CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 15 mai 2025, n° 23/01832
CHAMBÉRY
Arrêt
Autre
CS25/136
COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 15 MAI 2025
N° RG 23/01832 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HMME
[E] [X]
C/ S.C.P. BTSG2, représenté par Maître [I] [B], liquidateur judiciaire de la SARLTRADITEC etc...
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 06 Décembre 2023, RG F 22/00039
APPELANTE :
Madame [E] [X]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Claudia FORGIONE, avocat au barreau de GRASSE -
Représentant : Me Marjorie JEAN-MONNET, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEES :
S.C.P. BTSG2, représenté par Maître [I] [B], liquidateur judiciaire de la SARLTRADITEC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
UNEDIC - AGS CGEA D'[Localité 4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
S.A.R.L. TRADITEC
[Adresse 1]
[Adresse 1]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 février 2025 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Laëtitia BOURACHOT, Conseillère,
qui en ont délibéré
Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
********
Exposé des faits:
Mme [E] [X] a été embauchée par la S.A.R.L. Traditec à compter du 28 septembre 2015 en contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité d'assistante de direction et assistante comptable, puis transformé en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 18 janvier 2016.
La S.A.R.L. Traditec est une entreprise spécialisée dans le secteur d'activité des travaux de maçonnerie générale et gros-'uvre de bâtiment et emploie 6 salariés.
La convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 est applicable.
Mme [X] a fait l'objet d'un arrêt maladie du 26 juillet 2019 au 18 août 2019 puis du 17 mars 2020 au 18 avril 2020 et du 27 juillet 2020 au 9 septembre 2020.
Le 02 août 2021, Mme [E] [X] a ensuite fait l'objet d'un arrêt de travail du 02 au 22 août 2021 puis à compter du 17 septembre 2021.
Par requête du 16 mars 2022, Mme [E] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Chambéry aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, et subsidiairement que son licenciement pour inaptitude intervenu en cours de procédure soit déclaré nul en raison du harcèlement moral allégué et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu'une indemnité au titre du travail dissimulé.
Le 07 avril 2022, Mme [E] [X] a été déclarée inapte à son poste sans possibilité de reclassement par le médecin du travail lors de sa visite de reprise.
La salariée a de nouveau fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 08 avril 2022.
Mme [E] [X] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 04 mai 2022 auquel elle ne s'est pas rendue.
Le 07 mai 2022, Mme [E] [X] s'est vu notifier un licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 06 décembre 2023, le conseil des prud'hommes de Chambéry, a :
- Débouté Mme [E] [X] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté la S.A.R.L. Traditec de sa demande reconventionnelle ;
- Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.
Mme [E] [X] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration enregistrée le 27 décembre 2023 le Réseau Privé Virtuel des Avocats.
La S.A.R.L. Traditec a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 10 octobre 2024 et Maître [I] [B] a été désigné ès qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d'huissier des 14 et 15 novembre 2024, Mme [E] [X] a mis en cause la S.C.P. BTSG és qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec ainsi que l'association Unédic Délégation AGS CGEA d'Annecy devant la Cour d'appel de Chambéry. L'UNEDIC Unédic Délégation AGS CGEA d'[Localité 4] n'est pas représentée.
Par dernières conclusions d'appelant du 1er novembre 2024, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [E] [X] demande à la Cour de :
Recevoir Mme [E] [X] en son appel, en l'en déclarer bien fondée,
Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 6 décembre 2023 en ce qu'il l'a débouté :
- de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet au 7 mai 2022, devant produire les effets d'un licenciement nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de rappel de salaire pour heures supplémentaires et CP afférents,
- d'indemnité pour travail dissimulé,
- d'indemnité compensatrice de préavis et CP afférents,
- de rappel d'indemnité de licenciement,
- de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, - de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- d'intérêts au taux légal à partir de la demande en justice, avec capitalisation des intérêts échus, - d'injonction à la S.A.R.L. Traditec de régulariser la situation auprès de la CIBTP, et d'en justifier, sous astreinte, de remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte,
- d'indemnité de 3.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et entiers dépens,
Et statuant à nouveau,
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet au 7 mai 2022,
- Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Dire et juger, à titre subsidiaire, que le licenciement pour inaptitude est nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Fixer au passif de la S.A.R.L. Traditec les sommes suivantes :
* Rappel de salaire, heures supplémentaires : 5 580,34 '
* Congés payés sur rappel de salaire : 558,03 '
* Indemnité pour travail dissimulé : 15.656,58 '
* Indemnité compensatrice de préavis : 5.218,86 '
* Congés payés sur préavis : 521,89 '
* Rappel d'indemnité de licenciement : 4.494,45 '
* Dommages et intérêts, licenciement nul : 31.313,16 '
Subsidiairement, dommages et intérêts, licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.266,01 '
* Dommages et intérêts, exécution déloyale du contrat de travail : 8.000,00 '
* Solde d'indemnité compensatrice de congés payés : 1.972,34 ' net
* Indemnité compensatrice de congés payés (pendant arrêt maladie) : 1.856,32 ' net
Subsidiairement, s'agissant des congés payés, si la cour devait estimer qu'il appartient à la CIBTP de verser les sommes réclamées à la concluante, enjoindre à la société BTSG2, en-qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Traditec, de régulariser la situation auprès de la CIBTP et d'en justifier auprès du Conseil de Mme [E] [X], sous astreinte de 200 ' par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir.
- Dire que la créance salariale portera intérêt au taux légal à partir de la demande en justice,
- Ordonner à la société BTSG2, en-qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Traditec, de remettre à Mme [E] [X] ses bulletins de salaire et documents de fin de contrat, intégrant le rappel de salaire pour les indemnités de prévoyance, les heures supplémentaires, d'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, sous astreinte de 200 ' par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
- Fixer au passif de la S.A.R.L. Traditec la somme de 6.000 ' par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
* Par dernières conclusions d'intimé notifiées le 04 juin 2024, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la S.A.R.L. Traditec demande à la Cour de :
Confirmer le jugement rendu le 6 décembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes de Chambéry entre les parties en toutes ses dispositions,
- Condamner Mme [E] [X] à verser à la S.A.R.L. Traditec la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
- Condamner Mme [E] [X] aux dépens.
* Par courrier du 18 novembre 2024, Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec a accusé réception de l'assignation de Mme [X] devant la cour et informé celle-ci que faute de fonds et d'information, il s'en rapportait à la sagesse du tribunal.
Par courrier reçu le 4 décembre 2024, l'UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 4] a informé la cour qu'elle ne se constituait pas en défense devant la cour.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 29 janvier 2025.
L'audience de plaidoiries a été fixée au 20 février 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la jonction
Il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'ordonner la jonction des procédures N° 23/1817 et 23/1832 sous le N° 23/1832 dont les appels de Mme [X] concernent la même décision du 06 décembre 2023 du conseil des prud'hommes de Chambéry et les mêmes parties à l'instance.
