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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 16 mai 2025, n° 20/04225

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

CA Aix-en-Provence n° 20/04225

15 mai 2025

***

La SCI [Adresse 8] (la SCI) a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, la construction d'un bâtiment collectif d'habitation à usage de résidence hôtelière dénommé '[Adresse 10]', au [Adresse 8] à [Localité 9].

Dans le cadre de cette opération, la SCI a souscrit des assurances dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur auprès de la compagnie d'assurance Albingia.

L'immeuble soumis au statut de la copropriété comporte un rez-de-chaussée surélevé de 6 niveaux et 3 niveaux de parkings souterrains disposant d'un monte-voitures.

Sont intervenus à l'acte de construire, notamment :

- la société Sérimar, assurée auprès de la SMABTP, en qualité de maître d''uvre (aujourd'hui liquidée),

- la société Kompa France (exerçant sous le nom commercial Evin Ascenseurs Méditerranée), assurée auprès de la compagnie Generali, qui a commercialisé le monte-voitures,

- la société Resetra ascenseurs, assurée auprès de la SMA, qui a mis en 'uvre le monte-voitures et qui a racheté la société Kompa,

- la société Kone, assurée auprès de la compagnie Generali, chargée du lot ascenseur et à laquelle a par ailleurs été confiée la maintenance du monte-voiture, qui vient désormais aux droits de la société Resetra,

- M. [Z] [F], bureau d'études techniques, assuré auprès de la MAF,

- la société Duheme, assurée auprès de la compagnie Areas Dommages, chargée du lot plomberie.

Un 'procès-verbal de réception et de mise en exploitation' du monte-voitures dépendant du 'lot ascenseurs' a été régularisé le 9 septembre 2004 entre la société Resetra et le maître de l'ouvrage (la SCI), avec certaines réserves ('réglage ralentissement en montée, indicateur de niveaux, plaque droite en cabine, tôle de coffrage au 3ème sous-sol en gaine').

Le 30 septembre 2004, un 'procès-verbal de réception des travaux' a été signé par les mêmes ainsi que par le maître d''uvre, document mentionnant qu'il avait été procédé le 9 septembre 2004 à la visite des travaux exécutés concernant le lot ascenseur / monte-voitures, indiquant que 'la réception était prononcée avec effet à la date du 30 septembre 2004", et mentionnant diverses autres réserves.

Par acte du 29 septembre 2014, le syndicat des copropriétaires se plaignant d'infiltrations dans le local technique ainsi que d'un dysfonctionnement du monte-voitures, a assigné en référé la SCI et son assureur dommages ouvrage, la société Albingia, devant le président du tribunal de grande instance de Grasse.

Par acte du 30 septembre 2014, la société Albingia a appelé en cause la société Kone et son assureur la compagnie Generali ainsi que les différents intervenants à l'acte de construire.

Par une ordonnance du 17 novembre 2014, Mme [O] [H] a été désignée comme expert. Elle a déposé son rapport définitif le 24 octobre 2016.

1Sans attendre le dépôt de ce rapport, par des actes délivrés les 14, 16 et 20 septembre et 4 octobre 2016, le syndicat des copropriétaires a assigné au fond la SCI et son assureur Albingia, M. [F] et son assureur la MAF, la société Duheme, la société Kone et son assureur Generali pour obtenir le paiement des sommes de 84 000 euros pour la réparation du monte-voitures et 15 433 euros pour la réparation du local technique, outre une indemnité 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 26 juillet 2017, la société Kone a appelé en garantie la compagnie Generali en sa qualité d'assureur de la société Kompa France (exerçant sous le nom commercial Evin Ascensceurs Méditerranée), ainsi que la SMABTP en qualité d'assureur de la société Resetra, deux sociétés aux droits desquelles elle intervient désormais.

Ces deux instances ont été jointes par une ordonnance du juge de la mise en état du 4 octobre 2018.

