CA Lyon, 3e ch. A, 15 mai 2025, n° 21/08064
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Boutique Officiellecom (SAS)
Défendeur :
Itinsell France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Dumurgier
Conseillers :
Le Gall, Jullien
Avocats :
de Prat, Quenson, Courade
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Itinsell France a pour activité le traitement de données informatiques via la conception et la commercialisation de différents progiciels auprès de grands comptes de e-commerce. A ce titre, elle exploite et vend notamment les services du logiciel Itrack qui permet de suivre les colis expédiés, de contrôler leur livraison et de gérer de manière automatisée les réclamations auprès des transporteurs jusqu'à obtention d'une indemnisation de ces derniers en cas de défaillance. Cette commercialisation s'effectue sous l'appellation « service QS ».
La SAS La Boutique Officielle.com (ci-après la société La Boutique Officielle) est quant à elle spécialisée dans la vente en ligne de vêtements, chaussures et accessoires.
La société La Boutique Officielle avait déjà souscrit un contrat « service QS » auprès de la société Itinsell en 2012 avant de résilier le contrat pour régler les litiges directement avec les transporteurs.
Le 25 octobre 2018, la société La Boutique Officielle a souscrit, à nouveau, au « service QS » pour les expéditions réalisées par la société Colissimo. Le contrat était d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, et prévoyait une rémunération de la société Itinsell au résultat selon un pourcentage variable des indemnisations perçues en fonction du nombre d'expéditions traitées, outre 5% pour le service enquête.
Les conditions générales impliquaient, dans un premier temps, la transmission de l'ensemble des données nécessaires au suivi des colis et à l'ouverture et la mise en 'uvre des réclamations pour l'avenir et rétroactivement à compter du mois d'août 2018 ainsi que l'accès aux factures transporteurs de la société La Boutique Officielle par la société Itinsell afin qu'elle puisse facturer ses prestations après versement des indemnisations.
En novembre 2018, la société La Boutique Officielle a cessé de transmettre les données nécessaires à l'exécution par la société Itinsell de ses prestations.
À compter du mois de février 2019, la société La Boutique Officielle a repris l'intégralité du contrôle de ses expéditions par Colissimo et a cessé d'utiliser le service QS.
La société Itinsell France, qui bénéficiait alors toujours de l'accès direct aux données du transporteur, a continué à facturer sa cliente sur la base des remises consenties par Colissimo et a obtenu le paiement de ses factures concernant les indemnités perçues entre octobre 2018 et février 2019.
La société La Boutique Officielle a cessé de payer les factures émises par la société Itinsell à compter du mois de mars 2019 et a coupé l'accès de cette dernière aux données des transporteurs à compter de juillet 2019.
Suite à la rupture de transmission des données, la société Itinsell France a facturé le 20 septembre 2019 une indemnité correspondant à la perte du chiffre d'affaires qui en résultait.
Par courrier du 24 août 2019, la société La Boutique Officielle a informé la société Itinsell de sa décision de résilier le contrat à son terme le 25 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, la société Itinsell a mis en demeure la société La Boutique Officielle de lui payer une somme totale de 62.024,67 euros TTC, correspondant à ses quatre dernières factures.
Par courrier du 3 février 2020, la société La Boutique Officielle, a, par le biais de son conseil, contesté le fondement des factures et refusé leur paiement.
Par acte introductif d'instance en date du 23 novembre 2020, la société Itinsell France a fait assigner la société La Boutique Officielle devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 21 octobre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :
condamné la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France les sommes suivantes :
3.622,97 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de mars 2019,
7.351,15 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour les mois de d'avril 2019 et mai 2019,
3.507,01 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de juin 2019,
5.082,75 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de juillet 2019,
8.442,76 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour les mois d'août 2019, septembre 2019 et octobre 2019,
dit que ces condamnations porteront intérêt au taux conventionnel de trois fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2020,
débouté la société Itinsell France de sa demande de préjudice au titre du chiffre d'affaires perdu,
débouté la société La Boutique Officielle.com de ses demandes reconventionnelles en remboursement de la somme de 27.044,11 euros versée indûment,
écarté tous autres moyens, fins et conclusions,
condamné la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société La Boutique Officielle.com aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 8 novembre 2021, la société La Boutique Officielle.com a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf en ce qu'elle a débouté la société Itinsell France de sa demande d'indemnisation du préjudice au titre du chiffre d'affaires perdu.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 avril 2022, la société La Boutique Officielle.com demande à la cour, au visa des articles 1103, 1188, 1190 et 1192 du code civil et de l'article L. 442-6 I° 2 devenu L. 442-1 I° 2 du code de commerce, de :
Sur l'appel principal de la société La Boutique Officielle.com :
Infirmer le jugement dont appel :
en ce qu'il a condamné la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France les sommes suivantes :
3.622,97 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de mars 2019,
7.351,15 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour les mois d'avril 2019 et mai 2019,
3.507,01 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de juin 2019,
5.082,75 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de juillet 2019,
8.442,76 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour les mois d'août 2019, septembre 2019 et octobre 2019,
dit que ces condamnations porteront intérêt au taux conventionnel de trois fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2020,
débouté la société Itinsell France de sa demande de préjudice au titre du chiffre d'affaires perdu,
débouté la société La Boutique Officielle.com de ses demandes reconventionnelles en remboursement de la somme de 27.044,11 euros versée indûment,
écarté tous autres moyens, fins et conclusions,
condamné la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société La Boutique Officielle.com aux dépens.