A titre liminaire
Il doit être rappelé à titre liminaire que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Faute de conclusions déposées par Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec, la cour est saisie par les seuls moyens de Mme [X] tendant à la réformation ou à l'annulation. La cour ne peut faire droit à la demande de l'appelante que si elle estime régulière, recevable bien-fondé, ce conformément au deuxième alinéa de l'article 472 du code de procédure civile.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral :
Moyens des parties :
Mme [X] soutient avoir été victime de faits de harcèlement moral. Elle expose les faits suivants à ce titre :
Une surcharge de travail, ayant dû réaliser des tâches ne faisant pas partie de ses attributions notamment des missions régulières pour le compte de la société Green tech qui était géré par M. [C], son employeur, ce qui augmentait sa charge de travail, ayant été sollicitée pour gérer les demandes personnelles de la compagne de l'employeur, à tel point qu'elle a refusé plusieurs arrêts de travail en raison de sa charge de travail important. Elle expose avoir même été sollicitée par l'employeur et contrainte de travailler durant ses arrêts de travail et durant ses congés, parfois quasiment à temps complet ;
Des propos injurieux de la part de l'employeur qui se montrait désagréable
Le refus arbitraire imposé par l'employeur de procéder au règlement des salaires de certains salariés dont elle devait gérer les plaintes
La salariée expose que ses conditions de travail et l'accroissement de sa charge de travail ont impacté progressivement son état de santé ; que le refus de la prise en charge de sa maladie professionnelle par la Caisse primaire d'assurance maladie n'est pas définitive en ce qu'elle entend la contester et qu'en tout état de cause, elle ne permet pas d'exclure l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail et la dégradation de son état de santé. Son l'état d'épuisement psychologique et physique ayant été constaté médicalement.
La S.A.R.L. Traditec a indiqué par le biais de son liquidateur judiciaire sans conclure, s'en remettre à la sagesse de la cour.
Sur ce,
Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivants les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.
Les méthodes de gestion dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible notamment de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peuvent caractériser un harcèlement moral.
Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail. Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.Le licenciement pour inaptitude est nul lorsque l'inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur.
En l'espèce, s'agissant de la matérialité des faits allégués par la salariée :
Sur la surcharge de travail :
Il ressort des échanges de mails de juillet 2019 à juin 2021 versés aux débats qu'alors que Mme [X] était uniquement salariée de la S.A.R.L. Traditec, elle était également en charge pour la SAS Green'tech (dont elle justifie par la production de l'extrait Kbis que le président était M. [G] [C] dont il n'est pas contesté qu'il est le cousin de M. [M] [C], gérant de la S.A.R.L. Traditec) de la comptabilité, des relations avec les banques et les fournisseurs à la demande de M. [M] [C] et qu'elle lui en rendait compte directement.
Mme [X] justifie également qu'elle répondait à M. [C] le 5 juin 2020 « qu'il lui faudra dans peu de temps faire la gestion pour Immo + » et que M. [M] [C] l'a sollicité en juillet 2021 afin de préparer et d'organiser un dossier et un rendez-vous bancaire pour la société Immo+, démontrant qu'elle est également régulièrement sollicitée par son employeur pour cette troisième société.
Mme [X] justifie également par la production de mails aux débats que M. [M] [C] la sollicitait régulièrement pour la gestion de sa vie personnelle et celle de sa compagne et de sa famille (installation TV/cable orange Box, assurance personnelle de sa compagne Macif, changement de Mutuelle, déclaration médecin traitant, assurance habitation, assurances scolaires des enfants, renouvellement des passeports, paiement du cuisiniste, organisation de la récupération des enfants de M. [M] [C] à l'école, virements bancaires personnels, suivi d'orthodontie des enfants de M. [M] [C]...) sans que ces tâches ne soient incluses dans ses missions contractuelles.
Il ressort notamment de l'échange de mails du 22 juillet 2019 que M. [M] [C] est conscient que Mme [X] lui a indiqué ne pas avoir le temps de se charger de ses affaires personnelles (« je sais que ça vous saoule ») mais lui enjoint tout de même d'effectuer un virement personnel à sa compagne et de lui rappeler ce qu'elle doit faire pour ses papiers MSA et chômage, Mme [X] répondant à son employeur qu'elle n'a pas le temps de se charger de sa demande, qu'elle part jeudi soir pour des soins qu'elle aurait dû faire depuis deux ans et qu'il y a beaucoup de choses à faire avant son départ.
Le 5 juin 2020, Mme [X] alerte son employeur « qu'elle passe 50 % de son temps de travail sur contentieux et trésorerie », qu'il lui « faudra un peu de temps faire la gestion pour Immo + » et qu'en 2019 « augmentation de gestions des contentieux avec les 2 sociétés » qu'elle a deux bilans à produire pour la même date de clôture outre la gestion du dossier Covid. Puis le 31 janvier 2021, Mme [X] lui précise « j'ai actuellement une immense surcharge de boulot avec les deux sociétés (paiements et factures inversés sur les 2 sociétés... cela commence à être difficile à gérer », le 7 juin 2021, elle répond à une sollicitation de M. [C] comme suit « ce serait bien que [F] puisse s'en charger, j'ai une tonne de boulot avec les déclarations d'impôts, rsi, bilan et TVA... », le 28 juillet 2021 comme suit « j'ai une tonne de boulot , tout le monde part en congés en fin de semaine, moi également... » et le 7 septembre 2021, comme suit « Une tonne de boulot ! ... je m'occuperai de cette Dit demain seulement ».
Il ressort également des éléments du débat et notamment des échanges de mails, captures d'écrans de SMS produits et plannings que Mme [X] a été régulièrement sollicitée par son employeur pour exécuter des missions professionnelles qu'elle accomplissait malgré ses arrêts maladie.
Le Dr [V], médecin traitant depuis 2019, atteste le 14 avril 2023 que « depuis 2019 elle présente des symptômes associant fatigue physiques et psychologiques qui se sont aggravés : insomnies, anxiété importante... que Mme [X] a renoncé plusieurs fois de s'arrêter : je lui ai proposé plusieurs arrêts de travail qu'elle refusait craignant de prendre du retard dans son travail... ».
Il ressort de l'analyse des éléments susvisés qu'il est établi que Mme [X] a bien subi une surcharge de travail dans sa relation contractuelle avec la S.A.R.L. Traditec et qu'elle a aussi été amenée régulièrement à travailler pour d'autres sociétés que son employeur à la demande de ce dernier et à travailler pendant ses arrêts maladie. Ces différents faits sont donc établis.
Sur les propos dénigrants de l'employeur :
Mme [X] verse aux débats des mails aux termes desquels M. [M] [C] insulte et dénigre des salariés de l'entreprise sont elle est chargée des rémuérations, comme suit à titre d'exemple, « sérieux, payer ces putes...cette pute de Orlando... Elle fait chier cette roll à deux balles... parle français, Pardon '''» (...).
