CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 16 mai 2025, n° 24/17537
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Uavia (SAS)
Défendeur :
SCI Ford (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lagemi
Conseiller :
Mme Gaffinel
Avocats :
Me Bellichach, Me Rotan, Me Rezeau
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Président et par Jeanne BELCOUR, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Le 13 septembre 2016, la société Ford a consenti à la société Uavia un bail commercial portant sur un local d'environ 334 m², situé [Adresse 1] à [Localité 3] (Val-de-Marne), à usage de toute activité tertiaire, moyennant un loyer annuel de 67.200 euros hors taxe et hors charges, payable mensuellement à terme à échoir. Les parties ont convenu que le loyer mensuel serait fixé, durant les six premiers mois, à la somme de 4.480 euros et, pour les douze mois suivants, à celle de 6.160 euros, de laquelle sera déduite mensuellement la somme de 400 euros pendant autant de mois que le preneur n'aura pas eu la jouissance de l'atelier auvant dont la construction avait été prévue.
Le 14 mai 2020, la société Ford a fait délivrer à la société Uavia un commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour un montant de 21.444,69 euros au titre des loyers et charges des mois de mars, avril et mai 2020. Le 24 juin 2020, la société Ford a fait délivrer à sa locataire un second commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour la somme en principal de 28.592,92 euros au titre des loyers et charges des mois de mars à juin 2020 inclus.
C'est dans ces conditions, que la société Ford a assigné la société Uavia devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins, notamment, de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail et paiement d'une provision.
Après avoir ordonné une mesure de médiation, le juge des référés a, par ordonnance du 11 janvier 2021, ordonné à la société Ford de communiquer à la société Uavia, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours après la signification de la décision, les documents prévus à l'arrêté du 8 octobre 1987 concernant l'installation de la ventilation, enjoint aux parties de poursuivre la médiation sur les autres points du litige, à laquelle elles ont été invitées à recourir par ordonnance du 17 novembre 2020, et les a renvoyées à une audience ultérieure.
Par ordonnance du 25 mars 2021, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes et a condamné la société Ford à payer à la société Uavia la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Ayant soutenu que la société Ford n'avait pas déféré à l'obligation mise à sa charge par l'ordonnance du 11 janvier 2021, la société Uavia l'a assignée devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil, qui, par jugement du 19 novembre 2021 a liquidé l'astreinte à la somme de 64.000 euros et a condamné la société Ford à la régler, fixé une nouvelle astreinte de 500 euros par jour de retard et mis à la charge de cette dernière les dépens de l'instance et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de 3.000 euros.
Par arrêt du 10 novembre 2022, cette cour a, infirmant partiellement le jugement susvisé, liquidé l'astreinte à la somme de 30.000 euros pour la période courant du 10 février 2021 jusqu'en octobre 2021, condamné la société Ford au paiement de cette somme, dit n'y avoir lieu au prononcé d'une nouvelle astreinte, débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens d'appel à la charge de la société Uavia.
Préalablement à cet arrêt, la société Uavia a fait procéder, par acte du 7 janvier 2022, à une saisie-attribution entre les mains de la Fédération Constant Chevillon, autre locataire de la société Ford, en exécution du jugement du 19 novembre 2021 pour la somme totale de 72.372,07 euros, correspondant à la liquidation de l'astreinte prononcée à hauteur de 64 000 euros, à l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles, aux dépens, aux intérêts échus et aux frais.
Par jugement du 21 juillet 2022, le juge de l'exécution a, notamment, fixé le montant restant dû par la société Ford à la société Uavia au titre de la créance ayant fondé la saisie-attribution précitée, à la somme de 51.997,59 euros, ordonné la mainlevée partielle de cette mesure à hauteur de 20.374,48 euros, celle-ci étant cantonnée à la somme de 51.997,59 euros.
Parallèlement, la société Uavia a fait pratiquer, par actes du 7 janvier 2022, deux saisies-attribution, entre ses mains, pour, la première, la somme globale de 72.003,09 euros et, la seconde, celle de 71.500,69 euros, en exécution du jugement du 19 novembre 2021.
