CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 19 mai 2025, n° 23/02052
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Exell Finance (SAS), Edelis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Simon-rossenthal
Vice-président :
M. Blanc
Conseiller :
M. Loos
Avocats :
Me Ramond, Me Meynard, Me Schwab, Me Amichaud-dabin
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [T] [D] [R] et Mme [O] [R] ont acheté sur la commune de [Localité 8], auprès de la société Akerys Promotion, anciennement dénommée 4M Promotion, devenue Edelis, un appartement de type T3 de 64 m2 et un parking, dans une résidence en état futur d'achèvement, pour un prix total de 144 000 euros.
La société Akerys Promotion était chargée de construire et de vendre le programme immobilier. La société Exell Finance, qui est un conseiller en investissement financier, a démarché et proposé un investissement locatif à M. et Mme [R] dans le cadre d'une
opération de défiscalisation soumise à la loi Robien.
Le contrat préliminaire de réservation de vente en l'état futur d'achèvement a été signé le 24 avril 2007. L'acte authentique a été signé le 3 avril 2008.
Pour financer cet achat, selon une offre de prêt en date du 21 mai 2007 qui a été acceptée le 5 juin 2007, M. et Mme [R] ont contracté un prêt auprès du Crédit Foncier pour un montant de 144 000 euros au taux de 4 %. Le 13 mai 2008, un mandat de gestion locative a été donné à la société Akerys Gestion.
Par une estimation en date du 10 septembre 2018, le bien a été estimé à 70 000 euros. Puis par une estimation en date du 22 septembre 2020 le bien a été évalué à 53 000 euros. Selon l'attestation versée aux débats par M. et Mme [R], le bien a été revendu le 21 décembre 2021 moyennant le prix de 67 000 euros.
Par acte d'huissier des 9 et 15 avril 2019, les époux [R] ont respectivement fait assigner les sociétés Exell Finance et Edelis devant le tribunal judiciaire de Paris.
* * *
Vu le jugement prononcé le 15 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :
Déclare les époux [R] irrecevables en toutes leurs demandes ;
Déboute la société Edelis de sa demande de dommage et intérêt ;
Condamne solidairement les époux [R] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Jean-Didier Meynard, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu a exécution provisoire.
Vu l'appel déclaré le 18 janvier 2023 par les époux [R],
Vu les dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023 par les époux [R],
Vu les dernières conclusions notifiées le 30 juin 2023 par la société Exell Finance,
Vu les dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2024 par la société Edelis,
Les époux [R] demandent à la cour de statuer comme suit :
Infirmer le jugement du 15 novembre 2022 en ce qu'il déclare prescrite l'action introduite par les époux [R] à l'encontre de la société Exell Finance SAS et les condamne aux entiers dépens de l'instance ;
Et statuant à nouveau :
Recevoir les époux [R] en leurs demandes et les dire bien fondés ;
Débouter les société Edelis et Exell Finance de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Juger que l'action des époux [R] n'est pas prescrite ;
Vu l'article 1116 du code civil (nouveau 1137 du code civil) :
Juger que le consentement des époux [R] a été vicié par des man'uvres dolosives de la part de la société Edelis (anciennement dénommée Akerys Promotion) et Exell Finance ;
Vu l'article 1382 du code civil (nouvel article 1240 de ce même code) :
Juger que les sociétés Edelis (anciennement dénommée Akerys Promotion) et Exell Finance ont manqué à leur devoir d'information et de conseil ;
En conséquence,
Condamner les société Edelis et Exell Finance à payer aux époux [R], la somme de 177 184 euros parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
En tout état de cause :
Condamner les sociétés Edelis et Exell Finance à payer aux époux [R] la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société Exell Finance demande à la cour de statuer comme suit :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Déclarer Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] irrecevables en leurs demandes formées à l'encontre de la société Excell Finance ;
Débouter la société Edelis de toutes demandes qui seraient formées à l'encontre de la société Excell Finance en cause d'appel ;
A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement entrepris,
Débouter Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société Excell Finance ;
Débouter la société Edelis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Et à titre très subsidiaire,
Réduire les demandes de Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F] épouse [R] à de plus justes proportions ;
Déclarer que la responsabilité de la société Exell Finance sera limitée à 25% du préjudice de Monsieur [T] [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F] épouse [R] ;
En tout état de cause :
Condamner Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] à payer à la société Exell Finance une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamner Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] au paiement des entiers dépens, en ce compris les dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier Marie, Société d'avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Edelis demande à la cour de statuer comme suit :
Déclarer Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] irrecevables en leurs demandes formées à l'encontre de la société Exell Finance ;
Débouter la société Edelis de toutes demandes qui seraient formées à l'encontre de la société Exell Finance en cause d'appel ;
A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement entrepris,
Débouter Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société Exell Finance ;
Débouter la société Edelis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Et à titre très subsidiaire,
Réduire les demandes de Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R], à de plus justes proportions ;
Déclarer que la responsabilité de la société Exell Finance sera limitée à 25% du préjudice de Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R].
