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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 20 mai 2025, n° 24/04354

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Premium Energy (SASU), Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Vallée, M. Breard

Avocats :

Me Le Can, Me Dufourg, Me Galtier, Me Zeitoun, Me Ride, Me François

TJ Pau, du 3 déc. 2020, n° 11-19-000189

3 décembre 2020

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1. Le 19 août 2016, les époux [E] ont signé un bon de commande avec la société Premium energy portant sur une pompe à chaleur de marque Daikin d'une puissance de 14kw moyennant le prix de 19.000 euros.

Le financement était assuré au moyen d'un crédit affecté souscrit auprès de la société Franfinance.

Le 24 août 2016 était installée la pompe à chaleur.

2. Par exploit d'huissier des 7 et 11 mars 2019, les époux [E] ont fait assigner la société Premium energy et la société Franfinance devant le tribunal judiciaire de Pau, afin d'obtenir la nullité du bon de commande et la nullité du crédit affecté du fait de la non-conformité du bon aux dispositions légales et du dol commis par la société vendeuse.

3. Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Pau a débouté les époux [E] de l'intégralité de leurs demandes, et les a condamnés au paiement de 350 euros à verser à la sasu Premium energy et 350 euros à verser à la Sa Franfinance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Par déclaration en date du 19 décembre 2020, les époux [E] ont relevé appel de l'intégralité du jugement du tribunal judiciaire de Pau du 3 décembre 2020.

5. Par un arrêt du 13 juin 2022, la cour d'appel de Pau a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, y ajoutant la condamnation des époux [E] aux dépens d'appel, et le paiement de la somme de 400 euros aux sociétés Franfinance et Premium energy sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

6. Les époux [E] se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.

7. Par un arrêt du 18 septembre 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 13 juin 2022 par la cour d'appel de Pau et renvoyé les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la cour d'appel de Bordeaux, condamnant les sociétés Franfinance et Premium energy au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

8. Par déclaration de saisine après renvoi de cassation, en date du 2 octobre 2024, les époux [E] ont saisi la cour d'appel de Bordeaux.

9. Par conclusions notifiées par RPVA, en date du 8 novembre 2024, les époux [E] demandent à la cour d'appel de Bordeaux :

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les époux [E] de l'intégralité de leurs demandes et condamné solidairement les époux [E] au paiement de la somme de 350 euros à la société Franfinance et 350 euros à la société Premium energy sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens ;

- annuler le bon de commande n°004478 conclu le 9 août 2016 entre les époux [E] et la sasu Premium energy,

- annuler le contrat de crédit affecté conclu le 9 août 2016 entre les époux [E] et la Sa Franfinance,

- ordonner à la sasu Premium energy d'effectuer à ses frais la remise matérielle du domicile des époux [E] en l'état antérieur,

- condamner la sasu Premium energy à restituer directement à la Sa Franfinance la somme de 19.000 euros ou, à défaut, condamner la sasu Premium energy à payer cette même somme à M. [E],

- condamner la Sa Franfinance à restituer aux époux [E] la somme de 20.159,69 euros,

- débouter la sasu Premium energy et la Sa Franfinance de l'intégralité de leurs demandes portées à l'encontre des époux [E],

- condamner solidairement la sasu Premium energy et la Sa Franfinance à payer aux époux [E] la somme de 9.600 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner solidairement la sasu Premium energy et la Sa Franfinance aux dépens de première instance et d'appel,

- mettre à la charge de la sasu premium energy et de la Sa Franfinance l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement prévus à l'article L111-8 du code de procédure civile d'exécution.

10. Par conclusions notifiées par RPVA en date du 24 décembre 2024, la Sa Franfinance demande de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

En conséquence,

- débouter les époux [E] de leur demande de nullité du bon de commande et, subséquemment, de leur demande de nullité du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la Sa Franfinance, ainsi que de toutes leurs demandes subséquentes.

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la cour faisait droit à la demande de nullité du contrat d'installation de la pompe à chaleur des époux [E], et à celle de nullité du contrat de crédit,

- condamner les époux [E] à rembourser à Franfinance le capital libéré, déduction faite des sommes déjà versées, soit la somme totale de 15.843,36 euros,

- débouter les époux [E] de leur demande de condamnation de Franfinance à leur rembourser les échéances déjà versées à l'organisme de crédit,

- condamner la société Premium energy à garantir les époux [E] au titre de la restitution à Franfinance du capital libéré outre les intérêts perdus à titre de dommages et intérêts,

- dans l'hypothèse où Franfinance serait privée de son droit à restitution du capital par les emprunteurs, condamner la société Premium energy à rembourser à Franfinance le capital prêté, soit 19.000 euros outre les intérêts perdus à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Premium energy à garantir et relever indemne la société Franfinance au titre des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

Y ajoutant,

- condamner les époux [E] et la société Premium energy in solidum à payer à la Sa Franfinance la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de l'instance.