Par acte du 20 septembre 2023, la société Ford a assigné la société Uavia devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins, notamment, de condamnation au paiement de la somme de 75.278,54 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, au titre de l'arriéré locatif, ultérieurement porté à la somme de 99.714,67 euros
Par ordonnance du 27 septembre 2024, le premier juge a :
condamné la société Uavia à payer à la société Ford une provision d'un montant de 57.841,66 euros à valoir sur les loyers et taxes impayés pour les années 2020, 2021, 2023 et jusqu'au mois de février 2024 inclus, déduction faite de la somme de 4.026,67 euros correspondant aux provisions sur charges comptabilisées entre novembre 2016 et novembre 2023 qui est sérieusement contestable ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement d'une provision au titre des loyers et taxes dus pour l'année 2022 et sur la demande de provision de la société Uavia au titre d'un manquement du bailleur à l'obligation de délivrance du local loué en raison de l'absence d'équipement d'une connexion internet haut débit ;
dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
condamné la société Uavia à payer à la société Ford la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté la demande de la société Uavia en application de ce texte ;
condamné la société Uavia aux dépens.
Par déclaration du 14 octobre 2024, la société Uavia a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 janvier 2025, la société Uavia demande à la cour de :
la juger recevable et bien fondée en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes ;
débouter la société Ford de l'ensemble de ses demandes ;
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir qu'elle avait soulevée au titre des loyers 2020 en raison de l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du '23 mars 2021' ;
Statuant à nouveau,
juger irrecevable la demande de la société Ford tenant à sa condamnation par provision à lui payer la somme de 28.592,92 euros au titre des loyers échus au cours de l'année 2020 comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance susvisée ;
Réparant l'omission de statuer commise par le premier juge,
juger irrecevables l'ensemble des demandes de la société Ford comme se heurtant à des contestations sérieuses définitivement établies par la décision du '23 mars 2021' bénéficiant de l'autorité de chose jugée ;
juger irrecevable la demande de compensation formée par la société Ford comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée aux décisions des 21 juillet 2022, 19 novembre 2021 et 10 novembre 2022 ;
Si la Cour devait juger recevable tout ou partie des demandes de la société Ford,
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée par provision à payer la somme de 57.841,66 euros ;
Statuant à nouveau,
débouter la société Ford de l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à son encontre ;
débouter, le cas échéant, la société Ford de sa demande de compensation ;
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé que la société Ford était tenue de lui payer la somme de 4.026,67 euros au titre des provisions réglées sans justificatifs ;
condamner par provision la société Ford à lui payer la somme de 4.026,67 euros à ce titre ;
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Ford au paiement de la somme provisionnelle de 13.093,68 euros dont elle se reconnaît débitrice au titre de la liquidation de l'astreinte ;
Statuant à nouveau,
condamner, par provision, la société Ford à lui payer la somme de 13.093,68 euros à ce titre ;
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Ford au paiement de la somme provisionnelle de 55.440,98 euros TTC en réparation du préjudice causé par le surcoût engendré par l'abonnement fibre qu'elle a été contrainte de souscrire pour pallier la carence du bailleur ;
Statuant à nouveau,
condamner, par provision, la société Ford à lui payer la somme de 55.440,98 euros TTC à ce titre ;
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
condamner, par provision, la société Ford à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 décembre 2024, la société Ford demande à la cour de :
déclarer la société Uavia irrecevable et mal fondée en son appel ;
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Uavia à lui payer, à titre provisionnel, les loyers des années 2020, 2021 et 2023 ;
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Uavia de ses demandes reconventionnelles ;
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déduit des sommes dues par la société Uavia la somme de 4.026,67 euros ;
Y ajoutant :
condamner la société Uavia à lui payer, à titre provisionnel, les loyers de l'année 2024 ;
En conséquence :
condamner la société Uavia à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 83.385,65 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2023 ;
infirmer l'ordonnance pour le surplus ;
Et statuant à nouveau,
condamner la société Uavia à lui payer, à titre provisionnel, les loyers de l'année 2024 ;
condamner la société Uavia à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 41.024,89 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter des conclusions ;
condamner la société Uavia à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le 19 mars 2025.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité des demandes de la société Ford
La société Uavia soutient que la demande de provision formée par la société Ford au titre de l'arriéré locatif de l'année 2020 est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 25 mars 2021 ayant dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble de ses demandes en ce compris la demande de provision au titre de cet arriéré locatif.
Selon l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas au principal, l'autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.
