CA Limoges, ch. civ., 15 mai 2025, n° 24/00071
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aquitaine Service (SAS)
Défendeur :
Aquitaine Service (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Balian
Conseillers :
M. Soury, Mme Gasnier
Avocats :
Me Bersat, Me Bru-Servantie
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Mme [O] a fait appel à la S.A.S AQUITAINE SERVICE pour effectuer les réparations nécessaires et le remplacement de sa fosse septique à son domicile situé [Adresse 2], suite à un sinistre survenu au mois de mars 2020.
Mme [O] a accepté le 18 juillet 2020 le devis n° 2006-60 d'un montant total de 9482 euros ttc de la S.A.S. AQUITAINE SERVICE en payant un acompte de 5000 euros, le devis prévoyant notamment le remplacement de la microstation et le raccordement sur l'évacuation actuelle.
Le 5 août 2020, le Service public d'assainissement non collectif (SPANC) a délivré à Mme [O] une attestation de conformité du projet prévu sur la parcelle cadastrée [Cadastre 4].
La S.A.S AQUITAINE SERVICE a effectué les travaux de remplacement de la microstation le 7 janvier 2021, son fournisseur n'ayant pu la livrer plus tôt, et Mme [O] a réglé le solde de la facture, soit 4250 euros, le 8 janvier 2021.
Mme [O] a par la suite constaté que l'évacuation des eaux à la sortie de la fosse n'était pas conforme au devis. Elle se plaignait de ce que l'évacuation de sa fosse septique avait été réalisée sur un terrain attenant cadastré [Cadastre 5], au lieu de la parcelle cadastrée [Cadastre 4] comme à l'origine et où est érigé l'immeuble d'habitation, outre que le terrassement n'était pas terminé dès lors que la nouvelle fosse n'était pas enterrée. Mme [O] a par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mai 2022 demandé une intervention à la S.A.S AQUITAINE SERVICE en lui indiquant qu'elle n'avait pas reçu l'attestation de conformité du SPANC.
Face à ses vaines tentatives de trouver une solution amiable et face à l'attitude de la S.A.S. AQUITAINE SERVICE qui estimait les travaux litigieux terminés, Mme [O] a saisi M. [E], conciliateur de justice, le 30 mai 2022, sachant qu'un constat d'échec a été dressé le 16 juin 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 aout 2022, Mme [O] a mis en demeure la S.A.S. AQUITAINE SERVICE de procéder à l'achèvement du terrassement de façon à ce que la fosse soit enterrée, ainsi qu'à la modification de l'évacuation des eaux usées.
Cette mise en demeure étant restée infructueuse, Mme [O] a assigné la S.A.S. AQUITAINE SERVICE devant le tribunal judiciaire de BRIVE LA GAILLARDE par acte de commissaire de justice du 21 mars 2023, pour au visa des articles 1792 et 1231-1 du Code Civil, voir déclarer la S.A.S AQUITAINE SERVICE responsable des désordres et la condamner à réparer ses préjudices matériel, moral et de jouissance.
Par jugement contradictoire rendu le 21 décembre 2023, le tribunal judiciaire de BRIVE LA GAILLARDE a notamment :
condamné la S.A.S. AQUITAINE SERVICE à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
* 1672 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,
* 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
débouté Mme [O] du surplus de sa demande ;
débouté la S.A.S. AQUITAINE SERVICE de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné la S.A.S. AQUITAINE SERVICE aux dépens ;
Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 1er février 2024, la S.A.S AQUITAINE SERVICE a interjeté appel de ce jugement.
La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 15 janvier 2025.