Vu le jugement du le 25 février 2020 par lequel le tribunal judiciaire de Grasse - après avoir prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture du 5 septembre 2019 et une nouvelle clôture au 24 septembre 2019 et constaté l'intervention volontaire de la SMA et la mise hors de cause de la SMABTP - a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action 'de la demanderesse',

- constaté l'irrecevabilité des demandes de la société Kone à l'encontre de la SMA, comme prescrites,

- condamné in solidum les sociétés Albingia, Kone et Generali à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 10] la somme de 84 000 euros TTC au titre des travaux réparatoires du monte-charge, indexée sur l'indice BT01 et augmentée des intérêts au double du taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 4 octobre 2016,

- condamné in solidum les sociétés Albingia et Duheme à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 10] la somme de 15 433 euros TTC au titre des travaux réparatoires du local technique, indexée sur l'indice BT01 et augmentée des intérêts au double du taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 4 octobre 2016,

- condamné la société Kone à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 10] la somme de 19 116,68 ' au titre du remboursement des frais de maintenance du monte-charge,

- rejeté toute autre demande,

- condamné in solidum les sociétés Albingia, Duheme et Kone ainsi que la société Generali, son assureur, à verser au syndicat des copropriétaires [Adresse 10] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Myriam Duburcq, avocat, membre de la SCP Donnet-Duburcq,

Vu les appels de la société Kone en date du 20 mars 2020 (RG 20/04225), de la société Albingia en date du 23 mars 2020 (RG 20/04256) et de la société Generali en date du 31 mars 2020 (RG n°20/04370),

Vu l'ordonnance d'incident rendu par le conseiller de la mise en état le 11 février 2021 déclarant irrecevable ce dernier appel (RG n°20/04370) pour défaut de paiement du droit de timbre,

Vu son ordonnance en date du 30 septembre 2021 portant jonction des deux premières procédures (RG n° 20/04225 et RG n°20/04370),

Vu également :

- les appels provoqués formés le 31 août et 1er septembre 2020 par la société Generali à l'encontre de M. [F], son assureur la MAF, et la SCI,

- les appels incidents de la société Generali, de M. [F] et de son assureur MAF ainsi que de la SMA, par le biais de leurs premières conclusions respectives,

Vu les dernières conclusions, transmises par voie électronique le 21 octobre 2024 pour le compte de la société Kone, qui demande à la cour de réformer la décision en date du 25 février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en toutes ses dispositions et, en substance, de :

A titre principal,

- déclarer irrecevable l'action engagée par le syndicat des copropriétaires pour cause de prescription,

- le débouter de toutes ses demandes en l'état des négligences qui lui sont imputables et qui engagent sa responsabilité concernant les dysfonctionnements affectant le monte véhicule,

A titre subsidiaire,

- limiter le montant des travaux réparatoires du monte-voiture à la somme de 57 000 euros HT,

- condamner les compagnies d'assurances Generali et SMA BTP à la relever et garantir des éventuelles condamnations à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître [M] [D], avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2024 pour la société Albingia, aux fins de voir - en substance et indépendamment des demandes tendant à voir 'juger que' qui sont des moyens et non des prétentions, seules susceptibles de saisir la cour - :

- confirmer que la réception du lot ascenseur/monte-charge a été prononcée le 30 septembre 2004,

- confirmer le jugement en ce que l'action à l'encontre de Kone et de la compagnie Generali n'est pas prescrite, et en ce que le désordre a été jugé intégralement imputable à la société Kone,

- juger que le délai a été prorogé de 24 heures et que l'assignation délivrée le 1er octobre 2014 a valablement interrompu le délai de prescription dès lors qu'elle a été empêchée d'assigner avant l'expiration de la garantie décennale à raison d'un cas de force majeure, à savoir la grève des commissaires de justice,

- réformer le jugement et statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Kone et ses assureurs Generali et SMA à la relever et garantir indemne de toutes condamnations, tant en principal qu'intérêts et frais qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige,

