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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 20 mai 2025, n° 23/05976

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Axa France IARD (SA)

Défendeur :

Fides (SELARL), Ajire (SELARL), [G] COMPOSITES (S.A.S.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Vice-président :

M. Roussel

Conseiller :

Mme Ramin

Avocats :

Me Renaudin, Me Bourges, Me Bonte, Me Chaudet

CA Rennes n° 23/05976

19 mai 2025

FAITS ET PROCEDURE :

La société [G] Composites (la société [G]) fabrique une gamme de catamarans de croisière rapide sous l'appellation 'TS 42", dessinés par l'Eirl [U] [R] (l'Eirl [R]).

La société [G] est assurée auprès de la société Axa France Iard (la société AXA).

Le 15 juillet 2015, M. [E] a passé commande auprés de la société [G] du TS 42 n°7 modéle standard pour un prix de 445.852,53 euros HT, dont il a pris livraison le 19 mai 2016. Le navire a été baptisé 'Bitter Sharp'.

Peu de temps après la réception de son navire, M. [E] s'est échoué sur des rochers à l'entrée d'un port en Ecosse.

Coté tribord, la coque, le quillon et le safran, endommagés, ont été réparés par la société [G].

Entre 2016 et 2018, M. [E] a exploité le navire en location.

Le 10 octobre 2017, le bateau a été mis au sec à la suite de l'apparition de bulles sur l'antifouling.

Réparé par la société [G], le bateau a été remis à l'eau le 18 octobre 2017 et a effectué sa saison de charter 2017-2018 aux Antilles.

Le 27 mai 2018, peu de temps après son arrivée en Bretagne, M. [E] a informé la société [G] de la disparition du quillon bâbord du bateau découverte en plongeant pour caréner les coques.

La société [G] a formulé une déclaration de sinistre auprés de la société AXA qui a mandaté M. [J] en qualité d'expert.

Après examen de ces désordres, notamment des traces d'usures en semelle de quille, et sous les safrans, l'expert a conclu que le bateau avait talonné sur du sable à plusieurs reprises.

Estimant que le bateau souffrait d'un problème de conception le rendant non conforme à sa catégorie de navigation, M. [E] assigné la société [G] en référé en désignation d'un expert.

Par ordonnance du 20 novembre 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient a

ordonné une expertise judiciaire, désignant M. [S] pour y procéder.

Par ordonnance du 13 octobre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient a étendu les opérations d'expertise à l'Eirl [R].

Le 13 novembre 2020, M. [E] a assigné la société [G] au fond devant le tribunal de commerce de Lorient en résolution de la vente, restitution du prix du bateau et paiement de dommages-intérêts.

L'expert a déposé son rapport le 30 décembre 2021.

Le 11 octobre 2022, M. [E] a assigné la société [G] en référé en paiement d'une provision. La société [G] a appelé la société Axa et l'Eirl [R] en garantie.

Par ordonnance du 28 décembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Lorient a rejeté la demande de provision en retenant l'existence de contestations sérieuses aux demandes de M. [E].

Les 15 septembre et 14 octobre 2022, la société [G] a assigné la société AXA et l'Eirl [R] en intervention devant le tribunal de commerce de Lorient.

Le 16 juin 2023, alors que le dossier était en délibéré devant le tribunal de commerce, la société [G] a été placée en redressement judiciaire, la société AJIRE, prise en la personne de M. [C], étant désignée administrateur et la société Fides, prise en la personne de M. [I], mandataire judiciaire.

Le 25 août 2023, la société [G] a été placée en liquidation judiciaire, la société AJIRE, prise en la personne de M. [C], étant désignée administrateur et la société Fides, prise en la personne de M. [I], liquidateur judiaire.

Par jugement du 12 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lorient a arrêté un plan de cession de l'activité de la société [G] au profit de la société Grand Large.

Par jugement du 4 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lorient a :

- Débouté la société [G] et son assureur, la société AXA, de leur demande visant à voir prononcée la nullité des opérations d'expertise menées par M. [S] et de son rapport d'expertise déposé le 30 décembre 2021,

- Déclaré recevable l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [F] [E],

- Dit que Ie bateau TS42 ' Bitter Sharp', objet du contrat de vente, est affecté de vices cachés,

- Ordonné en conséquence la résolution du contrat de vente du bateau TS42 'Bitter Sharp' conclu le 15 juillet 2015 entre M. [E] et la société [G],

- Ordonné à la société [G] de restituer à M. [E] le prix de vente du bateau TS42 'Bitter Sharp', soit la somme de 461.737 euros HT, outre les intéréts au taux légal sur cette somme, à compter de la présente décision,

- Ordonné à M. [E] de restituer à la société [G] le bateau TS42 'Bitter Sharp',

- Condamné solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 19.198,20 euros au titre des frais de fonctionnement (stockage et grutage du bateau), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Débouté M. [E] de sa demande d'indemnisation au titre des frais et honoraires engagés jusqu'à l'instance au fond d'un montant de 57.209,76 euros,

- Condamné solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 107.444 euros au titre de son préjudice d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamné solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 7.000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Déclaré recevable l'appel en garantie formée par la société [G] à l'encontre de l'Eirl [R],

- Dit que l'Eirl [R] a commis une faute de conception des quillons du bateau TS42 ' Bitter Sharp ' qui est en lien de causalité direct et certain avec les préjudices subis par M. [E],

- Condamné en conséquence l'Eirl [R] à relever et garantir la société [G] à hauteur de 30 % du montant des condamnations prononcées à son encontre, à l'exception de la restitution du prix de vente du bateau, au titre des erreurs de conception des quillons du bateau TS42 'Bitter Sharp',

- Condamné la société AXA à relever et garantir son assurée du montant des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice moral et des préjudices matériels subis par M. [E], à l'exception de la restitution du prix de vente du bateau,

- Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamné solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société AXAde sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté l'Eirl [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné solidairement Ia société [G] et la société AXA aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés,

- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en a déboutées.

