CA Bordeaux, 1re ch. civ., 20 mai 2025, n° 22/00713
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Reactivon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
Mme Vallée, M. Breard
Avocats :
Me Fonrouge, Me Weissenbacher, Me Bertrand
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. La SAS Reactivon, spécialisée dans l'analyse des réseaux informatiques et dont le siège social est situé à [Localité 7] (33), a déposé et fait enregistrer à l'INPI, le 19 février 2010, sous le n°[Numéro identifiant 3], la marque française semi figurative 'RBOX', en couleur, pour les classes de produits et services n°9, 38 et 42.
Le 28 mars 2018, M. [C] [N] a quant lui déposé et fait enregistrer à l'INPI sous le n°[Numéro identifiant 4] la marque française semi figurative 'R-BOX par [N] Frères', en couleur, pour les classes 9 et 12.
La marque 'R-BOX par [N] Frères' est utilisée par la Sarl [Localité 6] poids lourds [N] frères (dite société [N] frères), sise à [Localité 6] (16) et spécialisée dans la commercialisation et la réparation des camping-cars. Cette société commercialise sous le signe enregistré le 28 mars 2018 un boîtier relié à la 4G qui permet de recevoir la télévision et regarder des vidéos dans les camping-cars.
Par courriers recommandés des 27 avril et 10 octobre 2018, réitérés le 11 octobre 2019, la sas Reactivon a vainement mis en demeure la sarl [Localité 6] poids lourds [N] frères de cesser l'utilisation du signe 'RBOX ', invoquant ses droits exclusifs et antérieurs sur la marque RBOX dont elle est titulaire.
La société [Localité 6] poids lourds [N] frères y a répondu par la négative au motif que la marque par elle déposée n'a qu'une vocation restrictive d'utilisation dans les camping car et qu'elle n'était pas la seule à utiliser le signe RBOX déjà déposé à 7 reprises.
2. C'est en l'état, après un échange supplémentaire de courriers infructueux que, par acte d'huissier du 17 février 2020, la SAS Reactivon a fait assigner la Sarl Ruffec poids lourds [N] frères devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'annulation de la marque 'R-BOX par [N] Frères' et d'indemnisation subséquente des préjudices subis.
3. Par jugement en date du 4 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la sarl [Localité 6] poids lourds [N] frères,
- débouté la sas Reactivon de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la sas Reactivon à payer à la sarl [Localité 6] poids lourds [N] frères la somme de 3.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la sas Reactivon aux entiers dépens de l'instance.
4. Par déclaration électronique en date du 10 février 2022, la sas Reactivon a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
5. Par arrêt avant dire droit du 15 octobre 2024 auquel il est fait expressément référence pour un plus exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties , la cour d'appel a :
Ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats.
Enjoint aux parties :
- de conclure sur le droit applicable à l'action en nullité de la marque R-BOX par [N] frères n° 18 4 441 034 déposée à l'INPI le 28 mars 2018,
- de formuler leur demande en nullité de marque ou leur défense à une telle action sur le fondement du droit applicable à l'espèce.
- invité en tant que de besoin la société Reactivon à chiffrer subsidiairement son préjudice.
Elle a enjoint aux parties de respecter un calendrier de procédure et ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience des plaidoiries du 1er avril 2025, à 14 heures, avec clôture de l'instruction 18 mars 2025.