Et statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :
À titre principal,
déclarer ou juger que selon bon de commande du 25 octobre 2018, la société La Boutique Officielle.com a souscrit par internet au service QS proposé par la société Itinsell France, pour une durée d'un an,
déclarer ou juger que ce contrat, régi par les conditions générales de vente en ligne de la société Itinsell France, est arrivé à expiration le 25 octobre 2019, suite à la résiliation notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 août 2019 respectant le préavis contractuel de deux mois,
déclarer ou juger que ce contrat avait pour objet de permettre à la société La Boutique Officielle.com d'utiliser le service QS pendant douze mois pour contrôler l'acheminement de tout ou partie de ses expéditions par Colissimo et, le cas échéant, de faire intervenir la société Itinsell France pour procéder aux réclamations rendues nécessaires par une expédition hors des délais garantis,
déclarer ou juger que le contrat prévoyait que la société Itinsell France percevrait une rémunération au résultat calculée en appliquant un pourcentage compris entre 30 et 45 % HT des avoirs consentis par Colissimo à la suite de réclamations traitées par la société Itinsell France,
déclarer ou juger que les conditions générales de vente en ligne ne comportent aucune clause stipulant que la société La Boutique Officielle.com était tenue d'une obligation d'exclusivité, qui lui imposait de faire traiter par le service QS l'intégralité de ses expéditions par Colissimo,
déclarer ou juger que la société Itinsell France reconnaît elle-même que ses conditions générales de vente en ligne ne comportent pas de clause d'exclusivité au sens littéral du terme, puisqu'elle invoque une exclusivité se déduisant de l'économie générale du contrat,
déclarer ou juger que l'exclusivité implicite invoquée par la société Itinsell France ne peut toutefois être retenue, sauf à dénaturer un contrat dont les clauses sont claires et précises, puisque l'existence d'une exclusivité contractuelle suppose l'existence d'une clause claire et précise,
déclarer ou juger que les articles 4-2, 5-2-1 et 6 des conditions générales de vente en ligne de la société Itinsell France définissent les obligations des parties, uniquement en cas l'utilisation du service QS par la société La Boutique Officielle.com pour le suivi de ses expéditions par Colissimo,
déclarer ou juger que ces articles, pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de considérer que le contrat faisait obligation à la société La Boutique Officielle.com d'utiliser le service QS pour le suivi de ses expéditions par Colissimo pendant douze mois, sauf à dénaturer le contrat et la commune intention des parties.
déclarer ou juger qu'aucune clause du contrat ne permet de considérer que la société Itinsell France était en droit de facturer à la société La Boutique Officielle.com des « compléments de facturation » correspondant à un manque à gagner sur les expéditions pour lesquelles son service QS n'avait pas été utilisé,
déclarer ou juger qu'en application de l'article 1190 du code civil, les conditions générales de vente en ligne de la société Itinsell France doivent s'interpréter en faveur de la société La Boutique Officielle.com et contre la société Itinsell France, ce qui conduit à écarter l'obligation d'exclusivité implicite sur laquelle cette dernière fonde ses demandes indemnitaires.
En conséquence :
débouter la société Itinsell France de ses demandes tendant à faire condamner la société La Boutique Officielle.com à lui payer une somme totale de 28.006,64 euros TTC au titre d'une rémunération sur les expéditions réalisées entre les mois de mars 2019 et octobre 2019, pour lesquelles la société La Boutique Officielle.com n'a pas utilisé le service QS,
condamner la société Itinsell France à rembourser à la société La Boutique Officielle.com la somme de 27.044,11 euros TTC indûment versée, au titre d'un complément de facturation sur les expéditions réalisées entre octobre 2018 et de février 2019.
