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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 16 mai 2025, n° 23/00203

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Trait D'union (SAS)

Défendeur :

Itm Alimentaire International (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Ribaut, Me Vidal, Me Leboucq Bernard, SCP Huvelin & associés, Me Deglaire

T. com. Paris, du 21 nov. 2022, n° 20210…

21 novembre 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Trait d'Union est une agence de communication.

La société Régiex Publicité avait la charge de la communication commerciale média et hors média et exerçait une activité d'agence de publicité et de régie publicitaire pour les différentes enseignes du Groupement des Mousquetaires, dont elle était membre.

Elle a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation avec transmission universelle de son patrimoine à la société ITM Alimentaire International (ci-après « ITM Alimentaire »), son associée unique, le 22 février 2022.

Dans le cadre de ses activités, la société Régiex Publicité était amenée à faire appel à des prestataires extérieurs, dont la société Trait d'Union, notamment pour la création de catalogues, prospectus et dépliants.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 novembre 2018, la société Régiex Publicité a rompu ses relations avec la société Trait d'Union avec effet au 15 avril 2019, soit un préavis de cinq mois, au motif d'une réorganisation interne au Groupement des Mousquetaires.

La société Trait d'Union a obtenu, après négociation avec la société Regiex Publicité, une prorogation du délai au 15 novembre 2019. Un protocole d'accord transactionnel a été établi par les sociétés Régiex Publicité et ITM Alimentaire International le 31 mai 2019 et signé par la société Trait d'Union le 21 janvier 2020.

Puis, au début de l'année 2021, la société Trait d'Union a sollicité de la part de la société Régiex Publicité la poursuite de leur collaboration aux motifs que le protocole d'accord transactionnel devait en organiser la poursuite et, qu'en outre, celui-ci était entaché de nullité pour défaut de signature de sa part.

Suivant exploit du 6 octobre 2021, la société Trait d'Union a fait assigner la société Régiex Publicité et la société ITM Alimentaire devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Trait d'Union de sa demande d'annulation du protocole transactionnel,

- débouté la société Trait d'Union de toutes ses demandes de condamnation de la société Régiex Publicité et de la société ITM Alimentaire,

- condamné la société Trait d'Union à payer à chacune des sociétés Régiex Publicité et ITM Alimentaire la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société Trait d'Union aux dépens.

La société Trait d'Union a formé appel du jugement par déclaration du 15 décembre 2022 enregistrée le 4 janvier 2023.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 février 2023, la société Trait d'Union demande à la cour :

- de recevoir l'appel de la société Trait d'Union juste sur le fond et régulier sur la forme,

- d'annuler le jugement entrepris

Subsidiairement,

- de réformer la décision en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau en toute hypothèse,

- d'annuler la lettre de rupture du 28 novembre 2018 et le protocole d'accord s'il existe,

En toute hypothèse, vu la rupture abusive des relations liant les parties,

- de condamner solidairement les intimées à verser à la société Trait d'Union la somme principale de 525.000 euros au titre du préavis, qui ne saurait être inférieur à 18 mois,

- de condamner les intimées à payer à la société Trait d'Union la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Si la cour s'estime insuffisamment informée,

- de désigner tel expert qu'il lui plaira, avec la mission visée dans les présents motifs,

En tout cas,

- de condamner les intimées à payer à la société Trait d'Union à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 mai 2023, la société ITM Alimentaire, agissant pour elle-même et aux droits de la société Régiex Publicité, demande à la cour, au visa des articles 2044 et suivants du code civil, de l'article L. 442-1-II du code de commerce et des articles 122 et suivants et 430 du code de procédure civile :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' débouté la société Trait d'Union de sa demande d'annulation du protocole transactionnel,

' débouté la société Trait d'Union de l'intégralité de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société ITM Alimentaire International, agissant pour elle-même et aux droits de la société Régiex Publicité,

Et y ajoutant,

- de dire la société Trait d'Union irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société ITM Alimentaire International, par l'effet de la transaction conclue par les parties,

- de débouter la société Trait d'Union de l'intégralité de ses autres demandes principales et subsidiaires :

' d'annulation du jugement entrepris,

' d'annulation de la lettre adressée par la société Régiex Publicité à la société Trait d'Union le 21 novembre 2018,

' de désignation d'expert,

- de condamner la société Trait d'Union à payer à la société ITM Alimentaire la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 16 janvier 2025.

