobilier Barsotti pour règlement des condamnations prononcées,
- condamner solidairement Mme [V] et M. [P] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de signification préalable à l'introduction de l'instance.
Elles affirment rapporter la preuve de la signature du compromis de vente en cause.
Elles soutiennent que la promesse de vente mentionne l'indemnité forfaitaire et la clause pénale dont le paiement est réclamé.
Elles font valoir que, faute pour les acquéreurs de justifier des démarches pour l'obtention de leur prêt, condition suspensive de la réalisation de la vente, elles étaient en droit d'opter pour la résolution de plein droit de celle-ci et le versement par les acquéreurs, partie défaillante, de l'indemnité forfaitaire et de la clause pénale contractuellement prévue.
Elles exposent enfin que les acquéreurs sont également redevables, du fait de leur défaillance dans la réitération de la vente en la forme authentique, auprès de l'agence immobilière, d'une indemnité égale à sa rémunération.
Mme [V] et M. [P], auxquels la déclaration d'appel a été signifiée par exploit du 30 avril 2024 remis à étude et les conclusions des appelantes le 10 juin 2024 à domicile, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 31 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'article 1103 du code civil précise que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1231-1 de ce même code dispose pour sa part que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Selon l'article 1353, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il résulte de l'article 1366 que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
Enfin, l'article 1367 dispose que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. [...] Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
En l'espèce, il est établi par la production du contrat en cause et de ses avenants (pièces 14 et 15) que la société gros caillou a donné mandat exclusif au cabinet Barsotti, exerçant sous l'enseigne Orpi, de vendre l'immeuble en cause. L'avenant au mandat de vente du 11 septembre 2020 précise que le prix de vente est fixé à la somme de 574 000 euros et qu'en cas de réalisation de l'opération, le montant des honoraires du mandataire, correspondant à 4,18 % TTC du prix de vente, est fixé à 24 000 euros TTC.
Il est en outre démontré par le bon de recherche et de visite du 18 septembre 2020 versé aux débats (pièce 16) que M. [P] a contacté l'agence Orpi, lui a demandé de rechercher pour son compte en vue d'une acquisition un bien et que celle-ci lui a présenté l'immeuble en cause dont le prix de vente était de 574 000 euros.
Au soutien de leurs demandes en paiement, les appelantes communiquent un compromis de vente (pièce 10) duquel il ressort que :
' il est conclu entre la société gros caillou, représentée par M. [U] [H], et M. [P] (acquéreur) avec le concours de la société cabinet immobilier Barsotti,
' le bien objet de la vente est une maison d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 9] (Var),
' la vente est consentie et acceptée moyennant le prix de 556 000 euros,
' son acquisition est financée par un apport personnel de l'acquéreur de 296 200 euros et un prêt classique de 300 000 euros,
' une somme de 25 000 euros sera déposée à titre d'acompte entre les mains de l'agence, choisie pour séquestre par les parties au plus tard le 20 octobre 2020 qui s'imputera sur le prix, les frais et honoraires convenus, y compris les honoraires de l'agence,
' la vente est conclue sous la condition suspensive de l'obtention du prêt, l'acquéreur s'engageant à déposer dans les plus brefs délais, des dossiers complets de demande de prêts répondant aux caractéristiques auprès de tout organisme prêteur et dans au moins deux établissements financiers ou banques et à en justifier au vendeur et au rédacteur du compromis dans un délai maximum de quinze jours à compter de la conclusion de celui-ci.
Il est mentionné en page 14 que ce document est fait à [Localité 11] et signé électroniquement par l'ensemble des parties, chacune d'elles en conservant un exemplaire original sur un support durable garantissant l'intégrité de l'acte. Au verso de cette page, figure un certificat de signature électronique précisant qu'il concerne les signatures électroniques du document et de ses 11 annexes et portant les mentions suivantes « signé par [U] [H] le 20/10/2020 à 16 h 31 et par [R] [P] le 22 octobre 2020 à 08h57 » suivies des noms et prénoms des intéressés.
Y sont insérées par ailleurs les mentions suivantes : object identifer (O.I.D.) ou certification policy (CP) concernés : YOUSIGN SAS SIGN2 CA 1.2.250.1.302.1.5.1.0. suivies d'une adresse située à [Localité 6] (14).
Ce même numéro est reporté sur le certificat versé par les appelantes qui précise l'identifiant du contrat, le nombre total de pages signées (91), le nombre d'annexes signées (11) et la clé de hachage.
Ces éléments démontrent que M. [P] a signé le compromis de vente en cause et qu'il s'est engagé dans les termes contractuellement convenus.