11. Par conclusions notifiées par RPVA en date du 24 décembre 2024, la société Premium energy demande à la cour d'appel de Bordeaux de :

- déclarer la société Premium energy recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- rejeter toutes les prétentions et demandes formées par les époux [E] à l'encontre de la concluante,

- rejeter toutes les prétentions et demandes formées par la société Franfinance à l'encontre de la concluante,

Y faisant droit,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau en date du 3 décembre 2020 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la concluante à l'égard des époux [E] et le débouté des demandes formées à son encontre par les époux [E] et la société Franfinance,

Se faisant,

A titre principal,

Sur la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux [E] de leurs demandes d'annulation du contrat litigieux :

- juger que les époux [E] succombent totalement dans l'administration de la preuve de la violation des dispositions qu'ils invoquent,

- juger que les dispositions prescrites par les dispositions du code de la consommation ont été respectées par la société Premium energy et que les documents contractuels soumis aux époux [E] sont conformes à ces dispositions,

- juger qu'en signant le bon de commande aux termes duquel étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le code de la consommation, en ayant lu et approuvé les bons de commande, les époux [E] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit,

- déclarer que par tous les actes volontaires d'exécution du contrat accomplis postérieurement à leur signature, les époux [E] ont manifesté leur volonté de confirmer l'acte prétendu nul,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré et débouter les époux [E] de leurs demandes tendant à faire prononcer l'annulation du contrat auprès de la société Premium energy sur le fondement de manquements aux dispositions du code de la consommation,

Sur la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux [E] de leurs demandes d'annulation du contrat litigieux pour vice du consentement,

- juger que les époux [E] succombent totalement dans l'administration de la preuve du dol qu'ils invoquent,

- juger l'absence de dol affectant le consentement des époux [E] lors de la conclusion du contrat du 9 août 2016,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré et débouter les époux [E] de leurs demandes tendant à faire prononcer l'annulation des contrats conclus auprès de la société Premium energy sur le fondement d'un vice du consentement,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la juridiction déclarait le contrat nul,

Sur les demandes indemnitaires formulées par la banque Franfinance à l'encontre de a société Premium energy,

- juger que la société Premium energy n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de vente,

- juger que la société Franfinance a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit,

- juger que la société Premium energy ne sera pas tenue de verser à la société Franfinance le montant du capital emprunté par les époux [E],

- juger que la société Premium energy ne sera pas tenue de verser à la société Franfinance le montant des intérêts perdus à titre de dommages et intérêts,

- juger que la société Premium energy ne sera pas tenue de garantir la société Franfinance,

En conséquence,

- débouter la banque Franfinance de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la société Premium energy,

En tout état de cause,

Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formulées par la société Premium energy à l'encontre des époux [E],

- condamner solidairement les époux [E] à payer à la société Premium energy la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ces derniers,

- condamner solidairement les époux [E] à payer à la société Premium energy la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les époux [E] aux entiers dépens.

12. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 1er avril 2025.

13. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 18 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la portée de la cassation

14. Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé, étant tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 625 que sur les points qu'elle atteint la décision replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l'acte d'appel initial, dans les limites du dispositif de l'arrêt de cassation.

15. En l'espèce la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé était saisie d'un appel général.

Par l'arrêt rendu le 18 septembre 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions en ce qu'elle a violé les dispositions des articles L111-1, L221-5, L221-9, L242-1, et R111-1, 6° du code de la consommation prévoyant que le bon de commande doit mentionner, à peine de nullité de celui-ci, les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont relève le professionnel.

16. Dès lors, la cour d'appel de renvoi est saisie de l'entier litige soumis au tribunal judiciaire de Pau.

II - Sur la régularité du bon de commande - contrat principal :

17. En matière de souscription d'un contrat par démarchage à domicile, le vendeur est tenu de respecter les conditions prévues aux articles L.221-5 du code de la consommation s'agissant des informations préalables à porter à la connaissance des acquéreurs avant signature du bon de commande, et L. 111-1 du même code relatif aux dispositions devant figurer sur le bon de commande.