En tout état de cause :
Condamner Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] à payer à la société Exell Finance une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamner Monsieur [T] [D] [R] et Madame [O] [G] [F], épouse [R] au paiement des entiers dépens, en ce compris les dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier Marie, Société d'avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Céans venait à déclarer recevable l'action des demandeurs, tant sur le fondement du dol que, sur celui du manquement au devoir d'information et de conseil du vendeur et du commercialisateur,
Juger que la responsabilité de la société Edelis anciennement Edelis ne saurait être engagée par suite des fautes commise par son mandataire en dehors des limites de son mandat ;
Juger que les consorts [R] ne rapportent pas la preuve d'un dol ;
Juger que la société Edelis es qualité de Vendeur en l'état futur d'achèvement n'a commis aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ;
Juger encore que les Consorts [R] ne justifient pas des préjudices qu'ils invoquent et d'un lien de causalité entre une faute et ce préjudice ;
Par conséquent,
Débouter les Consorts [R] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;
Les condamner in solidum à payer à la société EDELIS, anciennement dénommée Akerys Promotion, la somme de 10 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens du procès, dont le recouvrement sera poursuivi par la Selarl 2H Avocats en la personne de Maître Audrey Schwab, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
A) Sur la prescription
Les époux [R] font valoir que l'opération n'est pas une opération immobilière simple mais une opération de défiscalisation qui est de nature à retarder le point de départ du délai de prescription. Ils exposent que l'investissement litigieux proposé était une opération de défiscalisation indivisible ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, financé par la perception de loyers et par les réductions d'impôt procurées par le dispositif d'incitation fiscale.. Ils précisent que c'est à la sortie de l'opération qu'ils ont pris connaissance de la réelle valeur de leur bien.
Ils ajoutent que leur action est fondée sur le dol ou sur le manquement à une obligation de conseil et d'information et que le point de départ de la prescription doit être fixé au 10 septembre 2018, jour où ils ont fait estimer leur bien et qu'ils se sont alors rendus compte que ce dernier avait été surévalué.
La société Edelis soutient au visa de l'article 2224 du code civil que l'action est prescrite.
Elle expose que le point de départ de la prescription de l'action fondée sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil se situe au jour de la conclusion du contrat; que ce point de départ est également celui de l'action fondée sur le dol puisque c'est au jour de la conclusion du contrat que le package a été présenté, qu'ils ont été prélablement en mesure de vérifier les informations données par le commercialisateur et qu'ils ont pu se renseigner sur la valeur du bien.
Selon la société Edelis le point de départ du délai de prescription relatif aux griefs relatifs au défaut de revalorisation du loyer et aux frais de gestion doit se situer au 1er juillet 2011.
La société Excell ssoutient également que l'action des époux [R] est prescrite puisque, dans l'hypothèse d'un manquement à une obligation d'information le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la conclusion du contrat, et qu'il en est de même pour l'action fondée sur les manoeuvres dolosives.