* SUR CE, LA COUR,

Sur la nullité du jugement de première instance

La société Trait d'Union soutient que le jugement déféré est nul en ce que l'audience des plaidoiries devant le tribunal de commerce de Paris le 3 novembre 2022 s'est tenue sans la présence d'un greffier, alors que sa présence auprès de chaque juge qui tient une audience civile est imposée par la législation sauf exception légale, ce qu'elle a fait remarquer par courriel en date du 4 novembre 2022 au magistrat ayant tenu seul l'audience.

La société ITM Alimentaire International réplique qu'aucune disposition légale n'impose la présence du greffier au cours de l'audience des plaidoiries dès lors que la société Trait d'Union n'a fait aucune opposition dès l'ouverture des débats concernant l'absence de greffier et que le courriel du 4 novembre 2022 envoyé par le conseil de la société Trait d'Union est, d'une part, insuffisant pour constituer une contestation de régularité et, d'autre part, trop tardif.

Aux termes de l'article R. 741-1 du code de commerce :

« Le greffier assiste les juges du tribunal de commerce à l'audience et dans tous les cas prévus par la loi.

Il assiste le président du tribunal de commerce dans l'ensemble des tâches administratives qui lui sont propres. Il assure son secrétariat.

Il l'assiste dans l'établissement et l'application du règlement intérieur de la juridiction, dans l'organisation des rôles d'audiences et la répartition des juges, dans la préparation du budget et la gestion des crédits alloués à la juridiction. Il procède au classement des archives du président.

Dans les tribunaux de commerce dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, le greffier, en accord avec le président, affecte en permanence aux tâches prévues aux deuxième et troisième alinéas du présent article un ou plusieurs agents du greffe. Leur nombre, dans chaque juridiction, est fixé par le même arrêté.

Le ou les agents du greffe ainsi désignés sont placés sous la seule autorité fonctionnelle du président ; ils sont soumis aux règles applicables au personnel des greffes. »

Si le texte précité prévoit l'assistance du juge à l'audience par le greffier, il apparaît que les parties étaient toutes deux représentées à l'audience de plaidoiries et que nulle remarque n'a été faite à cette occasion. Le jugement mentionne en page 3 : « A cette audience, à laquelle les parties se sont présentées, le juge, après avoir entendu les parties, a clos les débats, mis l'affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé le 21 novembre 2022 par sa mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. ». Le conseil de la société Trait d'Union n'a formulé des observations que par courriel du 4 novembre 2022, soit en cours de délibéré, en ces termes succincts : « Je regrette l'absence de greffier à votre audience. ».

Il résulte des éléments précités que le jugement querellé n'encourt aucune nullité et la société Trait d'Union sera ainsi déboutée de sa demande à cette fin.

Sur l'existence du protocole d'accord transactionnel

La société Trait d'Union soutient que le protocole d'accord transactionnel, en tant que contrat régi par le droit des obligations, nécessite l'accord de toutes les parties, matérialisé par leurs signatures. Elle en déduit que les sociétés ITM Alimentaire et Régiex Publicité n'ayant pas signé le protocole, il ne lui est pas opposable.

La société ITM Alimentaire International réplique que l'absence de signature du protocole par la société Régiex Publicité et elle-même est indifférente car elles ne contestent ni l'existence, ni le contenu d'un protocole qu'elles ont établi et adressé à la société Trait d'Union et fait valoir que la société Trait d'Union, après avoir elle-même relevé avoir signé un document appelé protocole d'accord, ne peut prétendre que ce même document ne lui serait pas opposable.

Aux termes de l'article 2044 du code civil :

« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Il n'est pas contesté que le protocole litigieux ne comporte que la signature de la société Trait d'Union.

Il a été établi le 31 mai 2019 par les sociétés Régiex Publicité et ITM Alimentaire International qui n'en contestent ni l'existence ni le contenu. La société Régiex avait préalablement accepté un report au 15 novembre 2019 de la date de fin de leurs relations commerciales, par courriel du 20 mars 2019, et la société Trait d'Union avait, par courriel du 11 avril 2019, demandé à ce que ce report soit formalisé.

La société Trait d'Union a donc signé le protocole le 23 janvier 2020.