La société Axa a interjeté appel le 18 octobre 2023. L'Eirl a interjeté appel le 23 octobre 2023. Les deux dossiers ont été joints.

Les dernières conclusions de la société AXA sont en date du 27 juin 2024. Les dernières conclusions des sociétés [G] et Fides, ès qualités, sont en date du 2 juillet 2024. Les dernières conclusions de l'Eirl [R] sont en date du 5 juillet 2024. Les dernières conclusions de M. [E] sont en date du 4 janvier 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2025.

Par note du 26 mars 2025, M. [E] a fait valoir à la cour que la société Fides, ès qualités, avait procédé à la vente sur adjudication du navire le 25 mars 2025 pour la somme de 142.000 euros et que cette vente serait le signe d'une acceptation la part du vendeur de la nullité de la vente du navire et d'une acceptation sans réserve du jugement dont appel.

Le 3 avril 2025, il a été demandé aux parties, pour le 22 avril 2025 au plus tard :

- d'apporter toutes précisions et pièces utiles sur l'éventuelle vente du navire pour la somme de 142.000 euros, somme pouvant paraître ne pas pouvoir viser un navire affecté d'un vice le rendant inapte à la navigation, et sur les conditions de cette vente, notamment quant à la présentation de l'état du navire qui a été faite lors de l'adjudication,

- de faire valoir toutes observations sur la possibilité de restituer le navire à M. [E] pour le cas où la cour viendrait à infirmer le jugement en ce qu'il a annulé la vente intervenue entre la société [G] et M. [E].

- de faire valoir toutes observations sur une éventuelle acceptation implicite du jugement par les sociétés [G] et Fides, ès qualités, du fait de cette vente sur adjudication, et sur les éventuelles conséquences d'une telle acceptation.

Du fait de la nécessité de laisser aux parties la possibilité de répondre à cette demande, le délibéré a été prorogé au 20 mai 2025.

L'Eirl [U] [R] et les société Fides, ès qualités, et [G] ainsi que M. [E] ont fait valoir leurs observations.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société AXA demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du 4 septembre 2024 du tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il :

- Declare recevable l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [E],

- Dit que le bateau TS42 « Bitter Sharp », objet du contrat de vente, est affecté de vices cachés,

- Ordonne en conséquence la résolution du contrat de vente du bateau TS42 « Bitter Sharp » conclu le 15 juillet 2015 entre M. [E] et la societé [G],

- Ordonne à la societé [G] de restituer à M. [E] le prix de vente du bateau TS42 « Bitter Sharp », soit la somme de 461.737 euros HT, outre les interêts au taux légal sur cette somme, à compter de la présente décision,

- Ordonne à M. [E] de restituer à la societé [G] le bateau TS42 « Bitter Sharp »,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 19.198,20 euros au titre des frais de fonctionnement (stockage et grutage du bateau), avec interéts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 107.444 euros au titre de son préjudice d'exploitation avec interêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 7.000 euros en réparation de son préjudice moral avec interêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamne la société AXA à relever et garantir son assurée du montant des condamnations prononcées à son encontre au titre du prejudice moral et des préjudices materiels subis par M. [E],

- Ordonne la capitalisation des interêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne solidairement la société [G] et la societé AXA à payer M. [E] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la societé AXA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne solidairement la société [G] et la societe AXA aux entiers depens, dont frais de greffe liquidé,

- Dit toutes autres demandes, 'ns et conclusions des parties injusti'ées et en tout cas mal fondées, les en deboute,

Et statuant de nouveau :

I. In limine litis :

- Prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [S],

II. À titre principal, sur le principe de la garantie :

- Débouter la société Fides, ès qualités, de sa demande visant à condamner la société AXA à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. [E],

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions à l'encontre de la société AXA ,

III. Subsidiairement, sur le montant de garantie :

- Débouter M. [E] de ses demandes au titre des pertes d'exploitation, des frais de fonctionnement du navire, des frais et honoraires d'avocat et d'expert, d'huissier de justice, et d'expert de partie, ou subsidiairement revoir ces demandes à de plus juste proportions et appliquer la franchise d'assurance,

IV. En tout état de cause :

- Débouter la société Fides, ès qualités, M. [E] et M. [R] de l'ensemble de leur fin, demande et prétention à l'encontre de la société AXA,

- Condamner la société Fides, ès qualités, à payer à la société AXA 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés [G] et Fides, ès qualités, demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement du 4 septembre 2024 du tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il :

- Déclare recevable et bien fondée l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [E],

- Dit que Ie bateau TS42 'Bitter Sharp', objet du contrat de vente, est affecté de vices cachés,

- Ordonne en conséquence la résolution du contrat de vente du bateau TS42 'Bitter Sharp' conclu le 15 juillet 2015 entre M. [E] et la société [G],

- Ordonne à la société [G] de restituer à M. [E] le prix de vente du bateau TS42 'Bitter Sharp', soit la somme de 461.737 euros HT, outre les intérêts au taux légal sur cette somme, à compter de la présente décision,

- Ordonne à M. [E] de restituer à la société [G] le bateau TS42 'Bitter Sharp',

- Condamne la société [G] à payer à M. [E] la somme de 19.198,20 euros au titre des frais de fonctionnement (stockage et grutage du bateau), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamne la société [G] à payer à M. [E] la somme de 7.000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [G] aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés,

- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute,

Et statuant de nouveau :

In limine litis :

- Juger nul et de nul effet, le rapport d'expertise judiciaire de M. [S],

- Juger que M. [E] est responsable de la perte de désordres constatés sur son bateau,

