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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 22 mai 2025, n° 24/03089

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Hans Wilsdorf (Fondation)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jollec

Vice-président :

M. Barbier

Conseiller :

Mme Fenayrou

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Maillefer, Me Brosset, Me Parleani

Aut. conc., du 19 déc. 2023, n° 23-D-13

19 décembre 2023

FAITS ET PROCÉDURE

1.Par la décision n° 23-D-13 du 19 décembre 2023 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution de luxe de montres de luxe (ci-après « la décision attaquée »), l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») a sanctionné la société Rolex France SAS, en tant qu'auteure, la société Rolex Holding SA et la fondation Hans Wilsdorf, en tant qu'entités mères, et la société Rolex SA en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société auteure.

2.Il leur est reproché d'avoir mis en 'uvre une entente verticale visant à interdire la vente en ligne des montres Rolex par ses distributeurs agréés, pratique contraire aux articles 101, paragraphe 1, du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « le TFUE ») et L. 420-1 du code de commerce.

3.Cette décision fait suite aux saisines de l'Union de la Bijouterie Horlogerie et de la société Pellegrin & Fils (ci-après « Pellegrin ») en janvier 2017, et à des opérations de visite et saisie réalisées le 17 janvier 2019.

4.Aux termes de sa demande au titre du secret des affaires, la fondation Hans Wilsdorf demande à la Cour, sur le fondement de l'article L. 153-1 du code de commerce et conformément aux modalités prévues par les articles R. 152-1 et R. 153-2 et suivants du code de commerce, de :

' DÉCLARER recevable et bien fondée la demande de protection des secrets d'affaires de la fondation Hans Wilsdorf ;

' JUGER que la communication, à toutes les parties présentes dans la procédure pendante devant la cour d'appel de Paris sur les recours des sociétés Rolex Holding SA et Rolex France, ainsi que sur le recours de la fondation Hans Wilsdorf des lettres adressées les 19 et 20 août 2015 à la fondation Hans Wilsdorf par l'administration fiscale cantonale (AFC) du canton de Genève porterait atteinte au légitime secret des affaires de la fondation Hans Wilsdorf ;

' ORDONNER que l'accès aux éléments mentionnés supra, qui ont été communiqués par la fondation Hans Wilsdorf dans son exposé des moyens au soutien du recours en réformation à l'encontre de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 23-D-13 du 19 décembre 2023, en leur version confidentielle intégrale, sera restreint à la Cour, à l'Autorité de la concurrence, au ministre de l'économie et au ministère public.

' JUGER que le secret doit être opposé aux parties à la procédure qui ne font pas partie du groupe Rolex, à savoir :

1°) L'Union de la Bijouterie Horlogerie (UBH), Siren n° 739 591 694, [Adresse 4],

2°) La SAS Pellegrin et Fils, RCS n°322 826 538, [Adresse 3],

' ORDONNER que la motivation de l'arrêt de la Cour à intervenir sur le recours précité et, si nécessaire, les modalités de publicité de cet arrêt seront adaptées aux nécessités de la protection du secret des affaires.

' RÉSERVER les dépens.

5.La Cour, par courriel du 30 mai 2024, dont elle a informé le ministère public le même jour, a invité les parties, l'Autorité et le ministre chargé de l'économie à faire part de leur position sur cette demande.

6.Aux termes de ses observations, l'Autorité s'en remet à la sagesse de la Cour pour apprécier si les versions non confidentielles sont suffisamment détaillées pour permettre à Pellegrin d'exercer sa défense.

7.Par courriel du 5 juin 2024, les sociétés Rolex France, Rolex SA et Rolex Holding ne s'opposent pas à la demande.

MOYENS DES PARTIES

8.La fondation Hans Wilsdorf fait valoir qu'elle a bénéficié d'une dérogation à l'obligation de consolidation de ses comptes avec ceux des sociétés Rolex Holding SA et Rolex France (ci-après « les sociétés Rolex ») et qu'elle a produit deux lettres, des 19 et 20 août 2015, émanant des services fiscaux du canton de [Localité 10] (AFC) relatifs aux obligations administratives et fiscales accessoires à cette dérogation.

9.Elle expose que la protection du secret des affaires doit s'appliquer à ces deux lettres, lesquelles par nature, sont confidentielles dès lors qu'elles précisent les obligations administratives qui pèsent sur elle à la suite de l'obtention de la dérogation prévue à l'article 963, § 4, du code suisse des obligations et qu'aucune partie n'a de droit légitime à s'opposer à ce secret.

Sur ce, la Cour :

10.L'article L. 153-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, dispose :

« Lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense :

1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;

2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l'assister ou la représenter ;

3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ;

4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publication de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires. ».

11.S'agissant des informations susceptibles d'être protégées au titre du secret des affaires, l'article L. 151-1 du code de commerce dispose :

« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protections raisonnables compte tenu des circonstances pour en conserver le caractère secret. ».

12.Le juge doit rechercher, lorsque cela lui est demandé, si les pièces sont indispensables pour prouver les faits allégués et si l'atteinte portée n'était pas strictement proportionnée à l'objectif poursuivi.

13.En l'espèce, aucune partie ne s'oppose à la demande de protection de la fondation Hans Wilsdorf concernant deux correspondances échangées avec l'administration fiscale suisse les 19 et 20 août 2015 (annexe 7 des pièces produites par la fondation Hans Wilsdorf).

14.Il convient, dès lors, de l'ordonner.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT que l'accès à la version confidentielle des lettres des 19 et 20 août 2015 (annexe 7 des pièces produites par la fondation Hans Wilsdorf) sera restreint à la Cour, à l'Autorité de la concurrence, au ministre chargé de l'économie et au ministère public ;

DIT que la motivation de la décision à intervenir sur le fond et les modalités de publicité de celle-ci seront adaptées aux nécessités de la protection du secret des affaires accordée à ces pièces et extraits de l'exposé des moyens ;

RÉSERVE les dépens.

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