À titre subsidiaire :
déclarer ou juger que la société Itinsell France, en imposant une obligation d'exclusivité stipulée implicitement dans des conditions générales de vente en ligne constitutives d'un contrat d'adhésion dont les clauses ne peuvent faire l'objet d'aucune négociation, a soumis la société La Boutique Officielle.com à une obligation créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
déclarer ou juger que ce comportement engage la responsabilité de la société Itinsell France et l'oblige à réparer le préjudice causé à la société La Boutique Officielle.com, sur le fondement de l'article L. 442-6° 2. du code de commerce (devenu article L. 442-1 I° 2. applicable depuis le 26 avril 2019),
déclarer ou juger que le préjudice subi par la société La Boutique Officielle.com correspond au complément de facturation mis à sa charge du fait du manquement à l'obligation d'exclusivité implicite, ce qui représente une somme totale de (28.006,64 + 27.044,11) = 55.050,35 euros,
En conséquence :
condamner la société Itinsell France à payer à la société La Boutique Officielle.com une somme de 55.050,35 euros, à titre de dommages et intérêts,
Sur l'appel incident de la société Itinsell France :
confirmer le jugement :
en ce qu'il a débouté la société Itinsell France de sa demande de condamnation de la société La Boutique Officielle.com à lui payer des dommages et intérêts destinés à compenser une prétendue perte de rémunération pour les indemnisations non-obtenues sur 24.635 expéditions non-transmises à la société Itinsell France à partir du mois de novembre 2018,
En tout état de cause :
condamner la société Itinsell France à payer à la société La Boutique Officielle.com la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Itinsell France aux entiers dépens.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 février 2022, la société Itinsell France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-2 du code civil, des articles 1188 et suivants du code civil et de l'article 566 du code de procédure civile, de :
faire droit à l'appel incident interjeté par la société Itinsell France à l'encontre du jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon,
prononcer la jonction de la présente procédure avec la procédure actuellement pendante devant la cour d'appel de Lyon enregistrée sous le numéro de rôle général 21/08411,
confirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :
condamné la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France les sommes suivantes :
3 3.622,97 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de mars 2019,
7.351,15 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour les mois de d'avril 2019 et mai 2019,
3.507,01 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de juin 2019,
5.082,75 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour le mois de juillet 2019,
8.442,76 euros au titre de sa rémunération au résultat due pour les mois d'août 2019, septembre 2019 et octobre 2019,
dit que les condamnations porteront intérêts au taux conventionnel de trois le taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2020,
débouté la société Itinsell France de sa demande de préjudice au titre du chiffre d'affaires perdu,
débouté la société La Boutique Officielle.com de ses demandes reconventionnelles en remboursement de la somme de 27.044,11 euros versée indûment,
écarté tous autres moyens, fins et conclusions,
condamné la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société La Boutique Officielle.com aux dépens.
infirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :
débouté la société Itinsell France de sa demande de préjudice au titre du chiffre d'affaires perdu.
Statuant à nouveau :
condamner la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France la somme de 40.929,03 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait de la cessation de transmission par la société La Boutique Officielle.com de ses expéditions et informations nécessaires à la réalisation de ses prestations par la société Itinsell France,
Subsidiairement,
la condamner à payer à la société Itinsell France la somme de 38.063,99 euros, correspondant à la perte de chance pour la société Itinsell France d'obtenir sa rémunération, laquelle ne peut être fixée à un montant inférieur à 93 % du montant total des indemnisations dues,
déclarer la société La Boutique Officielle.com irrecevable en sa demande nouvelle tendant à l'octroi de dommage et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-1 I° 2 du code de commerce,
débouter la société La Boutique Officielle.com de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
rejeter toutes fins, moyens ou prétentions contraires,
condamner la société La Boutique Officielle.com à payer à la société Itinsell France la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 juin 2022, les débats étant fixés au 19 février 2025.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que les demandes qui tendent à ce qu'elle ' déclare ou juge', qui ne font que reprendre des moyens, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile. En application de l'article 954 du code de procédure civile, il ne sera donc pas statué sur ces « demandes ».
Il a été fait droit à la demande de jonction avec la procédure enregistrée sous le numéro RG 21/08411 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 juin 2022, cette demande est dès lors sans objet.
Sur l'existence de manquements contractuels imputables à la société La Boutique Officielle
La société La Boutique Officielle fait valoir que :
les conditions générales de vente ont été signées électroniquement, ce qui ne lui a pas permis d'en prendre connaissance en intégralité,
le contrat ne comporte aucune clause d'exclusivité lui imposant d'utiliser les services de l'intimée pour contrôler l'intégralité de ses envois « Colissimo », sachant que l'article 8 stipule que seules les expéditions transmises au prestataire étaient prises en compte pour l'établissement des factures, ce qui démontre le caractère facultatif du service,
le contrat ne lui imposait aucune obligation contractuelle de transmettre à la société Itinsell toutes les données relatives à l'intégralité de ses envois Colissimo, aucune exclusivité n'étant prévue,
l'obligation stipulée au contrat de ne pas contracter d'accord avec le transporteur pendant la durée du contrat ne portait que sur les expéditions transmises à l'intimée aux fins de traitement,
un engagement d'exclusivité ne peut qu'être explicite et doit résulter d'une manifestation de volonté expresse des deux parties, ce qui n'est pas le cas dans la présente espèce, l'intimée le reconnaissant dans ses écritures,
les premiers juges sont allés à l'encontre de la jurisprudence constante en la matière qui interdit de déterminer une exclusivité en interprétant la volonté commune des parties relatives à un contrat,
le tribunal a dénaturé le contenu des conditions générales de vente en retenant une exclusivité des envois via le système de la société Itinsell,
le modèle économique décrit par l'intimée ne correspond pas à celui prévu dans les conditions générales de vente,
la reprise en main par le client de la gestion de ses expéditions et réclamations n'est pas une utilisation déloyale du service et ne constitue pas une faute contractuelle,
l'intimée, qui rédige les conditions générales de vente, devait rédiger une clause d'exclusivité dénuée d'ambiguïté et claire pour toutes les parties,
à titre subsidiaire, si la possibilité d'une interprétation était retenue, celle-ci ne permet pas de déduire des conditions générales de vente une exclusivité au profit de l'intimée, que les clauses soient lues ensemble ou séparément,
la clause de variation du taux de commission en fonction du nombre d'expéditions transmises démontre la liberté du client d'avoir recours ou non au système QS,
aucune stipulation contractuelle ne prévoit l'ajout de « complément de facturation » correspondant au manque à gagner sur les expéditions pour lesquelles son système n'a pas été utilisé,
les conditions générales de vente de la société Itinsell sont un contrat d'adhésion signé en ligne, et il convient de faire application des dispositions de l'article 1190,
elle n'a pas coupé l'accès de l'intimée aux factures émises par le transporteur Colissimo à compter de juillet 2019 de sorte qu'aucune faute contractuelle ne saurait être retenue à son encontre.