Prétentions des parties
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par message électronique le 15 octobre 2024, auxquelles la Cour se réfère expressément, la S.A.S. AQUITAINE SERVICE demande à la Cour notamment de :
infirmer le jugement rendu par le jugement querellé en ce qu'il a condamné la S.A.S. AQUITAINE SERVICE à payer à Mme [O] les sommes de :
* 1672 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,
* 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Et statuant de nouveau :
débouter Mme [O] de son appel incident,
confirmer le jugement du 21 décembre 2023 en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande en réparation de son préjudice de jouissance,
débouter Mme [O] de ses demandes tendant à voir condamner la S.A.S. AQUITAINE SERVICE en réparation de ses préjudices matériel et moral,
la condamner à payer à la S.A.S. AQUITAINE SERVICE une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 16 juillet 2024, Mme [Y] [O] demande à la Cour, notamment de :
débouter la S.A.S. AQUITAINE SERVICE de son appel irrecevable et mal fondé,
confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé, excepté en ce qu'il a débouté Mme [O] du surplus de sa demande,
Faisant droit à l'appel incident de Mme [O],
Y ajoutant,
condamner la S.A.S AQUITAINE SERVICE à payer à Mme [O] la somme de 1670 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
condamner la S.A.S. AQUITAINE SERVICE au paiement d' une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur la responsabilité contractuelle de la S.A.S. AQUITAINE SERVICE au titre des travaux d'assainissement exécutés chez Mme [O] :
Au soutien de sa demande aux fins de réformation de la décision du premier juge qui a retenu sa responsabilité, la S.A.S. AQUITAINE SERVICE ne conteste pas ne pas avoir raccordé l'installation sur l'évacuation actuelle, mais affirme avoir suivi les préconisations du technicien des services du SPANC chargé d'examiner la conformité des travaux, lequel aurait demandé de ne pas raccorder l'installation à l'existant mais de créer un drain à quelques mètres de la microstation, et prétend que Mme [O] en avait été informée pour avoir été destinataire des documents établis par le SPANC. L'appelante estime que c'est à tort que le premier juge a retenu qu'elle avait commis un manquement contractuel pour ne pas avoir réalisé le raccordement sur l'évacuation actuelle, mais sur la parcelle voisine, qu'elle était tenue à une obligation de résultat, sauf à établir un avenant mais qui n'a pas été fait en l'espèce. Elle estime que le premier juge a méconnu les pouvoirs conférés au SPANC dans le contrôle de la conception et l'implantation des installations et souligne qu'avant de procéder au remblaiement, le technicien du SPANC s'était déplacé sur les lieux et n'avait émis aucune réserve, en ce que les travaux étaient conformes à ce qu'il avait préconisé. Elle affirme par ailleurs que les travaux ont été réalisés en janvier 2021 et que Mme [O] a usé de l'installation sans désordre jusqu'à ce qu'elle décide de la faire modifier par une autre entreprise.
Mme [O] s'oppose à cette analyse et soutient que le devis n'a jamais prévu un écoulement différent de l'installation initiale sur la parcelle [Cadastre 4] (anciennement cadastrée [Cadastre 3]), et qu'il n'y avait aucune raison pour que l'écoulement de la nouvelle microstation se fasse sur la parcelle contiguë [Cadastre 5]. Elle estime que la Société AQUITAINE SERVICE n'a pas respecté le devis et ce qui y était expressément prévu, outre de ne pas avoir remis en état les surfaces et abords de l'installation, ce qui était pourtant prévu au devis. Elle ajoute que ce n'est qu'après la reprise effectuée par l'entreprise MILLA de l'évacuation sur la parcelle [Cadastre 4] et les travaux de finition, qu'elle a pu obtenir l'avis favorable du SPANC. Elle estime donc que c'est à bon droit que le premier juge a condamné la Société AQUITAINE SERVICE à lui payer la somme de 1672 au titre de son préjudice matériel correspondant aux travaux de reprises réalisés par la Société MILLA.
Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En application des dispositions de l'article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En l'espèce, il est constant que la microstation a été installée par la société AQUITAINE SERVICE sur la propriété de Mme [O], mais a été raccordée pour son évacuation sur une autre parcelle, cadastrée [Cadastre 5], différente du raccordement initial sur la parcelle cadastrée [Cadastre 4].
Si aucune réception expresse n'a eu lieu, le fait que cette station d'assainissement ait été mise en fonctionnement et son prix réglé le 8 janvier 2021, conduit à retenir que les travaux ont fait l'objet d'une réception tacite sans réserve. Toutefois, Mme [O] a constaté par la suite des difficultés dans l'utilisation de la microstation.
La société AQUITAINE SERVICE affirme n'avoir fait que suivre les préconisations du technicien du SPANC. Or, l'attestation de conformité du projet établi par le SPANC le 5 août 2020, est basée sur le devis et ses modalités d'exécution sur la parcelle [Cadastre 4]. Contrairement à ce que soutient la société AQUITAINE SERVICE, il ne ressort pas des pièces versées au débat que le technicien du SPANC aurait imposé ou préconisé le raccordement de l'évacuation sur la parcelle cadastrée [Cadastre 5], différente de celle d'origine cadastrée [Cadastre 4]. Par ailleurs, il ressort du contrôle d'implantation et de bonne exécution du système d'assainissement établi le 23 mai 2023, après intervention de la société MILLA mandatée par Mme [O] pour reprendre les travaux, qu'il a été émis un avis favorable à l'installation implantée avec l'évacuation telle que prévue à l'origine sur la parcelle [Cadastre 4] (pièces 13 et 14 de l'intimée).
