CA Nîmes, 4e ch. com., 16 mai 2025, n° 24/02414
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°150
N° RG 24/02414 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JIQ6
YM
JUGE DE L'EXECUTION D'ALES
04 juillet 2024 RG :23/01553
S.A.S. EOS FRANCE
C/
[B]
Copie exécutoire délivrée
le 16/05/2025
à :
Me Christine BANULS Me Nordine TRIA
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 16 MAI 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Juge de l'exécution d'Alès en date du 04 Juillet 2024, N°23/01553
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Yan MAITRAL, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. EOS FRANCE (anciennement dénommée EOS CREDIREC), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ès qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation FONCRED II, compartiment FONCRED II-A (venant aux droits de la société FINAREF), ayant pour société de gestion la société EUROTITRISATION, société anonyme au capital de 714.856 ', inscrite au RCS de BOBIGNY sous le numéro B 352 458 368, ayant son siège social sis [Adresse 2], conformément aux dispositions de l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier,
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Christine BANULS de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Cédric KLEIN de la SELARL CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Mme [S] [B] veuve [B]
née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nordine TRIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES
Affaire fixée en application des dispositions de l'ancien article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 Avril 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 16 Mai 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 15 juillet 2024 par la SAS Eos France à l'encontre du jugement rendu le 4 juillet 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès dans l'instance n° RG 23/01553 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 30 août 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 12 novembre 2024 par la SAS Eos France, appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 octobre 2024 par Mme [S] [M] épouse [B], intimée à titre principal, appelante à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 30 août 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 3 avril 2025.
***
Par acte sous seing privé du 10 décembre 1997, la Finaref a consenti à Mme [S] [M] épouse [B] une ouverture de crédit utilisable par fraction de 10 000 francs portant intérêts au taux effectif global variable de 14.88 % l'an remboursable par mensualités.
Par arrêt du 1er avril 2003, la cour d'appel de Nîmes a condamné Mme [S] [M], épouse [B], à payer à la société Finaref la somme de 3.366,24 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,88 % à compter du 21 mars 2001, la somme de 255,97 euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 25 octobre 2001 et la somme de 18,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2000, outre les dépens.
L'arrêt a été signifié le 10 juillet 2003.
***
Le 1er avril 2010, les sociétés Sofinco et Finaref ont fait l'objet d'une fusion pour devenir la société CA Consumer Finance.
Le 14 juin 2012, la CA Consumer Finance a cédé au profit du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, 190 442 créances résultant de crédits à la consommation.
Le 3 octobre 2023, le fonds commun de titrisation Foncred II représenté par la société de gestion Eurotitrisation a procédé, en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 1er avril 2003, à une saisie-attribution sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B], ouverts au Crédit agricole du Languedoc, à hauteur de 3 195 euros comprenant les frais de la procédure.
***
Par acte du 10 novembre 2023, Mme [S] [M], épouse [B], a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès le fonds commun de titrisation Foncred II-A, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, aux fins d'obtention de la production du titre exécutoire sur lequel s'est fondée la saisie attribution, de voir déclarer nulle la saisie-attribution et d'obtention de sa mainlevée, enfin d'octroi de la somme de 5000 euros au titre des dommages et intérêts.
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Par jugement du 4 juillet 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès a statué ainsi :
« Déclare valable la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
Déclare abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
Condamne la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 2 251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
Condamne la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice ;
Rejette les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation aux dépens de l'instance ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit ; ».
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La société Eos France a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer, annuler ou réformer en ce qu'il a :
- déclaré abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 2 251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice ;
- rejeté la demande de la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Eos France es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, aux dépens de l'instance.
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Dans ses dernières conclusions, la société Eos France, appelante à titre principal, et intimée à titre incident, demande à la cour, au visa des articles L. 111-3 et suivants, L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :
« - Infirmer le jugement rendu le 4 juillet 2024 par lejuge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès en ce qu'il a déclaré abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc, ordonné la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc, condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 2.251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice, rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du Fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, condamné la société Eo France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, aux dépens de l'instance ;
- Confirmer le jugement rendu le 4 juillet 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès en ce qu'il a déclaré valable la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
- Valider la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2023 sur les comptes bancaires de Mme [B] détenus au Crédit agricole du Languedoc ;
- Débouter Mme [S] [M] épouse [B] de l'intégralité de ses demandes ;
- Condamner Mme [S] [M] épouse [B] à payer à la société Eos France, ès qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation, la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [S] [M] épouse [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés par Maître Banuls, avocate constituée, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. ».