La société Itinsell France fait valoir que :
le contrat était d'une durée d'un an renouvelable tacitement, sauf résiliation dans les deux mois avant l'échéance,
les conditions générales de vente sont opposables à l'appelante même si le contrat a été signé numériquement,
les articles 4 à 8 des conditions générales de vente stipulent que la cliente s'engageait notamment à lui communiquer les données relatives à toutes les expéditions confiées au transporteur Colissimo afin qu'elle puisse gérer les réclamations, ce qui exclut la possibilité pour l'appelante de les gérer elle-même,
elle devait gérer toute la procédure via son système ITRACK, notamment concernant les indemnisations, ce qui nécessitait une transmission par la société La Boutique Officielle de toutes les factures du transporteur Colissimo,
l'appelante a manqué à ses obligations contractuelles en cessant dès novembre 2018 de lui transmettre les données nécessaires à l'ouverture et au suivi des réclamations, la privant de toute rémunération,
elle a également commis une faute en lui coupant l'accès à ses propres factures Colissimo à compter de juillet 2019, ce qu'elle reconnaît dans ses écritures,
les jurisprudences invoquées par l'appelante concernant l'obligation d'exclusivité sont sans lien avec l'instance puisqu'elles concernent des contrats de distribution, ce qui ne permet pas de les transposer au litige,
la clause d'exclusivité, si elle ne résulte pas d'une clause nommée comme telle, résulte des clauses claires et expresses du contrat, et constitue l'essence de l'engagement contractuel entre les deux sociétés,
la Cour de cassation valide le raisonnement du juge qui reconstitue une clause d'exclusivité au profit d'un prestataire à partir de l'économie du contrat et des clauses qu'il contient,
si l'appelante était autorisée à restreindre la gestion des expéditions confiées au prestataire, ou à reprendre ponctuellement la gestion des litiges, cela lui permettrait de limiter à sa guise l'exécution du contrat et créerait aussi un déséquilibre qui dénaturerait les clauses claires et précises de la convention,
la jurisprudence n'exige pas l'usage des termes « clauses d'exclusivité », mais impose uniquement une clarté de cette obligation,
les conditions générales de vente du contrat étant claires, il n'y a pas nécessité de faire application de l'article 1190 du code civil,
l'appelante fait preuve de mauvaise foi en déduisant de l'article 8 des conditions générales de vente une absence d'obligation de confier la gestion des réclamations au prestataire, cet article indiquant uniquement que la prestation est moins chère lorsque le volume d'affaires est important.
Sur ce,
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1190 du code civil dispose que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.
L'article 1192 du même code dispose qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.
L'article 4.2 des conditions générales de vente du contrat liant les parties stipule notamment que « la réalisation des services implique que le Client qui s'y engage transmette à la société Itinsell toutes les données nécessaires au suivi des expéditions telles que numéro de tracking, date d'expédition, nom et prénom du client livré, code postal et ville de livraison » mais aussi que « le Client s'engage pendant la durée du présent contrat à ne pas contracter d'accords avec le Transporteur susceptibles d'empêcher ou de rendre inefficace la réalisation des Services par la société Itinsell. »
L'article 5.2.1 des conditions générales de vente stipule que « la société Itinsell s'engage à contrôler les délais d'acheminement des expéditions réalisées par le client afin d'en assurer un suivi rigoureux et d'essayer d'obtenir, le cas échéant, de la part du transporteur concerné par la réalisation des services, les indemnités pouvant être obtenues en raison d'une livraison tardive. L'ensemble des procédures d'indemnisation sont traitées par Itinsell et le système Itrack ».
L'article 8 des conditions générales de vente stipule que « afin de permettre à Itinsell de calculer la facturation comme décrit ci-dessus, le Client s'engage à transmettre à Itinsell les éléments d'information demandés par celle-ci dans les huit jours de cette demande et qu'en cas de méconnaissance de cette obligation de communication, Itinsell adressera au Client des factures sur la base des économies estimées par elle, que le Client s'engage à régler sauf à faire contrôler par les tribunaux compétents l'existence d'un abus dans l'évaluation ».
L'appelante fait valoir à titre principal que du fait de la signature électronique elle n'a pas pris connaissance des conditions générales de vente en intégralité et que le contrat ne lui impose aucune exclusivité puisque la facturation des prestations n'intervient que concernant les données et dossiers qu'elle choisissait de transmettre à l'intimée. Elle estime en conséquence avoir respecté ses obligations contractuelles et que sa responsabilité ne peut être engagée à ce titre.
Concernant la prise de connaissance des conditions générales de vente, l'appelante ne démontre pas qu'il lui était impossible de le faire ou que la configuration du site internet de la société Itinsell les dissimulait lors de la souscription du contrat. Elle ne verse aux débats aucun élément à l'appui de ses allégations.
