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Décisions

CA Lyon, ch. juridiction premier président, 19 mai 2025, n° 25/00049

LYON

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Groupe Fonciere (SAS)

Défendeur :

MJ Alpes (SELARL), AJ (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardoux

Conseiller :

M. Bardoux

Avocats :

Me De Fourcroy, Me Bertrand, Me Benmussa, Me Vincent, Me Croze

T. act. écon. Lyon, du 2 avr. 2024

2 avril 2024

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Groupe Foncière [F], initialement dirigée par M. [G] [F] et Mme [T] [C] épouse [F], également actionnaires, a fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 2 avril 2024 qui a désigné la SELARL AJ [H] & Associés en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL MJ Alpes en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 28 novembre 2024, M. [F] a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, ainsi que de diriger, administrer, gérer ou contrôler, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, et ce, pour une durée de cinq ans et avec exécution provisoire.

Suivant requête du 20 décembre 2024, la SELARL AJ [H] & Associés a sollicité la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire du 15 janvier 2025, le tribunal des activités économiques de Lyon a notamment :

- prononcé la conversion en liquidation judiciaire normale (L. 641-1) de la société Groupe Foncière [F],

- nommé la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur judiciaire.

Les époux [F], la société Groupe Foncière [F] et la société [S] Elec prise en la personne de son représentant légal en exercice, M. [U] [S] [E], et agissant en qualité de dirigeant de la société Groupe Foncière [F] ont interjeté appel de la décision le 27 janvier 2025.

Par actes des 12 et 14 février 2025, la société Groupe Foncière [F], la S.A.S. [S] Elec et les époux [F] ont assigné en référé la SELARL MJ Alpes et le ministère public devant le premier président aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire, et de condamnation solidaire des SELARL MJ Alpes et AJ [H] & Associés à payer à la société Groupe Foncière [F] la somme de 5 000 ' en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par actes du 24 mars 2025, la société Groupe Foncière [F], la société [S] Elec et les époux [F] ont également assigné en référé et aux mêmes fins la SELARL MJ Alpes et AJ [H] & Associés, respectivement liquidateur judiciaire et administrateur judiciaire de la société Groupe Foncière [F].

A l'audience du 5 mai 2025 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans leurs assignations, la société Groupe Foncière [F], la société [S] Elec et les époux [F] soutiennent au visa de l'article R. 661-1 du Code de commerce l'existence de moyens à l'appui de l'appel paraissant sérieux en ce que le tribunal a fondé sa décision sur un seul critère, la condamnation d'interdiction de gérer de M. [F] alors que l'interdiction de gérer ne peut constituer le seul et unique motif pour prononcer une liquidation judiciaire. Ensuite, ils font valoir que ce critère était sans objet puisque M. [F] n'était plus le dirigeant de la société Groupe Foncière [F] depuis le procès-verbal d'assemblée générale du 19 décembre 2024 qui a nommé la société [S] Elec en qualité de nouveau président.

Ils affirment que l'intégralité du passif aurait pu être couvert par la somme de 770 000 ' séquestrée par l'administrateur judiciaire sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts et des consignations, outre l'engagement pris par l'actionnaire d'apporter la somme de 180 000 ', ce qui aurait permis à la société Groupe Foncière [F] de présenter un plan en une seule échéance et d'éteindre l'intégralité du passif.

Par avis transmis le 5 mars 2024, le ministère public rappelle que le mandataire judiciaire avait, à juste titre, estimé que la poursuite de la période d'observation devait être conditionnée à l'accord des investisseurs, à la désignation d'un nouveau gérant et à la cession de l'ancien gérant de ses parts à son épouse, et à la consignation des fonds permettant de couvrir le passif et les frais de justice. Il remarque que le requérant n'a apporté une réponse qu'à un seul de ces points et n'a joint aucune pièce à son assignation.