- Juger prescrite l'action en garantie des vices cachées initiée par M. [E],

A titre Principal :

- Débouter M. [E] de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre la société [G] représentée par la société Fides, ès qualités,

- Débouter Ia société AXA de ses demandes visant à ne pas garantir la société [G] représentée par la société Fides, ès qualités, des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. [E],

- Condamner la société AXA à relever et garantir la société [G] représentée par la société Fides, ès qualités, de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre par la cour à l'exception de la restitution du prix,

- Condamner l'Eirl [R] à relever et garantir la société [G] représentée par la société Fides, ès qualités, de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre par la cour à l'exception de la restitution du prix,

- Débouter l'Eirl [R] et la société AXA de toutes leurs demandes fins et conclusions formulées à l'encontre de la société [G] représentée par la société Fides, ès qualités, en ce compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les sociétés AXA, l'Eurl [R], M. [E] à payer chacun à la société [G], représentée par la société Fides, ès qualités, la somme de 3.000 euros en application de I'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'Eirl [R] demande à la cour de :

In'rmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lorient le 4 septembre 2023 en ce qu'il a :

- Débouté les parties de leur demande visant a voir prononcée la nullité des opérations d'expertise et du rapport d'expertise déposé le 30 décembre 2021,

- Déclaré recevable l'appel en garantie formée par la société [G] à l'encontre de l'EIRLBarreau,

- Dit que l'EIRL [R] a commis une faute de conception des quillons sur bateau TS42 « Bitter Sharp» qui est en lien de causalité direct et certain avec les préjudices subis par M. [E],

- Condamné en conséquence l'Eirl [R] à relever et garantir la société [G] à hauteur de 30 % du montant des condamnations prononcées à son encontre, à l'exception de la restitution du prix de vente du bateau, au titre des erreurs de conception des quillons du bateau TS42 « Bitter Sharp »,

- Débouté l'EIRL [U] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

- Prononcer l'irrecevabilite des demandes formulées par M. [E] à l'encontre de l'Eirl [R],

A titre principal :

- Ordonner l'annulation du rapport d'expertise déposé par M. [S] le 30 decembre 2023,

En consequence :

- Juger que l'existence les conditions de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l'Eirl [R] n'est pas établie, et en conséquence,

- Rejeter l'intégralité des demandes formulées par la société [G] à l'encontre de l'Eirl [R],

A titre subsidiaire :

- Juger que l'existence des conditions de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l'Eirl [R] n'est pas établie, et en conséquence,

- Rejeter l'intégralité des demandes formulées par [G] à l'encontre de l'Eirl [R],

En tout état de cause :

- Debouter toutes les parties de leurs demandes et conclusions formulées à l'encontre de l'Eirl [R],

- Condamner la société [G] à verser à l'Eirl [R] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile,

- Condamner la société Axa, en qualité d'assureur de [G], à verser cette somme à l'Eirl [R],

- Condamner [G] aux depens de l'instance.

M. [E] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du 4 septembre 2023 rendu par le tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il a décidé :

- Déboute la société [G] et son assureur, la société AXA, de leur demande visant à voir prononcée la nullité des opérations d'expertise menées par M.[S] et de son rapport d'expertise déposé le 30 décembre 2021,

- Déclare recevable l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [E],

- Dit que le bateau TS42 « Bitter Sharp », objet du contrat de vente, est affecté de vices cachés,

- Ordonne en conséquence la résolution du contrat de vente du bateau TS42 « Bitter Sharp » conclu le 15 juillet 2015 entre M. [E] et la société [G],

- Ordonne à la société [G] de restituer à M. [E] le prix de vente du bateau TS42 « Bitter Sharp », soit la somme de 461.737 euros HT, outre les intérêts au taux légal sur cette somme, à compter de la présente décision,

- Ordonne à M. [E] de restituer à la société [G] le bateau TS42 « Bitter Sharp »,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 19.198,20 euros au titre des frais de fonctionnement (stockage et grutage du bateau), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Déboute M. [E] de sa demande d'indemnisation au titre des frais et honoraires engagés jusqu'à l'instance au fond d'un montant de 57.209,76 euros,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 107,444 euros au titre de son préjudice d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 7.000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Déclare recevable l'appel en garantie formée par la société [G] à l'encontre de l'Eril [R],

- Dit que l'Eirl [R] a commis une faute de conception des quillons du bateau TS42 « Bitter Sharp » qui est en lien de causalité direct et certain avec les préjudices subis par M. [E],

- Condamne en conséquence l'Eirl [R] à relever et garantir la société [G] à hauteur de 30 % du montant des condamnations prononcées à son encontre, à l'exception de la restitution du prix de de vente du bateau, au titre des erreurs de conception des quillons du bateau TS42 « Bitter Sharp »,

- Condamne la société AXA à la société [G] relever et garantir son assurée du montant des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice moral et des préjudices matériels subis par M. [E], à l'exception de la restitution du prix de vente du bateau,

- Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société AXA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute l'Eirl [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne solidairement la société [G] et la société AXA aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés,

- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute,

Mais le réformer sur les quantums octroyés et statuant à nouveau :

- Dire et juger M. [E] recevable et bien fondé en son action.