- en tout état de cause, sur son action subrogatoire et le fondement des articles 1792, 1231-1 et 1240 du code civil et L.124-3 du code des assurances, condamner in solidum la société Kone, ses assureurs Generali et SMA responsables des réclamations à lui rembourser le montant des condamnations prononcées à son encontre en exécution du jugement entrepris, en ce compris les condamnations prononcée aux titre des dépens et de l'article 700, tant en principal, qu'intérêts et frais, avec capitalisation de ces intérêts, et ce, sur simple justificatif de règlement,

- condamner les mêmes à lui verser la somme de 8 000 euros, sauf à parfaire, en remboursement de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions conclusions notifiées le 7 novembre 2024 pour la société Generali qui - indépendamment des demandes tendant à voir 'dire et juger que', 'juger que' ou 'déclarer que' qui sont des moyens et non des prétentions, seules susceptibles de saisir la cour - lui demande en substance de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'après écarté la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires à son encontre et à l'encontre de son assurée, la société Resetra, il l'a condamnée, in solidum avec d'autres coobligés, à verser au syndicat des copropriétaires les sommes de 70 000 euros HT au titre des frais de remise en état du monte-véhicule, 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens de référé et de l'instance au fond en première instance,

Et, le réformant,

À titre liminaire,

- déclarer irrecevable le syndicat des copropriétaires dans ses demandes formulées à son encontre pour cause de precription et forclusions et prononcer sa mise hors de cause pure et simple,

À titre principal,

- débouter toute partie de ses demandes formulées à son encontre et prononcer la mise hors de cause de la compagnie Generali,

À titre subsidiaire,

- sur son appel provoqué à l'encontre de la SCI ainsi que M. [F] et la MAF, son assureur, condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le maître de l'ouvrage SCI et le maître d''uvre [F] ainsi que leurs assureurs respectifs Albingia (police CNR) et MAF ainsi que la SMA à la relever indemne et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre tant en principal qu'en accessoires, frais, intérêts et anatocisme, en sa qualité d'assureur de la société Kone dont la responsabilité ne saurait être engagée en raison du défaut d'entretien de la pompe de relevage,

- faire application des limites de garantie, opposables à la seule société Kone pour la garantie obligatoire et également aux tiers pour les autres garanties, ainsi que du taux intermédiaire de TVA pour les travaux de réparation des désordres,

En tout état de cause,

- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 9] et tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et à l'ensemble des dépens des instances de référé et au fond devant le tribunal comme devant la cour, qui pourront être recouvrés par Maître Paul Guedj, avocat aux offres de droit, inscrit au barreau d'Aix-en-Provence,

Vu les dernières conclusions, prises le 6 novembre 2024, pour le compte du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 9], qui - indépendamment des demandes tendant à voir 'relever que' ou 'confirmer que' qui sont des moyens et non des prétentions seules susceptibles de saisir la cour - lui demande en substance de :

- confirmer le jugement en toutes de ces dispositions et rejeter les appels principaux et incidents, notamment ceux de la société Kone et des compagnies Albingia, Generali et SMA,

- débouter les appelants principaux et incidents de l'intégralité de leurs demandes,

- débouter les autres intimés de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner in solidum les sociétés Albingia, Duheme, Kone et Generali à lui verser une indemnité 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Romain Cherfils de la SERARL LX Aix-en-Provence, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 novembre 2024 pour M. [F] et son assureur, la MAF, aux fins (indépendamment des demandes tendant à voir 'juger que' ou 'constater que' qui sont des moyens et non des prétentions seules susceptibles de saisir la cour) de :

A titre liminaire,

- les mettre hors de cause en l'absence de demande à leur encontre,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires pour cause de prescription,

A titre subsidiaire,

- prononcer une mise hors de cause eu égard à la mission d'ingénieur BET Structures confiée à M. [F], sans rapport avec les désordres allégués,

- à défaut, condamner la société Kone, responsable des fautes d'exécution et des manquements à l'origine des désordres, ainsi que son assureur SMA sur le fondement de l'article 1240 du code civil à le relever et garantir de l'intégralité des éventuelles condamnations pouvant être prononcées à son encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires,