Qui plus est, le document de confirmation de commande du 25 octobre 2018 reprend tous les éléments de sa commande à savoir pour le service QS : le contrôle des délais de livraison (sans exception précisée), l'ouverture des réclamations, le traitement intégral des procédures d'indemnisation, l'accès au back-office illimité, le service facturé au succès, et vise les produits concernés, les éléments étant les mêmes concernant le Service Enquêtes également souscrit.
Par ailleurs, ce document comprend un exemplaire des conditions générales de vente souscrites, ce qui permet un rappel de celle-ci.
La société La Boutique Officielle ayant déjà souscrit un contrat QS le 27 novembre 2012, elle avait reçu la même confirmation de commande et les mêmes conditions générales de vente.
Concernant la condition d'exclusivité querellée, l'article 4.2 indique de manière claire que toutes les expéditions confiées à un même transporteur doivent être suivies par le système Itrack et que le client s'interdit de passer un accord avec ce même transporteur pendant la durée du contrat. Il en ressort que la société La Boutique Officielle ne peut prétendre que le contrat lui laissait le choix ou pas de confier certaines expéditions à la société Itinsell et de traiter certaines réclamations de son côté.
L'appelante entend critiquer la décision des premiers juges au motif qu'ils ont procédé à une interprétation de la volonté commune des parties en s'appuyant pour ce faire sur plusieurs articles des conditions générales de vente, à savoir les articles 4 et 5.2.
Toutefois, la lecture du seul article 4.2 est dénuée de toute ambiguïté concernant l'exclusivité accordée à la société Itinsell dans le cadre du règlement des litiges avec le transporteur. De plus, le document de confirmation de commande indique le traitement intégral des procédures d'indemnisation par l'intimée et la facturation au résultat.
Ce document démontre que le client confie à la société Itinsell l'intégralité des réclamations concernant les transporteurs désignés au contrat, soit en l'espèce, la société Colissimo.
En outre, le contrat prévoit à l'article 5.2.1 que la société Itinsell contrôlera les délais d'acheminement des expéditions réalisées par le client pour en assurer le suivi et, en cas de difficultés, ouvrir et traiter l'intégralité des procédures d'indemnisation.
Concernant l'article 8 sur lequel l'appelante s'appuie finalement pour estimer qu'elle pouvait décider de saisir ou non la société Itinsell des réclamations à l'encontre du transporteur défaillant, le contenu de la clause, qui porte uniquement sur le mode de calcul de la rémunération de l'intimée, est dénaturé puisque ledit article ne traite que de ce sujet et des modalités de paiement en cas de non-transmission des données.
Prétendre que cet article annulerait le contenu et les effets des clauses précédentes reviendrait à ignorer la clarté de celles-ci mais aussi la nature exacte de l'article 8.
Il ne peut qu'être constaté que les clauses querellées sont claires et qu'il n'y a pas lieu de les interpréter sauf à les dénaturer. L'absence de mention expresse indiquant l'existence d'une clause d'exclusivité n'a aucun effet quant au contenu des clauses qui sont claires et qui engagent deux parties qui sont des commerçants.
À titre subsidiaire, la société La Boutique Officielle fait valoir qu'elle a souscrit un contrat d'adhésion et qu'il convient de faire application des dispositions de l'article 1190 car les conditions générales de vente créent à son sens un déséquilibre en faveur de la société Itinsell.
La lecture du contrat et notamment des conditions générales de vente querellées, ne fait pas ressortir de déséquilibre entre les parties.
En outre la société La Boutique Officielle ne saurait prétendre avoir souscrit un contrat d'adhésion puisqu'elle peut préciser, lors de la conclusion du contrat, quels sont les transporteurs concernés mais aussi les types de colis concernés, et qu'elle dispose de tous les éléments nécessaires concernant les prestations et leur contenu avant de s'engager.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le contrat imposait donc à la société La Boutique Officielle de fournir l'intégralité des données relatives aux envois réalisés par le transporteur désigné au contrat à la société Itinsell, ou de lui donner accès à ces données, et lui imposait également de confier l'intégralité du traitement des réclamations à cette dernière.
Or, la société La Boutique Officielle, à compter du mois de novembre 2018, a cessé de transmettre les données nécessaires à la société Itinsell, en violation des stipulations de l'article 8 des conditions générales de vente, a repris la gestion de l'intégralité des litiges avec la société Colissimo à compter de février 2019, en contradiction avec l'article 4 puis a refusé totalement l'accès à ses données à compter du mois de juillet 2019. En ne respectant pas les obligations mises contractuellement à sa charge, l'appelante a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Itinsell.
Sur les demandes en paiement des factures de la société Itinsell
La société La Boutique Officielle fait valoir que :
elle a réglé les factures, sur la base d'un pourcentage des indemnités accordées par la société Colissimo, lorsqu'elle avait effectivement eu recours aux services de son prestataire, soit les factures d'octobre 2018 à janvier 2019,
elle n'est pas redevable des factures réclamées puisqu'elle n'a pas eu recours aux services de l'intimée sur les autres périodes et les conditions générales de vente ne permettent pas à celle-ci de lui facturer des « complément de facturation » correspondant à un manque à gagner pour les cas où son système QS n'a pas été utilisé,
les conditions générales de vente n'ont prévu une indemnisation que pour le cas où la perte de chiffre d'affaires serait en relation avec une négociation directe entre elle-même et les transporteurs, ce qui n'est pas le cas d'espèce,
elle n'a payé qu'une facture portant la mention « complément de facturation » au titre d'une indemnisation obtenue sans avoir recours à la société Itinsell, à savoir la facture n°54972 du 7 mars 2019,
les sommes réclamées par la société Itinsell correspondent à des avoirs accordés par la société Colissimo concernant des expéditions traitées sans recours au système QS et donc sans recours à son prestataire, soit des sommes qui ne lui sont pas dues,
les sommes réclamées ne sont pas justifiées, d'autant plus en l'absence de responsabilité contractuelle ou de manquement de sa part,
le taux de commissionnement de 50% appliqué par l'intimée ne correspond pas au taux contractuel fixé entre 30 et 45%.