- Débouter toutes les autres parties à l'instance de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- Dire et juger que le bateau TS42 Bitter Sharp -objet du contrat de vente- est affecté de vices cachés,

- Ordonner la résolution du contrat de vente,

- Ordonner l'annulation du contrat et la restitution des contreparties de part et d'autre,

- Dire et juger que la responsabilité de la société [G] est engagée à raison des fautes dolosives commises au préjudice de M. [E],

- Dire et juger que la société AXA est garante des sommes dues par son assurée la société [G] pour les préjudices matériels et immatériels subis par M. [E],

- Dire et juger que la responsabilité de l'EIRL [U] [R] est engagée à raison des fautes commises au préjudice de M. [E],

- Fixer la créance de M. [E] au passif de la société [G] en liquidation judiciaire aux sommes suivantes :

' Au titre du préjudice matériel, correspondant à la restitution du prix de vente, la somme totale de 691.070,00 euros HT ou à titre subsidiaire 461.737,00 euros HT,

' Au titre des frais et honoraires engagés jusqu'à l'instance au fond, la somme de 57.209,76 euros,

' Au titre des frais de fonctionnement pour l'entretien du bateau, la somme de 46.329,27 euros,

' Au titre du préjudice d'exploitation, la somme de 232.662,00 euros,

' Au titre du préjudice moral subi, la somme de 20.000 euros,

- Dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1 er juin 2018, date à laquelle les défendeurs ont notifié leur intention de ne pas tenir compte des réclamations formulées par M. [E] suite aux avaries survenues,

- Ordonner la capitalisation des intérêts,

- Constater l'exercice du droit de rétention de M. [E] sur le bateau Bitter Sharp, actuellement installé au chantier naval Nautymor à [Localité 13].

- Dire et juger que M. [E] sera payé avant tout autre créancier sur le prix de vente du bateau,

- Condamner la société AXA au paiement des sommes suivantes :

' Au titre du préjudice matériel, correspondant au coût de la remise en état du bateau à défaut de restitution du prix de vente par le liquidateur judiciaire : 77.000 euros + 20%, soit la somme de 92.400 euros,

- Condamner l'Eirl [R] au paiement des sommes suivantes :

' Au titre du préjudice matériel, correspondant au coût de la remise en état des quillons à défaut de restitution du prix de vente par le liquidateur judiciaire : 18.000 euros + 20%, soit la somme de 21.600 euros,

- Condamner in solidum la société AXA et l'Eirl [R] au paiement des sommes suivantes :

' Au titre des frais et honoraires engagés jusqu'à l'instance au fond, la somme de 57.209,76 euros,

' Au titre des frais de fonctionnement pour l'entretien du bateau, la somme de 46.329,27 euros,

' Au titre du préjudice d'exploitation, la somme de 227.366 euros,

' Au titre du préjudice moral subi, la somme de 20.000 euros,

' Au titre des frais irrépétibles, la somme de 30.000 euros,

- Dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1 er juin 2018, date à laquelle les défendeurs ont notifié leur intention de ne pas tenir compte des réclamations formulées par M. [E] suite aux avaries survenues,

- Ordonner la capitalisation des intérêts,

- Condamner les mêmes dans les mêmes conditions aux entiers dépens de première instance et d'appel, outre les frais d'expertise judiciaire, les dépens engagés dans le cadre de l'instance en référé, de l'expertise judiciaire et dans le cadre des démarches visant à obtenir les sûretés de la créance de M. [E].

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur l'acquiescement au jugement par la société Fides, ès qualités, et la société [G] :

M. [E] avait spontanément restitué le navire à la société Fidès, ès qualités, faisant peser sur elle les frais de stockage et d'assurance. La société Fides, ès qualités, justifie que la conservation du navire entraînait des frais importants. Avec l'autorisation du juge commissaire délivrée par ordonnance du 24 juin 2024, elle a fait procéder à la vente du navire sur adjudication.

Il est justifié que cette vente n'est intervenue que pour limiter les frais de conservation du navire. La somme provenant de la vente, 142.000 euros, a été consignée dans l'attente de la décision de la présente cour.

A la date de la vente, la société Fides, ès qualités, avait déjà contesté en appel le jugement de première instance. Elle a par la suite poursuivi ses contestations.

Il apparait ainsi que la décision de vendre le navire ne constitue pas un acquiescement de la décision dont appel.

Sur la nullité de l'expertise judiciaire :

La société [G] et la société Fides, ès qualités, demandent l'annulation de l'expertise judiciaire.

M. [E] fait valoir que la demande de nullité de l'expertise présentée par la société [G] serait irrecevable pour ne pas avoir été présentée avant la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Il ne résulte pas des conclusions de fin de non recevoir et de réponse à incident de la société [G] dont se prévaut M. [E] que la société [G] ait présenté une demande de fin de non recevoir avant de présenter sa demande d'annulation de l'expertise. Ces conclusions étaient en effet adressées au juge de la mise en état et non pas au tribunal. Il résulte en outre de la lecture de ces conclusions, non datées, que la société [G] y demandait notamment un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise. Il en résulte que ces conclusions ont été déposées avant le dépôt du rapport. Il ne peut être utilement reproché à la société [G] de ne pas avoir demandé l'annulation d'un rapport d'expertise qui n'avait pas encore été déposé.

Il résulte du jugement que devant le premier juge la société [G] demandait in limine litis de juger nuls et de nul effet les opérations d'expertise menées par M. [S] et son rapport d'expertise déposé le 30 décembre 2021.

La demande d'annulation de l'expertise présentée par les sociétés [G] et Fides, ès qualités, est recevable et la demande d'irrecevabilité présentée par M. [E] sera rejetée.

A l'appui de leur demande d'annulation de l'expertise, la société [G] et la société Fides, ès qualités, font valoir que M. [A], l'avocat de M. [E] devant le juge des référés, aurait été lié à M. [S], expert judiciaire désigné, et que le principe de la contradiction n'aurait pas été respecté à leur égard.

Il apparaît que l'expert désigné, M. [S], était responsable des mesures de contraintes et des moyens de contrôle à l'aide de fibres optiques dans l'équipe des experts auprès du Yaka Design Teams ayant participé au Défi Areva lors de la coupe de l'América 2003.

