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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 21 mai 2025, n° 22/11056

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Aludyne Automotive Spain SLU (Sté)

Défendeur :

Anderton Castings (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Depelley

Conseiller :

M. Richaud

Conseiller :

Mme Dallery

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Guyot - Réchard, Me Lallement, Me Wuibout

T. com. Lyon, du 21 mars 2022, n° 2020J1…

21 mars 2022

FAITS ET PROCÉDURE

La société Aludyne Automotive Spain (ci-après "la société Aludyne Spain) de droit espagnol, qui a pour activité l'agencement de pièces automobiles, est filiale de la société Aludyne Inc. (anciennement Chassix Inc.) de droit américain.

La société Anderton Castings de droit français qui a pour activité la conception et la fabrication de pièces automobiles en aluminium, est filiale de la société Anderton Industrie de droit américain.

Les 4 septembre et 6 octobre 2015, la société Anderton Industrie a conclu en son nom et au nom de "ses sociétés affiliées" (its affiliates) deux contrats cadres d'approvisionnement (Master Supply Agreement) avec la société Chassix Inc., devenue Aludyne Inc., agissant également en son nom et au nom de ses sociétés affiliées.

Par ces deux contrats, la société Aludyne a confié à la société Anderton l'approvisionnement de façon exclusive de 100% de ses besoins pour le marché européen pour deux types de pièces CD4.1 (droite et gauche) et CD4.2 (droite et gauche), suivant un volume moyen hebdomadaire de 3 402 et 1650 jeux de pièces par semaine (article 5).

En juin et juillet 2016, quatre bons de commande, portant respectivement sur chacune des quatre pièces visées dans les contrats-cadres, ont été émis par la société Aludyne Spain (anciennement dénommée DMI Atomotive Spain) auprès de la société Anderton Castings.

Les contrats et bons de commande spécifiaient que cette fourniture de pièces durerait aussi longtemps que le programme de production des modèles de Ford, auxquels sont destinées ces pièces.

Par lettre du 29 juin 2020 signée par le représentant de la société Aludyne Inc., celle-ci a notifié à la société Anderton Industries Inc., la résiliation pour convenance des deux contrats cadre à effet au 29 juin 2020 en se fondant sur l'article 16 des conditions générales des contrats cadres.

Par acte du 9 juillet 2020, la société Anderton Castings a assigné en référé la société Aludyne Spain aux fins d'obtenir la poursuite des relations contractuelles entre les parties.

Par ordonnance du 6 août 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon a ordonné la reprise des relations contractuelles sous astreinte de 12 000 euros par jour de retard. Par décision du 28 avril 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance précitée sauf en ce qui concerne la durée de la reprise de la relation contractuelle, qu'elle a fixée à neuf mois, et la période d'indemnisation qu'elle a fixée du 29 juin 2020 au 31 août 2020, date de la reprise de la relation contractuelle. En conséquence, elle a condamné la société Aludyne Spain à payer à la société Anderton Castings, à titre de provision, les sommes de 264 736, 80 euros et de 237 088, 90 euros.

La société Aludyne Spain a formé un pourvoi en cassation le 28 avril 2021. Par ordonnance du 21 octobre 2021, le premier président de la Cour de cassation a ordonné la radiation de l'affaire au motif de l'inexécution de la décision de la cour d'appel par la société Aludyne Spain.

Le 31 août 2020, les sociétés Aludyne Inc. et Aludyne Spain ont introduit, en application de la clause de compétence figurant aux conditions générales annexées au contrat cadre, une action devant le Circuit Court de l'Oakland County de l'Etat du Michigan aux Etats-Unis, à l'encontre de la société Anderton Castings, pour notamment voir juger la régularité de la résiliation notifiée par lettre du 29 juin 2020. Par décision du 22 décembre 2020, le juge américain a décidé que le juge français, préalablement saisi, devait statuer en priorité sur sa compétence. Cette décision a été confirmée, le 17 février 2022, par la cour d'appel du Michigan. Par ordonnance du 28 juillet 2022, la Cour suprême du Michigan a refusé le pourvoi.