M. [P], salarié de la S.A.R.L. Traditec, témoigne que M. [C] avait des propos et comportements agressifs envers l'ensemble des salariés y compris lui (SMS dans lequels il lui dit « parle français ») et que Mme [X] était souvent mise en défaut quand le versement des salaires était en retard.
Mme [X] verse également aux débats des captures d'écran de SMS dans lesquels M. [C] lui reproche ses fautes de français (« parle français... écris en français ») et des oublis d'agendas de manière peu courtoise.
Il en ressort que Mme [X] a travaillé dans un climat anxiogène de dénigrement et d'insultes des salariés de l'entreprise dont elle assurait la gestion, de la part de l'employeur et que ce dernier lui faisait également des reproches sur la qualité du maniement de la langue française de manière peu bienveillante.
Sur le refus de règlement de certains salariés
Il ressort des échanges de mails versés aux débats que M. [C] donnait des instructions à Mme [X] pour que certains salariés ne soient pas réglés de leurs demandes d'avance de frais ou de leurs salaires alors que Mme [X] en était chargée et qu'elle avait à gérer leurs réclamations. Ce comportement la plaçant dans une situation inconfortable et anxiogène du fait de ses fonctions et des protestations de ses collègues.
Sur la dégradation de l'état de santé de Mme [X] :
La salariée produit l'attestation du Dr [V], médecin traitant depuis 2019, qui témoigne le 17 septembre 2021 avoir constaté chez Mme [X] « un épuisement physique et psychologique évoluant depuis plusieurs mois (voir arrêts) ayant conduits à des arrêts de travail. Elle présente un état de stress très important avec tremblements, insomnies oppressives, troubles de concentration », son certificat du 14 avril 2023 selon lequel « depuis 2019 elle présente des symptômes associant fatigue physiques et psychologiques qui se sont aggravés : insomnies, anxiété importante... que Mme [X] a renoncé plusieurs fois de s'arrêter : je lui ai proposé plusieurs arrêts de travail qu'elle refusait craignant de prendre du retard dans son travail... » et ses arrêts de travail de 2021 pour « asthénie physique et psychique, cervicalgies occipitales, épuisement physique et psychologique ' stress professionnel ». Le Dr [V] certifie également que Mme [X] n'avait aucun problème de santé hormis des épisodes de cervicalgies avant 2019
Mme [X] justifie un suivi psychologique régulier avec Mme [W] qui atteste le 7 février 2022 de son état d'épuisement complet » et qu'elle « présente des signes bien réels de dépression ».
Il résulte de l'analyse des documents susvisés, des éléments précis et concordants établissant l'existence de comportements répétés de la part de la S.A.R.L. Traditec qui, pris dans leur ensemble, peuvent caractériser un harcèlement moral ayant eu pour conséquence une dégradation de l'état de santé physique et psychologique de Mme [X].
Faute d'éléments produits par l'employeur à qui il incombe de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral, il convient de juger que Mme [X] a été victime de harcèlement moral ayant eu pour conséquence une dégradation de l'état de santé physique et psychologique de Mme [X] par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Moyens des parties :
Mme [X] sollicite la condamnation de l'employeur au titre du rappel d'heures supplémentaires. Elle soutient qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui n'étaient que partiellement rémunérées, qu'une partie des heures supplémentaires était rémunérée en heures supplémentaires et une autre partie était réglée sous forme de prime exceptionnelles, le reste des heures n'étant pas rémunéré, ni récupéré. La salariée soutient avoir, à de nombreuses reprises, dénoncé son importante charge de travail, qui l'obligeait à avoir une grande amplitude de travail ; que le tableau récapitulatif d'heures supplémentaires qu'elle était chargée d'envoyer au cabinet comptable ne correspondait pas à la réalité des heures qu'elle avait effectivement accomplies et du tableau qu'elle verse aux débats en ce que l'employeur empêchait la déclaration des heures réelles pour des raisons financières. La salariée fait valoir que l'absence de remplacement à son poste après son départ ne permet pas de confirmer que sa charge de travail n'a pas été sous traitée.
Sur ce,
En application de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.
Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence d'heures supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Par ailleurs, il doit être rappelé que l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.
Il est de principe que n'est pas suffisant un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique.
En l'espèce, Mme [X] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont elle réclame le paiement :
La copie de plannings mensuels manuscrits pour 2019, 2020 et 2021 de Mme [X] ne faisant apparaitre que les heures supplémentaires par jours concernés et le récapitulatif par mois des heures supplémentaires effectuées et de celles payées avec la mention « solde ok » ou « solde '' heures » selon les mois
Un tableau récapitulatif de calcul des heures supplémentaires dues pour 2019, 2020 et 2021
Un récapitulatif du calcul des sommes dues dans les conclusions pour 2019, 2020 et 2021
Il doit être également être noté que la surcharge de travail de Mme [X] qui a même travaillé pendant les suspensions de son contrat de travail a été matériellement établie.
Les éléments ainsi produits par Mme [X], constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Il convient par conséquent de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec la somme de 5580,34 ' à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre 558,03 ' de congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé :
Moyens des parties :
Mme [X] fonde sa demande sur la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées et expose que l'employeur avait nécessairement connaissance des heures supplémentaires réalisées et qu'il s'est affranchi volontairement des cotisations et charges sociales en ne rémunérant pas une partie des heures et en payant une partie sous forme de primes exceptionnelles. Elle fait valoir que l'entreprise a été radiée de la médecine du travail pour paiement des cotisations en 2019 suite à l'intervention de l'inspection du travail ; qu'elle a rappelé à son employeur de régler la taxe d'apprentissage et la taxe de formation continue et qu'au regard de ces éléments, l'intention de dissimuler le nombre d'heures réel accompli par la salariée est avéré. La salariée fait valoir qu'elle a dénoncé la gestion des heures supplémentaires par l'employeur par courrier du 02 décembre 2020, qui concernait également d'autres salariés.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application des dispositions de l'article L. 8221-3 du code du travail, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;
3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.
Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.
Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.
Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.
Le défaut de paiement de la taxe d'apprentissage et de formation ne concerne pas Mme [X] personnellement et elle n'a subi aucun préjudice à ce titre et Mme [X] ne démontre pas que l'employeur n'a intentionnellement pas effectué les démarches s'agissant de la médecine du travail aboutissant à une radiation qui a ensuite été régularisée.