Elle fait valoir qu'une acquisition immobilière à visée locative comporte par nature un aléa et que l'évaluation financière ou la visée fiscale de l'opération ne constitue pas un engagement contractuel opposable .
Ceci étant exposé, l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer.
Il s'en déduit que le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage qu'il invoque, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et ce fait générateur.
En l'espèce, les époux [R] reprochent aux sociétés Edelis et Exell Finance, cette dernière agissant en tant que mandataire de la société Akerys promotion, devenue Edelis, d'avoir manqué à leurs obligations d'information et de conseil lors de la présentation de l'opération litigieuse et d'avoir commis des manoeuvres dolosives. Ils exposent avoir eu connaissane de leur préjudice uniquement le jour où ils ont fait évaluer leur bien le 10 septembre 2018.
Les époux [R] invoquent un plan d'épargne fiscal daté du 16 avril 2007 proposé par la société Exell Finance . Il est fait grief aux sociétés intimées d'avoir délivré des informations incomplètes et erronées sur la rentabilité de l'opération globale d'investissement et sur le prix de revente à l'issue de la période de 9 années.
Cette simulation à l'entête de Exell Finance comporte une valeur de cession du support fiscal à l'issue de la période de 9 années, à la clôture du plan d'épargne fiscal, de sorte qu'il est établi que l'opération envisagée par les époux [R] était un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, c'est-à-dire une opération d'investissement globale dont le bien immobilier est le support. Seront ultérieurement éxaminées les conséquences de la mention 'document non contractuel' figurant sur chacune des pages du plan d'épargne fiscal.
Cette opération avait pour objectif de permettre non seulement une défiscalisation des revenus mais également la constitution d' un capital financé grâce à une épargne personnelle,
et un gain fiscal puis une éventuelle revente à l'issue de la période de défiscalisation. Pour garantir l'entière défiscalisation, le bien devait être loué donc non revendu pendant les 9 premières années locatives.
Ce n'est ainsi que, à l'issue de la période locative de neuf ans, le préjudice invoqué par les époux [R] se serait réalisé.
La vente en l'état de futur achèvement est intervenue le 3 avril 2008 et le bien a été livré en mai 2010. La première location a suivi.
Le point de départ de la prescription de 5 années de l'article 2224 du code civil doit alors être fixé au 1er mai 2019. correspondant à la date d'expiration du délai de 9 années au terme duquel les époux [R] pouvaient connaître dans leur intégralité les conséquences de la réalisation du risque.
L' assignation ayant été délivrée les 9 et 15 avril 2019, l'action des époux [R] n'est donc pas prescrite.
B) Sur le rôle des intervenants
Les époux [R] soutiennent que la société Akerys Promotion devenue Edelis présente la qualité de promoteur immobilier et de vendeur de l'opération de défiscalisation . Elle doit répondre de ses agissements puisqu'elle a vendu un bien situé dans une zone exigible à la défiscalisation de Robien et a fixé un prix de vente largement surévalué dont a découlé la simulation financière présentant ainsi un caractère attrayant .
Concernant la société Exell Finance, les époux [R] rappelent sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine rémunéré et exposent qu'elle manqué à son obligation d'information sur la véritable valeur du bien dont dépendait la viabilité et la rentabilité de l'opération ainsi que sur la réalité du potentiel locatif dans la zone d'implantation de l'opération.
Ils soutiennent que les documents fournis confirment que la société Exell Finance est intervenue comme représentante de la société Akerys Promotion.
La société Edelis soutient que l'action des époux [R] présentée à son encontre doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir puisqu'elle n'a pas participé à l'élaboration de la simulation fiscale. Dès lors que sa responsabilité est recherchée non pas en sa qualité de vendeur mais de mandante de la société Exell Finance et que la simulation fiscale a été établie hors des limites du mandat, aucune demande ne peut être dirigée à son encontre.