Par acte du 22 octobre 2020, la société Anderton Castings a assigné la société Aludyne Spain devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir la condamnation de la société Aludyne Spain à des dommages-intérêts sur le fondement, à titre principal, d'une rupture abusive des relations contractuelles et à titre subsidiaire d'une rupture brutale des relations commerciales.

Devant le tribunal de commerce, la société Aludyne Spain a soulevé l'exception d'incompétence de la juridiction française au profit des juridictions du Michigan, en application de la clause d'attribution de compétence figurant à la clause 23 des conditions générales annexées aux contrats-cadres.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

- Rejeté la demande de surseoir à statuer de la société Aludyne Spain,

- Rejeté la demande de dessaisissement du litige au profit de la Circuit Court de l'Oakland county de l'Etat du Michigan,

- S'est déclaré compétent pour connaitre du présent litige,

- Rejeté la demande de la société Aludyne Spain en son exception de litispendance internationale,

- Jugé que la résiliation des contrats liant les parties est brutale, et que le préavis doit être fixé à 18 mois,

- Condamné la société Aludyne Spain à payer la somme de 4 349 155,20 euros HT à la société Anderton Castings,

- Rejeté comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties,

- Prononcé l'exécution provisoire,

- Condamné la société Aludyne Spain à verser à la société Anderton Castings la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Aludyne Spain aux entiers dépens, dont les frais de traduction assermentés.

La société Aludyne Spain a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 10 juin 2022, intimant la société Anderton Castings.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 avril 2024, la société Anderton Castings a bénéficié de la procédure de redressement judiciaire et Me [S] a été désigné administrateur judiciaire, procédure qui a été convertie par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 9 octobre 2024 en liquidation judiciaire et Me [T] a été désigné liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 6 février 2025 la société Aludyne Spain, demande à la Cour de :

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 21 mars 2022 en ce qu'il :

- Rejette la demande de dessaisissement du litige au profit de la Circuit Court de l'Oakland County de l'Etat du Michigan,

- Se declare compétent pour connaitre du présent litige,

- Juge que la résiliation des contrats liant les parties est brutale, et que le préavis doit être fixé à 18 mois,

- Condamne la société ALUDYNE SPAIN à payer la somme de 4 349 155,20 euros HT à la société ANDERTON CASTINGS CASTINGS,

- Rejette comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties, mais uniquement lorsqu'il rejette les moyens et prétentions de la société ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE SPAIN SLU,

- l'exécution provisoire,

- Condamne la société ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE SPAIN SLU à verser à la société ANDERTON CASTINGS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE SPAIN SLU aux entiers dépens, dont les frais de traduction assermentés.

Et, statuant à nouveau :

In limine litis,

- Se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes formulées par la société ANDERTON CASTINGS à l'encontre de la société ALUDYNE SPAIN aux termes de son assignation en date du 12 novembre 2020 ;

- Se dessaisir du litige au profit de la Circuit Court de l'Oakland County de l'Etat du Michigan (Etats-Unis) et renvoyer la société ANDERTON CASTINGS à se pourvoir devant cette juridiction.

A titre subsidiaire,

- Juger que la loi de l'Etat du Michigan (Etats-Unis) est applicable au litige ;

- Juger que la rupture des Contrats-cadres par la société ALUDYNE Inc. est conforme aux stipulations contractuelles et à la loi de l'Etat du Michigan ;

- Juger que les dispositions de l'article L. 442-1, II, du Code de commerce ne sont pas applicables au litige en l'absence de relation commerciale établie ;

- Juger que le préjudice invoqué par la société ANDERTON CASTINGS n'est pas justifié, et que s'il était malgré tout retenu, il ne pourrait en aucun cas être calculé sur une durée supérieure à 5 mois à compter du 29 juin 2020 ;

- Débouter la société ANDERTON CASTINGS, la SELARL AJ UP et la SELARL [T] & ASSOCIES es qualités de leur appel incident ;

- Débouter la société ANDERTON CASTINGS la SELARL AJ UP et la SELARL [T] & ASSOCIES es qualités de l'ensemble de leurs demandes ;

En tout état de cause,

- Débouter la société ANDERTON CASTINGS, la SELARL AJ UP et la SELARL [T] & ASSOCIES es qualités de toute demande autre, plus ample ou contraire au présent dispositif,