Au cas présent, s'il est exact que l'ordonnance du 25 mars 2021 a dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de la société Ford, cette disposition du dispositif auquel est attachée l'autorité de la chose jugée, ne peut se comprendre qu'à la lecture des motifs de la décision.
Il résulte de ces motifs dont il peut être tenu compte sans violation du principe de la contradiction, contrairement à ce que tente de soutenir la société Uavia, dès lors que cette décision a été régulièrement produite aux débats, que le juge des référés s'est prononcé, à l'époque, en tenant compte de la crise sanitaire ayant débuté en mars 2020 et des dispositions législatives et réglementaires prises alors pour limiter les conséquences de cette crise pour les entreprises dont l'activité a été affectée par celle-ci.
La crise sanitaire a depuis cessé et les dispositions susvisées n'étaient plus d'actualité lors de l'introduction de l'instance suivant acte du 20 septembre 2023, ce qui constituent une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile. La demande en paiement des loyers dus au titre de l'année 2020 est donc recevable.
La société Uavia soutient encore que l'ordonnance du 25 mars 2021 ayant retenu des contestations sérieuses sur la demande en paiement des loyers, tenant à la non-conformité des locaux et aux normes applicables notamment, en matière de ventilation et de qualité de l'air, l'ensemble des demandes en paiement au titre de l'arriéré locatif est irrecevable en l'absence de circonstances nouvelles propres à remettre en cause ces contestations sérieuses.
Mais, contrairement à ce que soutient la société Uavia, pour dire n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de la société Ford, l'ordonnance du 25 mars 2021 ne retient que les conséquences de la crise sanitaire sans évoquer les moyens tenant à la non-conformité des locaux.
En tout état de cause, la société Uavia ne démontre pas que le juge des référés, saisi en 2020 et ayant statué par trois décisions en date des 17 novembre 2020, laquelle a enjoint aux parties de suivre une médiation, 11 janvier 2021, laquelle a ordonné à la société Ford de communiquer des pièces sous astreinte, ordonné la poursuite de la médiation et renvoyé l'affaire à l'audience du 1er mars 2021 et, 25 mars 2021, qui a dit n'y avoir lieu à référé, a été appelé à se prononcer sur d'autres loyers que ceux dus en 2020. Dans ces conditions, la demande en paiement portant sur les loyers 2021 à 2024 est recevable.
Enfin, la société Uavia fait valoir que la demande de compensation se heurte également à l'autorité de la chose jugée de la décision susvisée mais aussi de celles du juge de l'exécution des 19 novembre 2021, 21 juillet 2022 et de l'arrêt de cette cour du 10 novembre 2022.
Toutefois, au regard des litiges opposant les parties, de l'existence de créances réciproques tenant aux différentes décisions rendues, il est manifeste que des comptes sont à faire entre elles. La compensation, possible en présence de créances réciproques certaines, liquides et exigibles, constitue un moyen de paiement. Ainsi, sous réserve de l'existence de telles créances et de la possibilité pour le juge des référés de l'ordonner, il doit être relevé que la demande de compensation ne peut se heurter à l'autorité de la chose jugée.
Sur les demandes de provisions
Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Sur la demande de la société Ford
La société Ford sollicite la condamnation de la société Uavia au paiement de la somme provisionnelle de 83.385,65 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2023, correspondant au :
solde des loyers dû au titre de l'année 2020 : 28.592,92 euros,
solde des loyers dû au titre de l'année 2021 : 16.158,12 euros,
solde des loyers dû au titre de l'année 2023 : 9.187,28 euros,
solde des loyers dû au titre de l'année 2024 : 29.447,33 euros.
Elle demande encore la somme provisionnelle de 41.024,89 euros au titre du solde des loyers dû au titre de l'année 2022, le premier juge ayant rejeté sa demande pour cette année en retenant une contestation sérieuse tenant aux sommes saisies dans le cadre de la saisie attribution pratiquée par la société locataire, entre ses mains.