6. La SAS Reactivon, par dernières conclusions N° 3 en réouverture des débats, du 14 mars 2025, demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* débouté la société Reactivon de l'ensemble de ses demandes ;
* condamné la société Reactivon à payer à la société [Localité 6] poids lourds [N] frères la somme de 3.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société Reactivon aux entiers dépens de l'instance ;
Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- débouter la société [Localité 6] poids lourds [N] frères de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel ;
- juger qu'il existe, entre la marque semi-figurative française antérieure 'RBOX' n°10/3 714 711 et la marque semi-figurative française 'R-BOX par [N] frères' n°18/4 441 034, un risque de confusion (incluant le risque d'association) au sens de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ;
- juger qu'il existe, entre la marque semi-figurative française antérieure 'RBOX' n°10/3 714 711, d'une part, et les signes « RBOX », « R-BOX » et, 'R-BOX par [N] frères' d'autre part, un risque de confusion au sens de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
- juger que l'exploitation, par la société [Localité 6] poids lourds [N] frères, des signes «RBOX», « R-BOX » et 'R-BOX par [N] frères' constitue donc des actes de contrefaçon par imitation, au sens de l'article L 716-4 du code de la propriété intellectuelle, de la marque semi-figurative française antérieure 'RBOX' n°10/3 714 711;
En conséquence,
- prononcer la nullité de la marque semi-figurative française 'R-BOX par [N] frères' n°18/4 441 034 ;
- ordonner l'interdiction à la société [Localité 6] poids lourds [N] frères l'exploitation des signes verbaux « RBOX » et « R-BOX », des signes semi-figuratifs 'R-BOX par [N] frères' ou R-BOX, ainsi que de tout autre signe susceptible de porter atteinte aux droits de la société Reactivon, sous quelle que forme que ce soit, sous astreinte de 2.000 ' par infraction constatée passé le délai d'un mois suivant signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner la communication, sous astreinte de 5.000 ' par jour de retard, à compter du mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider directement l'astreinte, de l'ensemble des documents comptables relatifs aux ventes réalisées par la société [Localité 6] poids lourds [N] frères sur les produits marqués de l'un ou plusieurs des signes « RBOX », « R-BOX » et 'R-BOX par [N] frères' , ainsi qu'aux ventes réalisées à partir des pages Internet comportant l'un ou plusieurs des signes « RBOX », « R-BOX » et 'R-BOX par [N] frères' ;
A titre principal :
- désigner tel expert-comptable qu'il plaira à la cour avec pour mission d'établir le manque à gagner de la société Reactivon et les bénéfices réalisés par la société [Localité 6] poids lourds [N] frères résultant de l'utilisation par cette dernière de la marque semi-figurative française 'R-BOX par [N] frères' n°18/4 441 034, ainsi que des signes distinctifs « RBOX », « R-BOX » et 'R-BOX par [N] frères', à destination d'un public français, et ce pour les cinq années ayant précédé la délivrance de l'acte introductif d'instance (première instance), jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir ;
- condamner la société [Localité 6] poids lourds [N] frères, dans l'attente du résultat de l'expertise comptable ordonnée, au paiement d'une indemnité, à titre provisionnel, de 120.000', à parfaire, en réparation des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, décomposée comme suit :
* 50.000 ', à parfaire, au titre du manque à gagner de la société Reactivon,
* 70.000 ', à parfaire, au titre des pertes subies par la société Reactivon,
- condamner la société [Localité 6] poids lourds [N] frères au paiement d'une indemnité de 50.000 ' en réparation du préjudice moral subi par la société Reactivon ;
- condamner la société [Localité 6] poids lourds [N] frères, dans l'attente du résultat de l'expertise comptable ordonnée, au paiement d'une indemnité, à titre provisionnel, de 50.000 ', à parfaire, au titre des bénéfices indûment réalisés par elle ;
A titre subsidiaire, pour l'hypothèse où, par extraordinaire, il ne serait pas fait doit à cette demande d'expertise et partant, à cette demande indemnitaire provisionnelle dans l'attente du rapport d'expertise :
- condamner la société [Localité 6] Poids lourds au paiement d'une indemnité de 225.233,23 euros en réparation des conséquences économiques négatives de la contrefaçon décomposée comme suit :
- 101.914,63 euros au titre du manque à gagner de la société Reactivon,
- 123.318,60 euros au titre des pertes subies par la société Reactivon,
En tout état de cause :
- condamner la société [Localité 6] poids lourds [N] frères, au paiement d'une indemnité de 50.000 ' au titre du préjudice moral subi par la société Reactivon.