M. [A] était responsable juridique dans l'équipe administration et finances de ce même Défi Areva.

Cette simple participation, 15 années avant sa désignation comme expert, dans une équipe comportant près de 90 personnes ne permet pas d'établir l'existence entre M. [S] et M. [A] d'un lien tel qu'il permette de douter de l'impartialité de M. [S] dans l'exercice de sa mission. Au vu de l'ancienneté de ce lien, le fait que M. [S] n'en ait pas fait état au moment de sa désignation n'est pas non plus un élément permettant de douter de son impartialité.

La société [G] et la société Fides, ès qualités, font également valoir que l'expert judiciaire aurait systématiquement écarté leurs arguments, aurait commis des erreurs sur le déroulement de certaines réparations.

La société [G], la société Fides, ès qualités, et l'Eirl [R] font valoir que le rapport définitif de l'expert comporterait des affirmations non débattues auparavant ce qui les aurait privées de la possibilité de les discuter devant l'expert.

Il apparaît ainsi que le rapport définitif mentionne en son point 11.2.1 Conception et dimensionnement que le drapage arrondi des quillons constitue une erreur de conception qui les fragilise significativement à la fatigue, comme l'a prouvé la fissuration interlaminaire des deux côtés du quillon babord qui est resté en place.

Ce n'est que dans son rapport définitif que l'expert a mentionné des calculs précis dont il déduit que la conception et la réalisation d'éléments du navire n'étaient pas conformes aux règles de l'art. Dans son rapport définitif, il a en outre proposé une solution qui 'sollicite les stratifiés de manière satisfaisante en traction et en compression, comme dans une dérive classique. Je préconise que les plis stratifiés soient rectilignes au droit de leur entrée dans la coque, au moins dans la zone où le quillon présente une épaisseur importante entre 10% et 20% de la corde au profil. Cela est facile à réaliser avec une entretoise intermédiaire stratifiée entre le profil du quillon et le boitier actuel comme illuster en rouge sur les dessins-ci après'.

L'expert expose ensuite en page 28 de son rapport des calculs de résistance. Ces calculs ne figuraient pas dans le projet de rapport et il n'est pas justifié qu'ils aient été soumis à la contradiction des parties avant la remise du rapport définitif.

La société [G] les conteste fermement, notamment en faisant valoir qu'ils seraient inexacts voire dangereux en ce qu'ils entraîneraient un risque de voie d'eau importante et de naufrage en cas de choc.

La société [G] et la société Fides, ès qualités, ont été privées de la possibilité de discuter devant l'expert de la pertinence et de l'exactitude de ces calculs ainsi que de la solution alternative proposée par l'expert.

Cela ne les a pas privés de la possibilité, qu'ils ont exercée, de contester les calculs de l'expert. L'expert a, par ailleurs, conduit l'ensemble des ses travaux dans le respect du principe de la contradiction et a pris en compte les nombreux dires formulés par les différentes parties. Il a notamment également pris en compte le rôle éventuellement joué, dans la survenance des défauts relevés, par l'échouage en Ecosse et les échouements lors de navigation aux Antilles.

Il apparait ainsi que l'expert a respecté sa mission, convoqué les parties et répondu à leurs dires de manière détaillée. S'il apparait qu'il a modifié ses conclusions et sa proposition de réparation après l'analyse des dires des parties à la suite du dépôt de son pré rapport, la pertinence de ses conclusions et de la proposition de réparation, peu conformes à ses affirmations antérieures, seront analysées par la cour au vu des discussions passées et nouvelles des parties, sans qu'il ait été porté atteinte au principe de la contradiction.

En tout état de cause, le non respect du principe de la contradiction allégué n'a pas entraîné pour la société [G] un grief tel qu'il y ait lieu d'annuler l'expertise.

L'Eirl [R] demande l'annulation de l'expertise en faisant valoir qu'elle aurait été privée de la possibilité de répondre aux conclusions de l'expert qui n'aurait invoqué la mise en cause de sa responsabilité que dans le seul rapport définitif.

Il apparait que la mise en avant d'une erreur de conception imputable à l'Eirl [R] apparaît pour la première fois dans ce rapport définitif. Le pré-rapport du 14 juin 2021 en son point 11.2.1 Dimentionnement ne fait pas mention d'une erreur de dimentionnement ou de conception.

Le fait que l'expert ait demandé la mise en cause de l'Eirl [R] ne permettait pas de déterminer à quel titre sa responsabilité pour défaut de conception pourrait être engagée ni de préciser le détail de cette mise en cause.

De même, comme il a été vu supra, les calculs de résistance et la solution de remplacement proposés par l'expert n'ont pas été soumis devant l'expert à la discussion de l'Eirl [R].

Mais la mise en cause de l'Eirl [R] était actée et elle a pu, par la suite, faire valoir ses contestations de l'expertise.

Le grief dont elle justifie n'est que partiel et ne l'a pas privée de faire valoir des contestations.

Il n'y a pas lieu d'annuler l'expertise à ce titre, mais la cour devra prendre en compte les carences de l'expertise sur ce point.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes d'annulation de l'expertise judiciaire.

Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés :

La société [G] et la société Fides, ès qualités, font valoir que M. [E] serait forclos à invoquer les vices cachés car, s'agissant d'un navire original, le délai pour agir serait d'une année et qu'une opération d'expertise n'aurait pas d'effet sur l'irrecevabalité de l'action s'agissant d'une forclusion et non d'une prescription.

L'article L5113-5 du code des transports prévoit un délai de prescription, et non pas de forclusion :

En cas de vice caché, l'action en garantie contre le constructeur se prescrit par un an à compter de la date de la découverte du vice caché.