La société Exell Finance ne conteste pas le principe de son intervention. Elle indique qu'elle a agit, en sa qualité de mandataire de la société Edelis, sur les instructions de cette dernière.
Ceci étant exposé, il convient de souligner que le moyen soulevé par la société Edelis tendant à voir déclarer les époux [R] irrecevables en leur action pour défaut d'intérêt à agir n'est pas une fin de non-recevoir telle que visée à l'article 122 du code de procédure civile mais comme une contestation au fond de la demande formée par ces derniers à son encontre, en sa qualité de mandante, en raison de l'impossibilité de retenir sa responsablitié, dès lors que son mandataire a agi hors des limites de son mandat de vente.
La fin de non-recevoir présentée par la société Edelis sur ce fondement ne peut dès lors qu'être rejetée.
Au surplus, les époux [R] versent aux débats une pièce n° 3 qui leur a été remise antérieurement à l'acquisition du bien immobilier qui comporte une présentation de la Résidence '[Adresse 7]' à [Localité 8] (10). Ce documment dénommé 'plaquette commerciale' par les appelants présente la société Akerys comme le leader national de l'investissement locatif. Il y est également indiqué, sous le titre 'Des garanties optimales', qu'au delà des garanties relatives à la construction des immeubles, est offerte une 'protection contre la carence et la vacance locatives (9 ans fermes)', cette dernière durée renvoyant aux conditions requises pour obtenir certains avantages liés à des programmes de défiscalisation, notamment dans le cadre du dispositif Robien. Aux termes du contrat de réservation conclu le 24 avril 2007 entre la société Akerys Promotion, représentée par la société Exell Finance, et les époux [R], la société Akerys Promotion s'est effectivement engagée, sous certaines conditions, à garantir la location du bien pour cette même durée de neuf années fermes. La société Edelis, anciennement Akerys Promotion, ne peut dès lors soutenir s'être bornée à vendre un bien immobilier aux époux [R] et n'avoir donné qu'un mandat de vente d'un tel bien à la société Exell Finance, alors qu'il résulte de ces éléments qu'elle commercialisait en réalité un produit de défiscalisation et que le mandat confié à la société Exell Finance portait sur un tel produit.
Il en résulte qu'ayant confié à la société Exell Finance, conseiller en gestion de patrimoine, un mandat de commercialiser un produit de défiscalisation, lequel emporte l'obligation, pour ce mandataire, d'informer l'investisseurs potentiel des caractéristiques essentielles de l'opération, y compris les moins favorables, et de s'assurer que ce produit est adapté à sa situation et à ses objectifs, la société Akerys Promotion, devenue Edelis, est tenue de répondre des éventuels manquements de la société Exell Finance à ces obligations.
C) Sur les fautes
Les époux [R] reprochent aux deux sociétés intimées des manoeuvres dolosives sur le fondement de l'article 1137 du code civil et un manquement au devoir d'information et de conseil sur le fondement de l'article 1382 du code civil
Concernant les manoeuvres dolosives ils se fondent exclusivement sur les mentions contenues dans le plan d'épargne fiscal daté du 16 avril 2007 .
Concernant le manquement à l'obligation de conseil et d'information fondé sur un terrain délictuel, ils dénoncent des informations incomplètes ou inexactes dans la présentation du package, dans l'absence de mention sur les risques inhérents à l'opération, sur le surcoût de l'opération et sur la surévaluation du bien .
La société Edelis conteste toute manoeuvre ou réticence dolosive ayant eu pour objet de tromper les époux [R] avant la signature de la vente et soutient que la responsabilité du vendeur ne peut être engagée lorsque les manoeuvres dolosives ne proviennnet pas de son fait. Elle conteste également tout manquement à son obligation de conseil et d'information par l'intermédiaire de son mandataire.
La société Exell Finance conteste tout manquement aux obligations de conseil et d'information en soutenant qu'aucun document remis aux consorts [R] antérieurement à la réalisation de l'investissement ne prècise que le prix de vente correspondait aux prix du marché ou était inférieur aux prix du marché pratiqués à l'époque et qu'aucune récrimination ne peut être formulée à l'encontre du potentiel locatif du bien.