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, dans son intégralité ou par extraits, au choix de la société Reactivon, dans 3 journaux ou publications professionnelles au choix de cette dernière, et aux frais avancés de la société [Localité 6] Poids Lourds [N] Frères, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 3.000 ' HT, soit la somme totale de 9.000 ' HT ;
- condamner la société [Localité 6] poids lourds [N] frères au paiement de la somme de 15.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société [Localité 6] poids lourds [N] frères aux entiers dépens.
7. La SARL [Localité 6] poids lourds [N] frères, par dernières conclusions d'intimée N° 2 déposées en réouverture des débats le 13 février 2025, demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Et y ajoutant,
Reconventionnellement,
- condamner la société Reactivon à payer une amende civile à hauteur de 10.000 ',
- condamner la société Reactivon à verser à la société [Localité 6] poids lourds [N] frères la somme de 10.000 ' à titre de dommages et intérêts pour procédure en appel abusive et dilatoire au visa des dispositions des articles 559 et 567 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner la société Reactivon à verser à la société [Localité 6] poids lourds [N] frères la somme de 5.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
8. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 1er avril 2025.
9. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 Mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
10. Le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Ruffec poids lourds, seul le débouté des demandes de la société Reactivon étant contesté de sorte que la cour est saisie, au fond, l'entier litige soumis au tribunal judiciaire de Bordeaux.
11. Sollicitant l'entière réformation du jugement déféré, la société Reactivon demande à la cour de prononcer la nullité de la marque sur le fondement de l'article L711-3 du code de la propriété intellectuelle comme portant atteinte à ses droits antérieurs sur le signe R-BOX, créant un risque de confusion, et de dire que l'exploitation de la marque R-BOX par [N] frères constitue une contrefaçon lui occasionnant un préjudice indemnisable.
12. La société [Localité 6] poids lourds sollicite l'entière confirmation du jugement entrepris et si elle fait valoir que certaines des demandes de la société Reactivon seraient nouvelles en cause d'appel, elle ne conclut pas à leur irrecevabilité au dispositif de ses écritures.
I - Sur la loi applicable au litige :
13. La société Reactivon indique en réouverture des débats fonder son action sur les dispositions de l'article L 711-4 ancien du code de la propriété intellectuelle, qui a été cependant abrogé par les dispositions de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.
14. Elle vise aussi au dispositif de ses conclusions les articles L 713-2 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, sans préciser sous quelle version, antérieure ou postérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2019, alors que le tribunal a fondé sa décision sur ces deux dernières dispositions dans leur version résultant de l'ordonnance du 13 novembre 2019, sans le préciser toutefois.
15. En réouverture des débats, les parties demandent à la cour de faire application au présent litige des dispositions du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.
16. Cependant, selon l'article 15 de la dite ordonnance :
I. - A l'exception de son article 12, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur du décret pris pour son application et au plus tard le 15 décembre 2019.
Par dérogation à l'alinéa précédent, entrent en vigueur à compter du 1er avril 2020:
1° Les dispositions des articles L. 716-1, L. 716-1-1, L. 716-5 et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle (souligné par nous);
2° Lorsqu'elles sont relatives à la mise en place devant l'Institut national de la propriété industrielle d'une procédure administrative permettant de demander la nullité ou la déchéance d'une marque, les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-4, L. 411-5, L. 714-3 et L. 714-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente ordonnance.
II. - Les juridictions qui au 1er avril 2020 sont saisies d'un litige en application des articles L. 716-2 et L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la présente ordonnance, restent compétentes pour en connaître.
III. - Les articles L. 716-2-3, L. 716-2-4, L. 716-4-3, L. 716-4-4 et L. 716-4-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la présente ordonnance, sont applicables aux instances introduites à compter de l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
IV. - Les dispositions de la présente ordonnance ne s'appliquent pas aux demandes d'enregistrement de marque déposées antérieurement à son entrée en vigueur. Elles ne s'appliquent pas non plus à l'examen des enregistrements internationaux étendus à la France, dont les demandes d'extension ont été enregistrées par le Bureau international de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
17. Il en ressort que l'action en nullité dont la cour est saisie, fondée sur les dispositions de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle est, en application de l'alinéa 1er de l'article 15 - I de l'ordonnance du 13 novembre 2019 et en l'absence de dérogation prévue à l'alinéa 2 - 1° et 2°, d'application immédiate au plus tard au 15 décembre 2019, y compris aux marques déposées antérieurement. Elle doit en conséquence être jugée selon les dispositions de cet article ressortant de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.
