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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 20 mai 2025, n° 24/04830

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 24/04830

20 mai 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 20 MAI 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 24/04830 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QMPZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2024

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2024000299

APPELANT :

Monsieur [G] [E]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Cédric AMOURETTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 24/007409 du 28/08/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A.R.L. [9], société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier, sous le numéro 980 989 321, dont le siège social est situé [Adresse 7] à [Localité 4] prise en la personne de Maître [F] [S] et venant au droit de La SELARL [10], immatriculée au registre du commerce e des sociétés de NIMES sous le n° 824 797 286, dont le siège social est [Adresse 3], ès qualitès de liquidateur judiciaire de la société [12], société à responsabilité limitée au capital de 2.000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 804 032 910, dont le siège social est [Adresse 8] (France), désignée es qualites à ces fonctions suivant jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 12 février 2021 et ordonnance de transfert de mandat en date du 6 novembre 2023.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Kim VIGOUROUX, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 25 Mars 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 AVRIL 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur, M.Thibault GRAFFIN, ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

Ministère Public :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis le 02 octobre 2024.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

La S.A.R.L [12] a été inscrite le 10 août 2014 au registre du commerce et des sociétés du greffe du tribunal de commerce de Montpellier, pour exercer une activité de nettoyage de bâtiments. Elle avait pour gérant M. [G] [E], et pour directeur de l'exploitation M. [G] [T].

Par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société [12], et désigné la S.E.L.A.R.L. [10], prise en la personne de Me [F] [S], en qualité de mandataire judiciaire.

Puis, le 12 février 2021, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société [12], désignant la société [11] en qualité de liquidateur.

Par ordonnance de transfert de mandat du 6 novembre 2023, la S.A.R.L [9], prise en la personne de Me [S], a été désignée en qualité de liquidateur de la société [12].

Par exploits des 26 et 27 décembre 2023, la société [9], ès qualités, a assigné MM. [G] [E] et [G] [T] aux fins de les voir condamner à contribuer intégralement à l'insuffisance d'actif de la société [12] ainsi qu'à une mesure de faillite personnelle et d'interdiction de gérer.

Par jugement réputé contradictoire du 16 mai 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :

déclaré la société [9], prise en la personne de Me [S] et venant au droit de la société [10], ès qualités de liquidateur de la société [12], recevable et bien fondée en ses demandes ;

déclaré que la société [12] présente une insuffisance d'actifs caractérisée ;

déclaré que M. [E], en sa qualité de dirigeant de droit de la société [12] et M. [T], en sa qualité de dirigeant de fait de ladite société ont incontestablement aggravé la situation de la société [12] ces derniers ayant poursuivi une activité déficitaire avec un état de cessation de paiement manifeste sans procéder à la moindre demande d'ouverture de procédure redressement judiciaire à l'encontre de la société ou de conciliation ;

déclaré que M. [E] et M. [T] n'ont pas tenu de comptabilité fiable et sincère conformément aux prescriptions légales en vigueur ;

déclaré que M. [E] et M. [T] n'ont pas publié les comptes de la société [12] en violation des dispositions légales prévues par les dispositions des articles L. 232-23 et R. 247-3 du code de commerce ;

déclaré que M. [E] et M. [T], à l'occasion de la gestion de la société [12], ont violé la législation fiscale et sociale ;

déclaré que M. [E] et M. [T] se sont volontairement abstenus de coopérer avec les organes de la procédure ;

déclaré que M. [T] a procédé à des détournements d'actifs de la société [12] ;

déclaré que M. [E] et M. [T] ont commis dans le cadre de leur gestion des fautes graves ayant contribués de manière considérable à l'insuffisance d'actifs de ladite société ;

condamné solidairement M. [E] et M. [T] à contribuer intégralement au comblement du passif de la société [12] ;

condamné solidairement M. [E] et M. [T] à payer la somme de 508 755,63 euros, correspondant à l'insuffisance d'actifs de la société [12] au jour de l'audience ;

condamné M. [E] à une mesure de faillite personnelle emportant alors une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans ;

condamné M. [T] à une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans ;

ordonné l'exécution provisoire ;

et condamné solidairement M. [E] et M. [T] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 27 septembre 2024, M. [E] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 19 mars 2025, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par M. [E].