De surcroît, il ne ressort d'aucune pièce versée au débat la nécessité de modifier l'évacuation d'origine de la microstation, ni un quelconque avenant au devis qui aurait été accepté par Mme [O], pas plus que la justification d'une nécessité particulière de nature à légitimer une telle initiative de la société AQUITAINE SERVICE.
Il s'évince de ces observations que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la société AQUITAINE SERVICE avait procédé à une modification unilatérale du contrat sans aucun motif, et qu'elle n'avait donc pas exécuté les travaux prévus, manquant ainsi à ses obligations contractuelles et engageant sa responsabilité à l'égard de Mme [O].
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société AQUITAINE SERVICE à payer à Mme [O] la somme de 1672 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel au visa de l'article 1231-1 du Code de civil.
II ' Sur les demandes indemnitaires présentées par Mme [O] :
Mme [O] soutient avoir subi un préjudice moral en raison de l'inertie de la société AQUITAINE SERVICE et des désagréments dans la bonne utilisation de sa fosse septique, outre le fait d'avoir réalisé de multiples démarches pour tenter de parvenir à une issue amiable du litige. Elle estime que c'est à bon droit que le premier juge lui a accordé la somme de 1000 euros au titre de son préjudice moral. Elle revendique également un préjudice de jouissance en raison du retard dans l'installation, et estime que c'est à tort que le premier juge a rejeté cette demande.
La S.A.S AQUITAINE SERVICE conteste tout manquement à l'origine d'un préjudice moral, et affirme avoir prêté une pompe pour dépanner Mme [O] sans contrepartie financière. Elle ajoute que le retard dans l'installation de la microstation est en lien avec les difficultés d'approvisionnement du matériel compte tenu de la période liée à la crise sanitaire, que Mme [O] connaissait parfaitement cette situation, et que pour cela elle n'avait adressé aucun courrier de relance. Elle estime donc que c'est à tort que le premier juge l'a condamnée à verser la somme de 1000 euros à Mme [O] au titre d'un préjudice moral. Elle estime par ailleurs que Mme [O] ne rapporte aucunement la preuve d'un préjudice de jouissance et que c'est à juste titre que le premier juge l'a déboutée de cette demande.
Sur le préjudice moral
En l'espèce, l'inexécution contractuelle par la société AQUITAINE SERVICE constitue en soi un préjudice moral pour Mme [O], outre l'inertie de ladite société pour régulariser la situation. En effet, le constat d'échec de règlement amiable du litige, malgré les sollicitations de Mme [O], tel que cela ressort des pièces versées au débat, et la nécessité de réaliser de nouveaux travaux, justifient la somme de 1000 euros accordée par le premier juge au titre du préjudice moral de Mme [O].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société AQUITAINE SERVICE à payer à Mme [O] la somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour son préjudice moral au visa de l'article 1231-1 du Code de civil.
Sur le préjudice de jouissance
Mme [O] invoque un préjudice de jouissance du 18 mars 2020, date du sinistre survenu sur sa fosse septique, jusqu'à début janvier 2021, date d'installation de la nouvelle microstation, en raison du retard de dépannage et de réalisation des travaux. La société AQUITAINE SERVICE affirme n'avoir commis aucun retard volontaire, mais avoir subi la pandémie Covid et l'ensemble de ses conséquences sur le plan économique.
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation de l'absence de préjudice de jouissance, le retard n'étant pas imputable à la société AQUITAINE SERVICE mais au deuxième confinement imposé par la pandémie et à la désorganisation des activités qui en a découlé.
Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [O] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance.
III ' Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Pour avoir succombé en son recours, la société AQUITAINE SERVICE sera condamnée à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu'elle puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
Il serait inéquitable de laisser Mme [O] supporter la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en première instance comme en cause d'appel pour assurer la défense de ses intérêts, de sorte qu'elle se verra allouer une indemnité de 1500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel en sus de la somme de 1500 euros octroyée par le premier juge.
PAR CES MOTIFS
La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de BRIVE LA GAILLARDE ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la S.A.S AQUITAINE SERVICE à payer à Mme [Y] [O] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la S.A.S AQUITAINE SERVICE aux entiers dépens de première instance et d'appel.