Faute de démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé qui ne peut résulter du seul défaut de paiement des heures supplémentaires de Mme [X] ou du défaut de déclaration du nombre exact de congés payés afférents pour d'autres salariés sans qu'elle soit concernée directement, cette dernière doit être déboutée de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Moyens des parties :
Mme [X] soutient au visa de l'article des articles L.1221-1 et L. 1222-1 du code du travail que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail puisqu'elle a été contrainte de travailler durant ses arrêts de travail et congés payés et qu'elle a subi le versement tardif de ses salaires, que ces manquements sont particulièrement graves et lui ont causé un préjudice en ce qu'elle n'a pas pu bénéficier du repos dont elle avait besoin ; que le comportement de l'employeur est à l'origine de son suivi psychologique non pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
L'employeur qui a fait travailler la salariée pendant les périodes de suspension du contrat de travail manquant ainsi à son droit élémentaire au repos alors même que les périodes d'arrêt maladie étaient dues aux conditions de travail de la salariée, a causé à Mme [X] un préjudice qui doit être évalué à 2000 ' par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur la demande au titre du solde de congés payés et demande d'indemnité compensatrice de congés payés pendant l'arrêt maladie
Moyens des parties :
Mme [X] soutient que la S.A.R.L. Traditec n'a pas réglé les cotisations à la CITP et qu'il lui reste dû en conséquence 1972,34 ' correspondant à 17 jours de congés payés et d'autre part d'indemnité compensatrice de congés payés pendant l'arrêt maladie de septembre 2021 à mai 2022 période pendant laquelle elle a cumulé 16 jours de congés payés non pris ni payés.
Sur ce,
Etant affilié à la caisse de congés payés du Bâtiment et des Travaux publics, l'employeur n'était pas personnellement redevable du paiement des indemnités de congés payés toutefois, il lui appartient
Il appartient à l'employeur relevant d'une caisse de congés payés, en application des articles L. 3141-12, L. 3141-14 et L. 3141-30 du code du travail, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88, de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Seule l'exécution de cette obligation entraîne la substitution de l'employeur par la caisse pour le paiement de l'indemnité de congés payés.
Mme [X] justifie que l'employeur n'était pas à jour de ses cotisations au près de la caisse congés intempéries du BTP.
Faute en l'espèce faute pour la S.A.R.L. Traditec de justifier qu'il a pris les mesures propres à assurer à Mme [X] la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec au profit de Mme [X] la somme de 1972,34 ' nets correspondant à 17 jours de congés payés encore dus et la somme de 1856,32 ' nets au titre des congés payés acquis pendant l'arrêt maladie de septembre 2021 à mai 2022.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la demande de résiliation judiciaire et l'origine professionnelle de l'inaptitude :
Moyens des parties :
Mme [X] évoque les manquements suivants par l'employeur à ses obligations, à savoir le versement tardif de ses salaires sur les années 2021 et 2022, après le 10 du mois, la non rémunération de l'intégralité des heures supplémentaires accomplies et les faits de harcèlement moral à son encontre.
Sur ce,
En application des dispositions des articles 1226 et 1228 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Lorsque la demande de résiliation judiciaire est fondée sur un harcèlement moral ou la discrimination, la rupture du contrat de travail produit alors les effets d'un licenciement nul.
Il est de principe, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, s'il estime que la demande est justifiée, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
La cour a jugé que Mme [X] avait victime de faits de harcèlement moral ayant abouti à la dégradation physique et psychologique de son état de santé. Le harcèlement moral subi ainsi que le défaut de paiement de la rémunération d'une partie de la rémunération (heures supplémentaires) constituent des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement nul et pendra effet à la date du licenciement ultérieur soit le 7 mai 2022 par voie d'infirmation du jugement déféré.
Il résulte des éléments médicaux produits que l'inaptitude de Mme [X] est la conséquence directe des manquements susvisés de l'employeur à ses obligations. Mme [X] doit par conséquent bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement visée à l'article L. 1226-14 du code du travail. La somme de 4090,57 ' a d'ores et déjà été versée.
Il convient dès lors de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec les sommes suivantes :
5218,86 ' à titre de d'indemnité compensatrice de préavis
4494,45 ' à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement
En application de l'article L. 1235-3-1 alinéa 1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [X] qui disposait au jour de la résiliation judiciaire ( fixée à la date du licenciement pour inaptitude) d'une ancienneté au service de son employeur de plus de 6 années, a été placée pour une très longue période en arrêt maladie du fait de ses conditions de travail. Elle justifie de la perception d'une pension d'invalidité catégorie 2 depuis le 2 août 2024 (18875,19 ' par an soit 1239,60 ' par mois). Il convient dès lors de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec la somme de 23 484,87 ' (9 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur la procédure collective en cours :
Il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En conséquence, les sommes susvisées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec.
Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 4] :
L'UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 4] devra sa garantie à Mme [X] dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail dès lors qu'il s'agit de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective nonobstant l'adoption d'un plan de redressement.
Sur la remise d'une attestation POLE EMPLOI et d'un bulletin de salaire rectifiés:
Il convient d'ordonner à Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales, conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision
La cour précise que Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec peut transmettre soit un bulletin de paie rectifié par mois, soit un bulletin de paie rectifié récapitulatif, pour l'ensemble de la période en litige.
La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires :
Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [X] a été contrainte d'engager des frais non taxables de représentation en justice ; il est contraire à l'équité de les laisser à sa charge. La créance de la salariée au titre de l'instance en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec à la somme globale de 2000' tant au titre de la procédure de première instance que d'appel.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
ORDONNE la jonction des procédures N° 23/1817 et 23/1832 sous le N° 23/1832,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
Débouté Mme [X] de sa demande au titre du travail dissimulé
Débouté la S.A.R.L. Traditec de sa demande reconventionnelle ;
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
DIT que Mme [X] a été victime de harcèlement moral,
ORDONNE la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la S.A.R.L. Traditec à la date du 7 mai 2022,
DIT que cette résiliation judiciaire produira les effets d'un licenciement nul,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec les sommes suivantes :
5 580,34 ' à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre 558,03 ' de congés payés afférents.
1 972,34 ' correspondant à 17 jours de congés payés non réglés
1856,32 ' nets au titre des congés payés acquis pendant l'arrêt maladie de septembre 2021 à mai 2022.
2 000 ' de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
5 218,86 ' à titre de d'indemnité compensatrice de préavis
4 494,45 ' à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement
23 484,87 ' (9 mois de salaire) à titre de de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Y ajoutant,
DIT que les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec qui constituent des créances de salaires et accessoires produiront intérêts au taux légal à compter de la citation du 16 mars 2022 et que celles qui constituent des sommes accordées à titre d'indemnisation produiront intérêts à compter présent arrêt,
DIT que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts à compter du 10 octobre 2024 par application de l'article L. 622-28 du code de commerce,
ORDONNE à Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision et passé ce délai,
REJETE la demande d'astreinte,
DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS représentée par l'AGS-CGEA d'[Localité 4] et qu'elle doit sa garantie dans les conditions définies par l'article L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;
DIT que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à Mme [X] devra couvrir la totalité des sommes allouées à Mme [X] à l'exception de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que son obligation de faire l'avance des sommes allouées à Mme [X] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,
DIT que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec,
CONDAMNE Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec, à payer la somme de 2000 ' à Mme [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance.