Une instance en référé en désignation d'un expert judiciaire a donc pour effet de suspendre ce délai de prescription jusqu'à la date du dépôt du rapport d'expertise :

Article 2239 du code civil :

La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

En l'espèce, l'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 décembre 2021. M. [E] a assigné la société [G] au fond le 13 novembre 2020, soit dans le délai qui lui était imparti par les dispositions de l'article 2239 du code civil.

En outre, M. [E] ne pouvait avoir connaissance avant le dépôt de ce rapport de l'étendue et de la gravité des vices qu'il alléguait et de ce qu'ils pouvaient ou non rendre le navire impropre à son usage, et étaient donc ou non susceptibles de relever de la garantie des vices cachés.

Il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir présentée par la société [G] et la société Fides, ès qualités.

Sur l'existence de vices cachés :

M. [E] fait valoir que le navire qui lui a été vendu serait affecté de vices cachés le rendant impropre à sa destination.

La garantie des vices cachés est due lorsqu'ils rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou qu'ils diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

M. [E] a pu utiliser le navire pendant plusieurs années. Il a fait l'objet de locations pour une durée totale de 170 jours, à la fois en Europe et aux Antilles. Il a notamment traversé l'océan Atlantique à deux reprises.

Un quillon du navire a été perdu mais ce n'est qu'à l'occasion d'une inspection de la coque que M. [E] a pu constater cette perte. Il ne justifie pas s'être rendu compte de cette perte au cours de la navigation. Cette perte n'a entrainé aucune voie d'eau. Il apparait ainsi qu'il n'est pas justifié que la perte du quillon ait diminué l'usage du navire, et encore moins qu'elle l'ait rendu impropre à son usage.

Les raisons de cette perte n'ont pas pu être déterminées avec certitude. Mais il est établi que le navire s'est par le passé échoué sur un brise-lame en Ecosse. A la suite de cet incident, des réparations ont été effectuées sur la coque tribord, la quille tribord et le safran tribord. Mais il n'est pas justifié que ces réparations aient été accompagnées d'un examen complet du navire et des dégâts subis. Il ne peut en l'état être exclu que ce sinistre ait endommagé la liaison entre le quillon et la coque et facilité la perte du premier. En tout état de cause, il s'agit d'un évènement postérieur à la livraison qui ne peut être constitutif d'un vice caché existant lors de la vente.

Il résulte par ailleurs d'une vidéo mise en ligne par M. [E] que le navire avait heurté un banc de sable. Les circonstances exactes de ce heurt ne sont pas documentées. Cet évènement, postérieur à la vente, a pu occasionner des dégâts sur le navire non détectés à l'époque et non réparés. En outre, les réparations effectuées aux Antilles ne sont pas documentées avec précision et il n'est pas possible de déterminer de quelles vérifications elles ont pu être accompagnées et si elles ont été mises en oeuvre de façon complète et conforme.

M. [E] fait valoir que les safrans seraient atteints de défauts rendant le navire difficilement manoeuvrable.

Il ne justifie pourtant pas de problèmes de manoeuvre qu'il aurait pu constater au cours des navigations qu'a connues le navire. Il ne justifie pas que ces défauts allégués le rendent impropre à sa destination ni même en diminuent l'usage de façon significative.

L'expert retient comme défauts qui auraient pu à eux seuls engendrer la perte du bateau et exposer ses occupants à des risques de naufrage l'existence de zones sèches et des raidisseurs en bois décolés ou cassés durant les navigations, la structure à ces endroits étant insuffisamment renforcée.

Il retient comme défauts constituant des dommages majeurs affectant la manoeuvrabilité du bateau, et qui pris ensemble le rendent impropre à l'usage auquel il est destiné, des défauts de conception et une épaisseur insuffisante des quillons et une fabrication non maitrisée des deux safrans ne permettant pas d'en garantir la fiabilité.

Dans son projet de rapport, l'expert note à propos des zones sèches que ces désordres constituent des défauts de mise en oeuvre non négligeables et qu'ils sont inacceptables. Il ajoute cependant que ces défauts n'ont pas rendu le bateau impropre à son usage mais qu'ils doivent impérativement être réparés. A défaut, la valeur vénale du bateau serait fortement réduite. Il ajoute que les zones sèches sur les coques font partie d'une pathologie fréquente dans les constructions insuffisamment maîtrisées et que ces zones de petite taille constituent un vice caché qu'il est impératif de réparer.

La qualification de vice caché employée par l'expert ne lie pas la cour. Elle doit être d'autant plus relativisée qu'elle fait suite à une appréciation de l'expert selon laquelle ces défauts n'ont pas rendu le bateau impropre à son usage.

Dans son rapport définitif, l'expert note à propos des zones sèches que l'absence de résine, même sur de petites surfaces comme celles constatées lors de la réunion contradictoire du 3 avril 2019, affecte directement la résistance de la structure car elle correspond à une absence de résistance mécanique là où les plis ne sont pas imprégrés. Il y considère que ces désordres constituent des défauts de mise en oeuvre non négligeables et des vices de construction qui rendent le bateau impropre à l'usage auquel il est destiné.

L'expert n'explicite pas les raisons pour lesquelles il a pu dans un premier temps retenir que ce défaut ne rendait pas impropre le navire à son usage pour ensuite retenir le contraire. Cette appréciation est donc insuffisamment motivée.

La société [G] fait remarquer que l'expert ne précise ni le nombre ni la taille des zones sèches. Dans son projet de rapport, il notait au contraire qu'elles étaient de petite taille. La société [G] indique, sans être utilement contredite sur ce point, que ces zones sèches sont de petite taille et situées principalement sur les bondés, flancs des coques, et qu'aucune zone sèche n'impacte les zones fortement structurelles comme les sanglages de reprise de gréement.