Au soutien de ses prétentions, l' appelante à titre principal, intimée à titre incident, expose que la société EOS France (anciennement dénommée EOS Credirec), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ès qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II A (venant aux droits de la société Finaref), ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation fait valoir que le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, vient donc aux droits de la société CA Consumer Finance, et est créancière de Mme [S] [M] épouse [B] en rapportant la preuve de la cession de créance détenue, identifiée et individualisée.
Elle précise par ailleurs que cette dernière est opposable à Mme [S] [M] épouse [B] au regard des dispositions des articles L. 214-43 à L. 214-48 du code monétaire et financier dans leur version applicable au litige et des règlements volontaires effectués par la débitrice. Elle estime que la qualité à agir tant de la société de gestion Eurotitrisation, dans le cadre de la saisie pratiquée, que de la société EOS FRANCE, dans le cadre de l'instance, sont établies.
Elle considère également qu'elle détient un titre exécutoire valide et que la mesure d'exécution forcée qu'elle a diligentée est valide.
En revanche, elle explique que l'appréciation d'une pratique commerciale déloyale ou abusive, et notamment une cession de créance, ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution. Elle indique par ailleurs que l'intimée ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait commis une pratique entrant dans le cadre de cette définition alors même que cela lui incombe conformément à l'article 1353 du code civil.
De plus, selon l'appelante, afin d'obtenir des dommages et intérêts, Mme [S] [M] épouse [B] doit rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité et établir que la mesure d'exécution forcée excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.
Enfin, la société EOS FRANCE estime qu'elle n'a commis aucune faute et a fait valoir ses droits en utilisant les voies de droit, étant précisé que le recouvrement forcé se fait en vertu d'un titre exécutoire définitif.
Dans ses dernières conclusions, Mme [S] [M] épouse [B], intimée à titre principal, et appelante à titre incident, demande à la cour, de :
« Débouter la société Eos France de toutes ses demandes.
Confirmer la décision rendue le 04 juillet 2024 par Monsieur le juge de l'exécution en ce qu'il a :
- déclaré abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 2 251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signifcation de la présente décision ;
- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation aux dépens de l'instance ;
Recevoir Mme [S] [B] en son appel incident.
Réformer la décision rendue le 04 juillet 2024 par Monsieur le juge de l'exécution en ce qu'il a :
- déclaré valable la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, à payer à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice ;
Y faisant droit,
Vu l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution,
Recevoir Mme [S] [M] épouse [B] en ses contestations
Vu les dispositions de l'article 1690 du code civil
Vu les dispositions des articles 1321 à 1326 du code civil,
Vu les dispositions des articles L111-1 à L111-11 du code des procédures civiles d'exécution,
Enjoindre la société Eos à prouver sa qualité à agir et de produire son mandat.
Enjoindre le demandeur à produire les actes de cession en original.
Enjoindre la société le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A à produire l'original de l'acte de cession de créance en date du 29 novembre 2023 et en préciser la date certaine ainsi que la qualité de son signataire.
Enjoindre la société le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à produire la notification au débiteur.
Vu les dispositions de l'article 1690 du code civil,
Et, à défaut, vu les dispositions de l'article 1324 du code civil,
Déclarer inopposable à Mme [S] [B] la cession de créance revendiquée par le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A,
Vu la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005
Vu l'article L 121- 2 du code des procédures civiles d'exécution
Enjoindre la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à produire le titre sur lequel elle se fonde pour pratiquer la saisie.
Déclarer nulle la saisie attribution pratiquée, le 03 octobre 2023, sur les comptes ouverts au Crédit agricole du Languedoc de Mme [S] [B] par la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A,
Ordonner la mainlevée de la saisie attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc :
- compte chèque n°05729920001
- compte LDD n°05729920220
- compte livret A n°03485013270
Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil
Vu la faute de la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A
Condamner la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à porter et payer à Mme [S] [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
À titre subsidiaire,
Enjoindre la société de gestion Eurotitrisation à produire le mandat spécial lui permettant de procéder au recouvrement des créances cédées.
Après production du mandat spécial, enjoindre le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A et la société de gestion Eurotitrisation à produire la notification au débiteur de la cession.
Condamner la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à porter à payer à Mme [S] [B] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens. ».
Mme [S] [M] épouse [B] fait valoir qu'elle n'a jamais été avisée de la cession de créances du 14 juin 2012 et que la qualité à agir de la société EOS France n'est pas établie outre le fait qu'elle doit justifier d'un mandat spécial. Elle explique par ailleurs que la même société devra justifier de la notification de la cession de créance à la débitrice faute de quoi celle-ci ne lui est pas opposable.