Ainsi prononcé publiquement le 15 Mai 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 15 MAI 2025
N° RG 23/01832 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HMME
[E] [X]
C/ S.C.P. BTSG2, représenté par Maître [I] [B], liquidateur judiciaire de la SARLTRADITEC etc...
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 06 Décembre 2023, RG F 22/00039
APPELANTE :
Madame [E] [X]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Claudia FORGIONE, avocat au barreau de GRASSE -
Représentant : Me Marjorie JEAN-MONNET, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEES :
S.C.P. BTSG2, représenté par Maître [I] [B], liquidateur judiciaire de la SARLTRADITEC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
UNEDIC - AGS CGEA D'[Localité 4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
S.A.R.L. TRADITEC
[Adresse 1]
[Adresse 1]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 février 2025 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Laëtitia BOURACHOT, Conseillère,
qui en ont délibéré
Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
********
Exposé des faits:
Mme [E] [X] a été embauchée par la S.A.R.L. Traditec à compter du 28 septembre 2015 en contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité d'assistante de direction et assistante comptable, puis transformé en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 18 janvier 2016.
La S.A.R.L. Traditec est une entreprise spécialisée dans le secteur d'activité des travaux de maçonnerie générale et gros-'uvre de bâtiment et emploie 6 salariés.
La convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 est applicable.
Mme [X] a fait l'objet d'un arrêt maladie du 26 juillet 2019 au 18 août 2019 puis du 17 mars 2020 au 18 avril 2020 et du 27 juillet 2020 au 9 septembre 2020.
Le 02 août 2021, Mme [E] [X] a ensuite fait l'objet d'un arrêt de travail du 02 au 22 août 2021 puis à compter du 17 septembre 2021.
Par requête du 16 mars 2022, Mme [E] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Chambéry aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, et subsidiairement que son licenciement pour inaptitude intervenu en cours de procédure soit déclaré nul en raison du harcèlement moral allégué et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu'une indemnité au titre du travail dissimulé.
Le 07 avril 2022, Mme [E] [X] a été déclarée inapte à son poste sans possibilité de reclassement par le médecin du travail lors de sa visite de reprise.
La salariée a de nouveau fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 08 avril 2022.
Mme [E] [X] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 04 mai 2022 auquel elle ne s'est pas rendue.
Le 07 mai 2022, Mme [E] [X] s'est vu notifier un licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 06 décembre 2023, le conseil des prud'hommes de Chambéry, a :
- Débouté Mme [E] [X] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté la S.A.R.L. Traditec de sa demande reconventionnelle ;
- Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.
Mme [E] [X] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration enregistrée le 27 décembre 2023 le Réseau Privé Virtuel des Avocats.
La S.A.R.L. Traditec a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 10 octobre 2024 et Maître [I] [B] a été désigné ès qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d'huissier des 14 et 15 novembre 2024, Mme [E] [X] a mis en cause la S.C.P. BTSG és qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec ainsi que l'association Unédic Délégation AGS CGEA d'Annecy devant la Cour d'appel de Chambéry. L'UNEDIC Unédic Délégation AGS CGEA d'[Localité 4] n'est pas représentée.
Par dernières conclusions d'appelant du 1er novembre 2024, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [E] [X] demande à la Cour de :
Recevoir Mme [E] [X] en son appel, en l'en déclarer bien fondée,
Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 6 décembre 2023 en ce qu'il l'a débouté :
- de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet au 7 mai 2022, devant produire les effets d'un licenciement nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de rappel de salaire pour heures supplémentaires et CP afférents,
- d'indemnité pour travail dissimulé,
- d'indemnité compensatrice de préavis et CP afférents,
- de rappel d'indemnité de licenciement,
- de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, - de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- d'intérêts au taux légal à partir de la demande en justice, avec capitalisation des intérêts échus, - d'injonction à la S.A.R.L. Traditec de régulariser la situation auprès de la CIBTP, et d'en justifier, sous astreinte, de remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte,
- d'indemnité de 3.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et entiers dépens,
Et statuant à nouveau,
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet au 7 mai 2022,
- Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Dire et juger, à titre subsidiaire, que le licenciement pour inaptitude est nul, et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Fixer au passif de la S.A.R.L. Traditec les sommes suivantes :
* Rappel de salaire, heures supplémentaires : 5 580,34 '
* Congés payés sur rappel de salaire : 558,03 '
* Indemnité pour travail dissimulé : 15.656,58 '
* Indemnité compensatrice de préavis : 5.218,86 '
* Congés payés sur préavis : 521,89 '
* Rappel d'indemnité de licenciement : 4.494,45 '
* Dommages et intérêts, licenciement nul : 31.313,16 '
Subsidiairement, dommages et intérêts, licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.266,01 '
* Dommages et intérêts, exécution déloyale du contrat de travail : 8.000,00 '
* Solde d'indemnité compensatrice de congés payés : 1.972,34 ' net
* Indemnité compensatrice de congés payés (pendant arrêt maladie) : 1.856,32 ' net
Subsidiairement, s'agissant des congés payés, si la cour devait estimer qu'il appartient à la CIBTP de verser les sommes réclamées à la concluante, enjoindre à la société BTSG2, en-qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Traditec, de régulariser la situation auprès de la CIBTP et d'en justifier auprès du Conseil de Mme [E] [X], sous astreinte de 200 ' par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir.
- Dire que la créance salariale portera intérêt au taux légal à partir de la demande en justice,
- Ordonner à la société BTSG2, en-qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Traditec, de remettre à Mme [E] [X] ses bulletins de salaire et documents de fin de contrat, intégrant le rappel de salaire pour les indemnités de prévoyance, les heures supplémentaires, d'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, sous astreinte de 200 ' par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
- Fixer au passif de la S.A.R.L. Traditec la somme de 6.000 ' par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
* Par dernières conclusions d'intimé notifiées le 04 juin 2024, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la S.A.R.L. Traditec demande à la Cour de :
Confirmer le jugement rendu le 6 décembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes de Chambéry entre les parties en toutes ses dispositions,
- Condamner Mme [E] [X] à verser à la S.A.R.L. Traditec la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
- Condamner Mme [E] [X] aux dépens.
* Par courrier du 18 novembre 2024, Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec a accusé réception de l'assignation de Mme [X] devant la cour et informé celle-ci que faute de fonds et d'information, il s'en rapportait à la sagesse du tribunal.
Par courrier reçu le 4 décembre 2024, l'UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 4] a informé la cour qu'elle ne se constituait pas en défense devant la cour.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 29 janvier 2025.
L'audience de plaidoiries a été fixée au 20 février 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la jonction
Il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'ordonner la jonction des procédures N° 23/1817 et 23/1832 sous le N° 23/1832 dont les appels de Mme [X] concernent la même décision du 06 décembre 2023 du conseil des prud'hommes de Chambéry et les mêmes parties à l'instance.