La société Uavia fait observer que les montants sollicités ont varié sans aucune explication. Elle indique que le décompte produit ne tient pas compte des paiements qu'elle a effectués et, notamment de la saisie-attribution qu'elle a opéré sur la créance de loyers détenue sur elle-même. Elle explique qu'en exécution de cette mesure, elle a réglé, en 2022, son loyer entre les mains de l'huissier de justice, à hauteur de 54.667 euros se décomposant comme suit :
36.232,75 euros, le 16 mars 2022, correspondant aux échéances de loyer de novembre 2021 à mars 2022 ;
14.493,10 euros, le 9 mai 2022, correspondant aux échéances de loyer des mois d'avril à mai 2022 ;
3.941,42 euros, le 19 juillet 2022, somme ayant permis d'atteindre le montant total de la saisie pratiquée, et correspondant pour partie au loyer du mois de juin 2022, le reliquat, 3.305,13 euros, ayant été réglé au bailleur.
Elle considère que seul le juge de l'exécution aurait pu connaître de toute contestation à l'encontre de cette mesure d'exécution, mais qu'aucune contestation n'ayant été formée par la société Ford, la saisie est aujourd'hui définitive.
Elle conteste en outre la révision du loyer pratiquée par le bailleur, la cour observant que la société Uavia n'a expressément critiqué cette révision que pour les années 2023 et 2024 (page 23, 24 et 26 de ses dernières conclusions).
Pour l'année 2020, la société Uavia ne conteste pas que le montant appelé des loyers majorés des provisions pour charges s'est élevé à la somme globale de 87.488,60 euros et que le montant des loyers réglés s'est établi à la somme de 58.895,68 euros. Il en résulte un solde de 28.592,92 euros correspondant aux mois de mars à juin 2020.
Pour l'année 2021, il est établi par les avis d'échéance que le montant appelé des loyers et provisions pour charges s'est élevé à la somme globale de 88.623,62. La société Uavia reconnaît avoir réglé la somme de 72.465,50 euros, en ayant procédé à des règlements mensuels de 7.246,55 euros, soit un solde au titre de cette année de 16.158,12 euros.
Pour l'année 2022, les avis d'échéance produits démontrent qu'au titre de cette année, il a été appelé des loyers et provisions pour charges d'un montant total de 87.809,32 euros. La société Uavia soutient avoir réglé, au cours de cette année, la somme globale de 101.451,70 euros, soit la somme de 54.667,27 euros entre les mains de l'huissier de justice ayant pratiqué, à sa demande, une saisie-attribution entre ses mains en exécution du jugement du juge de l'exécution du 19 novembre 2021 (cette somme correspondant aux loyers des mois de novembre à décembre 2021 et de janvier à mi-juin 2022), et celle de 46.784,43 euros entre les mains de la société Ford, qui reconnaît avoir reçu cette dernière somme.
Mais, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge et à ce que soutient la société Uavia, il n'y a pas lieu de prendre en considération les sommes réglées entre les mains de l'huissier de justice.
En effet, il doit être tenu compte de l'arrêt intervenu le 10 novembre 2022 ayant infirmé le jugement du 19 novembre 2021 en limitant l'astreinte, précédemment liquidée à la somme de 64.000 euros, à celle de 30.000 euros, de sorte que la saisie-attribution réalisée le 7 janvier 2022 s'est trouvée pour partie dépourvue de cause à compter de l'arrêt partiellement infirmatif.
Par ailleurs, le bailleur justifie avoir réglé à la société Uavia la somme globale de 16.906,32 euros par chèques émis les 10 et 18 janvier 2022 au titre de la liquidation de l'astreinte, celui-ci reconnaissant devoir un solde de 13.093,68 euros.
Ainsi, en raison des dispositions de l'arrêt du 10 novembre 2022 et du paiement partiel effectué par le bailleur en janvier 2022, des comptes doivent être faits entre les parties pour déterminer le montant exact de la créance de la société Uavia au titre de la liquidation de l'astreinte. La cour ne peut considérer, au regard des motifs qui précèdent, que la créance locative a été acquittée par les paiements effectués entre les mains de l'huissier de justice en vue d'être reversés à la société Uavia en paiement de sa créance résultant d'un jugement partiellement infirmé.
Il en résulte, avec l'évidence requise en référé, que la créance locative n'a pas été réglée en totalité au titre de l'année 2022, tout comme elle n'a pu l'être pour les mois de novembre et décembre 2021.
Il apparaît donc, pour l'année 2022, un solde impayé de 41.024,89 euros (87.809,32 euros au titre des loyers et charges appelés - 46.784,43 euros au titre des sommes réglées au bailleur).
Pour l'année 2023, les avis d'échéance établissent que le montant des loyers et provisions pour charges appelés s'est élevé à la somme globale de 96.147,88 euros. Il n'est pas contesté que la société Uavia a réglé pour cette année la somme globale de 86.958,60 euros.