Elle explique que le créancier doit justifier de son titre exécutoire et que, par ailleurs, ce dernier est prescrit au regard de la prescription décennale issue de la loi du 17 juin 2008.
Elle estime également que la saisie opérée revêt un caractère abusif dès lors que la cession de créance s'inscrit dans des pratiques commerciales déloyales, trompeuses et agressives contre les consommateurs. Elle affirme que la saisie est abusive puisque, d'une part, le créancier fait pratiquer la mesure d'exécution en cause plus de 20 ans après la signification du titre exécutoire, la première tentative de recouvrement forcé de la créance datant par ailleurs du 6 octobre 2020 et, d'autre part, la totalité des sommes versées se rapprochant du principal alors que la créance revendiquée avoisine un montant identique. Enfin, elle explique que la procédure, par son caractère brutal, abusif et vexatoire lui a causé un préjudice, outre le fait que l'appelante n'a pas fait procéder à la levée de la saisie malgré le caractère exécutoire de la décision.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la qualité à agir de la société EOS France
Selon l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».
Concernant la qualité agir de la société EOS France, il sera constaté que la saisie-attribution litigieuse a été exercée par le fonds commun de titrisation Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation qui sera d'ailleurs assigné par Mme [S] [M], épouse [B] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès.
S'agissant de « l'intervention » de la société EOS France, cette dernière résulte non d'un mandat pour reprendre le recouvrement de la créance ainsi que l'indique l'intimée mais d'un mandat spécial du 26 mars 2024 émanant de la société Eurotitrisation et mandatant la société EOS France de représenter le fonds commun de titrisation Foncred-II A devant le juge de l'exécution d'Alès dans le cadre de l'assignation déposée par Mme [S] [M], épouse [B].
Par conséquent, il est justifié de la qualité agir de l'appelante et la demande de production de pièces est sans objet.
Sur l'intervention de la société Eurotitrisation et la cession de créances
Selon l'article L 214-169 2° du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable au présent litige « lorsqu'elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs ;
3° La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des autres accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires et les créances professionnelles cédées à titre de garantie ou nanties dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 et suivants, de même que l'opposabilité de ce transfert aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité ».
Il s'en suit que l'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau (Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-16.042).
La cession de créance est soumise aux dispositions du code monétaire et financier et notamment à ses articles L. 214-169 à L. 214-172, qui prévoient, d'une part, que la cession est opposable de plein droit dès la date apposée sur le bordereau et, d'autre part, que le débiteur doit être informé de l'entité en charge du recouvrement, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement.
En l'espèce, il est justifié par l'acte de cession de créances du 14 juin 2012 que la CA Consumer Finance a cédé au fonds commun de titrisation Foncred II avec attribution desdites créances au compartiment Foncred IIA représenté par Eurotitrisation la créance détenue à l'encontre de Mme [S] [M] épouse [B] confirmé par un bordereau établi le 29 novembre 2023.
Il est également établi que Mme [S] [M] épouse [B] a une connaissance de cette cession de créances notamment par le commandement de payer aux fins de saisie vente du 6 octobre 2020 et le procès-verbal de saisie attribution du 9 décembre 2020.
Par conséquent, il est justifié de la cession de créance et la demande de production de pièces est sans objet.
Sur le recouvrement effectué par EOS France
Selon l'article L 214-72 du code monétaire et financier dans sa version applicable au présent litige lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme de financement, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.
La société de gestion, en tant que représentant légal de l'organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d'un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet.
En cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire ».
En l'espèce, il résulte du bordereau de l'acte de cession de créances du 29 novembre 2023 que, suite à la cession précitée intervenue le 14 juin 2012, la SA EOS Credirec a été mandatée afin de recouvrer la créance de Mme [S] [M] épouse [B]. Il apparaît dans un courrier du 16 mai 2014 et du 10 février 2015 que l'information en est donnée à Mme [S] [M] épouse [B].
Il apparaît, par ailleurs, que la SA EOS Credirec est devenue le 16 novembre 2018 à compter du 1er janvier 2019 EOS France et que la débitrice en été informée par courrier du 22 août 2023 ainsi que dans le cas de la présente procédure.
Par conséquent, l'ensemble des moyens invoqués sur ce fondement sera rejeté.
Sur la prescription du titre exécutoire
Selon l'ancien article 2262 du code civil « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».