18. Le tribunal judiciaire de Pau, dans son jugement rendu le 3 décembre 2020, a considéré que la société Premium energy avait respecté son obligation d'information, dès lors que le bon de commande était conforme aux dispositions de l'articles L111-1 du code de la consommation. Il a en effet estimé que les caractéristiques essentielles du bien (la marque, la puissance, l'alimentation monophasée, le type de compresseur, la plage thermique de fonctionnement, les dimensions, la puissance restituée de la pompe à chaleur) figuraient sur le bon de commande, de même que le prix de l'installation.

Le tribunal judiciaire a également retenu, s'agissant du délai de rétractation que le bordereau de rétractation faisait apparaître en caractères apparents la mention relative aux modalités d'exercice de la faculté de rétractation en terme de délai, formalité essentielle à l'efficacité de cet exercice.

19. L'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Pau a été cassé et annulé par la Cour de cassation, dans son arrêt du 18 septembre 2024, pour avoir retenu que l'absence de la mention du recours préalable à un médiateur dans le bon de commande n'emportait pas nullité du bon de commande.

20. L'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, entrée en vigueur le 1 juillet 2016, a ajouté à l'article L. 111-1 du code de la consommation l'obligation précontractuelle du professionnel d'informer le consommateur de « 6 La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI »

21. Dans sa rédaction issue du décret n°2016-884 du 29 juin 2016, l'article R. 111-1 du code de la consommation prévoit à cet effet que le professionnel doit communiquer « Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont il relève en application de l'article L. 616-1. »

22. Le renvoi fait aux dispositions de l'article L.111-1 par les dispositions combinées des articles L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation, toujours dans leur rédaction issue de l'ordonnance n 2016-301 du 14 mars 2016 et antérieure à celle issue de l'ordonnance n 2021-1247 du 29 septembre 2021, impose que ces informations figurent dans les contrats conclus hors établissement et ceci à peine de nullité en vertu de l'article L. 242-1 du même code.

23. En l'espèce, le bon de commande signé par les époux [E] en date du 9 août 2016 ne présente pas la communication au consommateur de sa faculté de recourir à un médiateur de la consommation, ou d'un médiateur professionnel.

24. C'est donc à tort que le tribunal judiciaire de Pau a considéré que le bon de commande était valide, alors même que celui-ci ne comportait pas la mention prévoyant les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents.

25. La société Premium energy fait encore valoir qu'en laissant exécuter les travaux à leur domicile postérieurement à la conclusion du contrat et en attestant la réalisation des travaux sans réserve, les époux [E] ont manifesté de manière non équivoque leur volonté de renoncer à la nullité et à tout le moins de confirmer l'acte prétendument nul.

26. Cependant, la confirmation d'un acte nul ne peut résulter de manière univoque que d'un acte caractérisant une telle volonté accompli en connaissance de cause de la nullité encourue.

27. Or, aucun élément ne permet d'affirmer que les époux [E] avaient connaissance de la nullité affectant le bon de commande pour n'avoir pas mentionné le recours préalable à un médiateur ni que partant, ils aient pu renoncer à l'invoquer en connaissance de cause, alors qu'en outre il est constant que quand bien même le bon de commande reproduirait toutes les dispositions du code de la consommation applicables, ce qui n'est au demeurant pas le cas en l'espèce où faisait à tout le moins défaut la mention du recours préalable à un médiateur, que cela ne serait pas suffisant à affirmer la nécessaire connaissance d'une cause de nullité par le consommateur.

28. Dès lors, le bon de commande ne respecte pas les dispositions des articles L111-1, L221-5, R111-1 du code de la consommation, et, par ce seul motif, le contrat objet du présent litige encourt la nullité, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

29. De la sorte il n'est pas nécessaire de s'interroger sur les autres causes de nullité éventuelles.

III - Sur la nullité du contrat de crédit affecté - contrat accessoire

30. Le contrat principal et le contrat de crédit dédié à son financement forment une 'opération commerciale unique' au sens de l'article L311-1, 11° du code de la consommation.

31. En vertu de l'article L312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

32. Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Pau a retenu que le contrat principal n'était pas nul, de sorte qu'aucune résolution du contrat de crédit affecté ne devait s'opérer.