Il apparait en effet que l'expert ne caractérise pas une présence de zones sèches à des endroits stratégiques pour la résistance du navire. Il convient de souligner, comme il a été vu supra, qu'il indiquait dans son projet de rapport que de tels défauts étaient fréquents dans des constructions insuffisamment maîtrisées.

Il apparait ainsi que les zones sèches constituent un défaut important, mais qu'il n'est pas justifié qu'elles rendent le navire impropre à son usage. Il n'est pas établi qu'elles en diminuent l'usage alors qu'aucun dommage n'a été noté comme résultant de ces défauts, et ce malgré de longues et intenses périodes de navigation. Ces défauts afférents aux zones sèches ne constituent pas, en soi, un vice caché.

L'expert fait valoir que la rupture des raidisseurs bois fixés sur les murailles extérieures des coques résulte de l'impact répété des vagues qui aurait manifestement provoqué la rupture de ces raidisseurs. Ces raidisseurs devraient selon lui être remplacés et renforcés sous la supervision de l'architecte pour déterminer leur nouvelle épaisseur. Ce désordre constitue pour l'expert un vice de construction rendant le bateau impropre à son usage. L'expert ajoute qu'il n'a pas été établi si ce désordre était lié à un défaut de conception ou de construction car la découverte de défauts de mise en oeuvre sur de nombreux éléments du bateau venait semer le doute sur la qualité du bois employé, des collages et la stratification des raidisseurs. L'expert indique enfin que la détérioration lente de la structure au fil des navigations est un facteur de risque majeur pour l'intégrité du bateau.

Il apparait ainsi que l'expert a retenu une dégradation au fil des navigations. Il déduit de leur dégradation dans le temps qu'ils sont défectueux mais ne porte pas d'appréciation directe sur leurs caractéristiques de taille, section et résistance mécanique ni n'explicite en quoi leur conception ou leur réalisation ne correspondraient pas à des calculs de résistance.

L'expert n'explique pas en quoi les incidents de navigation, échouement en Ecosse et heurt d'un banc de sable, ne pourraient pas avoir été à l'origine des défauts des raidisseurs.

Il apparait ainsi qu'il n'est pas établi que des défauts des raidisseurs existaient à la date de la vente. Ces défauts ne constituent pas des vices cachés.

L'expert dans son rapport retient que les quillons présentent des défauts de conception et de fabrication. L'absence de marques d'impact du quillon manquant sur l'arrière de la coque ou sur le safran bâbord le conduit à déduire une probabilité de départ du quillon sur le côté du bateau sans le toucher au moment de la rupture.

L'expert note que le quillon constitue une innovation et que le quillon restant montre une fissuration interlaminaire et non une rupture de plis en traction ou en compression. L'expert propose une solution consistant à ce que les plis stratifiés soient rectilignes au droit de leur entrée dans la coque, grâce à une entretoise intermédiaire stratifiée entre le profil du quillon et le boitier actuel.

Ces préconisations sont contestées par la société [G] et l'Eirl [R]. Elles font valoir que le renforcement excessif de la liaison du quillon à la coque entraînerait un risque de voie d'eau en cas d'arrachement du quillon à la suite d'un choc.

Comme il a été vu supra, les calculs de l'expert sur ce point sont peu pertinents en ce que les parties n'ont pas été en mesure de les discuter avec lui dans le détail.

En outre, il apparait que le quillon manquant a été perdu en cours de navigation sans que cela ne soit remarqué par l'équipage, et sans aucune voie d'eau.

Le quillon manquant a fait l'objet de réparations aux Antilles à la suite de l'apparition de fissures. Les conditions précises de ces réparations ne sont pas établies et il ne peut être exclu qu'elles aient participé à la perte du quillon à la suite d'une mauvaise réalisation. La préexistence du défaut à l'origine de la perte du quillon bâbord n'est pas établie.

Il est à noter que le quillon tribord, endommagé en Ecosse à la suite d'un choc, a résisté aux navigations. Les réparations n'ont donc pas été de même nature et la qualité des réparations effectuées sur le quillon bâbord aux Antilles peut légitimement être mise en cause.

L'expert met également en avant des problèmes de fabrication du quillon.

Les analyses de l'expert ont porté sur le quillon restant alors que le problème majeur résulte de la perte du quillon bâbord. En l'absence d'analyse du quillon manquant, un défaut de réalisation de ce quillon ne peut pas être suffisamment caractérisé. L'erreur de grammage de tissu constatée par l'expert sur le quillon restant ne permet pas d'établir que la même erreur ait pu être commise sur le quillon manquant.

Il n'a en outre pas été possible d'examiner ce quillon manquant pour vérifier, comme l'allègue la société [G], si le navire n'avait pas subi un arrêt sur un banc de sable suivi d'une manoeuvre au moteur ayant entrainé des mouvements latéraux ayant fragilisé la tenue latérale du quillon bâbord. Le heurt d'un banc de sable peut n'avoir concerné qu'un des deux quillons et le fait que le quillon restant n'en porte pas trace ne permet pas d'exclure une dégradation du quillon manquant à la suite d'un incident de mer. L'expert à ce sujet n'a pu examiner que le quillon restant en place et ces constatations ne peuvent pas être extrapolées avec certitude au quillon manquant.

Le seul quillon que l'expert a pu examiner est celui qui n'a pas été perdu en mer.

Aucun signe extérieur d'un risque de perte à court ou moyen terme du quillon restant n'a été relevé par l'expert. Ce dernier ne se base que sur des explications techniques, et des calculs, sans caractériser un risque avéré malgré les nombreuses navigations du navire. L'expert a d'ailleurs du reconnaître dans son rapport définitif que la norme qu'il invoquait dans son projet de rapport pour effectuer une calcul de résistance n'était pas applicable. En outre, dans ce rapport provisoire, il notait que le coefficient de sécurité entre ce qui était prévu et la résistance souhaitée était de 3,5. Il indiquait enfin que les efforts considérés n'étaient pas si éloignés.