A titre liminaire
Il doit être rappelé à titre liminaire que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Faute de conclusions déposées par Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec, la cour est saisie par les seuls moyens de Mme [X] tendant à la réformation ou à l'annulation. La cour ne peut faire droit à la demande de l'appelante que si elle estime régulière, recevable bien-fondé, ce conformément au deuxième alinéa de l'article 472 du code de procédure civile.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral :
Moyens des parties :
Mme [X] soutient avoir été victime de faits de harcèlement moral. Elle expose les faits suivants à ce titre :
Une surcharge de travail, ayant dû réaliser des tâches ne faisant pas partie de ses attributions notamment des missions régulières pour le compte de la société Green tech qui était géré par M. [C], son employeur, ce qui augmentait sa charge de travail, ayant été sollicitée pour gérer les demandes personnelles de la compagne de l'employeur, à tel point qu'elle a refusé plusieurs arrêts de travail en raison de sa charge de travail important. Elle expose avoir même été sollicitée par l'employeur et contrainte de travailler durant ses arrêts de travail et durant ses congés, parfois quasiment à temps complet ;
Des propos injurieux de la part de l'employeur qui se montrait désagréable
Le refus arbitraire imposé par l'employeur de procéder au règlement des salaires de certains salariés dont elle devait gérer les plaintes
La salariée expose que ses conditions de travail et l'accroissement de sa charge de travail ont impacté progressivement son état de santé ; que le refus de la prise en charge de sa maladie professionnelle par la Caisse primaire d'assurance maladie n'est pas définitive en ce qu'elle entend la contester et qu'en tout état de cause, elle ne permet pas d'exclure l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail et la dégradation de son état de santé. Son l'état d'épuisement psychologique et physique ayant été constaté médicalement.
La S.A.R.L. Traditec a indiqué par le biais de son liquidateur judiciaire sans conclure, s'en remettre à la sagesse de la cour.
Sur ce,
Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivants les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.
Les méthodes de gestion dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible notamment de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peuvent caractériser un harcèlement moral.
Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail. Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.Le licenciement pour inaptitude est nul lorsque l'inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur.
En l'espèce, s'agissant de la matérialité des faits allégués par la salariée :
Sur la surcharge de travail :
Il ressort des échanges de mails de juillet 2019 à juin 2021 versés aux débats qu'alors que Mme [X] était uniquement salariée de la S.A.R.L. Traditec, elle était également en charge pour la SAS Green'tech (dont elle justifie par la production de l'extrait Kbis que le président était M. [G] [C] dont il n'est pas contesté qu'il est le cousin de M. [M] [C], gérant de la S.A.R.L. Traditec) de la comptabilité, des relations avec les banques et les fournisseurs à la demande de M. [M] [C] et qu'elle lui en rendait compte directement.
Mme [X] justifie également qu'elle répondait à M. [C] le 5 juin 2020 « qu'il lui faudra dans peu de temps faire la gestion pour Immo + » et que M. [M] [C] l'a sollicité en juillet 2021 afin de préparer et d'organiser un dossier et un rendez-vous bancaire pour la société Immo+, démontrant qu'elle est également régulièrement sollicitée par son employeur pour cette troisième société.
Mme [X] justifie également par la production de mails aux débats que M. [M] [C] la sollicitait régulièrement pour la gestion de sa vie personnelle et celle de sa compagne et de sa famille (installation TV/cable orange Box, assurance personnelle de sa compagne Macif, changement de Mutuelle, déclaration médecin traitant, assurance habitation, assurances scolaires des enfants, renouvellement des passeports, paiement du cuisiniste, organisation de la récupération des enfants de M. [M] [C] à l'école, virements bancaires personnels, suivi d'orthodontie des enfants de M. [M] [C]...) sans que ces tâches ne soient incluses dans ses missions contractuelles.
Il ressort notamment de l'échange de mails du 22 juillet 2019 que M. [M] [C] est conscient que Mme [X] lui a indiqué ne pas avoir le temps de se charger de ses affaires personnelles (« je sais que ça vous saoule ») mais lui enjoint tout de même d'effectuer un virement personnel à sa compagne et de lui rappeler ce qu'elle doit faire pour ses papiers MSA et chômage, Mme [X] répondant à son employeur qu'elle n'a pas le temps de se charger de sa demande, qu'elle part jeudi soir pour des soins qu'elle aurait dû faire depuis deux ans et qu'il y a beaucoup de choses à faire avant son départ.
Le 5 juin 2020, Mme [X] alerte son employeur « qu'elle passe 50 % de son temps de travail sur contentieux et trésorerie », qu'il lui « faudra un peu de temps faire la gestion pour Immo + » et qu'en 2019 « augmentation de gestions des contentieux avec les 2 sociétés » qu'elle a deux bilans à produire pour la même date de clôture outre la gestion du dossier Covid. Puis le 31 janvier 2021, Mme [X] lui précise « j'ai actuellement une immense surcharge de boulot avec les deux sociétés (paiements et factures inversés sur les 2 sociétés... cela commence à être difficile à gérer », le 7 juin 2021, elle répond à une sollicitation de M. [C] comme suit « ce serait bien que [F] puisse s'en charger, j'ai une tonne de boulot avec les déclarations d'impôts, rsi, bilan et TVA... », le 28 juillet 2021 comme suit « j'ai une tonne de boulot , tout le monde part en congés en fin de semaine, moi également... » et le 7 septembre 2021, comme suit « Une tonne de boulot ! ... je m'occuperai de cette Dit demain seulement ».
Il ressort également des éléments du débat et notamment des échanges de mails, captures d'écrans de SMS produits et plannings que Mme [X] a été régulièrement sollicitée par son employeur pour exécuter des missions professionnelles qu'elle accomplissait malgré ses arrêts maladie.
Le Dr [V], médecin traitant depuis 2019, atteste le 14 avril 2023 que « depuis 2019 elle présente des symptômes associant fatigue physiques et psychologiques qui se sont aggravés : insomnies, anxiété importante... que Mme [X] a renoncé plusieurs fois de s'arrêter : je lui ai proposé plusieurs arrêts de travail qu'elle refusait craignant de prendre du retard dans son travail... ».
Il ressort de l'analyse des éléments susvisés qu'il est établi que Mme [X] a bien subi une surcharge de travail dans sa relation contractuelle avec la S.A.R.L. Traditec et qu'elle a aussi été amenée régulièrement à travailler pour d'autres sociétés que son employeur à la demande de ce dernier et à travailler pendant ses arrêts maladie. Ces différents faits sont donc établis.
Sur les propos dénigrants de l'employeur :
Mme [X] verse aux débats des mails aux termes desquels M. [M] [C] insulte et dénigre des salariés de l'entreprise sont elle est chargée des rémuérations, comme suit à titre d'exemple, « sérieux, payer ces putes...cette pute de Orlando... Elle fait chier cette roll à deux balles... parle français, Pardon '''» (...).