33. Toutefois, au regard de ce qui a été précédemment retenu, la nullité du contrat principal est encourue, entraînant l'annulation du contrat de crédit affecté, en tant que contrat accessoire, de plein droit. Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté les époux [E] de leur demande à ce titre.

IV - Sur les conséquences de la nullité du bon de commande et du crédit affecté

Concernant la nullité du bon de commande,

34. Par principe, l'annulation du contrat a un effet rétroactif qui emporte remise des parties dans la situation qui était la leur avant le contrat impliquant restitution croisée de la chose par l'acquéreur et du prix par le vendeur.

35. Le contrat principal étant nul, il sera fait droit à la demande des époux [E] tendant à la condamnation de la sasu Premium energy à reprendre possession du matériel livré et à remettre matériellement le domicile des époux [E] en l'état antérieur, le tout à ses frais.

36. Toujours en conséquence de l'annulation du contrat principal, il sera fait droit à la demande des époux [E] tendant à la restitution par la sasu Premium energy du prix de vente.

37. Les époux [E] demandent à la cour d'appel de condamner la sasu Premium energy à restituer directement à la Sa Franfinance la somme de 19.000 euros ou, à défaut, de la condamner à leur payer cette même somme.

38. La nullité du contrat ayant pour effet de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient, la sasu Premium energy, venderesse, sera condamnée à restituer aux époux [E], acheteurs, ladite somme, aucun texte ne justifiant de faire droit à la demande de restitution du prix de vente par la venderesse à la banque.

Concernant la nullité du contrat de crédit affecté,

39. Le contrat de crédit affecté étant annulé, celui-ci doit également trouver ses restitutions.

Les parties au contrat de crédit sont alors rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté (1ère civ, 16 janvier 1996, n°93-27.513) ; conformément à l'article L312-55 du code de la consommation.

40. L'emprunteur peut échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a, en libérant les fonds, commis une faute qui lui a occasionné un préjudice, lui permettant d'obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.

La faute du prêteur peut prendre deux formes : un défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal, ou un défaut de vérification de la régularité formelle de ce contrat.

41. En l'espèce, il s'avère que le bon de commande trouve sa nullité en raison d'une irrégularité portant sur l'absence de la faculté de recours à un médiateur.

Dès lors, la banque a commis une faute dans le cadre de son obligation de vérification de la régularité formelle de ce contrat (Cour de cassation, 18 février 2009, n°07-19.648, 8 février 2017, n°15-27.277).

42. La résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il était tenu de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (1ère civ, 25 novembre 2020, n°19-14.908).

Il incombe donc aux juges du fond de caractériser le préjudice des emprunteurs en lien causal avec le manquement de la banque à son obligation de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de libérer le capital (1ère civ, 10 juillet 2024, n°23-11.751).

43. En cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat de vente et si la restitution du prix est impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur, l'emprunteur justifie d'une perte équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement de la vente annulée en lien avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (1ère civ, 10 juillet 2024, n°23-11.809).

Les époux [E] reprennent cette dernière jurisprudence pour faire valoir le préjudice qu'ils auraient subi si la société Premium energy était insolvable.

Or en l'espèce, la société Premium energy est in bonis ; ne connaissant pas de procédure collective, de sorte que les appelants sont en possibilité de récupérer le prix.

44. La société Franfinance en déduit que les époux [E] n'ont subi aucun préjudice, observant que la pompe à chaleur fonctionne.

45. Les époux [E] estiment toutefois que la pompe à chaleur présente des dysfonctionnements tels depuis son installation en 2016, soit depuis neuf années (lorsque la cour de céans délibère) que les époux [E] produisent plusieurs devis de reprise faisant apparaître un coût moyen d'environ 13.000 euros (hors préjudice de jouissance), s'agissant d'un système de chauffage.

D'après les époux [E], tous chefs de préjudices confondus, ils subissent ainsi un dommage supérieur au capital emprunté de 19.000 euros qui vient en compensation de la créance de restitution de la Sa Franfinance.

A l'appui de cette prétention, les époux [E] produisent des factures de consommation d'énergie électrique prétendant qu'il n'y a eu aucune diminution de celles-ci depuis l'installation de la pompe à chaleur, ainsi que des devis pour attester le dysfonctionnement de la pompe à chaleur.