La société Itinsell France fait valoir que :
de mars à juillet 2019, elle a fait application des conditions générales de vente et a poursuivi la facturation de ses rémunérations au résultat sur la base du pourcentage contractuel appliqué aux remises obtenues par l'appelante auprès de la société Colissimo,
l'appelante a coupé ses accès à ses factures Colissimo à compter de juillet 2019, la plaçant dans l'impossibilité de connaître sa rémunération jusqu'à la résiliation du contrat effective le 24 octobre 2019,
faute de transmission des factures de la société Colissimo, elle a établi sa facturation d'août à octobre 2019 en faisant application de l'article 8 des conditions générales de vente sur la base des économies estimées par elle, sauf à ce que l'appelante fasse contrôler un éventuel abus par une juridiction,
l'estimation pour cette période correspond à la moitié des indemnités obtenues au titre des expéditions lors des mêmes mois de l'année précédente,
l'appelante pourrait verser aux débats ses factures de la société Colissimo sur la période afin de prouver un abus, ce qu'elle ne fait pas.
Sur ce,
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1231-1 du même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La société La Boutique Officielle ne conteste pas avoir cessé d'utiliser le système QS concernant ses expéditions par le transporteur Colissimo à compter du mois de février 2019.
Or, en se positionnant de la sorte, l'appelante a méconnu les obligations souscrites à compter du 25 octobre 2018 qui lui imposaient une obligation d'exclusivité concernant le traitement de celles-ci par la société Itinsell, via le système QS, ce qui engage sa responsabilité contractuelle et justifie l'application des stipulations de l'article 8 des conditions générales de vente relatives aux modalités de rémunération de l'intimée.
La société Itinsell indique avoir pu accéder pendant plusieurs mois aux données de l'appelante via les codes transmis et a établi des factures sur cette base à compter de mars 2019 et jusqu'à juillet 2019.
L'intimée démontre la violation par l'appelante de ses obligations contractuelles et son préjudice est constitué par l'absence de gain concernant le traitement des réclamations entre mars et juillet 2019. Les listings versés aux débats par l'intimée établissent les montants exacts reçus par l'appelante dans le cadre des réclamations formées auprès de la société Colissimo et l'intimée fait application, pour calculer sa rémunération, des conditions prévues à l'article 8 des conditions générales de vente, étant rappelé qu'elle se calcule via un pourcentage basé sur le nombre de réclamations.
Au regard de ces éléments, les factures présentées au titre des mois de mars 2019 à juin 2019 sont effectivement dues par la société La Boutique Officielle, la décision déférée devant être confirmée sur ce point.
S'agissant des sommes réclamées pour les mois d'août à octobre 2019, il est constant que l'article 8 des conditions générales de vente prévoit les modalités de calcul de la rémunération du prestataire en cas de non-respect par le client de l'obligation de transmission des données relatives au traitement des réclamations, étant indiqué que sur les mois en question, la société Itinsell n'avait plus accès aux données de la société La Boutique Officielle en dépit des obligations contractuelles prévues en la matière.
L'intimée a fait application des stipulations lui permettant de calculer sa rémunération sur la base des économies estimées par elle, sauf à ce que le client fasse contrôler les éléments nécessaires par le tribunal compétent. Il est retenu qu'elle a appliqué une décote sur les sommes réclamées.
Or, la société La Boutique Officielle ne verse pas aux débats les documents relatifs aux indemnisations perçues de la part de la société Colissimo sur la période concernée, ce qui a pour conséquence l'application stricte des stipulations de l'article 8 du contrat qui la liait jusqu'à la date de résiliation.
Il convient donc de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fait droit aux demandes en paiement des factures de la société Itinsell sur la période d'août à octobre 2019.
Sur la demande de remboursement du complément de facturation d'octobre 2018 à février 2019 par la société La Boutique Officielle
La société La Boutique Officielle fait valoir que :
la société Itinsell ne pouvait pas lui facturer des sommes concernant les réclamations non confiées sur cette période alors que rien dans le contrat ne prévoyait une indemnisation de l'intimée en cas de manque à gagner si le service QS n'avait pas été utilisé.
La société Itinsell fait valoir que :
elle verse aux débats les pièces concernant les réclamations non abouties qui lui ont occasionné un manque à gagner,
elle bénéficiait d'une clause d'exclusivité concernant l'ouverture et le suivi des litiges ce qui lui a occasionné un manque à gagner qu'elle a facturé en application de l'article 8 qui précise les modalités d'indemnisation en cas de non-transmission des données relatives aux litiges.