- Condamner la société ANDERTON CASTINGS à verser à la société ALUDYNE SPAIN la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Conda mner la société ANDERTON CASTINGS aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl LX Paris-Versailles-Reims.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 25 novembre 2024, la SELARL [T] et associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings, demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal de commerce de LYON, en ce qu'il a retenu l'application du droit français et en ce qu'il a retenu le principe d'un droit à indemnisation au bénéfice de la société ANDERTON CASTINGS, et, en conséquence,

- Se déclarer compétent pour statuer sur les demandes présentées,

- Juger que la loi française est applicable au litige,

- Déclarer la demande de la SELARL [T] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [T] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ANDERTON CASTINGS recevable et bien fondée,

- Juger que la rupture des relations contractuelles à l'initiative du donneur d'ordre est abusive et à titre subsidiaire brutale.

Réformer le jugement entrepris sur le quantum indemnitaire, et conséquence,

- Juger que le préavis doit être fixé à 24 mois à compter du 29 juin 2020

- Condamner la société ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE à régler à la SELARL [T] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [T] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ANDERTON CASTINGS les sommes de : 3.059.180,80 euros HT au titre de la pièce CD4.1 outre intérêts à compter du jugement 2.739.692,80 euros HT, au titre de la pièce CD4.2 outre intérêts à compter du jugement,

En tout état de cause,

- Débouter la société ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE de toute demande autre, plus ample ou contraire au présent dispositif,

- Condamner ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE à lui payer la somme de 10.000 euros supplémentaire en cause d'appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

- Condamner ALUDYNE SPAIN AUTOMOTIVE aux entiers dépens, distraits au bénéfice de la SELARL BDL, qui comprendront tous les frais de traduction assermentée

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2025.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

I- Sur l'intervention volontaire

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 avril 2024, la société Anderton Castings a bénéficié de la procédure de redressement judiciaire et Me [S] a été désigné administrateur judiciaire, qui a été convertie par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 9 octobre 2024 en liquidation judiciaire et Me [T] a été désigné liquidateur judiciaire.

Dès lors, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings, en présence de la société AJ UP prise en la personne de Me [B] [S] en sa qualité d'administrateur judiciaire.

II- Sur l'exception d'incompétence

Exposé des moyens,

A l'appui de son exception d'incompétence, la société Aludyne Spain soulève que les deux contrats-cadres ont été conclus par les sociétés Aludyne Inc. et Anderton Industrie en leur nom ainsi qu'au nom et pour le compte de leurs filiales respectives, en ce notamment les sociétés Anderton Casting et Aludyne Spain. Elle précise que les quatre bons de commande, exécutés par la société Anderton Castings, renvoient expressément aux conditions générales de la société Aludyne Inc annexées aux contrats-cadres, et que les bons de commande comportent une mention spécifique renvoyant aux conditions générales d'achat de l'acheteur. Or, ces dernières contiennent à l'article 23 une clause attribuant compétence au juge de l'État du Michigan aux États-Unis. La société Aludyne Spain considère suffisant le fait que les conditions générales soient annexées aux contrats cadres avec le renvoi exprès aux conditions générales par les bons de commande, dans un litige à caractère international, pour rendre opposable la clause attributive de juridiction à la société Anderton Castings. En outre, elle soutient que le fait, que les contrats-cadres stipulent que les bons de commande sont soumis "aux lois locales des usines", est sans incidence sur les règles de compétence.

A cet effet elle cite l'article 25 du règlement Bruxelles I Bis en ce que les parties peuvent librement convenir d'une convention attributive de juridiction conclue " dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce ['] "La société Aludyne Spain soutient en outre qu'il est " parfaitement établi" en jurisprudence que l'article 48 du code de procédure civile, qui prévoit que la clause attributive de juridiction doit être stipulée en des termes apparents dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée, doit être écartée en matière de litiges internationaux. Selon elle l'article 48 précité n'est pas applicable dans un litige de droit commun international privé, ou du moins est d'application souple et libérale.