- en tout état de cause, débouter tous concluants de leurs demandes dirigées à leur encontre et condamner la compagnie Generali à payer 'au concluant' une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joseph Magnan, avocat,

Vu les dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2024 par la SMA qui (indépendamment des demandes tendant à voir 'juger que' qui sont des moyens et non des prétentions seules susceptibles de saisir la cour) lui demande en substance de :

- réformer le jugement en date du 20 février 2020 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 10] et de la compagnie Albingia,

Et statuant à nouveau :

- déclarer irrecevable l'action engagée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 10] à l'encontre de la société Kone et de la SMA pour cause de forclusion,

- confirmer le jugement du 20 février 2020 en ce qu'il a déclaré la société Kone irrecevable en ses demandes à son encontre pour cause de prescription,

- en tout état de cause, déclarer la société Kone déchue de sa garantie à son égard pour défaut de déclaration de sinistre dans les conditions fixées par la police d'assurance,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 10] ainsi que la compagnie Albingia, la société Kone et, d'une manière générale, toute autre partie à la procédure de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Vu les uniques conclusions adressées par RPVA le 24 novembre 2020 par la SCI [Adresse 8] qui - indépendamment des demandes tendant à voir 'dire et juger que' qui sont des moyens et non des prétentions seules susceptibles de saisir la cour - lui demande en substance de :

- A titre liminaire, déclarer 'd'office' irrecevable la demande de la société Generali tendant à sa condamnation à la relever et garantir de toute condamnation à son encontre, s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel,

- sur le fond, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et plus particulièrement en ce qu'il ne l'a pas condamnée, en sa qualité de maître d''uvre,

- débouter la société Generali de sa demande d'appel en garantie ainsi que de toutes autres demandes à son encontre,

- débouter toutes autres parties de toutes demandes à son encontre,

- condamner la société Generali au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de Maître Roselyne Simon-Thibaud conformément à l'article 699 du même code,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 novembre 2024,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l'issue de l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle elles ont été régulièrement convoquées, les parties ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 14 mars 2025 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe que le délibéré était prorogé au 16 mai 2025.

MOTIFS

Selon l'article 1792-6, alinéa 1er, du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.

Même si elle intervient à la demande de la partie la plus diligente et si elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement, en présence des entrepreneurs concernés, la réception est un acte unilatéral manifestant la volonté du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux.

Le principe d'une réception unique, avec ou sans réserve, introduit par la loi du 4 janvier 1978) n'interdit pas la réception partielle par lots, mais la Cour de cassation a jugé sur la base de ce principe qu'il ne peut y avoir de réceptions partielles à l'intérieur d'un même lot (3e Civ., 2 février 2017, pourvoi n° 14-19.279, Bull. 2017, III, n° 16). Par ailleurs, la réception partielle n'est possible qu'à condition de concerner 'des tranches indépendantes' ou 'un ensemble cohérent' de travaux (3e Civ., 2 février 2017, pourvoi n° 14-19.279, Bull. 2017, III, n° 16).

Enfin, et même dans l'hypothèse de réceptions par paliers successifs qu'elle avait précédemment admis, la Cour de cassation a considéré qu'il convenait de prendre en compte, comme point de départ de la garantie et de la prescription, la première des réceptions ne mentionnant pas de réserves sur les installations concernées par les désordres invoqués (3e Civ., 4 juillet 1990, pourvoi n° 89-11.442, Bull.1990 III n° 163 ; 2 mars 2011, pourvoi n° 10-15.211, Bull. 2011, III, n° 27)

En l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de 'la demanderesse' (du syndicat des copropriétaires [Adresse 10], en réalité), le tribunal judiciaire de Grasse a retenu :

- que la société Resetra avait établi un procès-verbal de réception et mise en exploitation en date du 9 septembre 2004, contresigné par le maître de l'ouvrage, sous réserve du rapport de Veritas,

