CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 16 mai 2025, n° 23/00648
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Places D'or (SAS)
Défendeur :
SCE (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme de La Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Guyonnet, Me Bellichach, SCP AFG, M. Bochner
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 novembre 2022 par lequel, avec exécution provisoire, la juridiction a retenu sa compétence pour traiter le litige, condamné la société Les Places d'or à payer à la Société de communication et d'économie ('société SCE') la somme 50.767 euros de dommages et intérêts fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts légaux à compter du 29 mars 2019, débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur la résistance abusive, condamné la société Les Places d'or aux dépens et à payer à la société SCE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 21 décembre 2022 par la société Les Places d'or ;
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Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 mars 2023 février 2024 pour la société Les Places d'or afin d'entendre, en application, des articles 1103,1104, et 1194 du code civil, L. 442-6 du code de commerce et 48 du code de procédure civile :
- infirmer le jugement,
- débouter la société SCE de l'ensemble de ses demandes de condamnation,
- constater que la dénonciation du contrat par la Société les Places d'Or se justifie du fait des manquements aux obligations contractuelles incombant à la société SCE,
- condamner la société SCE à payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
à titre subsidiaire,
- condamner la société les Places d'Or à payer la somme de 13.788 euros à titre de préjudice pour la rupture anticipée du contrat,
- débouter la société SCE de sa demande au titre des intérêts à appliquer sur ladite somme,
- condamner la société SCE à payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
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Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juin 2023 pour la Société de communication et d'économie afin d'entendre, en application des article 1103, 1104 et 1231-1 du code civil :
à titre principal,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'qu'il a débouté partiellement la société SCE de ses demandes notamment au titre des dommages et intérêts ;
statuant à nouveau,
- condamner la société Les Places d'or à les sommes de 50.767 euros, outre intérêts légaux à compter du 29 mars 2019, 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouter la société Les Places d'or de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Les Places d'or aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.
Il sera succinctement rapporté que la société Les Places d'or spécialisée dans l'emballage de luxe promu à l'occasion d'un salon éponyme, a, selon un contrat de partenariat du 14 avril 2014, confié à la société SCE, régie publicitaire, l'exclusivité la promotion, l'édition et la commercialisation d'un catalogue annuel relatif au salon pour une durée de trois ans, tacitement reconductible pour la même durée sauf préavis de cinq mois.
Les prestations étaient convenues moyennant le reversement par la société SCE d'une redevance de 25 % du chiffre d'affaires hors taxes déterminée après paiement par les annonceurs et le contrat stipulait par ailleurs un clause attributive de juridiction pour le tribunal de commerce de Créteil.
Par lettre recommandé du 4 mars 2019, la société Les Places d'or a dénoncé à la société SCE la résiliation du contrat sans préavis en lui reprochant la baisse des résultats le manque de moyens mis à disposition pour la promotion des ventes ainsi qu'une perte de confiance résultant des refus de justifier des factures ainsi que des détournement de clients.
En réponse, la société SCE a contesté le 29 mars 2019 cette résiliation et réclamé une indemnité de 44.360 euros avant d'assigner la société Les Places d'or le 18 novembre 2020 devant le tribunal de commerce de Paris en vue de l'entendre condamner à lui payer les dommages et intérêts de 50.767 euros en application des articles L. 442-6 du code de commerce, devenu L. 442-1, 1103 et 1104 du code civil et de 10.000 euros au titre de la résistance abusive à l'obligation de payer.
1. Sur le bien fondé de la résiliation du contrat en violation du préavis contractuel
Pour voir infirmer le jugement qui a retenu sa responsabilité, non sur le fondement de la rupture brutale de la relation commerciale établie que la société SCE avait invoquée devant les premiers juges sur l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, alternativement avec la responsabilité contractuelle, mais sur le fondement de la violation du préavis dans les conditions stipulées au contrat, et conclure avoir pu régulièrement résilié sans préavis le contrat, la société Les Places d'or reproche à la société SCE, en premier lieu, la baisse dans les investissements de la promotion du salon dès 2015 passés de 17.725 euros la première année du contrat à une moyenne de 11.000 euros à compter de 2015, baisse par ailleurs concomitante de l'activité de régie publicitaire de la société Eri que les dirigeants de la société SCE ont créés le 6 octobre 2015.
Néanmoins, non seulement le contrat de partenariat n'assignait à la société SCE aucun objectif de chiffre d'affaires mais l'écart de production enregistré les trois années qui ont suivi celui réalisé la première année n'est pas mis en relation avec la preuve d'un manquement fautif de la société SCE.
En deuxième lieu, la société Les Places d'or reproche à la société SCE son refus de répondre aux demandes de justification des factures qu'elle a émises malgré les demandes qui lui ont été faites par courriels les 6 octobre 2017, 22 janvier 2018 et 4 janvier 2019.