Elle ajoute que le fait que le litige soit fondé sur la rupture brutale des relations commerciales, les dispositions de l'article L.442-1 du code de commerce fussent-elles qualifiées de loi de police, ne fait pas échec à l'efficacité de la clause rédigée de manière suffisamment large pour englober un tel litige (en ce sens Civ. 1ère, 22 octobre 2008, n°07-15.823). Enfin, la société Aludyne Spain soutient que la clause contenue dans les conditions générales de la société Anderton Castings est inapplicable, car elle n'est pas rentrée dans le champ contractuel.

En réponse, la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings, fait valoir que la clause attributive de juridiction invoquée par la société Aludyne Spain est inapplicable et inopposable. Elle expose, tout d'abord, que les contrats-cadres et les bons de commande prévoient expressément que ces derniers sont régis par " la loi des usines ". Or, selon la société Anderton Castings, prévoir qu'une relation commerciale est régie par la loi des usines renvoi[e] tant au droit applicable au fond qu'au droit processuel et donc en l'espèce à la réglementation européenne sur la compétence. Elle en déduit que la clause attributive de juridiction figurant aux seules conditions générales sont contredites par les contrats-cadres et les conditions particulières que sont les bons de commandes.

Ensuite, elle soutient que l'article 48 du code de procédure civile exige qu'une clause attributive de juridiction soit "très apparente". Or, selon elle, la clause invoquée par la société Aludyne Spain figure en caractères minuscules et non distincts, "noyée" dans les conditions générales. Elle ajoute que la société Aludyne Spain ne démontre pas que la clause attributive de juridiction figurait bien dans les conditions générales, à la date de signature des bons de commande, alors que ces derniers faisaient référence aux "conditions d'achat de l'acheteur que l'on trouve en suivant le lien www. Chassis.com, modifiées de temps à autre". Enfin, la société Anderton Castings se prévaut de ses propres conditions générales de vente, dont il résulte que le tribunal de commerce de Lyon est compétent.

A titre subsidiaire, la société Anderton Castings prise en la personne de son liquidateur judiciaire soutient que cette clause est contradictoire avec la clause invoquée par la société Aludyne Spain, les deux clauses doivent en conséquence " se neutraliser ". Elle relève en outre que les juridictions du Michigan ne font pas parties des juridictions limitativement énumérées à l'annexe 4-2-1 de l'article D 442-3 du code de commerce et que donc une clause les désignant est inapplicable en matière de rupture brutale des relations commerciales. Par ailleurs, la société Anderton Castings soutient que la clause n'a pas vocation à régir la résiliation de la relation contractuelle, puisqu'elle s'applique uniquement aux commandes. En conséquence, elle demande à la Cour d'écarter la clause attributive de compétence comme lui étant inopposable.

Dans ces conditions, elle fait valoir qu'en vertu de l'article 7 du Règlement Bruxelles I bis, la juridiction compétente est celle du lieu d'exécution du contrat pour vente de bien, soit le lieu dans un État membre où en vertu du contrat, les biens ont été livrés ou auraient dû être livrés. Elle relève que les bons de commande intègrent les Incotermes EXW (départ usine) Andrezieux Boutheon, soit l'emplacement de l'usine française de la société Anderton Castings et en déduit la compétence du tribunal de commerce de Lyon en application des articles L.442-6 anciens et D.442-3 du code de commerce.

Réponse de la Cour,

1- Sur l'opposabilité de la clause attributive de compétence

Le présent litige revêt un caractère international pour opposer une société de droit français domiciliée en France à une société de droit espagnol domiciliée en Espagne qui invoque une clause attributive de compétence désignant une juridiction de l'État du Michigan aux États-Unis prévues aux conditions générales d'achats annexées aux contrats-cadres conclus en leur nom par leur société mère de droit américain.