Ainsi, ce protocole fait suite à des négociations entre les parties, la société Régiex Publicité ayant d'abord notifié à la société Trait d'Union la fin de leurs relations avec un préavis de cinq mois expirant au 15 avril 2019 et la société Trait d'Union ayant réclamé une prolongation au 31 décembre 2019. Après avoir refusé toute prorogation, la société Régiex a ensuite accepté une prolongation au 31 août 2019 ' par lettre du 19 février 2019 ' puis, face à l'insistance de sa cocontractante qui sollicitait à nouveau par lettre en réponse du 26 février 2019 un délai allant jusqu'au 31 décembre 2019, les sociétés Régiex Publicité et ITM Alimentaire International ont établi un protocole transactionnel qu'elles ont adressé à la société Trait d'Union et que celle-ci a donc signé. Ce protocole prévoyait la prolongation du préavis jusqu'au 15 novembre 2019.

Les relations entre les parties se sont poursuivies conformément au protocole, ce qui démontre l'accord de toutes les parties sur celui-ci. L'absence de signature des sociétés Régiex et ITM, désignées dans l'acte par le seul vocable « ITM », qui sont à l'origine de sa rédaction d'ailleurs et l'ont appliqué est donc indifférente et le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu l'existence dudit protocole.

Sur la recevabilité des demandes de la société Trait d'Union

La société ITM Alimentaire International soutient que les demandes de la société Trait d'Union sont irrecevables en ce que cette dernière, en signant le 23 janvier 2020 un protocole d'accord transactionnel portant exactement sur le même objet que le présent litige, a renoncé à son droit d'agir à l'encontre de la société ITM Alimentaire.

La société Trait d'Union réplique que les termes de l'article 2052 du code civil ne font pas obstacle à ce que son action soit déclarée recevable en ce que la présente action a pour finalité d'obtenir la nullité du protocole d'accord transactionnel.

En vertu de l'article 2048 du même code :

« Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »

En vertu de l'article 2052 du même code :

« La transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet. »

L'action de la société trait d'Union, fondée sur l'existence d'un vice du consentement affectant sa formation, tend à obtenir l'annulation du protocole transactionnel. Son objet est donc différent de celui de la transaction elle-même et est donc recevable.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit l'action de la société Trait d'Union recevable.

En revanche, la recevabilité des autres demandes formées par la société Trait d'Union dépend de l'issue de son action en nullité qu'il convient désormais d'examiner.

Sur la demande de nullité du protocole d'accord transactionnel pour vice du consentement

La société Trait d'Union soutient en premier lieu que le protocole d'accord transactionnel est entaché d'une nullité pour dol, d'une part, en ce que la société Régiex Publicité a motivé la rupture de leurs relations par la cessation de son activité alors que ce n'est que le 22 février 2022, soit plus de trois années après la lettre de rupture, qu'elle a déclaré sa dissolution sans liquidation avec transmission universelle de son patrimoine à la société ITM Alimentaire Publicité et qu'elle n'a ainsi jamais cessé son activité comme elle le prétendait dans sa lettre du 21 novembre 2018. L'appelante fait également valoir que le courriel de la société ITM Alimentaire du 21 janvier 2020 l'incitant à signer le protocole pour poursuivre leurs relations était mensonger dans la mesure où aucune poursuite des relations n'a eu lieu. La société Trait d'Union soutient en second lieu que le protocole d'accord transactionnel est entaché d'une nullité pour erreur, d'une part, car n'ayant jamais eu de relations contractuelles avec la société ITM Alimentaire, il ne peut y avoir une convention qui mette fin à des relations contractuelles inexistantes et que le vocable « ITM » tout au long du protocole avait pour finalité de la tromper. D'autre part, elle fait valoir que le protocole est dépourvu d'objet et qu'est ainsi caractérisée une erreur sur la substance du contrat entraînant sa nullité en ce qu'il n'y a jamais eu de préavis notifié par la société ITM Alimentaire à la société Trait d'Union et qu'elles n'ont jamais eu la moindre relation contractuelle.

La société ITM Alimentaire réplique d'abord que la société Régiex Publicité n'avait pas annoncé en novembre 2018 sa dissolution mais uniquement la cessation à venir de ses activités. Elle ajoute ensuite que la seule existence de la société Régiex Publicité au moment de l'assignation n'impliquait pas qu'elle poursuivait ses activités. Elle fait valoir enfin que la société Trait d'Union ne démontre pas en quoi les prétendus mensonges auraient été déterminants de son consentement au protocole d'accord transactionnel. La société ITM Alimentaire fait valoir en second lieu que le protocole d'accord transactionnel n'est pas dépourvu de cause et de contrepartie d'une part car l'ensemble des engagements formellement souscrits par « ITM » dans le protocole obligent à la fois la société Régiex Publicité et la société ITM Alimentaire et, d'autre part, n'est pas dépourvu d'objet en ce que la société ITM Alimentaire, présente dans le protocole, avait pour vocation de suppléer la société Régiex Publicité à l'issue de la cessation d'activité de sorte qu'aucune intention malicieuse susceptible de vicier le consentement de la société Trait d'Union n'en résulte.