La société Exell Finance soutient que les époux [R] ne prouvent aucune des conditions susceptibles de caractériser un comportement dolosif.
Ceci étant exposé :
a) Sur le dol
Il convient d'apprécier si des manoeuvres dolosives peuvent être imputées à la société Exell Finance, mandataire de la société Akeris Promotion devenue Edelis, ayant vicié le consentement des époux [R] lors de la signature du contrat d'achat du bien immobilier le 3 avril 2008.
Dés lors qu'il a été ci dessus jugé que la société Exell Finance était intervenue en qualité de mandataire de la société Akeris Promotion devenue Edelis, cette dernière ne peut pas prétendre ne pas avoir à répondre de manoeuvres imputables à un tiers.
Les époux [R] ne peuvent pas prétendre avoit été trompés sur le prix d'acquisition du bien immobilier pour un montant de 144 000 euros puisqu'aucun mention ne porte sur le fait que ce montant serait conforme au prix du marché. De plus, sauf à écarter l'aléa inhérent à tout achat immobilier, l'estimation du bien le 22 septembre 2020 pour un montant compris entre 53 000 et 58 000 euros et sa revente le 21 décembre 2021 au prix de 67 000 euros ne permettent pas d'en déduire avec certitude que le prix plus élevé de ce bien 13 années plus tôt était nécessairement surévalué.
De même les époux [R] n'établissent pas en quoi les autres mentions figurant dans le plan d'épargne fiscal notamment les revenus locatifs, l'économie d'impôt et le prix de revente auraient délibérément comporté des mentions ou omissions mensongéres, connues du rédacteur du document au moment de sa délivrance.
Les demandes fondées sur le dol doivent être rejetées.
b) Sur le manquement au devoir d'information et de conseil .
Les époux [R] se fondent également sur le plan d'épargne fiscal du 16 avril 2007 qui leur a été remis avant la conclusion des contrats de réservation et de vente .
Si ce document, ainsi que ci dessus relevé, ne garantit pas que le prix d'achat fixé à 144 000 euros est conforme au prix du marché et que les époux [R] ne justifient pas que ce montant serait excessif, il chiffre le revenu mensuel garanti (loyers) , son indéxation (2%), la valeur de cession du support fiscal à l'issue des 9 années (172 093 euros) compte tenu d'une indéxation annuelle de 2% et chiffre la rentabilité de l'opération à 14,56 %.
Il doit être relevé que ce document a été établi par la société Exell Finance dont l'objet social porte sur le conseil en investissements financiers, représentée par M. [P] [C] qui se présente comme consultant en fiscalité selon la pièce n° 6 versée par les appelants. Cette société qui était egalement mandataire de la société Akerys Promotion pour la commercialisation de son programme immoblier, ainsi que cela a été ci dessus exposé, était tenue d'un devoir d'information et de conseil notamment dans la présentation du programme de défiscalisation.
Les époux [R] sont bien fondés à soutenir que la présentation qui leur a été faite ne comportait aucune mention sur les aléas locatifs inhérents à une location d'une durée de 9 années avec risques de loyers non acquittées, d'éventualité de minoration du montant du loyer tel que chiffré dans la simulation et de périodes sans location. Il est fait mention d'un revenu mensuel garanti indéxé pendant 9 années d'un montant de 480 euros sans référence à un quelconque aléa locatif.
De plus la valeur de cession du support fiscal sur la base d'une indéxation annuelle de 2% est présentée comme une donnée incontestable alors que le devoir de conseil et d'information devait porter sur le fait que le prix de revente d'un bien immobilier à l'issue d'une période de 9 années ne présentait aucune certitude compte tenu de l'incidence de la conjoncture économique et de multiples aléas tant nationaux que locaux.