La société [G] fait d'ailleurs valoir qu'elle suréchantillonne ses constructions pour tenir compte des imperfections qui peuvent se glisser dans le processus de construction. L'expert ne précise pas quelle était la résistance effective du quillon restant, en tenant compte de ses défauts. L'insuffisance de résistance n'est pas établie. A propos des travaux qu'il préconise, il renvoie à un architecte pour calculer la résistance nécessaire. Il convient d'en déduire qu'il ne l'a pas lui même calculée et ne peut donc pas établir que la résistance constatée n'est pas adaptée.

Alors que le navire a continué à naviguer sans que l'équipage ne réalise que le quillon était manquant, il n'est pas justifié que la perte du quillon ait rendu le navire inutilisable, ni même qu'elle ait limité l'usage qu'il peut en être fait.

Le défaut des quillons ne constituent pas un vice caché.

L'expert relève que les safrans ne sont pas étanches à l'eau, que la mousse ne les remplissait pas totalement et que la qualité de leur fabrication est insuffisante pour ce type de navire. Il ajoute qu'il est possible que la perte du quillon bâbord ait modifié l'équilibre du navire, accentuant la portance subie en permanence par les safrans. Il a noté qu'il n'y a pas de matière stucturelle entre la mèche et le côté bâbord du safran et qu'ainsi les efforts de portance ne peuvent transiter que par la paroi tribord du safran. Ce choix de construction est selon lui une erreur du point de vue mécanique et qu'il est impératif que la mèche soit correctement collée aux deux côtés du safran pour transmettre les efforts de portance.

L'expert met ainsi en avant un élément qui préexistait à la vente, le fait que la mèche ne soit collée que d'un coté. Mais le navire a subi au moins deux chocs au cours de ses navigations, en Ecosse et sur un banc de sable. Malgré cela, les safrans sont restés en place.

La société [G] produit une photographie de la base d'un des deux safrans montrant des traces de chocs sur sa base. Il n'est pas possible de dater avec certitude cette photographie, mais il n'en demeure pas moins qu'il est établi qu'au moins un des deux safrans a subi un choc sur sa base. Même s'il a pu par la suite être réparé, il ne peut être exclu que les réparations n'aient pas été complètes.

Le procédé de fabrication des safrans est discutable. Il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas établi que les défauts notés par l'expert aient été à l'origine des entrées d'eau dans les safrans alors qu'ils ont subi certains chocs depuis la vente du navire à la suite des incidents en Ecosse et sur un banc de sable. Il apparait ainsi qu'il n'est pas établi que les défauts que retient l'expert sur les safrans aient tous préexisté lors de la vente ou qu'ils rendaient le navire impropre à son usage ou en limitait l'usage.

Même pris dans leur ensemble, les défauts relevés par l'expert ne constituent pas des vices cachés en ce qu'il n'est pas établi qu'ils existaient tous à la date de la vente et que pour le reste il n'est pas justifié qu'ils rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou qu'ils diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il y a lieu de rejeter la demande d'annulation de la vente et d'infirmer le jugement et de rejeter les demandes d'indemnisation formées au titre des dommages qui auraient été subis du fait de l'existence des vices.

Sur le dol :

M. [E] fait valoir que la société [G] aurait commis un dol à son encontre en lui vendant un bateau dont la structure n'est pas fiable et de fabrication incertaine.

Il résulte des éléments d'appréciation dont dispose la cour, et tout particulièrement de l'expertise judiciaire, exposés supra que des défauts de structure n'ont pas été établis. Même si certains éléments de conception ou de fabrication auraient pu être réalisés de façon différente, aucun problème de structure n'est établi permettant de mettre en cause la fiabilité du bateau dès lors qu'il en est fait un usage diligent conforme à sa destination.

Aucune lacune technique majeure n'est établie. Il y a lieu de rejeter les demandes de M. [E] fondées sur l'existence d'un dol.

Sur la restitution du navire à la suite de l'infirmation du jugement :

Dans le cadre de l'exécution du jugement de première instance, M. [E] a restitué le navire à la société [G] qui en est redevenue propriétaire.

Le navire a été vendu aux enchères à l'initiative du liquidateur, en l'état, étant présenté comme non navigable en l'état.

Il apparait en effet que le navire vendu était dépourvu de voiles, de quillons et de safrans et que sa coque comportait de nombreux trous de sondages réalisés pendant les opérations d'expertise.

Le fait qu'il ait été vendu comme non navigable n'est pas le signe de ce qu'il était impropre à sa destination lorsqu'il a été livré à M. [E]. Ce dernier ajoute d'ailleurs qu'une remise en état du navire était possible pour une somme qu'il évalue à 77.000 euros, à comparer avec la valeur d'un navire d'occasion du même type qu'il estime à 580.000 euros HT ou 645.000 euros HT pour un premier navire de cinq ans et un second de deux ans.

La cour note cependant qu'il conviendra que le liquidateur remette à M. [E] le prix de vente tel qu'il a été consigné. Il n'y a cependant pas lieu d'ordonner la restitution du navire, ou de son prix de vente, à M. [E], l'infirmation du jugement étant suffisante pour remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [E] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement en ce qu'il a :

- Débouté la société [G] et son assureur, la société AXA, de leur demande visant à voir prononcée la nullité des opérations d'expertise menées par M. [S] et de son rapport d'expertise déposé le 30 décembre 2021,

- Déclaré recevable l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [F] [E],

- Déclaré recevable l'appel en garantie formée par la société [G] à l'encontre de l'Eirl [R],

- Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Rejette les demandes contraires ou plus amples des parties,

- Condamne M. [E] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise.

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