Pour contester le solde réclamé par la société Ford de 9.187,28 euros, la société Uavia s'oppose au paiement des taxes foncières facturées à hauteur de 4.118 euros HT dans l'avis d'échéance d'octobre 2023 en soutenant qu'aucun justificatif du montant de ces taxes ne lui a été adressé.
Il est relevé que le montant des taxes foncières 2023 est très supérieur à celui réclamé en 2021 (1.336 euros) et 2020 (1.261 euros), aucune somme n'ayant été facturée à ce titre en 2022. Il n'est pas davantage produit de pièce dans le cadre de la procédure d'appel pour justifier les taxes foncières 2023. Dans ces conditions, il existe une contestation sérieuse sur ces taxes dont le montant de 4.118 euros HT, soit 4.941,60 euros TTC, ne sera pas retenu.
La société Uavia conteste également la révision du loyer en considérant que la société Ford ne justifie ni du principe ni du quantum de l'augmentation du loyer. Elle soutient que le loyer ne peut être révisé que dans les conditions prévues aux articles L.145-37 et L.145-38 du code de commerce et qu'ainsi la révision du loyer ne peut intervenir qu'à compter du jour où le bailleur en formule expressément la demande, ce qui n'est pas justifié en l'espèce et ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une augmentation au titre des échéances de novembre et décembre 2023.
Il a été stipulé à l'article 8 du bail, intitulé 'révision du loyer' que 'le loyer pourra être révisé tous les ans en fonction de la valeur locative des locaux loués, mais sans pouvoir excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) publié par l'INSEE (T1 2016 : 108,40) dans les conditions et sous les exceptions prévues par les articles L.145-37 et L. 145-38 du code de commerce.'
Cette clause en ce qu'elle porte sur la révision du loyer ne peut s'appliquer qu'à compter de la demande expresse du bailleur tendant à l'augmentation de celui-ci, ce qu'il ne justifie pas avoir fait en 2023, année à partir de laquelle le preneur conteste cette révision.
En conséquence, il existe une contestation sérieuse sur l'augmentation réclamée au cours de l'année 2023.
Il sera donc retenu, pour cette année, le montant de l'échéance locative appelé lors de la précédente révision, n'ayant fait l'objet d'aucune critique, soit 7.277,46 euros TTC et, donc d'une créance annuelle de loyers de 87.329, 52 euros (7.277,46 x 12) hors taxes foncières.
En conséquence, pour cette année, le solde locatif dû n'apparaît pas sérieusement contestable à hauteur de 370,92 euros (87.329, 52 euros - 86.958,60 euros).
Pour l'année 2024, l'extrait du grand-livre des tiers produit démontre que la société Ford a appelé la somme globale de 101.912,88 euros. Cette pièce établit que la société Uavia a réglé un loyer mensuel majoré de la provision pour charges de 7.246,55 euros TTC pendant les dix premiers mois de l'année, soit la somme de 72.465,50 euros.
La société Uavia soutient avoir réglé les loyers de novembre et décembre 2024 et même celui de janvier 2025, et produit pour en justifier une pièce n°35, qui fait état, notamment, de deux virements SEPA d'un montant de 7.246,55 euros chacun, pour les mois de novembre et décembre 2024. Il apparaît donc qu'elle a réglé, en 2024, la somme globale de 86.958,60 euros.
Elle soulève les mêmes contestations qu'au titre de l'année 2023 sur le paiement des taxes foncières et de l'augmentation du loyer.
Au regard des motifs qui précèdent, la société Ford n'ayant pas justifié d'une demande de révision du loyer, ne peut, avec l'évidence requise en référé, prétendre à celle-ci pour 2024 et n'ayant pas justifié des taxes foncières pour la même année, sa demande à ce titre se heurte à une contestation sérieuse.
En conséquence, pour calculer le solde locatif restant dû au titre de l'année 2024, il sera tenu compte du montant du loyer mensuel dû en 2023 et donc d'une somme annuelle de 87.329, 52 euros (7.277,46 x 12), hors taxes foncières. Après déduction des sommes réglées par la société Uavia (86.958,60 euros), le solde s'établit donc à la somme de 370,92 euros.