Bien que le litige oppose deux sociétés domiciliées chacune dans un État membre de l'Union européenne et a pour objet la rupture de la relation contractuelle ou commerciale nouée entre celles-ci, l'article 25, paragraphe1, du règlement (UE) n°1215/2012 dit Bruxelles I bis, n'est pas applicable en ce que la clause attributive de juridiction invoquée désigne un État tiers ( en ce sens CJCE 9 du novembre 2000 aff C-387/98 : " l'article 17 de la convention [Règl.n°1215/2012 article 25 §1] n'est pas applicable à une clause désignant un tribunal d'un État tiers. Un tribunal situé sur le territoire d'un État contractant doit, s'il vient à être saisi en dépit d'une telle clause attributive de juridiction, apprécier la validité de celle-ci en fonction du droit applicable, en ce compris les règles de conflits de lois, au lieu où il siège ").

La Cour observe que le litige sur l'applicabilité de la clause attributive de compétence ne relève pas davantage de la Convention de la Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for désignant un tribunal d'un Etat contractant (article 3), celle-ci n'étant pas entrée en vigueur aux Etats-Unis.

Il convient dès lors d'apprécier la validité et les effets de la clause attributive de juridiction au regard du droit international privé commun français eu égard au juge saisi du litige.

Selon l'article 48 du code de procédure civile transposé à l'ordre international, les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu'elles sont invoquées dans un litige à caractère international, mais elles ne sont opposables qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat. L'article 48 du code de procédure civile n'interdit pas, dans l'ordre international, la stipulation de la clause dans un document extérieur au contrat, pour autant que le renvoi à ce document soit apparent et permette à la partie concernée d'en prendre connaissance, que la clause figurant dans ce document soit elle-même spécifiée de façon apparente et que la partie à laquelle cette clause est opposée en ait effectivement eu connaissance et l'ait acceptée.

La société Aludyne Spain invoque la clause attributive de juridiction stipulée aux conditions générales d'achat de la société Aludyne Inc. annexées aux contrats-cadres d'approvisionnement conclus par les sociétés Anderton Industrie et Chassix Inc. devenue Aludyne Inc.. Si ces contrats-cadres ont été signés seulement par les sociétés mères, il est clairement stipulé que ces dernières ont conclu ces contrats également au nom de leurs filiales, les sociétés Anderton Castings et Aludyne Spain, ainsi contractuellement engagées.

L'article 1 des contrats-cadres précise que l'accord des parties est constitué du contrat-cadre, des bons de commandes et des conditions générales d'achat de Chassix ( devenu Aludyne) annexées au contrat et régissant celui-ci sauf indication contraire prévue au contrat-cadre.

Ces stipulations sont reproduites sur les bons de commandes émis en mai et juillet 2016 par la société DMI Automotive Spain (devenue Aludyne Spain) auprès de la société Anderton Casting en exécution des contrats-cadres conclus au nom et pour le compte de ces dernières par les sociétés Aludyne Inc. et Anderton Industries. En outre ces bons de commandes comportent la mention suivante :

"This Purchase Order is subject to the Buyer Terms and Conditions of Purchase located at www.chassix.com, as amended from time to time. The furnishing of any portion of the Product or Service hereunder, or commencement of work thereto, by Seller shall constitute acceptance by Seller of this Order and the Term"

Cette mention a fait l'objet d'une traduction libre par la société Aludyne Spain, non contestée par la société Anderton Castings :

"Ce bon de commande est soumis au Conditions Générales d'achat figurant sur le site www.chassix.com, telles que modifiées de temps à autre. La fourniture d'une partie du Produit ou du Service en vertu des présentes, ou le début des travaux y afférents, par le Vendeur constitue l'acceptation par le Vendeur de la présente Commande et des Conditions Générales d'Acha"

Il s'ensuit qu'aux termes de l'engagement des parties, le renvoi aux conditions générales d'achat Chassix comportant la clause attributive de juridiction litigieuse a été clairement stipulé.

Cependant, à la lecture de ces clauses générales d'achat Chassix annexées aux contrats cadre, la clause attributive de juridiction insérée dans ce document n'est pas du tout spécifiée de manière apparente.

D'abord la présentation typographique de l'ensemble des conditions générales d'achat imprimées de façon compacte et en très petits caractères rend le texte peu lisible (pièces n°2).

Ensuite, la clause attributive de compétence se trouve insérée à la fin du dernier paragraphe 23. intitulé "Divers" (MISCELLANEOUS) à la suite de longues considérations sur la compensation et le paiement des factures et la loi applicable pour interpréter et régir la commande, sans distinction particulière à la dernière ligne après un texte copieux et serré.