Sur ce,
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
La société La Boutique Officielle ne fonde pas sa demande relative au remboursement d'un trop-perçu par la société Itinsell sur la période indiquée.
Il est rappelé en outre qu'elle a été condamnée à payer l'intégralité des factures réclamées par l'intimée qui comporte la facturation pour la période querellée concernant les réclamations qui n'ont pas été confiées à l'intimée.
N'ayant pas respecté ses obligations contractuelles, elle ne peut prétendre à aucun remboursement.
La décision déférée est donc confirmée sur ce point.
Sur la demande subsidiaire formée par la société La Boutique Officielle au titre de l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties
La société La Boutique Officielle fait valoir que :
elle a signé un contrat d'adhésion en ligne et n'a pu négocier des conditions particulières de vente,
la clause d'exclusivité la liant est stipulée de manière obscure et implicite,
l'imputation de compléments de facturation d'un montant exorbitant créé un déséquilibre significatif entre les parties alors même que la société Itinsell n'est pas intervenue dans le règlement des litiges concernés,
l'intimée n'a pas exécuté loyalement son contrat en soumettant son partenaire commercial à un déséquilibre significatif, sachant que la sanction de ce déséquilibre est la mise en jeu de la responsabilité de la société Itinsell,
elle réclame la réparation du préjudice correspondant aux compléments de facturation mis à sa charge.
La société Itinsell France fait valoir que :
cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel, de sorte qu'elle est irrecevable,
l'obligation de l'appelante de lui confier l'ouverture et le suivi de l'intégralité de ses demandes d'indemnisation ne crée aucun déséquilibre significatif entre les parties, n'étant que la contrepartie de la mise en 'uvre de ses moyens au service de ses clients pour leur faire obtenir l'indemnisation qui leur est due,
sa rémunération dépend exclusivement du résultat de sorte que son service serait gratuit en l'absence d'indemnisation effective.
Sur ce,
L'article L.442-6 2° du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties »
L'article 564 du code de procédure civile dispose que à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code dispose les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
La demande subsidiaire présentée par la société La Boutique Officielle n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que sa demande principale fondée sur le rejet des demandes en paiement et au versement d'une indemnisation à son profit. Le fondement textuel, même différent de celui invoqué en première instance, n'a pas de conséquence quant à l'appréciation de la recevabilité de la demande.
Cette demande étant recevable, il convient d'en apprécier le bien-fondé.
La société La Boutique Officielle prétend que les conditions générales de vente sont déséquilibrées comme ne respectant pas les principes de transparence et de proportionnalité, et en mettant à sa charge des obligations qui ne lui laissent aucune liberté d'action dans le cadre de l'exécution de ses obligations contractuelles.
Concernant l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties, il est relevé, à la lecture des conditions de facturation, article 8 des conditions générales de vente, que la société Itinsell n'est rémunérée que pour la prestation liée à la mise en 'uvre des réclamations et à leur succès, ce qui implique que les autres prestations souscrites, notamment le suivi des colis est gratuit pour la société La Boutique Officielle.
De plus, la rémunération de la société Itinsell consiste en un pourcentage des indemnités versées par le transporteur, ce qui renvoie à l'existence d'un aléa quant à l'existence de cette rémunération puisqu'il n'est jamais acquis qu'une réclamation aboutira.
Enfin, l'article 8 indique de manière précise les conséquences liées au refus de respect de ses obligations par le client notamment concernant le refus de transmission des données.
Enfin, la société La Boutique Officielle, à la lecture de l'article 4 des conditions générales de vente et au regard des prestations commandées, a connaissance de ses obligations, et s'engage à confier pour un transporteur défini, l'intégralité du règlement des litiges pouvant exister.
Contrairement à ce qu'elle prétend, la société La Boutique Officielle n'est pas confrontée à un déséquilibre significatif puisqu'elle n'a choisi de ne contracter que pour un transporteur, et n'était tenue de rémunérer la société Itinsell qu'en cas de perception d'une indemnisation suite à l'existence de litiges, s'agissant d'un pourcentage, ce qui signifie qu'elle conservait une partie de celle-ci, outre la gratuité des autres services assurés par l'intimée, à l'exception du recours au service enquête pour lequel une rémunération de 5% était prévue en cas de perception d'une indemnisation.
Dès lors, la société La Boutique Officielle ne rapporte pas la preuve que ses obligations étaient disproportionnées ou dénuées de transparence à son égard, la lecture des clauses établissant sans ambiguïté les obligations de chacune des parties, mais aussi les conséquences du non-respect de celles-ci.
Qui plus est, elle avait déjà souscrit le même contrat en 2012 et avait connaissance des conditions générales de vente qui ont peu évolué entre les deux contrats, ce qui contredit sa position, puisqu'en sa qualité de commerçant, elle n'avait aucun intérêt à souscrire un contrat qu'elle considérait comme allant à l'encontre de ses intérêts. Il est rappelé qu'entre les deux souscriptions de contrat, elle avait repris la gestion des litiges avec les transporteurs avant de reprendre attache avec la société Itinsell, en connaissance de cause, ce qui exclut tout déséquilibre significatif entre les parties.