Enfin, le bailleur reconnaît ne pas avoir procédé à la reddition des charges et accepte que les provisions pour charges d'un montant mensuel de 50 euros, représentant la somme globale de 4.026,67 euros soit déduite de la créance locative. S'agissant d'un élément de cette créance dont le montant non sérieusement contestable fera l'objet de la provision allouée, il y a lieu de déduire cette somme.
Ainsi, la créance non sérieusement contestable de la société Ford au titre de l'arriéré locatif 2020 à 2024, s'élève à la somme globale de 82.491, 10 euros TTC (28.592,92 euros + 16.158,12 euros + 41.024,89 euros + 370,92 euros x 2 - 4.026,67 euros).
La société Uavia conteste son obligation en invoquant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance en soutenant que les locaux loués ne présentent pas 'les caractéristiques suffisantes en termes d'aération et de sanitaires au regard de la réglementation', n'ont pas la surface contractuellement prévue dès lors qu'il est fait mention dans le bail d'une surface d'environ 334 m² et qu'un métreur a relevé une surface de 307,41 m² et ne sont pas équipés d'un accès internet fibre que le bailleur devait installer, ce qui l'a contrainte à procéder elle-même, en urgence et à grand frais à cette installation. Elle en déduit que, dans ces conditions, la créance de loyers ne revêt aucun caractère certain.
Mais, il est relevé d'une part, que la société Uavia ne justifie pas avoir été privée, même pour partie, de la jouissance des locaux qu'elle occupe et exploite depuis son entrée dans les lieux, d'autre part, que le terme 'environ', utilisé dans le bail pour déterminer la surface des locaux, montre qu'il s'agissait d'une valeur indicative, la cour observant que la différence de surface de l'ordre de 26 mètres, n'apparaît pas suffisamment significative pour établir, de surcroît, en référé, un défaut de conformité, et, enfin, que si le bailleur s'est engagé, dans le bail, à fournir au preneur, lors de son entrée dans les lieux, un accès internet classique et, dans les meilleurs délais, un accès internet haut débit par fibre optique, les éléments produits sont insuffisants pour établir, avec toute l'évidence requise en référé, une non-conformité des locaux et une responsabilité du bailleur dont l'appréciation excède les pouvoirs du juge des référés.
Ainsi, les contestations soulevées ne présentant aucun caractère sérieux, la société Uavia sera condamnée, par provision, au paiement, de la somme de 82.491, 10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2023 sur la somme de 75.278,54 euros visée dans l'assignation, et du présent arrêt sur le surplus.
Sur les demandes de la société Uavia
La société Uavia demande que la société Ford soit condamnée à lui payer la somme de 13.093,68 euros qu'elle reconnaît lui devoir au titre de la liquidation de l'astreinte.
Mais, il ne peut être statué sur cette demande dès lors que la société Uavia dispose déjà d'un titre exécutoire pour obtenir paiement de cette somme s'agissant du reliquat de l'astreinte liquidée par arrêt de cette cour du 10 novembre 2022.
La société Uavia demande encore que le bailleur soit condamné à lui payer la somme provisionnelle de 55.440,98 euros en réparation du préjudice causé par le surcoût engendré par l'abonnement fibre qu'elle a été contrainte de souscrire pour pallier la carence du bailleur.
Mais, la société Uavia ne démontre pas, avec l'évidence requise en référé, avoir subi un préjudice en lien de causalité direct et certain avec le manquement reproché au bailleur, lequel, au surplus, n'apparaît pas manifeste.
Il n'y a dès lors pas lieu à référé de ce chef.
L'ordonnance sera donc confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés.
Succombant en la plupart de ses prétentions, la société Uavia sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Ayant contraint la société Ford à exposer de tels frais pour assurer sa défense en appel, elle sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les demandes de la société Ford ;
Infime l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement d'une provision au titre de l'arriéré locatif de l'année 2022 et sur le montant de la provision allouée à la société Ford ;
Statuant à nouveau de ces chefs et vu l'évolution du litige,
Condamne la société Uavia à payer à la société Ford la somme provisionnelle de 82.491,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2023 sur la somme de 75.278,54 euros et du présent arrêt sur le surplus, à valoir sur les loyers dus pour les années 2020 à 2024 inclus ;
Confirme l'ordonnance en ses autres dispositions ;
Condamne la société Uavia aux dépens d'appel et à payer à la société Ford la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.