Reproduction de la clause telle que typographiée dans les CGA - pièce n°2 -Aludyne Spain:

Traduction libre pièce n°2 bis - Aludyne Spain :

23. DIVERS : L'Acheteur a le droit à tout moment de compenser tout montant dû par le Fournisseur à l'cheteur contre tout montant dû et exigible au Fournisseur en vertu de la présente commande. Les droits et recours individuels réservés aux présentes sont cumulatifs et s'ajoutent à tout autre ou à d'autres recours prévus par la loi ou l'équité ou dans la présente Commande. Le fait de ne pas insister sur la stricte exécution d'une disposition de la présente Commande par l'Acheteur, ne constitue pas une renonciation à cette disposition ou une renonciation à un manquement. Les conditions, dispositions, représentations et garanties contenues dans cette Commande survivront à la livraison des produits commandés ici et au paiement du prix d'achat. Si une ou plusieurs dispositions de la présente Commande sont considérées invalides, illégales ou inapplicables, la validité, la légalité et le caractère exécutoire des dispositions restantes ne seront en aucune manière affectées ou altérées de ce fait. Cette commande doit être interprétée et régie conformément aux lois de l'État du Michigan. Les parties (a) se soumettent inconditionnellement et irrévocablement à la juridiction de la Circuit Court (ci-après la "Cour") de l'Oakland County, (Michigan), en rapport avec toute action découlant de la présente ordonnance ; (b) conviennent que toutes les plaintes dans une telle action peuvent être tranchées par la Cour ; et (c) renoncent, dans toute la mesure où ils peuvent effectivement le faire, aux moyens de défense: (i) de l'incompétence de cette juridiction; (ii) l'absence de compétence personnelle de cette Cour à l'égard des parties; et (iii) forum non conveniens

Par ailleurs aucune pièce n'est fournie concernant la présentation de ces conditions générales d'achat sur le site www.Chassix mentionné sur les bons de commande.

Il s'ensuit que la clause attributive de compétence n'était pas spécifiée de manière suffisamment apparente dans les documents contractuels pour être opposable à la société Anderton Castings prise en la personne de son liquidateur judiciaire dans les conditions de l'article 48 du code de procédure civile transposé à l'ordre international.

2- Sur les options de compétence

Les parties étant domiciliées dans un État membre distinct de l'Union européenne, le litige relève comme tel, des dispositions du règlement Bruxelles I bis pour régler le conflit de compétence.

Aux termes de l'article 4, point 1, du règlement Bruxelles I bis les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membres sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État. En application de l'article 5, point 1, elles peuvent néanmoins être attraites devant les juridictions d'un autre État membre, suivant les règles énoncées aux articles 7 à 26.

Selon l'article 7, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

"Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas ;"

En l'espèce, l'action indemnitaire dirigée par la société Anderton Castings prise en la personne de son mandataire et liquidateur judiciaire est fondée sur la rupture abusive des relations contractuelles et à titre subsidiaire sur la rupture brutale de la relation commerciale nouée entre les parties.

Dans son arrêt Granarolo du 14 juillet 2016 C-196/1, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de ce règlement s'il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier. La démonstration visant à établir l'existence d'une telle relation contractuelle tacite doit reposer sur un faisceau d'éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l'existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée.

En l'espèce, les parties ne contestent pas avoir entretenu une relation commerciale de 2016 à 2020 en exécution de contrats-cadres portant sur des commandes successives de pièces générant un substantiel chiffre d'affaires pour la société Anderton Castings. L'action indemnitaire fondée sur la rupture abusive et brutale de la relation commerciale relève bien de la matière contractuelle au sens du règlement Bruxelles I bis.

La relation entre les parties relève de la catégorie de vente de marchandises pouvant s'appliquer à une relation commerciale durable entre deux opérateurs économiques.

En application de l'article 7, point 1, sous b), premier tiret, la juridiction compétente est donc celle du lieu de l'État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.