Aux termes de l'article 1130 du code civil :

« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »

En vertu de l'article 1132 du même code :

« L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

En vertu de l'article 1137 du même code :

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

Afin d'apprécier le bien-fondé de l'action en nullité initiée par la société Trait d'Union à l'encontre des sociétés intimées, il importe de retracer les circonstances ayant présidé à son élaboration.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2018, la société Régiex Publicité écrit à la société Trait d'Union :

« Après plusieurs années d'activité, notre Groupement s'est prononcé en faveur de la cessation d'activité de Régiex Publicité afin d'améliorer la communication de notre Groupement et de nos enseignes. Cette décision vise à refondre notre communication pour répondre aux besoins et attentes de nos clients.

Compte tenu de cette décision stratégique, Régiex Publicité n'assurera plus les missions qui lui étaient historiquement confiées par le Groupement.

En conséquence, nous vous informons que notre relation prendra fin après un préavis de cinq mois à compter de la réception de la présente lettre soit le 15 avril 2019. »

La société Trait d'Union, invoquant l'ancienneté de leurs relations commerciales et sa dépendance économique, sollicite, par lettre du 28 novembre 2018, une prolongation du préavis au 31 décembre 2019. Elle ajoute : « Nous souhaitons aussi bien entendu être force de propositions avec l'entité ITM Alimentaire afin de poursuivre nos bonnes relations commerciales avec le groupement. Trait d'Union a toujours imaginé les bonnes solutions créatives mais aussi et surtout économiques pour le groupement. ». Elle réitère sa demande de prolongation par lettre du 19 décembre 2018. Elle formule également cette demande auprès de la société ITM Alimentaire International par lettre du 10 janvier 2019.

La société Régiex Publicité répond de façon circonstanciée par lettre du 19 février 2019, réfutant toute responsabilité dans la situation de dépendance évoquée par sa cocontractante et indiquant être réservée sur la durée du préavis, le chiffre d'affaires et les préjudices revendiqués. Elle accepte néanmoins une prolongation de leurs relations, avec maintien du volume actuel de commandes, au 31 août 2019.

La société Trait d'Union maintient cependant par lettre du 20 février 2019 auprès de ITM et du 26 février 2019 auprès de Régiex sa demande de prolongation jusqu'au 31 décembre 2019 qui « permettrait à Trait d'Union de ne pas se retrouver en péril. ».

Par courriel du 21 février 2019 la société Trait d'Union écrit à M. [R] [P] de ITM « Nous espérions une prolongation jusqu'au 31 décembre 2019. (') Pourriez-vous réétudier votre position ' ».

Suivant courriel du 20 mars 2019, la société ITM Alimentaire International écrit à la société Trait d'Union :

« Je reviens vers vous comme convenu, afin de vous réaffirmer notre volonté de répondre, du mieux possible, au souhait de prolongation de la période de préavis que vous nous aviez exprimé. Aussi, je vous réitère notre proposition de cet après-midi, qui est de prolonger cette période au 15/11/2019. J'ai noté que vous souhaitiez échanger avec vos associés au sujet de cette proposition, et vous remercie d'avance comme convenu, de vos nouvelles d'ici la fin de semaine. Sur la base de votre retour, nous pourrons ensuite formaliser l'accord rapidement. »

La société Trait d'Union répond par courriel du même jour : « Nos courriers s'étant croisés, je vous confirme à nouveau que Trait d'Union accepte votre proposition de prolonger nos relations commerciales jusqu'au 15/11/19. ». Les 22 mars et 11 avril 2019 elle sollicite la formalisation de l'accord.

Celui-ci est finalement été établi le 31 mai 2019.

Par courriel le 21 janvier 2020, la société ITM Alimentaire réclame la signature du protocole en ces termes :

« Tout d'abord, je vous souhaite mes meilleurs v'ux et m'excuse pour mon manque de disponibilité en fin d'année, qui explique mon silence.

J'échangeais avec notre juridique, qui m'informe que nous ne pouvons reparler d'une poursuite de notre collaboration qu'à la condition que vous ayez signé le protocole, ce qui n'est, à ma connaissance, pas encore le cas.