En conséquence, la demande d'indemnisation formée par la société La Boutique Officielle ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande d'indemnisation du préjudice de la société Itinsell au titre du chiffre d'affaires perdu :
La société Itinsell France fait valoir que :
le refus de l'appelante de transmettre, à compter de novembre 2018, les informations nécessaires à la mise en 'uvre des réclamations ne lui a pas permis d'obtenir les résultats escomptés suite à la signature du contrat, en dépit de son expérience en la matière,
suivant le tableau établi par son système ITRACK, reprenant toutes les expéditions, 24.635 réclamations éligibles à indemnisation ne sont pas allées jusqu'à leur terme, alors que l'appelante aurait pu obtenir un remboursement à hauteur de 81.858,07 euros à son profit, la fiabilité de son système étant démontré par procès-verbal d'huissier du 19 février 2018, qui a procédé à l'analyse d'un échantillon aléatoire de 100 réclamations,
après application du pourcentage contractuel de 50%, elle aurait pu obtenir la rémunération supplémentaire de 40.929,03 euros, somme qui constitue son préjudice,
à défaut, la société La Boutique Officielle doit être condamnée à lui payer la somme de 93% du montant total correspondant à sa perte de chance d'obtenir une rémunération.
La société La Boutique Officielle fait valoir que :
en l'absence de tout manquement de sa part, il ne saurait être fait application des dispositions de l'article 1231-2 du code civil,
l'intimée n'a pas manqué le moindre gain en l'absence de recours au système QS,
l'article 4 des conditions générales de vente ne vise pas le cas d'une indemnisation dans le cas d'un recours direct au transporteur sans passer par le système de l'intimée,
la société Itinsell ne démontre pas la réalité de la perte de son chiffre d'affaires par des éléments objectifs, le chiffre de 24.635 expéditions confiées à la société Colissimo sans recours au système QS à compter de novembre 2018 ne ressortant d'aucun document,
le taux de succès allégué dans le cadre de règlement des conflits, à savoir 93%, n'est fondé sur aucun élément objectif,
le préjudice allégué est purement hypothétique.
Sur ce,
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1231-1 du même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure
Sur ce,
La société Itinsell entend justifier sa demande d'indemnisation au titre du chiffre d'affaires perdu en listant l'intégralité des dossiers de réclamations qui n'ont pas abouti faute pour la société La Boutique Officielle de lui avoir confié la gestion des litiges concernant les dossiers listés en pièces 21 de l'intimée, entre octobre 2018 et mars 2019, et présente un calcul, en suivant le barème d'indemnisation, du chiffre d'affaires qu'elle aurait perçu en application du contrat.
À titre liminaire, il est rappelé que seule la marge peut être réclamée dans le cadre d'une demande d'indemnisation au titre d'une perte financière.
Concernant le listing fourni, s'il est effectivement complet et indique les raisons de l'absence d'indemnisation, la lecture du document versé aux débats permet de constater que, dans la majorité des cas, l'absence d'indemnisation est due à une absence de réponse du transporteur ou bien que le traitement de la réclamation est en cours, le reste des mentions, minoritaire, indiquant qu'une pièce est attendue de l'expéditeur ou bien qu'il doit contester la réponse apportée. Il est constant en outre que ce document n'a pas été établi contradictoirement.
La société Itinsell estime que, du fait de son expérience, elle aurait obtenu de manière certaine une indemnisation pour chacune des réclamations et fait application du pourcentage de rémunération maximum prévu au contrat en raison du nombre de colis.
Toutefois, l'appelante incidente ne peut prétendre qu'elle aurait obtenu systématiquement une indemnisation, sachant que le transporteur pouvait refuser les réclamations.
Concernant les documents à transmettre, le tableau, qui a été établi par la société Itinsell, n'indique pas la nature des documents sollicités et ne permet pas de déterminer si la société La Boutique Officielle aurait été en mesure de les remettre.
Le simple listing ne permet pas de comprendre la nature réelle des litiges, puisque seuls des retards ou une enquête, voire un complément d'indemnisation sont mentionnés comme motifs.
De plus, il est rappelé que la société Itinsell a obtenu dans le cadre du paiement des factures un complément de rémunération notamment sur la période concernée.
Tenant compte du fait que la société Itinsell ne peut prétendre qu'à une perte de chance d'obtention d'une marge sur une rémunération potentielle, du fait qu'elle a perçu un complément de rémunération, mais également du fait que son tableau ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait été en mesure d'obtenir les indemnisations dans chacun des litiges visés, la demande qu'elle présente ne peut qu'être rejetée, y compris en ce qu'elle porte sur l'indemnisation d'une perte de chance.
Il convient dès lors de confirmer la décision déférée sur ce point.
Sur les demandes accessoires
La société La Boutique Officielle échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande d'accorder à la société Itinsell une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société La Boutique Officielle sera condamnée à lui verser la somme de 6.000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,
Déclare sans objet la demande de jonction avec la procédure RG 21/08411,
Déclare recevable la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par la SAS Boutique Officielle.com,
Confirme la décision déférée dans son intégralité,
Y ajoutant,
Déboute la SAS Boutique Officielle.com de sa demande indemnitaire fondée sur l'article L. 442-6° 2. du code de commerce,
Condamne la SAS Boutique Officielle.com à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,
Condamne la SAS Boutique Officielle.com à payer à la SAS Itinsell France la somme de 6.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.