Par conclusions du 25 novembre 2024, M. [E] demande à la cour, au visa des articles L. 232-23, L. 631-4, L. 651-1, L. 652-6, L. 653-1, L. 653-4, L. 653-8 3° et R. 247-3 du code de commerce, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de rejeter toutes les demandes formées par la société [9], ès qualités, et de la condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 6 décembre 2024, la société [9], prise en la personne de Me [F] [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [12], demande à la cour, de :

- confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a condamné solidairement MM. [E] et [T] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l'instance ;

statuant à nouveau,

- condamner solidairement MM. [E] et [T] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles dans le cadre de la première instance, outre les entiers dépens de première l'instance ;

En tout état de cause :

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- le condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile dans le cadre de la procédure d'appel outre les dépens d'appel.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par avis du 2 octobre 2024, communiqué aux parties par RPVA, le ministère public a sollicité la confirmation du jugement entrepris.

L'ordonnance de clôture est datée du 25 mars 2025.

MOTIFS :

Aux termes de l'article L. 651-2, alinéa 1, du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décidée que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

Il appartient au liquidateur de démontrer l'existence d'une faute de gestion imputable au dirigeant, hors une simple négligence de sa part, en relation directe avec cette insuffisance d'actif.

En l'espèce, le passif de la société [12] s'élève à 523 931,19 euros au titre de créances admises à titre définitif ; il n'a été réalisé qu'un actif de 12 135,98 euros par la vente d'éléments mobiliers ; il en résulte une insuffisance d'actif s'établissant à 508 755,63 euros à la date du redressement judiciaire, comme le retient le liquidateur judiciaire dans son état des créances au 30 novembre 2023.

M. [E] est gérant de droit de la société [12] depuis sa création.

Selon l'article L.123-9 du code de commerce, la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer aux tiers les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre du commerce et des sociétés.

Néanmoins, l'inopposabilité ne concerne pas les faits et actes qui mettent en jeu sa responsabilité personnelle sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce.

Or, M. [E] n'a adressé sa lettre de démission au liquidateur judiciaire que le 10 janvier 2021.

En conséquence, même si M. [T] était gérant de fait de la société, M. [E] répond des fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actifs de la société commises antérieurement à sa démission.

En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en décrivant avec précision les nombreuses fautes de gestion commises par les dirigeants ayant contribué à l'insuffisance d'actifs de la société, consistant dans l'omission dans la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, la poursuite d'une activité déficitaire malgré les difficultés de la société, l'absence de tenue d'une comptabilité, l'absence de publication des comptes annuels par le dirigeant, le défaut de respect de la législation fiscale et sociale et les détournements d'actifs.

Le jugement sera en conséquence confirmé, sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. [E] avec M. [T], cette condamnation devant être prononcée in solidum.

Sur la sanction

L'omission de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements ne peut donner lieu qu'à une interdiction de gérer et non pas d'une faillite personnelle, de sorte que le jugement ne pouvait prononcer la faillite personnelle de M. [E] en retenant cette faute.

L'importance et la gravité des fautes de M. [E], leur caractère systématique et prolongé dans le temps telles que ci-dessus retenues, conduisant à une très importante insuffisance d'actif, justifient de sanctionner M. [E], qui est âgé de 61 ans et qui ne produit aucune pièce concernant sa situation personnelle, par l'interdiction de gérer prévue aux articles L 653-1 et suivants du code de commerce pour une durée de 5 années.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Par ailleurs, le jugement sera confirmé s'agissant du montant prononcé au titre de l'article 700 du code de procédure civile à laquelle M. [E] et [T] ont été condamnés, sauf en ce qui concerne le caractère solidaire de cette condamnation qui sera en définitive prononcée in solidum pour ne pas résulter de l'exécution d'un contrat.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [G] [E] solidairement avec M. [G] [T], au comblement du passif de la société [12], et en ce qu'il a condamné M. [E] à une mesure de faillite personnelle emportant alors une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne in solidum M. [G] [E] avec M. [G] [T] à payer à la S.A.R.L [9], prise en la personne de Me [F] [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L [12], la somme de 508 755,63 euros,

Prononce à l'égard de M. [G] [E], né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 4], demeurant actuellement [Adresse 2] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 5 ans,

Condamne M. [G] [E] aux dépens de l'instance d'appel,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [G] [E] à payer à la S.A.R.L [9], prise en la personne de Me [F] [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L [12], la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes.

Ordonne qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) n°2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

La greffière La présidente

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