L'opération a été ainsi présentée comme devant générer une rentabilité de 14,56 % alors que ce résultat devait être présenté comme une simple possibilité dépourvue de toute certitude.
Il en résulte que la société Exell Finance, qui était tenue envers les époux [R], en tant que conseiller en gestion de patrimoine et titulaire du mandat de commercialisation confié par la société Akerys Promotion, du programme de défiscalisation en cause, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles de l'opération, y compris les moins favorables, et d'une obligation de leur conseiller un produit adapté à leur situation, a manqué à ces obligations et que la société Edelis, compte tenu des développements qui précèdent relatif à la recevabilité de l'action des époux [R], est tenue de répondre, avec la société Exell Finance, des dommages susceptibles d'avoir été causés par ces manquements.
D) Sur le préjudice et le lien de causalité
Les époux [R] sollicitent la condamnation de la société Edelis et de la société Exell Finance à leur verser la somme de 177 784 euros résultant du décompte suivant :
Impossibilité de revendre pour le montant investi: 91 000 euros
Surcoût de l'opération (978 x12 x 9ans): 86 184 euros
Dans leurs écritures , les époux [R] exposent que la perte de chance doit représenter 90 % de leur préjudice total tout en réclamant son intégralité.
Selon la société Edelis, les époux [R] ne justifient d'aucun préjudice puisqu'ils ont bénéficié d'une diminution de masse imposable de 67 257 euros sur 9 ans (années 2010 à 2018) et ont perçu 52 446,80 euros de revenus locatifs soit un gain total de 120 000 euros.
La société Edelis soutient également que les époux [R] ne justifieraient pas du lien de causalité entre la faute alléguée et le prétendu préjudice.
Il est également relevé que les époux [R] se fondent sur une estimation de la valeur de leur bien le 22 septembre 2020 pour un montant compris entre 53 000 et 58 000 euros alors qu'ils l'ont revendu le 21 décembre 2021 au prix de 67 000 euros.
La société Exell Finance conteste également tout préjudice indemnisable et tout lien de causalité
Ceci étant exposé, étant observé que le dommage résultant des manquements retenus à l'encontre des sociétés Exell Finance et Akerys Promotion, devenue Edelis, ne pourrait consister qu'en la privation d'une change, pour les époux [R], d'éviter le dommage qui s'est réalisé, constitué des pertes subies du fait de cet investissement et des gains qu'ils ont manqués faute d'avoir, mieux informés et mieux conseillés, souscrit un autre investissement, à supposer que ce dommage se soit réalisé et qu'il ait été causé par lesdits manquements, les époux [R] sont invités à préciser ce qu'ils entendent, aux termes de leurs dernières conclusions, par l' « impossibilité de revendre pour le montant investi » et le « surcoût de l'opération » et de préciser le mode de calcul de ces chefs de préjudice, au regard notamment du montant des loyers encaissés sur la période de 9 ans à compter de l'acquisition du bien et ultérieurement, des réductions fiscales obtenues et des modalités, le cas échéant, de remboursement du prêt ayant servi à financer le bien.
E) Sur les autres demandes
La solution du litige conduit à réserver les dépens et à surseoir à statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant de nouveau et y ajoutant :
Dit l'action de M. [T] [D] [R] et de Mme [O] [K] [R] non prescrite ;
Dit que les sociétés Akerys Promotion, devenue Edelis, et Exell Finance ont manqué à leurs obligations d'information et de conseil ;
Avant dire droit sur la demande d'indemnisation de M. [T] [D] [R] et de Mme [O] [K] [R],
Invite les parties à faire part de leur éventuel accord sur une mesure de médiation, dans le délai d'un mois à compter de la présente décision ;
A défaut d'accord, les époux [D] [R] devront apporter, par voie de conclusions récapitulatives, les précisions demandées au terme du point D des motifs ci-dessus ;
Renvoie à l'audience de mise en état du lundi 16 juin 2025, 10h heures, pour fixation d'un nouveau calendrier ;
Réserve le susplus des demandes ;