46. Ces seuls des devis sont cependant insuffisants à établir la nécessité de reprendre l'installation du fait d'un dysfonctionnement en l'absence de tout avis technique indépendant et les factures d'électricité ne caractérisent pas en soi un dysfonctionnement dès lors que les conditions d'utilisation de l'installation sont ignorées, aucun élément n'attestant en conséquence l'existence d'un préjudice de jouissance. Les époux [E] sont en définitive défaillants dans la preuve d'un préjudice qui viendrait se compenser avec la créance de restitution du capital de la banque.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande des époux [E] de dispense de restitution du capital emprunté.

47 . Les emprunteurs sont tenus de restituer à la société Franfinance le montant des sommes prêtées, après déduction des sommes qu'ils ont versées en application du contrat de prêt.

48. Les parties sont en l'espèce contraires sur le montant des sommes versées par les époux [E] en remboursement du crédit.

La société Franfinance produit aux débats un historique des versements (sa pièce n° 11) dont il ressort qu'a été versée la somme totale de 20.159,70 euros.

Les quelques pièces versées aux débats par les époux [E] (leurs pièces n° 9), à savoir leurs relevés bancaires de décembre 2016 à juin 2017, trop partielles, ne permettent pas de remettre en cause ce décompte s'agissant des prélèvements mensuels.

49. Cependant, les époux [E] versent aux débats un courrier de leur banque leur confirmant un virement effectué au profit de la société Franfinance le 13 juin 2017 pour un montant de 18 522 euros.

Il apparaît sur le décompte de la société Franfinance (pièce 11) qu'a été porté un remboursement partiel à hauteur de 18 140,15 euros sur lequel a été prélevée 181,40 euros de pénalités outre 0,78 euros de passage en profit, en septembre 2017.

Ces deux dernières sommes seront en conséquence ajoutées au décompte final des paiements effectués par les époux [E] pour un montant de 20.341,87 euros.

50 . Il en ressort que les époux [E] ont remboursé plus que le capital emprunté de sorte que par le jeu des restitutions réciproques, les époux [E] étant tenus au remboursement du capital (19 000 euros) et la société Franfinance au remboursement des sommes encaissées dans le cadre du crédit (20 341,87 euros), cette dernière sera condamnée à restituer aux époux [E] la somme de 1.341,87 euros.

V- Sur la demande de garantie du remboursement du prêt :

49. En vertu de l'article L312-56 du code de la consommation, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.

50. S'il est établi que la nullité du contrat principal est imputable à la sasu Premium energy, il n'y a pas lieu de condamner cette dernière à garantir les époux [E] du remboursement du prêt, ainsi que le sollicite la société Franfinance, dès lors que par le jeu des restitutions réciproques, seule la société Franfinance est redevable de sommes envers les époux [E].

VI - Sur les dépens et les frais irrépétibles

51. Il convient d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

52. Les sociétés Premium energy et Franfinance qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 6 000 euros aux époux [E] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

VI - Sur la garantie de la société Franfinance :

53. La société Franfinance demande en définitive à être relevée et garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Premium energy à laquelle incombe la nullité du contrat principal.

54. Cependant il a été retenu que la société Franfinance avait elle-même commis une faute en ne s'assurant pas de la régularité du bon de commande, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour :

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Pau du 3 décembre 2020.

Statuant à nouveau :

Prononce la nullité du contrat conclu entre les époux [E] et la société Premium energy souscrit le 9 août 2016 ;

Prononce en conséquence la nullité du contrat de crédit conclu entre les époux [E] et la société Franfinance ;

Rejette la demande de dispense de restitution du capital de la société Franfinance ;

Rejette la demande de versement des fonds directement à la société Franfinance par la société Premium energy ;

Condamne la société Premium energy à restituer aux époux [E] la somme de 19 000 euros ;

Condamne la société Premium energy à reprendre possession du matériel livré à ses frais et à remettre matériellement le domicile des époux [E] en l'état antérieur ;

Condamne la société Franfinance à restituer aux époux [E] après déduction du capital dû par eux la somme de 1.341,87 euros ;

Dit n'y avoir lieu à condamner la société Premium energy à relever et garantir les époux [E] de cette condamnation ;

Condamne in solidum la société Premium energy et la société Franfinance à payer la somme de 6.000 euros aux époux [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Franfinance de sa demande d'être relevée et garantie des condamnations mises à sa charge par la société Premium energy ;

Condamne la société Premium energy et la société Franfinance in solidum aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, Présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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