Dans ses leurs dernières conclusions envoyées au greffe par RPVA le 5 mai 2025, les SELARL MJ Alpes et AJ [H] & associés demandent au délégué du premier président de :

- juger nulle l'assignation en arrêt de l'exécution provisoire délivrée à la requête de la

société Groupe Foncière [F] représentée par la société [S] Elec en sa qualité de dirigeant et par la société [S] Elec en sa qualité de dirigeant de la société Groupe Foncière [F], pour défaut de pouvoir et de qualité,

- juger que M. [G] [F] et Mme [T] [F] sont irrecevables et, en toute hypothèse, infondés à interjeter appel et, partant, à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement querellé, n'ayant pas été parties au jugement dont appel,

- rejeter en conséquence, la demande d'arrêt d'exécution provisoire du jugement du

tribunal des activités économiques de Lyon du 15 janvier 2025 ayant converti le redressement judiciaire de la société Groupe Foncière [F] en liquidation judiciaire,

- subsidiairement, constater que la SELARL MJ ALPES, ès-qualités, s'en rapporte à l'appréciation de la juridiction à la lumière de ses observations,

- en toute hypothèse, débouter les demandeurs de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens à l'encontre des SELARL MJ ALPES et AJ [H] & associés,

- employer les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Elles soutiennent l'irrégularité de l'assemblée générale qui aurait conduit à la désignation de la société [S] Elec en qualité de président de la société Groupe Foncière [F] au motif que M. [F] a été privé de ses prérogatives de dirigeant et d'actionnaire de la société Groupe Foncière [F] par décision correctionnelle et n'avait pas le pouvoir et la capacité pour convoquer cette assemblée générale et pour y voter. Elle considère également que les époux [F] ne peuvent solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire, n'ayant pas été parties à ce jugement.

Ensuite, elle rappelle que le passif total est de 1 236 023,52 '. Elle souligne que le jugement a repris les conditions évoquées par le mandataire judiciaire de nature à permettre d'éviter la conversion en liquidation judiciaire, conditions qui n'ont pas été levées et qui justifient la décision prononcée. Elle fait état de ce que l'apport actionnaire n'est pas intervenu et qu'en toute hypothèse, le passif excède notablement, en l'état, les sommes séquestrées et l'apport promis par l'actionnaire, puisqu'il est de 1 236 000 '.

Dans leurs conclusions déposées au greffe par RPVA le 5 avril 2025, la société Groupe Foncière [F], la société [S] Elec et les époux [F] maintiennent les demandes contenues dans leurs assignations et s'opposent en tout état de cause à de l'intégralité des demandes, fins et prétentions de la SELARL MJ Alpes.

Ils affirment avoir régularisé l'appel et la présente procédure par déclaration d'appel du 12 mars 2025 et par assignation signifiée le 24 mars 2025.

Ils font valoir que l'argumentaire du liquidateur judiciaire qui consiste à dire que la désignation de la société [S] Elec en qualité de président de Groupe Foncière [F] est nulle et irrégulière ne peut tenir dans la mesure où la cour n'a pas le pouvoir d'évoquer cette demande puisqu'il n'existe aucun jugement qui a ordonné une mesure d'instruction ou qui, statuant sur une exception de procédure, met fin à l'instance et par ailleurs la cour ne peut prononcer la nullité d'une délibération sociale sans qu'une demande de nullité ait été préalablement soulevée en première instance, ce qui n'est pas le cas.

Ils excipent des dispositions de l'article L. 210-9 du Code de commerce comme de la publication de la nomination du dirigeant qui la rendait opposable aux tiers et ne leur permet plus de se prévaloir d'une irrégularité sauf collusion frauduleuse.

Ils soutiennent donc que la société [S] Elec, en tant que représentant légal de la société Groupe Foncière [F], est ainsi recevable tant dans la procédure d'appel que dans la présente procédure.

Ils précisent que l'intégralité du passif est couvert et traité par la conclusion de protocoles transactionnels, la créance de 184 000 ' qui viendrait augmenter le passif selon l'intimée ayant d'ores et déjà été traitée et réduite à 50 000 ' pour solde de tout compte, de sorte que le redressement n'est pas manifestement impossible.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la nullité invoquée des assignations délivrées par les demandeurs

Attendu qu'aux termes de l'article 117 du Code de procédure civile «Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

- le défaut de capacité d'ester en justice ;

- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.» ;