Pourriez-vous vous rapprocher de [J] [B], en copie de ce mail, si vous avez des questions à ce sujet ' Nous pourrons ensuite convenir d'un rdv, téléphonique ou de visu selon ce que vous préférez. »

Le protocole est ensuite signé par la société Trait d'Union le 23 janvier 2020.

Les parties ont donc échangé à maintes reprises avant l'établissement dudit protocole par les sociétés Régiex et ITM et sa signature par la société Trait d'Union.

L'article 1 « Objet » du protocole contient les dispositions suivantes :

« Le présent protocole a pour objet :

- de prévenir le différend entre les parties visé au préambule relatif aux modalités d'exécution et à la fin de leur relation commerciale,

de définir les concessions et engagements réciproques pris par chacune des parties, et

- de prolonger le préavis notifié par ITM à Trait d'Union jusqu'au 15 novembre 2019, date à laquelle la relation entre les parties cessera.

Trait d'Union reconnaît et accepte expressément :

- avoir été informée le 21 novembre 2018 de l'intention d'ITM de mettre fin à leur relation commerciale,

- que le préavis, initié à cette date, s'achèvera le 15 novembre 2019, et

- qu'il ne saurait en conséquence exister un quelconque caractère brutal dans l'arrêt de sa relation avec ITM. »

L'article 4 ' Transaction est ainsi libellé :

« Les parties conviennent que le présent protocole, dans le cadre duquel des concessions réciproques ont été faites, est établi conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil relatifs à la transaction et fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre elles d'une action en justice ayant le même objet.

Le présent protocole, qui a été librement et volontairement négocié par les parties, exprime l'intégralité de leurs obligations au jour de sa signature et chacune d'entre elles déclare qu'elle n'a aucune autre prétention à soulever dans le cadre du règlement du différend à naître exposé au préambule. (...) ».

Le contenu du protocole litigieux est conforme aux discussions préalables intervenues entre les parties. La société Trait d'Union a obtenu un report du délai de préavis de plusieurs mois et les pièces versées aux débats montrent que les commandes de prestations ont bien été maintenues jusqu'au 15 novembre 2019 conformément audit protocole et qu'elles se sont même poursuivies jusqu'au 31 décembre 2019, comme sollicité par l'appelante. La confusion dont se prévaut la société Trait d'Union entre les sociétés Régiex Publicité, sa cocontractante initiale, et la société ITM Alimentaire International, venant désormais aux droits de la première, n'a jamais été évoquée lorsque les discussions avaient cours. La société Trait d'Union écrivait alors aux deux entités et elle a signé le protocole sans remettre en cause le vocable commun « ITM » par lequel celles-ci étaient désignées, ITM AI étant au demeurant l'associée unique de Régiex Publicité.

Comme il ressort de courriers échangés ultérieurement, en 2020 et 2021, si les parties avaient un temps envisagé une éventuelle reprise de la collaboration avec le nouveau prestataire à la suite de la demande en ce sens formée par la société Trait d'Union, les besoins du Groupement les Mousquetaires ont été bouleversés par la crise du Covid 19 survenue au printemps 2020 et ces nouveaux échanges n'ont pas abouti.

La société Régiex Publicité a, in fine, mis fin aux relations entre les parties en respectant un préavis raisonnable au regard de leur durée et la société Trait d'Union échoue ainsi à démontrer l'existence d'un vice, dol ou erreur, affectant la formation de la transaction. Celle-ci a d'ailleurs été exécutée par les parties.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la société Trait d'Union de sa demande d'annulation du protocole transactionnel.

Il sera également confirmé en ce qu'il a dit que l'objet de l'action de la société Trait d'Union, résidant dans la rupture abusive des relations et la réparation des préjudices causés par la brutalité de la rupture, était identique à celui du protocole transactionnel.

Il sera ajouté que la société Trait d'Union doit, en application de l'article 122 du code de procédure civile, être déclarée irrecevable en ses demandes tendant à l'annulation de la lettre de rupture, à l'obtention de dommages et intérêts et à la désignation d'un expert.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Trait d'Union succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il apparaît en outre équitable de la condamner à verser à la société ITM alimentaire International la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DEBOUTE la société Trait d'Union de sa demande de nullité du jugement ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et et y ajoutant,

DECLARE la société Trait d'Union irrecevable en ses demandes tendant à l'annulation de la lettre de rupture, à l'obtention de dommages et intérêts et à la désignation d'un expert ;

CONDAMNE la société Trait d'Union aux dépens ;

CONDAMNE la société Trait d'Union à payer à la société ITM Alimentaire International la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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