Au demeurant, de simples demandes ponctuelles émises par courriels ne sont pas de nature à caractériser une faute propre à justifier la rupture sans préavis du contrat.
Enfin en troisième lieu, la société Les Places d'or fait grief à la société SCE sa violation de l'interdiction contractuelle de 'démarcher le fichier des Places d'Or, pour toute autre utilisation et les Places d'Or s'engageait à n'accepter aucune publicité directement et à transmettre à SCE toutes les offres, propositions ou correspondances qui lui parviendraient à ce sujet'.
La société Les Places d'or conclut ainsi au détournement des 'plusieurs annonceurs du magazine Les Places d'Or, tel que les sociétés KBA ou Gainerie 91, ainsi que plusieurs prospects des Places d'Or, comme les sociétés Encres DUBUIT, M&M luxe, St'tzel glass, DS Smith, Metsaboard ou Pacôme'.
Toutefois, à l'exception des pièces n°6 et n° 10 établissant la preuve que la société Dubuit a contacté la société Les Places d'or pour l'achat d'une page dans le guide de son salon, avant de la faire éditer par le magazine concurrent 'Tendance & Emballage', aucune des autres productions de la société Les Places d'or (en particulier ses pièces n02, 3 et 5° visées dans ses conclusions) n'est de nature à caractériser la preuve des détournements des autres clients.
Aussi, quelle que soient les circonstances dans lesquelles la seule société Dubuit a été amenée à publier dans un autre magazine que celui promu au titre du salon de la société Les Places d'or, cette dernière n'établit pas la preuve de la gravité d'un faute qui justifiât la résiliation du contrat avant le préavis de cinq mois précédent l'anniversaire de la reconduction tacite du contrat de trois ans, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
2. Sur la détermination des dommages et intérêts
A la suite de la résiliation du contrat retenue aux torts de la société Les Places d'or au point 1 ci-dessus, la société SCE est fondée à réclamer des dommages et intérêts, non sur l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce qui n'a pas été appliqué par les premiers juges ni n'est invoqué par la société SCE en cause d'appel, mais en application de l'article 1147 du code civil, dans sa version en vigueur au moment de la souscription des conditions du contrat, et disposant que :
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La société Les Places d'or conteste le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 50.767 euros de dommages et intérêts (représentant deux années de marge brute fixée à la moyenne de 25.384 euros), et conclut, en premier lieu, qu'il convient de déduire de cette marge les charges des salariés que la société SCE a été dispensée d'exposer après la résiliation du contrat.
Et pour prétendre, subsidiairement, limiter le préjudice réparable d'après une marge brute de 13.788 euros, la société Les Places d'or se prévaut du calcul de ses propres charges d'édition et de régie publicitaire qu'elle a elle-même exposées en 2019.
Cependant, la détermination de la réparation du préjudice de la société SCE d'après sa marge ne s'apprécie pas 'par analogie' avec celle effectivement réalisée par la société Les Places d'or, et tandis que par des motifs que la cour adopte, les premiers juges ont dûment retenu que d'après l'ensemble de ses productions, la société SCE a justifié du calcul de sa marge brute, il convient de confirmer le jugement de ce chef.
En revanche, ainsi que le relève en second lieu la société Les Places d'or, la perte de marge de la société SCE ne peut être fixée sur deux années de contrat, alors que lorsqu'il a été résilié par anticipation le 4 mars 2019, le terme de sa reconduction était fixé au 14 avril 2020, soit treize mois. Rapportés à une perte de marge de 13 mois, les dommages et intérêts seront par conséquent limités à la somme de 27.500 euros avec application des mêmes modalités des intérêts retenues par les premiers juges.
3. Sur les dommages et intérêts fondés sur l'abus de procédure, les dépens et les frais irrépétibles
Alors d'une part que la société Les Places d'or succombe pour partie à l'action, et d'autre part qu'il ne résulte pas de la discussion ci-dessus la preuve que la résistance de celle-là dans l'indemnisation des conséquences de la rupture du contrat a dégénéré en abus, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté chacune des parties de sa demande fondée sur l'abus de procédure qu'elle reproche à l'autre.
Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a décidé des dépens et des frais irrépétibles, et statuant de ces chefs en cause d'appel, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens ainsi que celle qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf celle qui a fixé à 50.767 euros les dommages et intérêts dus par la société Les Places d'or à la Société de communication et d'économie ;
Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement,
CONDAMNE la société Les Places d'or à payer à la Société de communication et d'économie la somme de 27.500 euros de dommages et intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2019 ;
LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens ainsi que celle de ses frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.