Le courriel du 24 novembre 2020 de l'étude notariale de [Localité 12] (pièce 2), choisie par ce dernier, aux termes duquel il est mentionné que M. [P] confirme être toujours acquéreur et qu'il va procéder au versement de l'acompte de manière incessante de même que le règlement par celui-ci de la somme en cause de 25 000 euros confirment qu'il avait parfaitement connaissance de ce compromis et de ses engagements.
En revanche, aucune des pièces produites ne permet d'établir que son épouse en est également la signataire, seul le nom de M. [P] et la signature électronique de ce dernier étant certifiés.
Le compromis stipule en page 14 sous le paragraphe « réitération par acte authentique » qu'à défaut de s'être exécutée dans un délai de dix jours suivant la date de première présentation de la lettre recommandée mettant en demeure la partie défaillante de s'exécuter, la partie non défaillante aura le choix entre :
- invoquer la résolution de plein droit du compromis sans qu'il soit besoin de la faire constater judiciairement. La partie défaillante lui versera, à titre d'indemnité forfaitaire et de clause pénale, la somme de 55 600 euros,
- poursuivre en justice la réalisation de la vente, la partie défaillante supportant tous les frais de poursuites ou de justice augmentés du montant de l'indemnité forfaitaire prévue.
Or, il ressort des pièces versées que malgré plusieurs interpellations de l'agent immobilier (pièce 12) et du notaire (pièce 5), M. [P] n'a pas justifié des démarches accomplies auprès des organismes bancaires pour l'obtention du prêt conditionnant la réalisation de la vente, comme l'y obligeait le compromis. En outre, bien qu'invité à s'y rendre, par lettre recommandée dont la réception est établie (pièce 11), il ne s'est pas présenté au rendez-vous du notaire pour la signature de l'acte authentique de vente.
Dans ces conditions, au vu des manquements de M. [P], la SCI gros caillou est bien fondée à obtenir le paiement de la somme de 55 600 euros à titre d'indemnité forfaitaire. M. [P] sera donc condamné à la lui verser avec intérêt au taux légal à compter du 29 avril 2021, date de la sommation.
La demande en paiement dirigée contre son épouse est pour sa part rejetée.
Le compromis stipule par ailleurs en page 8 que « les parties reconnaissent que les présentes ont été négociées par l'agence côté sud immobilier exploitée par le cabinet immobilier Barsotti qu'elles déclarent bénéficiaire du montant de la rémunération convenue, soit la somme de 23 000 euros TTC conformément au mandat écrit du 13 juillet 2020 portant le numéro 1032. Ces honoraires seront dus par le vendeur et ils seront exigibles le jour de la réitération des présentes par acte authentique ('). Au cas où toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'acquéreur ou le vendeur après avoir été mis en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, une indemnité d'un montant égal à la rémunération de l'agence sera due intégralement à cette dernière par la partie défaillante, l'opération étant définitivement conclue ».
M. [P], signataire du compromis, ayant failli, malgré la mise en demeure reçue, à son obligation de justifier de ses démarches en vue de l'obtention d'un prêt immobilier et en ne déférant pas au rendez-vous fixé par le notaire pour la réitération de la promesse de vente par acte authentique, la SAS cabinet immobilier Barsotti doit obtenir le paiement par M. [P], partie défaillante, de l'indemnité égale à sa rémunération, fixée à la somme de 23 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 juin 2021, date de la mise en demeure. La demande présentée à ce titre contre son épouse, dont il n'est pas démontré qu'elle a signé le compromis, est pour sa part rejetée.
Les appelantes le sollicitant, la capitalisation des intérêts doit être ordonnée sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, à compter de la date à laquelle ils sont dus pour la première fois pour une année entière.
Les demandes formées contre Maître [M], notaire à [Localité 8] (83), ne peuvent prospérer dès lors que ce dernier n'est pas partie à l'instance d'appel.
Le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions.
M. [P], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer aux appelantes une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [R] [P] à payer à la SCI gros caillou la somme de 55 600 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 avril 2021;
Condamne M. [R] [P] à payer à la SAS cabinet immobilier Barsotti la somme de 23 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 juin 2021 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts de ces sommes dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
Rejette les demandes en paiement dirigées contre Mme [K] [V] épouse [P] ;
Rejette les demandes formées contre Maître [M], notaire à [Localité 8] (83) ;
Condamne M. [R] [P] aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne M. [R] [P] à payer à la SCI gros caillou et à la SAS cabinet immobilier Barsotti la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La conseillère