18. L'action en contrefaçon de l'article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version résultant de l'ordonnance du 13 novembre 2019, est, conformément aux dispositions de l'article 15 - I- alinéa 2 - 1°, soumise aux dispositions nouvelles à compter de leur entrée en vigueur différée au 1er avril 2020. Ces dispositions ne dérogent toutefois pas à l'application immédiate des dispositions nouvelles, telles que ressortant de l'ordonnance, à compter de cette date, y compris pour les marques déposées antérieurement et ce quand bien même en l'espèce l'action a été entreprise avant le 1er avril 2020, soit le 17 février 2020,
19. La présente action relève en conséquence des articles L 713-2 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance du 13 novembre 2019.
20. En effet, les dispositions de l'alinéa IV du dit article ne visent que la loi applicable en matière d'enregistrement de marque mais pas la loi applicable à l'action en nullité de marque ou en contrefaçon.
21. C'est donc à bon droit que le tribunal a fait application des dispositions des articles L 716-1 et L 713-2 dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.
II - Sur l'action en nullité :
22. Selon l'article L 713-2 nouveau du code de la propriété intellectuelle, tel que ressortant de l'ordonnance sus visée, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.
23. Il s'en évince que la nullité d'une marque postérieure est encourue dans l'hypothèse d'une double identité entre les produits et les signes pour lesquels les marques litigieuses sont enregistrées et qu'à défaut, en cas de similarité, la nullité n'est encourue qu'en présence d'un risque de confusion, ou d'association, dans l'esprit du public.
* Sur l'identité des signes concernés :
24. Le tribunal a retenu qu'il existait des différences entre les signes d'un point de vue phonétique et visuel alors que la société Reactivon n'indiquait pas à quel élément intellectuel sa marque renvoyait.
25. La société Reactivon conteste cette analyse qui s'attache davantage aux dissemblances qu'aux ressemblances alors qu'il s'agit d'apprécier ici l'impression globale entre les signes au regard de leurs éléments dominants et distinctifs.
Sur ce :
26. Il s'agit d'apprécier ici globalement le degré de similitude entre les signes aux yeux du public pertinent, tant visuellement, que phonétiquement et intellectuellement.
24 . Les marques en présence sont les deux marques semi-figuratives françaises en couleur suivantes:
- la marque antérieure déposée par la société Reactivon :
- la marque déposé par la Sarl [Localité 6] poids lourds :
25. D'un point de vue visuel, l'élément dominant est le même dans les deux signes, à savoir 'RBOX' , la différence de couleur n'altérant pas l'impression de similitude visuelle, la lettre R étant dans les deux signes placée en position d'attaque, se distinguant de BOX par sa couleur, bleue dans les deux marques, outre un trait peu signifiant dans la marque postérieure.
26. Quant à l'indication de la provenance dans la marque contestée, elle apparaît insignifiante par sa taille, seul le terme [N] apparaissant d'ailleurs de la même couleur que la lettre 'R' pouvant attirer légèrement l'attention, la mention 'par', de couleur gris clair, apparaissant plus effacée, la mention 'Frères' également en gris clair n'apparaissant qu'à condition de jeter un regard très attentif et la mention camping-car et accessoires étant quant à elle quasi invisible.
27. En outre, l'ensemble de ces mentions est, ainsi que l'observe justement l'appelante, placé sous le signe dominant et légèrement décentré, de sorte qu'il s'efface effectivement visuellement du signe dominant.
28. Il apparaît en conséquence que la mention 'Par [N] Frères' n'attire visuellement que très peu l'attention d'un public moyennement attentif et que demeure dominante la mention RBOX, au demeurant très similaire entre les deux marques, malgré le signe distinctif figurant dans le 'O' de BOX dans le signe antérieur, évoquant un bouton interrupteur.