Pour l'application de ce texte, la CJUE (aff C-87/10 du 9 juin 2011 Electrosteel ) a dit pour droit que, en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat. Afin de vérifier si le lieu de livraison est déterminé "en vertu du contrat", la juridiction nationale saisie doit prendre en compte tous les termes et toutes les clauses pertinentes de ce contrat qui sont de nature à désigner de manière claire ce lieu, y compris les termes et les clauses généralement reconnus et consacrés par les usages du commerce international, tels que les Incoterms élaborés par la Chambre de commerce internationale, dans leur version publiée en 2000. S'il est impossible de déterminer le lieu de livraison sur cette base, sans se référer au droit matériel applicable au contrat, ce lieu est celui de la remise matérielle des marchandises par laquelle l'acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l'opération de vente.

Il ressort tant du "Programme" annexe A aux contrats-cadres que des bons de commandes de mai et juillet 2016 émis par la société Aludyne Spain que le lieu convenu de livraison des marchandises se trouvait en France à l'usine de la société Anderton Castings (mention de l'Incoterm EXW - ex Works -[Localité 3]).

Il s'ensuit que les juridictions françaises se trouvent bien compétentes pour connaître du litige opposant les parties et notamment le tribunal de commerce de Lyon en application des articles L.442-4 III et D442-2 du code de commerce.

Dès lors le jugement sera confirmé, par ces motifs substitués, en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de Lyon compétent.

III - Sur la loi applicable au litige

Exposé des moyens,

Au soutien de son appel, la société Aludyne Spain rappelle que l'accord des parties était constitué d'un tout indivisible composé des contrats-cadres, des bons de commande et des conditions générales d'achat de la société Aludyne Inc. annexées aux contrats-cadres qui contiennent à l'article 23 une clause de choix de loi au profit de la loi de l'État du Michigan. Elle relève que les bons de commande mentionnent eux-mêmes que " sauf indication contraire dans le présent bon de commande, le contrat cadre d'approvisionnement ne sera pas affecté et restera pleinement en vigueur conformément à ses conditions " et opèrent également à un renvoi aux conditions générales d'achat figurant sur le site www.chassix.com. La société Aludyne Spain souligne que l'objet du litige porte sur la résiliation de la relation contractuelle dans son ensemble nouée par les différentes entités des groupes Aludyne et Anderton, et non pas simplement sur les bons de commandes, en sorte que le présent litige doit être analysé uniquement au regard des conditions générales précitées qui renvoient à la loi du Michigan pour l'ensemble de la relation contractuelle. Elle ajoute qu'à la lumière du considérant n°12 du règlement Rome I, la clause attributive de juridiction désignant les tribunaux de l'État du Michigan est un facteur permettant de confirmer la volonté des parties de désigner la loi de ce même État pour tout éventuel litige relatif à la relation dans son ensemble et en l'occurrence à sa résiliation. Or, la société Aludyne soutient que selon la loi de l'État du Michigan, la liberté contractuelle s'impose aux parties et une clause de résiliation unilatérale pour convenance non ambiguë dans un contrat est valable même si le contrat est censé être à durée déterminée ( en ce sens pièce n° 23 et 24 : .Décision Rory c. Continental Ins. Co., 473 Mich. 457, 468 (2005) ; Décision Jaye v. Tobin, 42 Mich.App. 756, 760).

La société Aludyne Spain fait en outre valoir que selon l'article 3 du règlement Rome 1 que le choix de la loi applicable doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Or selon elle, il ne résulte ni de façon expresse ni certaine, à la lecture de l'article 1 des contrats-cadres, que les parties ont voulu soumettre leur relation contractuelle au droit français, dès lors qu'il n'est pas expressément renvoyé aux droits français, mais "aux lois locales des usines" mettant ainsi le droit français en concurrence avec le droit espagnol compte tenu de la situation des deux usines. Elle ajoute que les bons de commandes eux-mêmes ne se réfèrent pas aux lois locales des usines. Or elle souligne que l'article 4 du règlement Rome 1 n'a vocation à s'appliquer qu'en l'absence de choix des parties, afin de régler les conflits de lois en fonction du type de contrat conclu. Selon elle, cette disposition est inapplicable en l'espèce, étant donné que les parties ont décidé de soumettre les contrats-cadres et les bons de commande aux conditions générales désignant la loi de l'État du Michigan, faisant ainsi précisément usage de leur faculté de choix. Elle soutient qu'en toute hypothèse, selon la jurisprudence récente de la cour d'appel de Paris, les dispositions de l'article L.442-1, III du code de commerce ne constituent pas une loi de police au sens de l'article 9 du règlement Rome I (en ce sens CA Paris 5-16 du 3 juin 2020 RG n°19/03758 ; CA Paris 5-5 du 8 octobre 2020 RG 17/19893 ; CA Paris 5-5 du 11 mars 2021 RG n° 18/03112)