M. [P], salarié de la S.A.R.L. Traditec, témoigne que M. [C] avait des propos et comportements agressifs envers l'ensemble des salariés y compris lui (SMS dans lequels il lui dit « parle français ») et que Mme [X] était souvent mise en défaut quand le versement des salaires était en retard.
Mme [X] verse également aux débats des captures d'écran de SMS dans lesquels M. [C] lui reproche ses fautes de français (« parle français... écris en français ») et des oublis d'agendas de manière peu courtoise.
Il en ressort que Mme [X] a travaillé dans un climat anxiogène de dénigrement et d'insultes des salariés de l'entreprise dont elle assurait la gestion, de la part de l'employeur et que ce dernier lui faisait également des reproches sur la qualité du maniement de la langue française de manière peu bienveillante.
Sur le refus de règlement de certains salariés
Il ressort des échanges de mails versés aux débats que M. [C] donnait des instructions à Mme [X] pour que certains salariés ne soient pas réglés de leurs demandes d'avance de frais ou de leurs salaires alors que Mme [X] en était chargée et qu'elle avait à gérer leurs réclamations. Ce comportement la plaçant dans une situation inconfortable et anxiogène du fait de ses fonctions et des protestations de ses collègues.
Sur la dégradation de l'état de santé de Mme [X] :
La salariée produit l'attestation du Dr [V], médecin traitant depuis 2019, qui témoigne le 17 septembre 2021 avoir constaté chez Mme [X] « un épuisement physique et psychologique évoluant depuis plusieurs mois (voir arrêts) ayant conduits à des arrêts de travail. Elle présente un état de stress très important avec tremblements, insomnies oppressives, troubles de concentration », son certificat du 14 avril 2023 selon lequel « depuis 2019 elle présente des symptômes associant fatigue physiques et psychologiques qui se sont aggravés : insomnies, anxiété importante... que Mme [X] a renoncé plusieurs fois de s'arrêter : je lui ai proposé plusieurs arrêts de travail qu'elle refusait craignant de prendre du retard dans son travail... » et ses arrêts de travail de 2021 pour « asthénie physique et psychique, cervicalgies occipitales, épuisement physique et psychologique ' stress professionnel ». Le Dr [V] certifie également que Mme [X] n'avait aucun problème de santé hormis des épisodes de cervicalgies avant 2019
Mme [X] justifie un suivi psychologique régulier avec Mme [W] qui atteste le 7 février 2022 de son état d'épuisement complet » et qu'elle « présente des signes bien réels de dépression ».
Il résulte de l'analyse des documents susvisés, des éléments précis et concordants établissant l'existence de comportements répétés de la part de la S.A.R.L. Traditec qui, pris dans leur ensemble, peuvent caractériser un harcèlement moral ayant eu pour conséquence une dégradation de l'état de santé physique et psychologique de Mme [X].
Faute d'éléments produits par l'employeur à qui il incombe de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral, il convient de juger que Mme [X] a été victime de harcèlement moral ayant eu pour conséquence une dégradation de l'état de santé physique et psychologique de Mme [X] par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Moyens des parties :
Mme [X] sollicite la condamnation de l'employeur au titre du rappel d'heures supplémentaires. Elle soutient qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui n'étaient que partiellement rémunérées, qu'une partie des heures supplémentaires était rémunérée en heures supplémentaires et une autre partie était réglée sous forme de prime exceptionnelles, le reste des heures n'étant pas rémunéré, ni récupéré. La salariée soutient avoir, à de nombreuses reprises, dénoncé son importante charge de travail, qui l'obligeait à avoir une grande amplitude de travail ; que le tableau récapitulatif d'heures supplémentaires qu'elle était chargée d'envoyer au cabinet comptable ne correspondait pas à la réalité des heures qu'elle avait effectivement accomplies et du tableau qu'elle verse aux débats en ce que l'employeur empêchait la déclaration des heures réelles pour des raisons financières. La salariée fait valoir que l'absence de remplacement à son poste après son départ ne permet pas de confirmer que sa charge de travail n'a pas été sous traitée.
Sur ce,
En application de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.
Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence d'heures supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Par ailleurs, il doit être rappelé que l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.
Il est de principe que n'est pas suffisant un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique.
En l'espèce, Mme [X] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont elle réclame le paiement :
La copie de plannings mensuels manuscrits pour 2019, 2020 et 2021 de Mme [X] ne faisant apparaitre que les heures supplémentaires par jours concernés et le récapitulatif par mois des heures supplémentaires effectuées et de celles payées avec la mention « solde ok » ou « solde '' heures » selon les mois
Un tableau récapitulatif de calcul des heures supplémentaires dues pour 2019, 2020 et 2021
Un récapitulatif du calcul des sommes dues dans les conclusions pour 2019, 2020 et 2021
Il doit être également être noté que la surcharge de travail de Mme [X] qui a même travaillé pendant les suspensions de son contrat de travail a été matériellement établie.
Les éléments ainsi produits par Mme [X], constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Il convient par conséquent de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec la somme de 5580,34 ' à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre 558,03 ' de congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé :
Moyens des parties :
Mme [X] fonde sa demande sur la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées et expose que l'employeur avait nécessairement connaissance des heures supplémentaires réalisées et qu'il s'est affranchi volontairement des cotisations et charges sociales en ne rémunérant pas une partie des heures et en payant une partie sous forme de primes exceptionnelles. Elle fait valoir que l'entreprise a été radiée de la médecine du travail pour paiement des cotisations en 2019 suite à l'intervention de l'inspection du travail ; qu'elle a rappelé à son employeur de régler la taxe d'apprentissage et la taxe de formation continue et qu'au regard de ces éléments, l'intention de dissimuler le nombre d'heures réel accompli par la salariée est avéré. La salariée fait valoir qu'elle a dénoncé la gestion des heures supplémentaires par l'employeur par courrier du 02 décembre 2020, qui concernait également d'autres salariés.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application des dispositions de l'article L. 8221-3 du code du travail, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;
3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.
Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.
Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.
Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.
Le défaut de paiement de la taxe d'apprentissage et de formation ne concerne pas Mme [X] personnellement et elle n'a subi aucun préjudice à ce titre et Mme [X] ne démontre pas que l'employeur n'a intentionnellement pas effectué les démarches s'agissant de la médecine du travail aboutissant à une radiation qui a ensuite été régularisée.