- que le 30 septembre 2004, un procès-verbal de réception des travaux avait été établi par la maître d'oeuvre, Serimar Architecture, dont il résultait qu' 'il a(vait) été procédé le 09 septembre 2004, à la visite des travaux exécutés pour le compte de la SCI [Adresse 8] [Localité 9] concernant le lot N°14 Ascenseurs / monte véhicules' et que la réception était prononcée avec effet au 30 septembre 2004,

- que c'est ce second procès-verbal, signé du maître de l'ouvrage, du maître d'oeuvre et de la société Resetra, qu'il convenait de retenir comme point de départ des garanties légales,

- que le délai de prescription n'était donc pas expiré au jour de l'assignation en référé du 29 septembre 2004 et avait été interrompu par cette assignation et un nouveau délai de dix ans a commencé à courir,

- que ce dernier n'était pas expiré au jour de l'assignation au fond délibrée les 14, 16 et 20 septembre et 4 octobre 2016 et l'action des demandeurs n'est donc pas prescrite.

Cependant et comme l'objectent à juste titre la société Kone venant aux droits de la société Resetra, les compagnies d'assurances Generali et SMA, ainsi que M. [F] et la MAF, le 'procès-verbal de réception et de mise en exploitation' établi sur un papier à l'en-tête de la société Resetra, et signé le 9 septembre 2004 par la SCI maître de l'ouvrage, d'une part, et le représentant de l'entreprise chargé du lot Ascenseurs / monte-véhicules, de l'autre, mentionne expressément que 'le maître de l'ouvrage ou son représentant déclare devenir propriétaire' de l'appareil, lequel est réceptionné avec des réserves, et précise au surplus que 'la date du présent procès-verbal marque le début de la période de garantie et de la période contractuelle d'entretien'.

Ce procès-verbal constitue donc bien un acte de réception, par lequel la SCI a déclaré accepter l'ouvrage avec réserves, au contradictoire de l'entreprise chargée du lot concerné par les désordres invoqués, et il importe donc peu qu'un second procès-verbal ait été signé le 30 septembre 2004, par les mêmes parties ainsi que par le représentant de la société Sérimar, maître d''uvre. En effet, ce nouveau procès-verbal concernait également le lot ascenseur / monte-voitures et ' nonobstant ses mentions - il ne pouvait constituer le point de départ d'un nouveau délai d'épreuve.

Au vu de ce qui précède, et en l'état d'une première citation en référé datant du 29 septembre 2014 sans aucun acte interruptif intervenu dans l'intervalle, le jugement sera être infirmé et, sans pouvoir statuer sur le fond, la cour déclarera irrecevable l'action en indemnisation de désordres subis au niveau du monte-véhicules, engagée par le syndicat des copropriétaires par des actes datant des 14, 16 et 20 septembre et 4 octobre 2016.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à la société Kone ainsi qu'aux compagnies d'assurance Generali et SMA une indemnité au titre des frais par elles exposés dans le cadre de la présente procédure.

Les autres parties seront quant à elles déboutées de leurs demandes d'indemnité à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe, et dans les limites de sa saisine :

- Infirme le jugement rendu le 25 février 2020 par le tribunal judiciaire de Grasse, hormis en ce qu'il a prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture du 5 septembre 2019 et une nouvelle clôture au 24 septembre 2019 et constaté l'intervention volontaire de la SMA et la mise hors de cause de la SMABTP ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

- Déclare irrecevable l'action en indemnisation de désordres subis au niveau du monte-véhicules installé par la société Resestra aux droits de laquelle se trouve la société Kone, engagée par le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] par divers actes en date des 14, 16 et 20 septembre et 4 octobre 2016 ;

- Condamne le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] à payer à chacune des sociétés Kone, Generali et SMA une indemnité de 4 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles en première instance et en appel ;

- Déboute les autres parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Selas [D] avocats associés représentée par Maître [M] [D] et de Maître [P] [X], qui affirment chacun leur droit de recouvrement.

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