Selon l'article 23 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile « après l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé : Art. 3-1.-L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article 3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».
Selon l'article L 111-4 du code des procédures d'exécution forcée résultant de l'ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011, « l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa ».
Selon l'article 2240 du code civil « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ».
Selon l'article 2244 du code civil « le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée ».
En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 1er avril 2003 a été signifié le 10 juillet 2003. Il s'en suit qu'au 18 juin 2008, suite à la réforme intervenue en matière de prescription, le délai de prescription qui continuait à courir a été portée à une durée de 10 ans.
Il est justifié par l'intimée de versements volontaires et réguliers de la débitrice de la somme de 45 euros entre le 1er août 2008 jusqu'au 25 novembre 2010 et d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 6 octobre 2020 puis d'un procès-verbal de saisie-attribution le 9 décembre 2020.
Par conséquent, le titre exécutoire n'est pas prescrit et la demande de production de pièces est par conséquent sans objet.
Sur le caractère abusif de la saisie-attribution
Selon l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution « le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ».
Mme [S] [M] épouse [B] soutient, en s'appuyant sur la jurisprudence européenne, que la cession spéculative de créance constitue une pratique commerciale déloyale rendant la cession de créance inopposable et la procédure en exécution forcée abusive.
L'article 5 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, repris à l'article L. 121-1 du code de la consommation, interdit les pratiques déloyales si elles sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et si elles altèrent ou sont susceptibles d'altérer le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen et l'article 2 c) définit le produit aux fins de la directive comme tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et obligations.
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (directive sur les pratiques commerciales déloyales), doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d'application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société (et que) relèvent de la notion de produit, au sens de l'article 2, sous c), de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance. À cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution. (CJUE, 20 juillet 2017, 'Gelvora' UAB (aff. C-357/16))
Cependant, il sera observé d'une part que cette décision ne remet pas en cause les cessions de créance en elles-mêmes, quand bien même elles auraient un caractère spéculatif et d'autre part qu'elle ne conclut pas à l'inopposabilité d'une cession de créance en cas de pratique commerciale déloyale, cette sanction ainsi que la nullité de l'acte d'exécution n'étant par ailleurs pas prévue par les dispositions applicables.
Par ailleurs, il ressort des pièces fournies par EOS France que suite à la condamnation du 1er avril 2003, le créancier a poursuivi le paiement intégral de la somme due. C'est ainsi que :
des paiements de la débitrice sont intervenus régulièrement à hauteur de 45 euros jusqu'en 2010
suite à l'arrêt des paiements, des tentatives de règlement par voie dite amiable (relances) sont intervenues : courrier du 18 novembre 2013, 12 décembre 2013, 16 mai 2014, 10 février 2015 et 22 août 2023
des mesures d'exécution forcée ont été diligentées le 6 octobre 2020 (saisie-vente), le 9 décembre 2020 (saisie-attribution)
Par conséquent, au regard de ces éléments et malgré l'ancienneté du titre exécutoire, il n'est pas démontré en quoi la cession de créance pourrait s'analyser, en l'espèce, en une pratique commerciale déloyale contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
De même, si le montant restant dû, hors frais, est de 2 303.99 euros, il n'en demeure pas moins que le créancier est en droit de poursuivre le recouvrement de sa créance et qu'il ne peut être retenu ainsi que l'a fait le premier juge que « le principal a été réglé dans sa quasi totalité » ou que « la dette est quasiment réglée ».
Il s'en suit que la saisie-attribution est régulière et bien-fondée et que Mme [S] [M] épouse [B] ne démontre pas le caractère abusif de la mesure d'exécution pratiquée.
Par conséquent, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution et en ce qu'elle a condamné la société EOS France au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive dès lors qu'il a été fait droit à la demande de l'appelante.