Attendu que les SELARL MJ Alpes et AJ [H] & associés soutiennent d'abord au visa de ce texte la nullité des assignations délivrées par la société Groupe Foncière [F], qu'elles tirent de l'irrégularité de l'assemblée générale du 19 décembre 2024 à raison d'un défaut de capacité et de pouvoir de M. [F] de convoquer cette assemblée générale et d'y voter à la suite de sa condamnation prononcée le 28 novembre 2024 par le tribunal correctionnel de Lyon ;

Attendu que seule la juridiction saisie dispose du pouvoir exclusif de statuer sur la régularité de sa saisine et partant sur les moyens qui fondent une irrégularité soulevée portant sur le pouvoir d'une partie à représenter une personne morale, et les demandeurs sont infondés à soutenir que cette question n'est pas susceptible d'être tranchée tant qu'une juridiction de première instance n'en a pas été saisie ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 210-9 du Code de commerce sont inopérantes en l'espèce en ce que la question porte non pas sur une contestation des engagements de ou en faveur de la société Groupe Foncière [F], mais concerne la régularité de l'acte introductif d'instance ;

Qu'en effet, ce texte prévoit que «Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée.

La société ne peut se prévaloir, à l'égard des tiers, des nominations et cessations de fonction des personnes visées ci-dessus, tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées.» ;

Attendu qu'il n'est pas discuté que M. [F] a été condamné le 28 novembre 2024 avec exécution provisoire par le tribunal correctionnel de Lyon à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, ainsi que de diriger, administrer, gérer ou contrôler, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal d'assemblée générale de la société Groupe Foncière [F] du 19 décembre 2024, qu'elle a été réunie sur «convocation du Président remise à chaque associé selon les dispositions statutaires» et qu'elle a été «présidée par M. [G] [F]» ;

Attendu que la société Groupe Foncière [F] en relevant que la nomination d'un nouveau dirigeant au cours cette assemblée générale du 19 décembre 2024 a été prise dans le respect des dispositions statutaires n'a pas répondu sur la capacité de M. [F] de convoquer cette assemblée en mettant en avant sa qualité de président et de présider cette même assemblée en cette qualité ;

Qu'il n'est pas contesté ni contestable que la peine complémentaire prononcée le 28 novembre 2024 interdisait à M. [F] d'exercer d'une quelconque manière ses fonctions de dirigeant de la société Groupe Foncière [F] ; qu'il n'est pas affirmé par cette dernière que cette assemblée générale était susceptible d'être régulièrement convoquée par un de ses associés alors qu'il n'est pas expliqué les raisons qui ont conduit à ce que Mme [F] prenne cette initiative ;

Attendu qu'il convient ainsi de retenir l'irrégularité de cette assemblée générale et de la décision prise en son sein de désigner la société [S] Elec en qualité de président ;

Que cette irrégularité conduit à retenir la nullité des assignations délivrées par la société Groupe Foncière [F] représentée par la société [S] Elec pour défaut de capacité et de pouvoir de cette société pour agir et assurer la représentation de la société Groupe Foncière [F] en justice ;

Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par les époux [F]

Attendu que les SELARL MJ Alpes et AJ [H] & associés soutiennent l'irrecevabilité des époux [F] à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire de la conversion en liquidation judiciaire de la société Groupe Foncière [F], à raison de ce qu'ils n'ont pas été parties au jugement dont appel ;

Que les époux [F] n'ont pas contesté cette irrecevabilité et n'ont pas tenté de justifier d'un éventuel intérêt personnel à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire d'une entreprise dont ils ne sont plus les dirigeants ;

Attendu qu'il n'est pas contestable qu'ils n'étaient pas parties en première instance ;

Attendu qu'il convient de les déclarer irrecevables en leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Sur les dépens

Attendu que les dépens de la présente instance doivent demeurer à la charge de la société liquidée et être employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance par défaut,

Vu les déclarations d'appel du 27 janvier 2025 et du 12 mars 2025,

Déclarons nulles les assignations délivrées à la demande de la S.A.S. Groupe Foncière [F] et par la S.A.S. [S] Elec, agissant en qualité de dirigeant de la S.A.S. Groupe Foncière [F],

Déclarons irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. [G] [F] et Mme [T] [C] épouse [F],

Disons que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire et rejetons la demande présentée par les demandeurs au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

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