29. D'un point de vue phonétique, le tribunal a justement rappelé que le public moyen a tendance à ne prononcer que l'élément dominant du signe. Ainsi, la mention de la provenance 'par [N] Frères', par ailleurs visuellement insignifiante, ne sera naturellement pas prononcée par le public pertinent, d'attention moyenne.
30. Dès lors, ne sera prononcé la encore que 'RBOX', le trait entre R et BOX n'étant pas prononçable, les deux marques ayant exactement le même nombre de syllabes, commençant par la même consonne d'accroche 'R', suivie de la même consomme 'B', de sorte que de ce point de vue il existe oralement une identité parfaite entre les signes en présence.
31. Enfin, d'un point de vue intellectuel, les produits et services visés par les deux marques notamment s'agissant d'appareils de transmission du son ou de l'image qui se présentent sous forme de boîtier, ont une référence identique à la notion de boîte, soit 'BOX' en anglais, fréquemment utilisée par différents opérateurs et déclinée sous différentes variantes dans lesquelles le terme BOX est toujours dominant.
32. Les deux marques font précéder le signe dominant de la lettre 'R' sans que cette lettre R renvoie à une référence particulière, visuellement signifiante, à laquelle elle pourrait être différemment associée. En effet, la référence à [N] pour la seconde, d'ailleurs moins distincte et plus petite dans la version de la marque déposée que sur celle reproduite ci-dessus, n'apparaît pas visuellement frappante.
33. Or, cette lettre qui est prononcée distinctement de 'BOX', en accroche, renvoie intellectuellement, ainsi que l'observe pertinemment la société Reactivon, dans les deux cas, à la notion d''air' et partant, de transmission, selon une référence intellectuelle qui apparaît identique, aux yeux d'un public moyennement attentif, les deux marques oeuvrant dans des produits destinés à l'enregistrement, la transmission et la diffusion de l'information, de l'image et du son par des procédés de télécommunication sans fil, ou d'ondes.
34. Il y a donc également similitude intellectuelle de références entre les deux marques.
* Sur l'identité des produits pour lesquels la marque est déposée :
35. La société Reactivon fonde son action en nullité sur le risque de confusion entre les marques en litige, la marque litigieuse ' R-BOX par [N] Frères Camping-cars et accessoires' ayant été déclarée en classe 9 pour des produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle a déposé sa marque en classe 9 et 38.
36. Le tribunal après avoir rappelé que la similitude des produits et services concernés permettant de retenir un risque de confusion doit être appréciée au regard du libellé des produits et services désignés dans le dépôt de marque, a relevé que la marque de la sarl Ruffec poids lourds n'avait été déposée en classe 9 que pour des produits en sorte qu'elle n'avait pas été déposée pour des services visés en classe 9 par la société Reactivon et en classe 38, pour lesquels il ne pouvait y avoir de similitude.
37. Quant aux produits visés par l'enregistrement de la marque de la société [Localité 6] poids lourds, le tribunal a retenu que si pouvaient être jugés similaires certains de ces produits, notamment en ce que les produits pour lesquels la marque litigieuse a été enregistrée en classe 9 incluent nécessairement les moyens de transmission de flux (informations, images, vidéos, sons) sur des supports physiques (écrans), incluant en conséquence la transmission de sons et d'images pour la télévision, telle qu'utilisée par la société [Localité 6] poids lourds, l'appareil utilisé se présentant pour les deux marques sous forme d'un boîtier assez similaire, les produits n'étaient cependant pas identiques ou similaires ne remplissant pas par nature la même fonction et ne s'adressant pas au même public, la marque litigieuse n'ayant été enregistrée que pour des produits permettant la réception de la télévision dans les camping cars, alors que la marque de la société Reactivon avait été enregistrée pour des produits de transmission de flux de son et d'image destinés à la sécurité informatique.
38. La société Reactivon estime au contraire que les produits et services pour lesquels les deux marques ont été déposées sont identiques ou à tout le moins extrêmement similaires, son dépôt n'étant pas limité au domaine de la sécurité informatique, les deux marques visant en classe 9 les mêmes appareils de traitement (enregistrement, transmission, reproduction) du son et des images, ainsi que l'a justement retenu le tribunal et la similitudes entre les produits et services concernés ne devant être appréciée qu'au regard de la demande d'enregistrement et non de sa destination.
Sur ce :
39. Il est constant que la similitude entre les produits et services visés par les marques en litige doit être appréciée au regard du seul enregistrement de la marque, ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, sans égard pour l'utilisation de ces produits ou services ou leur destination et que seule la marque telle qu'elle a été déposée doit être prise en considération et non celle ressortant de la consultation des bases de données de l'Inpi.
40. Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération ici l'usage ou la destination particulière des deux marques et notamment le fait que les produits visés dans l'enregistrement de la marque contestée seraient afférents à des appareils de transmission de l'image et du son à destination de camping car, ce qui n'apparaît nullement dans la demande d'enregistrement de la marque litigieuse.
41. En effet, il résulte du dépôt électronique que M. [C] [N] a effectué le 28 mars 2018 sous le numéro national [Numéro identifiant 1] le dépôt d'une marque semi figurative en couleur 'R-Box par [N]', le terme frères étant très peu lisible, et le terme Camping car et Caravanes n'y apparaissant pas, pour le compte de [N] Frères (souligné par nous), par Monsieur [C] [N], [Adresse 5], pour des produits désignant:
- en classe n°9 des appareils pour l'enregistrement de son ; appareils pour la transmission de son ; appareils d'enregistrement d'images ; appareils de transmission d'images ; appareils de reproduction d'images,
- en classe n° 12 : caravanes
- et en classes produits et services n° 9 et 12 (pièce n° 1 de l'intimée).
42. Il importe dès lors peu que les bases de données de l'INPI reprennent le même dépôt, indiquant cependant que la marque a été déposée par M. [C] [N], mandataire de [N] Frères - Camping car et accessoires, (souligné par nous - pièce n° 3 de l'appelante) ce qui ne figure pas dans la demande d'enregistrement de la marque déposée à l'Inpi le 28 mars 2018.
43. Il apparaît pourtant que le tribunal s'est livré, avec la société [Localité 6] poids lourds à une appréciation des signes en présence en comparant la marque antérieurement déposée par la société Reactivon et la marque 'R-Box par [N] frères campings-cars et accessoires.
44. Or, ainsi qu'il résulte du dépôt de la marque seconde, si ce n'est son enregistrement en classe 12 : 'Caravanes', aucun élément n'indique que les produits visés à la classe 9 ont été enregistrés à titre d'accessoires pour les camping-cars ou caravanes.
45. Quant à l'appréciation de la similarité entre les produits de la classe 9 pour lesquels la marque litigieuse a été déposée, le tribunal a justement relevé que :
- la marque contestée a été déposée en classe 9 pour 'les appareils pour l'enregistrement de son ; appareils pour la transmission de son ; appareils d'enregistrement d'images; appareils de transmission d'images; appareils de reproduction d'images',
- la société reactivon a déposé sa marque en classe 9 pour 'les équipements et systèmes de sécurité informatique pour le réseau et le traitement de l'information; programmes informatiques, micro-logiciels et ordinateurs ; appareils et instruments scientifiques (autres qu'à usage médical) ; appareils et instruments pour la conduite, le pesage, la signalisation, le contrôle ( inspection), le secours (le sauvetage, l'enseignement et le traitement du son et des images ; supports d'enregistrement' (souligné par nous).
46. Il en a justement déduit, à défaut de meilleurs arguments soutenus devant la cour, qu'il existait une similitude entre ces divers produits, qui avaient notamment pour même objet, l'enregistrement, le traitement et la diffusion de l'image ou du son sur des écrans.
47. Il a au contraire tout aussi pertinemment retenu que la société [Localité 6] poids lourds n'ayant déposé sa marque que pour des produits à l'exception de tout service, il n'existait aucune similitude entre ces produits pour lesquels la marque contestée a été déposée en classe 9 et les différents services visés en classe 9 ou 38 pour lesquels la marque antérieure a été déposée, de sorte qu'à défaut de meilleur argument soutenu devant la cour, le tribunal est également approuvé d'avoir rejeté toute action en nullité s'agissant de ces services.
48. Il en résulte qu'en définitive, il existe une similitude entre les produits de la classe 9 dans lesquels la marque litigieuse a été déposée, à savoir appareils pour l'enregistrement de son; appareils pour la transmission de son ; appareils d'enregistrement d'images ; appareils de transmission d'images ; appareils de reproduction d'images et ceux de la marque antérieure déposée en classe 9 ' le traitement du son et des images ; supports d'enregistrement' ainsi qu'une similitude entre les signes obligeant la cour, pour ces seuls produits à apprécier l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent.
* sur le risque de confusion :
49. Il s'agit d'apprécier au regard des signes en présence et des produits visés si la similitude entre eux est de nature à créer un risque de confusion aux yeux du public pertinent.
50. Pour ce faire, le juge procède à une analyse de l'interdépendance entre les critères, dans laquelle doit également être prise en compte la plus ou moins grande distinctivité du signe.
51. Ainsi, une faible similitude des produits peut être compensée par une forte similitude des signes, le risque de confusion étant d'autant moins grand que les signes en présence sont faiblement distinctifs pour désigner les produits ou services visés. De même, une forte distinctivité du signe peut venir compenser une faible similarité entre les produits et signes en litige et inversement.
52. Enfin, il s'agit d'apprécier ici l'impression d'ensemble laissée sur un public pertinent c'est à dire celui auquel les services sont destinés ou les marques s'adressent, soit en l'espèce, s'agissant du public concerné par la marque litigieuse, un public moyennement attentif dont il convient de rappeler qu'il n'a pas nécessairement les deux marques sous les yeux en même temps.
53. Il a été ci-avant retenu qu'il existait une forte similitude entre les signes et que les deux marques avaient été déposées en classe 9 pour des produits similaires.
54. Cependant pour la marque Reactivon, le traitement du son et de l'image est en lien avec la notion de 'secours' et 'sauvetage' et plus généralement 'les équipements et systèmes de sécurité informatique pour le réseau et le traitement de l'information' tandis qu'il n'est pas contesté que la marque litigieuse vise en classe 9 'les appareils pour l'enregistrement de son ; appareils pour la transmission de son ; appareils d'enregistrement d'images; appareils de transmission d'images; appareils de reproduction d'images' faisant référence à la retransmission de ces images et du son sur des écrans de sorte que la similarité n'est pas très forte entre ces produits alors surtout, qu'ils ne s'adressent pas à un même public n'étant pas contesté que la marque postérieure vise les dits produits à destination des camping-cars et partant, d'une clientèle dédiée.
55. En outre, il a été relevé que les signes en litige sont très peu distinctifs pour désigner les produits visés.
56. Dès lors, le public pertinent moyennement attentif, alors que celui de la marque antérieure est plus avisé, sera en définitive peu enclin à confondre les deux signes.
57. Le jugement qui a en conséquence écarté tout risque de confusion entre les signes en présence et rejeté l'action en nullité de marque et les demandes y afférentes mais également en conséquence l'action en contrefaçon est confirmé, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les demandes d'expertise et de provision formulées par la société Reactivon.
II - Sur les autres demandes :
58. La succombance en première instance et en appel ne suffit pas à caractériser l'usage abusif du droit d'agir en justice et d'interjeter appel, de sorte qu'en l'absence de tout élément de nature à caractériser sinon une intention de nuire à l'intimée du moins une légèreté blâmable, la société [Localité 6] poids lourds ne saurait prospérer en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive contre la société Reactivon.
59. Succombant en son recours, la société Reactivon en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à la société [Localité 6] poids lourds une somme de 5 000 euros sur le fondement de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant :
Déboute la société [Localité 6] poids lourds [N] Frères de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne la société Reactivon à payer à la sarl [Localité 6] poids lourds [N] Frères, une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Reactivon aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.