Sur les frais de l'instance :
Mme [S] [M] épouse [B], qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à EOS France une somme équitablement arbitrée à 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que Me Banuls pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré valable la saisie-attribution du 3 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ;
Statuant à nouveau,
Dit que la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] par le fonds commun de titrisation Foncred II compartiment Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation est bien-fondée et ne revêt pas un caractère abusif ;
Rejette les demandes de Mme [S] [M] épouse [B] ;
Dit que Mme [S] [M] épouse [B] supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à EOS France une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que Me Banuls pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°150
N° RG 24/02414 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JIQ6
YM
JUGE DE L'EXECUTION D'ALES
04 juillet 2024 RG :23/01553
S.A.S. EOS FRANCE
C/
[B]
Copie exécutoire délivrée
le 16/05/2025
à :
Me Christine BANULS Me Nordine TRIA
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 16 MAI 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Juge de l'exécution d'Alès en date du 04 Juillet 2024, N°23/01553
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Yan MAITRAL, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. EOS FRANCE (anciennement dénommée EOS CREDIREC), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ès qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation FONCRED II, compartiment FONCRED II-A (venant aux droits de la société FINAREF), ayant pour société de gestion la société EUROTITRISATION, société anonyme au capital de 714.856 ', inscrite au RCS de BOBIGNY sous le numéro B 352 458 368, ayant son siège social sis [Adresse 2], conformément aux dispositions de l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier,
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Christine BANULS de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Cédric KLEIN de la SELARL CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Mme [S] [B] veuve [B]
née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nordine TRIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES
Affaire fixée en application des dispositions de l'ancien article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 Avril 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 16 Mai 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 15 juillet 2024 par la SAS Eos France à l'encontre du jugement rendu le 4 juillet 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès dans l'instance n° RG 23/01553 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 30 août 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 12 novembre 2024 par la SAS Eos France, appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 octobre 2024 par Mme [S] [M] épouse [B], intimée à titre principal, appelante à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 30 août 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 3 avril 2025.
***
Par acte sous seing privé du 10 décembre 1997, la Finaref a consenti à Mme [S] [M] épouse [B] une ouverture de crédit utilisable par fraction de 10 000 francs portant intérêts au taux effectif global variable de 14.88 % l'an remboursable par mensualités.
Par arrêt du 1er avril 2003, la cour d'appel de Nîmes a condamné Mme [S] [M], épouse [B], à payer à la société Finaref la somme de 3.366,24 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,88 % à compter du 21 mars 2001, la somme de 255,97 euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 25 octobre 2001 et la somme de 18,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2000, outre les dépens.
L'arrêt a été signifié le 10 juillet 2003.
***
Le 1er avril 2010, les sociétés Sofinco et Finaref ont fait l'objet d'une fusion pour devenir la société CA Consumer Finance.
Le 14 juin 2012, la CA Consumer Finance a cédé au profit du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, 190 442 créances résultant de crédits à la consommation.
Le 3 octobre 2023, le fonds commun de titrisation Foncred II représenté par la société de gestion Eurotitrisation a procédé, en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 1er avril 2003, à une saisie-attribution sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B], ouverts au Crédit agricole du Languedoc, à hauteur de 3 195 euros comprenant les frais de la procédure.
***
Par acte du 10 novembre 2023, Mme [S] [M], épouse [B], a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès le fonds commun de titrisation Foncred II-A, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, aux fins d'obtention de la production du titre exécutoire sur lequel s'est fondée la saisie attribution, de voir déclarer nulle la saisie-attribution et d'obtention de sa mainlevée, enfin d'octroi de la somme de 5000 euros au titre des dommages et intérêts.
***
Par jugement du 4 juillet 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès a statué ainsi :
« Déclare valable la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
Déclare abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
Condamne la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 2 251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
Condamne la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice ;
Rejette les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation aux dépens de l'instance ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit ; ».
***
La société Eos France a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer, annuler ou réformer en ce qu'il a :
- déclaré abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 2 251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à Mme [S] [M] épouse [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice ;
- rejeté la demande de la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Eos France es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, aux dépens de l'instance.
***
Dans ses dernières conclusions, la société Eos France, appelante à titre principal, et intimée à titre incident, demande à la cour, au visa des articles L. 111-3 et suivants, L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :
« - Infirmer le jugement rendu le 4 juillet 2024 par lejuge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès en ce qu'il a déclaré abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc, ordonné la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc, condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 2.251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice, rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du Fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, condamné la société Eo France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, aux dépens de l'instance ;
- Confirmer le jugement rendu le 4 juillet 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès en ce qu'il a déclaré valable la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
- Valider la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2023 sur les comptes bancaires de Mme [B] détenus au Crédit agricole du Languedoc ;
- Débouter Mme [S] [M] épouse [B] de l'intégralité de ses demandes ;
- Condamner Mme [S] [M] épouse [B] à payer à la société Eos France, ès qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation, la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [S] [M] épouse [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés par Maître Banuls, avocate constituée, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. ».