Faute de démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé qui ne peut résulter du seul défaut de paiement des heures supplémentaires de Mme [X] ou du défaut de déclaration du nombre exact de congés payés afférents pour d'autres salariés sans qu'elle soit concernée directement, cette dernière doit être déboutée de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Moyens des parties :
Mme [X] soutient au visa de l'article des articles L.1221-1 et L. 1222-1 du code du travail que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail puisqu'elle a été contrainte de travailler durant ses arrêts de travail et congés payés et qu'elle a subi le versement tardif de ses salaires, que ces manquements sont particulièrement graves et lui ont causé un préjudice en ce qu'elle n'a pas pu bénéficier du repos dont elle avait besoin ; que le comportement de l'employeur est à l'origine de son suivi psychologique non pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
L'employeur qui a fait travailler la salariée pendant les périodes de suspension du contrat de travail manquant ainsi à son droit élémentaire au repos alors même que les périodes d'arrêt maladie étaient dues aux conditions de travail de la salariée, a causé à Mme [X] un préjudice qui doit être évalué à 2000 ' par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur la demande au titre du solde de congés payés et demande d'indemnité compensatrice de congés payés pendant l'arrêt maladie
Moyens des parties :
Mme [X] soutient que la S.A.R.L. Traditec n'a pas réglé les cotisations à la CITP et qu'il lui reste dû en conséquence 1972,34 ' correspondant à 17 jours de congés payés et d'autre part d'indemnité compensatrice de congés payés pendant l'arrêt maladie de septembre 2021 à mai 2022 période pendant laquelle elle a cumulé 16 jours de congés payés non pris ni payés.
Sur ce,
Etant affilié à la caisse de congés payés du Bâtiment et des Travaux publics, l'employeur n'était pas personnellement redevable du paiement des indemnités de congés payés toutefois, il lui appartient
Il appartient à l'employeur relevant d'une caisse de congés payés, en application des articles L. 3141-12, L. 3141-14 et L. 3141-30 du code du travail, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88, de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Seule l'exécution de cette obligation entraîne la substitution de l'employeur par la caisse pour le paiement de l'indemnité de congés payés.
Mme [X] justifie que l'employeur n'était pas à jour de ses cotisations au près de la caisse congés intempéries du BTP.
Faute en l'espèce faute pour la S.A.R.L. Traditec de justifier qu'il a pris les mesures propres à assurer à Mme [X] la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec au profit de Mme [X] la somme de 1972,34 ' nets correspondant à 17 jours de congés payés encore dus et la somme de 1856,32 ' nets au titre des congés payés acquis pendant l'arrêt maladie de septembre 2021 à mai 2022.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la demande de résiliation judiciaire et l'origine professionnelle de l'inaptitude :
Moyens des parties :
Mme [X] évoque les manquements suivants par l'employeur à ses obligations, à savoir le versement tardif de ses salaires sur les années 2021 et 2022, après le 10 du mois, la non rémunération de l'intégralité des heures supplémentaires accomplies et les faits de harcèlement moral à son encontre.
Sur ce,
En application des dispositions des articles 1226 et 1228 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Lorsque la demande de résiliation judiciaire est fondée sur un harcèlement moral ou la discrimination, la rupture du contrat de travail produit alors les effets d'un licenciement nul.
Il est de principe, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, s'il estime que la demande est justifiée, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
La cour a jugé que Mme [X] avait victime de faits de harcèlement moral ayant abouti à la dégradation physique et psychologique de son état de santé. Le harcèlement moral subi ainsi que le défaut de paiement de la rémunération d'une partie de la rémunération (heures supplémentaires) constituent des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement nul et pendra effet à la date du licenciement ultérieur soit le 7 mai 2022 par voie d'infirmation du jugement déféré.
Il résulte des éléments médicaux produits que l'inaptitude de Mme [X] est la conséquence directe des manquements susvisés de l'employeur à ses obligations. Mme [X] doit par conséquent bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement visée à l'article L. 1226-14 du code du travail. La somme de 4090,57 ' a d'ores et déjà été versée.
Il convient dès lors de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec les sommes suivantes :
5218,86 ' à titre de d'indemnité compensatrice de préavis
4494,45 ' à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement
En application de l'article L. 1235-3-1 alinéa 1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [X] qui disposait au jour de la résiliation judiciaire ( fixée à la date du licenciement pour inaptitude) d'une ancienneté au service de son employeur de plus de 6 années, a été placée pour une très longue période en arrêt maladie du fait de ses conditions de travail. Elle justifie de la perception d'une pension d'invalidité catégorie 2 depuis le 2 août 2024 (18875,19 ' par an soit 1239,60 ' par mois). Il convient dès lors de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec la somme de 23 484,87 ' (9 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur la procédure collective en cours :
Il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En conséquence, les sommes susvisées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec.
Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 4] :
L'UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 4] devra sa garantie à Mme [X] dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail dès lors qu'il s'agit de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective nonobstant l'adoption d'un plan de redressement.
Sur la remise d'une attestation POLE EMPLOI et d'un bulletin de salaire rectifiés:
Il convient d'ordonner à Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales, conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision
La cour précise que Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec peut transmettre soit un bulletin de paie rectifié par mois, soit un bulletin de paie rectifié récapitulatif, pour l'ensemble de la période en litige.
La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires :
Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [X] a été contrainte d'engager des frais non taxables de représentation en justice ; il est contraire à l'équité de les laisser à sa charge. La créance de la salariée au titre de l'instance en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec à la somme globale de 2000' tant au titre de la procédure de première instance que d'appel.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
ORDONNE la jonction des procédures N° 23/1817 et 23/1832 sous le N° 23/1832,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
Débouté Mme [X] de sa demande au titre du travail dissimulé
Débouté la S.A.R.L. Traditec de sa demande reconventionnelle ;
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
DIT que Mme [X] a été victime de harcèlement moral,
ORDONNE la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la S.A.R.L. Traditec à la date du 7 mai 2022,
DIT que cette résiliation judiciaire produira les effets d'un licenciement nul,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec les sommes suivantes :
5 580,34 ' à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre 558,03 ' de congés payés afférents.
1 972,34 ' correspondant à 17 jours de congés payés non réglés
1856,32 ' nets au titre des congés payés acquis pendant l'arrêt maladie de septembre 2021 à mai 2022.
2 000 ' de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
5 218,86 ' à titre de d'indemnité compensatrice de préavis
4 494,45 ' à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement
23 484,87 ' (9 mois de salaire) à titre de de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Y ajoutant,
DIT que les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec qui constituent des créances de salaires et accessoires produiront intérêts au taux légal à compter de la citation du 16 mars 2022 et que celles qui constituent des sommes accordées à titre d'indemnisation produiront intérêts à compter présent arrêt,
DIT que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts à compter du 10 octobre 2024 par application de l'article L. 622-28 du code de commerce,
ORDONNE à Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision et passé ce délai,
REJETE la demande d'astreinte,
DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS représentée par l'AGS-CGEA d'[Localité 4] et qu'elle doit sa garantie dans les conditions définies par l'article L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;
DIT que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à Mme [X] devra couvrir la totalité des sommes allouées à Mme [X] à l'exception de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que son obligation de faire l'avance des sommes allouées à Mme [X] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,
DIT que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Traditec,
CONDAMNE Me [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Traditec, à payer la somme de 2000 ' à Mme [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance.
Ainsi prononcé publiquement le 15 Mai 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente