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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 mai 2025, n° 23/00166

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 23/00166

15 mai 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 15 MAI 2025

N° RG 23/00166 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCDC

[P] [R] épouse [K]

[D] [K]

c/

S.A. DOMOFINANCE

S.A.S.U. LTE

Nature de la décision : AU FOND

Copie exécutoire délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 novembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Bordeaux (RG : 20/01741) suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2023

APPELANTS :

[P] [R] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 6]

[D] [K]

né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 6]

Représentés par Me Céline ABELLA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ ES :

S.A. DOMOFINANCE

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.S.U. LTE, représentée par son mandataire liquidateur, Maître [Z] [O], domiciliée [Adresse 2] (LJ prononcée le 21/12/2021)

demeurant [Adresse 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, présidente,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Marie-Laure MIQUEL

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1- Par contrat conclu le 20 novembre 2014 à la suite d'un démarchage à domicile, M. [D] [K] a commandé à la société LTE la fourniture, l'installation et l'accomplissement des démarches en vue de la mise en service comprenant le raccordement au réseau électrique, d'un système de panneaux photovoltaïques pour le prix de 25 000 euros, financé par un crédit affecté du même montant souscrit le même jour par M. [D] [K] et Mme [P] [K] née [R] (les époux [K]) auprès de la société Domofinance, remboursable en 140 mensualités, au taux nominal fixe de 4,54%.

2- Par actes des 7 et 11 août 2020, les époux [K] ont assigné la société LTE et la société Domofinance devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux, en annulation des contrats, en restitution du capital prêté et en indemnisation.

3- Suivant un jugement du 21 décembre 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société LTE et a désigné Maître [Z] [O] en qualité de liquidateur judiciaire.

4- Selon acte du 21 avril 2022, les époux [K] ont assigné Maître [Z] [O] en cette qualité sur les mêmes chefs de demande.

5- La jonction des deux procédures a été ordonnée par mention au dossier.

Par jugement réputé contradictoire du 14 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux- pôle protection et proximité a :

- déclaré irrecevable pour cause de prescription, la demande en nullité du contrat principal pour non respect des dispositions du code de la consommation;

- débouté les époux [K] de leur demande en annulation du contrat de prêt passé avec la société Domofinance par application des dispositions de l'article L.311-32 ancien du code de la consommation (devenu L.312-55) ;

- débouté en conséquence, les époux [K] de leur demande en restitution des mensualités versées par eux à l'établissement de crédit ;

- débouté les époux [K] de leur demande tendant à prévoir un remboursement mensuel du prêt sur la base d'un nouveau tableau d'amortissement ;

- déclaré irrecevable pour cause de prescription la demande indemnitaire émise par les époux [K] à l'encontre de la société Domofinance ;

- condamné les époux [K] à verser à la société Domofinance la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les époux [K] de leur demande en paiement émise de ce chef ;

- condamné les époux [K] au paiement des entiers dépens.

7- Les époux [K] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration du 11 janvier 2023.

8- Par dernières conclusions déposées le 7 avril 2023, les époux [K] demandent à la cour de :

- rejeter les prétentions adverses et les dire injustes et mal fondées ;

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

* déclaré irrecevables et prescrites les demandes en nullité pour dol et irrégularité formelle formées par les époux [K] et rejeté en conséquence l'action en nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté ;

* déclaré irrecevable l'action en responsabilité contractuelle comme prescrite diligentée à l'encontre de la société Domofinance ;

* rejeté les demandes formulées à l'endroit de la société Domofinance.

Et statuant à nouveau :

- prononcer la nullité du bon de commande du 20 novembre 2014 et du contrat de crédit affecté ;

- juger que la société Domofinance a manqué à ses obligations lors de la souscription du contrat de crédit ainsi que lors de la libération des fonds et ce que ces fautes la privent du droit de demander le remboursement du capital emprunté ;

- condamner la société Domofinance au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts.

À titre subsidiaire si la société Domofinance devait être autorisée à recouvrer le montant du crédit affecté elle devra le faire directement auprès de la société AEC/ LTE et non auprès des époux [K] ;

- condamner la société Domofinance à rembourser aux époux [K] les sommes versées au titre du contrat de prêt ;

- condamner la société Domofinance au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.

9- Par dernières conclusions déposées le 23 juin 2023, la société Domofinance demande à la cour de :

A titre principal :

- débouter les époux [K] de l'ensemble de leurs demandes ;

- confirmer le jugement rendu le 14/11/2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire, en cas de nullité de plein droit du crédit affecté :

- débouter les époux [K] du surplus de leurs demandes ;

- condamner in solidum les époux [K] à restituer à la société Domofinance la somme de 25 000 euros, sous déduction de leurs règlements ;

- constater la société Domofinance détient une créance de dommages et intérêts à l'égard de la société LTE d'un montant de 10 690,21 euros ;

- fixer, en conséquence, au passif de la société LTE représentée par son mandataire liquidateur, Me [Z] [O], cette créance de 10 690,21 euros.

À titre infiniment subsidiaire :

- constater la société Domofinance détient une créance de dommages et intérêts à l'égard de la société LTE d'un montant de 32 863,60 euros ;

- fixer, en conséquence, au passif de la société LTE représentée par son mandataire liquidateur, Me [O], cette créance de 32 863,60 euros.

En tout état de cause :

- condamner in solidum les époux [K] à payer à la société Domofinance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum les époux [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

10- La déclaration d'appel et les conclusions des parties ont été signifiées à Maître [Z] [O], es qualité de mandataire liquidateur de la société LTE, laquelle n'a pas constitué avocat.

11- L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 3 avril 2025.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 mars 2025.

12- Par message RPVA en date du 09 avril 2025, la cour a invité les parties à faire valoir, avant le 17 avril 2025, leurs observations éventuelles sur l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 juillet 2024 (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754).

Le 10 avril 2025, le conseil de la société Domofinance a transmis une note en délibéré dûment autorisée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l'action en nullité fondée sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation

En vertu de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les appelants font grief au premier juge d'avoir posé en principe que le point de départ de la prescription quinquennale devait être fixé au jour de la signature du contrat, soutenant au contraire que celui-ci ne peut être fixé qu'au jour où ils ont eu effectivement connaissance des vices du contrat et de leur sanction alors même qu'il n'est pas démontré que les textes régissant le formalisme applicable aux contrats conclus hors établissement ont été reproduits dans le bon de commande, ajoutant qu'il appartient à la banque qui leur oppose la prescription de rapporter la preuve de la date à laquelle ils ont eu connaissance des vices de forme affectant le bon de commande qu'ils ont signé le 20 novembre 2014.

Pour sa part, la société Domofinance postule avec le premier juge que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de la signature de l'acte.

En l'espèce, c'est à tort que le premier juge a retenu que le point de départ de la prescription de l'action en nullité pour méconnaissance des dispositions du code de la consommation régissant le formalisme des contrats conclus hors établissement devait être fixé au jour de la signature du contrat alors qu'il n'a caractérisé en rien les circonstances qui lui auraient permis de se convaincre que les époux [K] ont été en mesure de déceler par eux-mêmes, à la lecture de l'acte, la violation des dispositions du code de la consommation et avaient connaissance dès cette date de l'action en nullité qui s'ouvrait à eux.

La société intimée ne propose aucun élément permettant d'établir que les appelants avaient ou auraient dû avoir, dès la signature du contrat conclu avec la société LTE, une connaissance des causes de nullité l'affectant, étant rappelé que le seul fait que le contrat reproduise les dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à peine de nullité à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions (1ère Civ. 24 janvier 2024, n°22-16.115), ce d'autant qu'en l'espèce, le bon de commande ne reproduit même pas les articles L. 121-23 à L. 121-26 anciens du code de la consommation prévoyant, notamment, les mentions que le contrat doit comporter à peine de nullité, et dont le défaut est allégué dans le cadre la présente instance.

La banque ne rapportant pas la preuve qui lui incombe que l'action en nullité du contrat de vente pour méconnaissance des dispositions protectrices du code de la consommation est prescrite, celle-ci sera déclarée recevable, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Sur la nullité du contrat de vente

A l'appui de leur demande de nullité, les époux [K] soutiennent que le bon de commande ne respecte pas les dispositions du code de la consommation en ce qu'il ne contient ni les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ni la date de livraison.

La société Domofinance reste taisante sur les motifs invoqués au soutien de la demande en nullité.

Sur ce,

Le contrat principal liant la société LTE à M. [K] a été conclu le 20 novembre 2024 à l'occasion d'un démarchage à domicile. Il est par suite soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

Aux termes de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, le contrat doit comprendre, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.

L'article L. 121-17, paragraphes I et III, dispose :

« I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1o Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2o Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;'

Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation,

'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ;

2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d'un prix en application des articles L. 112-1 à L. 112-4-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;'

En l'espèce, il n'est mentionné sur le bon de commande produit aucun délai de livraison permettant à l'acquéreur de déterminer quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations, notamment les opérations matérielles et livraison et d'installation des biens et l'exécution des prestations administratives auxquelles le vendeur s'est engagé.

Cette irrégularité suffit à entraîner la nullité du contrat, laquelle sera prononcée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité allégués.

Sur la nullité du contrat de crédit

Pour financer l'opération litigieuse, les époux [K] ont souscrit auprès de la société Domofinance un contrat de crédit affecté, suivant offre préalable acceptée le 20 novembre 2014. Le contrat, dont la conclusion n'est pas discutée, est par suite soumis aux dispositions des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour de sa conclusion.

Aux termes de l'article L. 311-32 du même code, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En application de ces dispositions, et au regard de l'annulation du contrat conclu par acceptation du bon de commande du 20 novembre 2014, le contrat de crédit affecté au financement de l'opération doit également être annulé de plein droit.

Sur les restitutions consécutives à l'annulation du contrat de prêt

En cas d'annulation d'un contrat, les prestations exécutées donnent lieu à restitution. Néanmoins, tout contractant peut voir sa responsabilité contractuelle engagée en cas de manquement à ses obligations, les créances réciproques des parties pouvant alors se compenser plus ou moins complètement.

Ainsi, il est de jurisprudence constante que la nullité du contrat de crédit affecté implique la restitution par le prêteur des remboursements perçus et la restitution par l'emprunteur du capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.

Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Sur la faute de la banque

Les époux [K] reprochent à la société Domofinance d'avoir délivré les fonds au vendeur sans s'être assurée que celui-ci avait exécuté son obligation et sans procéder préalablement, auprès du vendeur et de l'emprunteur, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicile était affecté d'une cause de nullité.

La banque réplique qu'elle a débloqué les fonds au vu d'une fiche de réception sans réserve des travaux aux termes de laquelle les époux [K] lui demandaient de procéder à la remise des fonds.

Sur ce,

Il résulte d'une jurisprudence bien établie que commet une faute la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.

En l'espèce, premièrement la société Domofinance s'est fait remettre un bon de commande qui ne respecte pas les règles de forme prescrites par le code de la consommation, ainsi qu'il a été jugé ci-avant. En s'abstenant de vérifier la régularité formelle du contrat principal, alors que l'irrégularité du bon de commande quant à l'absence du délai de livraison était manifeste, la banque, qui est spécialisée dans les opérations de crédit affectées dans le cadre de démarchage à domicile, a manqué à son obligation.

Deuxièmement, si M. [K] a complété, daté et signé la fiche de réception des travaux, assurant que 'l'installation (livraison et pose) est terminée (...) et correspond au bon de commande du 20 novembre 2014", force est de constater qu'à la date du 18 décembre 2014, date de signature de l'attestation, l'ouvrage n'était pas terminé puisque, ainsi que l'indique la banque elle-même dans ses écritures page 12, l'installation des époux [K] n'a été raccordée au réseau électrique que le 15 avril 2015, étant rappelé que le contrat prévoyait l'exécution par la société LTE des démarches administratives, de la mise en conformité Consuel et du raccordement au réseau Erdf. La banque est donc en cela fautive de se défaire de l'intégralité des fonds en faveur du vendeur dont les prestations par définition ne sont pas terminées puisqu'il s'est engagé à procéder au raccordement au réseau, quand bien même l'attestation de fin de travaux signée par l'acquéreur lui a été dûment remise.

Il apparaît, en définitive, que la la société Domofinance a versé les fonds sans s'assurer de la régularité formelle du contrat principal et de sa complète exécution, ces manquements étant constitutifs de fautes susceptibles d'engager sa responsabilité contractuelle.

Sur les préjudices des époux [K]

La société Domofinance fait valoir que les époux [K] ne justifient d'aucun préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute du prêteur, dès lors que l'installation photovoltaïque litigieuse fonctionne parfaitement et produit de l'électricité, ajoutant que le fait que la société LTE fasse l'objet d'une procédure collective ne constitue ni une faute imputable à la banque, ni un préjudice dont elle est responsable.

Les époux [K] rétorquent que la faute de la banque leur ont occasionné un préjudice caractérisé, compte tenu de l'insolvabilité de la société LTE placée en liquidation judiciaire, par la privation de la contrepartie de la restitution du bien vendu. Ils en concluent que la société Domofinance doit être privée de son droit à restitution du capital et condamnée en conséquence à leur rembourser les sommes versées au titre du contrat de prêt. Ils réclament en outre la condamnation de la banque à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est insolvable.

En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation. D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.

Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

En l'espèce, l'insolvabilité de la société LTE n'est pas contestée et résulte de son seul placement en liquidation judiciaire.

Il s'ensuit que M. [K] a subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.

En conséquence, la société Domofinance sera déboutée de sa demande de remboursement du capital emprunté et condamnée à restituer aux époux [K] l'ensemble des sommes versées depuis l'origine du contrat, sans qu'il y ait lieu de limiter le remboursement dû par la banque, les époux [K] justifiant d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé.

S'agissant du préjudice moral, les époux [K] ne rapportent pas la preuve de celui-ci, en sorte qu'ils seront déboutés de leur demande de ce chef.

Sur la demande en garantie formée par la société Domofinance contre la société LTE

Selon les dispositions de l'article L.311-33 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en l'espèce, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.

Sur ce fondement, la société Domofinance, qui justifie avoir déclaré sa créance au passif de la société LTE, sollicite la fixation au passif de celle-ci d'une créance correspondant aux intérêts contractuels qu'elle a perdus.

Les dispositions de l'article L .311-33 prévoyant, outre la condamnation du vendeur à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, la possibilité de condamner le vendeur à verser des dommages et intérêts au prêteur, il convient de faire droit à la demande de la banque tendant à voir condamner la venderesse à lui payer la somme de 7.863,60 euros, au titre des intérêts perdus du fait de l'annulation du contrat de prêt subséquente à l'annulation du contrat principal. En effet, l'organisme prêteur s'est vu privé, par la faute du vendeur, de la rentabilité escomptée de l'opération financière.

Il sera donc fait droit à la demande de la banque en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il convient d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La société Domofinance, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris,

Statuant de nouveau,

Déclare recevable l'action en nullité formée par M. [D] [K] et Mme [P] [K] née [R],

Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 20 novembre 2014 entre M. [D] [K] et la société LTE,

Constate la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté conclu entre M. [D] [K] et Mme [P] [K] née [R] et la société LTE,

Condamne la société Domofinance à restituer à M. [D] [K] et Mme [P] [K] née [R] l'ensemble des sommes versées depuis l'origine du contrat de crédit,

Fixe au passif de la société LTE représentée par son mandataire liquidateur Maître [Z] [O], la somme de 7.863,60 euros,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Domofinance à payer à M. [D] [K] et Mme [P] [K] née [R], ensemble, la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Domofinance aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Marie-Laure MIQUEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

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