Au soutien de ses prétentions, l' appelante à titre principal, intimée à titre incident, expose que la société EOS France (anciennement dénommée EOS Credirec), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ès qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II A (venant aux droits de la société Finaref), ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation fait valoir que le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, vient donc aux droits de la société CA Consumer Finance, et est créancière de Mme [S] [M] épouse [B] en rapportant la preuve de la cession de créance détenue, identifiée et individualisée.
Elle précise par ailleurs que cette dernière est opposable à Mme [S] [M] épouse [B] au regard des dispositions des articles L. 214-43 à L. 214-48 du code monétaire et financier dans leur version applicable au litige et des règlements volontaires effectués par la débitrice. Elle estime que la qualité à agir tant de la société de gestion Eurotitrisation, dans le cadre de la saisie pratiquée, que de la société EOS FRANCE, dans le cadre de l'instance, sont établies.
Elle considère également qu'elle détient un titre exécutoire valide et que la mesure d'exécution forcée qu'elle a diligentée est valide.
En revanche, elle explique que l'appréciation d'une pratique commerciale déloyale ou abusive, et notamment une cession de créance, ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution. Elle indique par ailleurs que l'intimée ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait commis une pratique entrant dans le cadre de cette définition alors même que cela lui incombe conformément à l'article 1353 du code civil.
De plus, selon l'appelante, afin d'obtenir des dommages et intérêts, Mme [S] [M] épouse [B] doit rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité et établir que la mesure d'exécution forcée excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.
Enfin, la société EOS FRANCE estime qu'elle n'a commis aucune faute et a fait valoir ses droits en utilisant les voies de droit, étant précisé que le recouvrement forcé se fait en vertu d'un titre exécutoire définitif.
Dans ses dernières conclusions, Mme [S] [M] épouse [B], intimée à titre principal, et appelante à titre incident, demande à la cour, de :
« Débouter la société Eos France de toutes ses demandes.
Confirmer la décision rendue le 04 juillet 2024 par Monsieur le juge de l'exécution en ce qu'il a :
- déclaré abusive la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc,
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à rembourser à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 2 251,33 euros prélevée sur le compte outre les intérêts au taux légal à compter de la signifcation de la présente décision ;
- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation aux dépens de l'instance ;
Recevoir Mme [S] [B] en son appel incident.
Réformer la décision rendue le 04 juillet 2024 par Monsieur le juge de l'exécution en ce qu'il a :
- déclaré valable la saisie-attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] ép. [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc
- condamné la société Eos France, es qualité de mandataire recouvreur du fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, à payer à Mme [S] [M] ép. [B] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice ;
Y faisant droit,
Vu l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution,
Recevoir Mme [S] [M] épouse [B] en ses contestations
Vu les dispositions de l'article 1690 du code civil
Vu les dispositions des articles 1321 à 1326 du code civil,
Vu les dispositions des articles L111-1 à L111-11 du code des procédures civiles d'exécution,
Enjoindre la société Eos à prouver sa qualité à agir et de produire son mandat.
Enjoindre le demandeur à produire les actes de cession en original.
Enjoindre la société le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A à produire l'original de l'acte de cession de créance en date du 29 novembre 2023 et en préciser la date certaine ainsi que la qualité de son signataire.
Enjoindre la société le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à produire la notification au débiteur.
Vu les dispositions de l'article 1690 du code civil,
Et, à défaut, vu les dispositions de l'article 1324 du code civil,
Déclarer inopposable à Mme [S] [B] la cession de créance revendiquée par le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A,
Vu la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005
Vu l'article L 121- 2 du code des procédures civiles d'exécution
Enjoindre la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à produire le titre sur lequel elle se fonde pour pratiquer la saisie.
Déclarer nulle la saisie attribution pratiquée, le 03 octobre 2023, sur les comptes ouverts au Crédit agricole du Languedoc de Mme [S] [B] par la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A,
Ordonner la mainlevée de la saisie attribution réalisée le 03 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [B] ouverts au Crédit agricole du Languedoc :
- compte chèque n°05729920001
- compte LDD n°05729920220
- compte livret A n°03485013270
Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil
Vu la faute de la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A
Condamner la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à porter et payer à Mme [S] [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
À titre subsidiaire,
Enjoindre la société de gestion Eurotitrisation à produire le mandat spécial lui permettant de procéder au recouvrement des créances cédées.
Après production du mandat spécial, enjoindre le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A et la société de gestion Eurotitrisation à produire la notification au débiteur de la cession.
Condamner la société de gestion Eurotitrisation, représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, à porter à payer à Mme [S] [B] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens. ».
Mme [S] [M] épouse [B] fait valoir qu'elle n'a jamais été avisée de la cession de créances du 14 juin 2012 et que la qualité à agir de la société EOS France n'est pas établie outre le fait qu'elle doit justifier d'un mandat spécial. Elle explique par ailleurs que la même société devra justifier de la notification de la cession de créance à la débitrice faute de quoi celle-ci ne lui est pas opposable.
Elle explique que le créancier doit justifier de son titre exécutoire et que, par ailleurs, ce dernier est prescrit au regard de la prescription décennale issue de la loi du 17 juin 2008.
Elle estime également que la saisie opérée revêt un caractère abusif dès lors que la cession de créance s'inscrit dans des pratiques commerciales déloyales, trompeuses et agressives contre les consommateurs. Elle affirme que la saisie est abusive puisque, d'une part, le créancier fait pratiquer la mesure d'exécution en cause plus de 20 ans après la signification du titre exécutoire, la première tentative de recouvrement forcé de la créance datant par ailleurs du 6 octobre 2020 et, d'autre part, la totalité des sommes versées se rapprochant du principal alors que la créance revendiquée avoisine un montant identique. Enfin, elle explique que la procédure, par son caractère brutal, abusif et vexatoire lui a causé un préjudice, outre le fait que l'appelante n'a pas fait procéder à la levée de la saisie malgré le caractère exécutoire de la décision.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la qualité à agir de la société EOS France
Selon l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».
Concernant la qualité agir de la société EOS France, il sera constaté que la saisie-attribution litigieuse a été exercée par le fonds commun de titrisation Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation qui sera d'ailleurs assigné par Mme [S] [M], épouse [B] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès.
S'agissant de « l'intervention » de la société EOS France, cette dernière résulte non d'un mandat pour reprendre le recouvrement de la créance ainsi que l'indique l'intimée mais d'un mandat spécial du 26 mars 2024 émanant de la société Eurotitrisation et mandatant la société EOS France de représenter le fonds commun de titrisation Foncred-II A devant le juge de l'exécution d'Alès dans le cadre de l'assignation déposée par Mme [S] [M], épouse [B].
Par conséquent, il est justifié de la qualité agir de l'appelante et la demande de production de pièces est sans objet.
Sur l'intervention de la société Eurotitrisation et la cession de créances
Selon l'article L 214-169 2° du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable au présent litige « lorsqu'elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs ;
3° La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des autres accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires et les créances professionnelles cédées à titre de garantie ou nanties dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 et suivants, de même que l'opposabilité de ce transfert aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité ».
Il s'en suit que l'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau (Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-16.042).
La cession de créance est soumise aux dispositions du code monétaire et financier et notamment à ses articles L. 214-169 à L. 214-172, qui prévoient, d'une part, que la cession est opposable de plein droit dès la date apposée sur le bordereau et, d'autre part, que le débiteur doit être informé de l'entité en charge du recouvrement, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement.
En l'espèce, il est justifié par l'acte de cession de créances du 14 juin 2012 que la CA Consumer Finance a cédé au fonds commun de titrisation Foncred II avec attribution desdites créances au compartiment Foncred IIA représenté par Eurotitrisation la créance détenue à l'encontre de Mme [S] [M] épouse [B] confirmé par un bordereau établi le 29 novembre 2023.
Il est également établi que Mme [S] [M] épouse [B] a une connaissance de cette cession de créances notamment par le commandement de payer aux fins de saisie vente du 6 octobre 2020 et le procès-verbal de saisie attribution du 9 décembre 2020.
Par conséquent, il est justifié de la cession de créance et la demande de production de pièces est sans objet.
Sur le recouvrement effectué par EOS France
Selon l'article L 214-72 du code monétaire et financier dans sa version applicable au présent litige lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme de financement, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.
La société de gestion, en tant que représentant légal de l'organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d'un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet.
En cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire ».
En l'espèce, il résulte du bordereau de l'acte de cession de créances du 29 novembre 2023 que, suite à la cession précitée intervenue le 14 juin 2012, la SA EOS Credirec a été mandatée afin de recouvrer la créance de Mme [S] [M] épouse [B]. Il apparaît dans un courrier du 16 mai 2014 et du 10 février 2015 que l'information en est donnée à Mme [S] [M] épouse [B].
Il apparaît, par ailleurs, que la SA EOS Credirec est devenue le 16 novembre 2018 à compter du 1er janvier 2019 EOS France et que la débitrice en été informée par courrier du 22 août 2023 ainsi que dans le cas de la présente procédure.
Par conséquent, l'ensemble des moyens invoqués sur ce fondement sera rejeté.
Sur la prescription du titre exécutoire
Selon l'ancien article 2262 du code civil « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».
Selon l'article 23 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile « après l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé : Art. 3-1.-L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article 3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».
Selon l'article L 111-4 du code des procédures d'exécution forcée résultant de l'ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011, « l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa ».
Selon l'article 2240 du code civil « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ».
Selon l'article 2244 du code civil « le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée ».
En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 1er avril 2003 a été signifié le 10 juillet 2003. Il s'en suit qu'au 18 juin 2008, suite à la réforme intervenue en matière de prescription, le délai de prescription qui continuait à courir a été portée à une durée de 10 ans.
Il est justifié par l'intimée de versements volontaires et réguliers de la débitrice de la somme de 45 euros entre le 1er août 2008 jusqu'au 25 novembre 2010 et d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 6 octobre 2020 puis d'un procès-verbal de saisie-attribution le 9 décembre 2020.
Par conséquent, le titre exécutoire n'est pas prescrit et la demande de production de pièces est par conséquent sans objet.
Sur le caractère abusif de la saisie-attribution
Selon l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution « le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ».
Mme [S] [M] épouse [B] soutient, en s'appuyant sur la jurisprudence européenne, que la cession spéculative de créance constitue une pratique commerciale déloyale rendant la cession de créance inopposable et la procédure en exécution forcée abusive.
L'article 5 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, repris à l'article L. 121-1 du code de la consommation, interdit les pratiques déloyales si elles sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et si elles altèrent ou sont susceptibles d'altérer le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen et l'article 2 c) définit le produit aux fins de la directive comme tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et obligations.
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (directive sur les pratiques commerciales déloyales), doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d'application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société (et que) relèvent de la notion de produit, au sens de l'article 2, sous c), de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance. À cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution. (CJUE, 20 juillet 2017, 'Gelvora' UAB (aff. C-357/16))
Cependant, il sera observé d'une part que cette décision ne remet pas en cause les cessions de créance en elles-mêmes, quand bien même elles auraient un caractère spéculatif et d'autre part qu'elle ne conclut pas à l'inopposabilité d'une cession de créance en cas de pratique commerciale déloyale, cette sanction ainsi que la nullité de l'acte d'exécution n'étant par ailleurs pas prévue par les dispositions applicables.
Par ailleurs, il ressort des pièces fournies par EOS France que suite à la condamnation du 1er avril 2003, le créancier a poursuivi le paiement intégral de la somme due. C'est ainsi que :
des paiements de la débitrice sont intervenus régulièrement à hauteur de 45 euros jusqu'en 2010
suite à l'arrêt des paiements, des tentatives de règlement par voie dite amiable (relances) sont intervenues : courrier du 18 novembre 2013, 12 décembre 2013, 16 mai 2014, 10 février 2015 et 22 août 2023
des mesures d'exécution forcée ont été diligentées le 6 octobre 2020 (saisie-vente), le 9 décembre 2020 (saisie-attribution)
Par conséquent, au regard de ces éléments et malgré l'ancienneté du titre exécutoire, il n'est pas démontré en quoi la cession de créance pourrait s'analyser, en l'espèce, en une pratique commerciale déloyale contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
De même, si le montant restant dû, hors frais, est de 2 303.99 euros, il n'en demeure pas moins que le créancier est en droit de poursuivre le recouvrement de sa créance et qu'il ne peut être retenu ainsi que l'a fait le premier juge que « le principal a été réglé dans sa quasi totalité » ou que « la dette est quasiment réglée ».
Il s'en suit que la saisie-attribution est régulière et bien-fondée et que Mme [S] [M] épouse [B] ne démontre pas le caractère abusif de la mesure d'exécution pratiquée.
Par conséquent, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution et en ce qu'elle a condamné la société EOS France au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive dès lors qu'il a été fait droit à la demande de l'appelante.
Sur les frais de l'instance :
Mme [S] [M] épouse [B], qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à EOS France une somme équitablement arbitrée à 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que Me Banuls pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré valable la saisie-attribution du 3 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] ;
Statuant à nouveau,
Dit que la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2023 sur les comptes de Mme [S] [M] épouse [B] par le fonds commun de titrisation Foncred II compartiment Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation est bien-fondée et ne revêt pas un caractère abusif ;
Rejette les demandes de Mme [S] [M] épouse [B] ;
Dit que Mme [S] [M] épouse [B] supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à EOS France une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que Me Banuls pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,