En réplique, la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings, fait valoir que les accords d'approvisionnement prévoient chacun que l'achat de pièces se fera conformément aux "bons de commande'émis de l'usine réceptrice (Aludyne) à l'usine d'approvisionnement (Anderton) et seront soumis aux lois locales des usines" et que ces stipulations prévalent sur les conditions générales annexées en application de l'article 14 des contrats-cadres. Elle relève que les lois locales des usines sont la loi espagnole et la loi française, toutes deux européennes. Elle en déduit que le droit français est applicable au litige en tant que loi choisie par les parties au contrat, et ce conformément au droit européen, c'est-à-dire le lieu de livraison des pièces à [Localité 3].

Elle fait en outre valoir que quand bien-même il n'existerait pas de dispositions sur le choix de la loi, en vertu des réglementations de l'Union européenne, une personne peut être poursuivie pour rupture de contrat dans l'État dans lequel le contrat est exécuté. Selon elle, que la responsabilité civile de la société Aludyne Spain soit qualifiée de délictuelle ou d'extracontractuelle, le droit français est applicable puisque le dommage est subi au siège de la société Anderton Castings et que le lieu d'exécution de la prestation caractéristique ou du lieu de livraison est également au siège de la société Anderton Castings. Elle soutient, qu'en tout état de cause, les dispositions invoquées de l'article L. 442-1 du code de commerce ont le caractère d'une loi de police, ce qui fait échec à l'application de la clause de droit étranger (en ce sens Com. 8 juillet 2020, n°17-31.536). Elle ajoute que le juge des référés, "juge de l'évidence", a également confirmé l'application de la loi française.

Réponse de la Cour,

L'action indemnitaire de la société Anderton Castings prise en la personne de son liquidateur judiciaire porte sur la rupture abusive de la relation contractuelle à titre principal, et sur la rupture brutale de la relation commerciale à titre subsidiaire.

Le règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 dit " Rome I " et le règlement (CE) n°864/2007 du 11 juillet 2007 dit " Rome II " sont applicables, dans les situations comportant un conflit de loi, aux obligations contractuelles et non contractuelle relevant de la matière civile et commerciale. Ces règlements ont un caractère universel dès lors que la loi désignée par ces règlements s'applique, même si cette loi n'est pas celle d'un État membre (articles 2 et 3).

Ces règlements sont donc applicables au présent litige pour régler le conflit de lois.

A titre principal, l'action indemnitaire qui vise à obtenir la réparation de la résiliation abusive de la relation contractuelle entre les parties relève de l'application du règlement Rome I.

Selon l'article 3 du règlement Rome I, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

En l'espèce, les contrats-cadres en exécution desquels les bons de commandes ont été émis par la société Aludyne Spain auprès de la société Anderton Castings, stipulent à l'article 1er les définitions suivantes (pièce Aludyne Spain n°2 bis - traduction libre) :

"Contrat" désigne collectivement le présent Accord, le Bon de Commande et les Conditions Générales applicables.

"Bon de Commande", ou "Commande" désigne tout bon de commande de Pièces du Programme ou de Pièces de Rechange émis par l'Acheteur en vertu du présent Accord, bons de commande qui seront valables pendant toute la durée du Programme plus la Période de Service applicable (selon la définition du terme ci-dessous), sauf stipulation contraire dans le Bon de Commande. Tout Bon de Commande émis sera soumis aux conditions du présent Accord, indépendamment de tout autre terme référencé ou incorporé sur le Bon de Commande lui-même. Les Bons de Commande seront émis de l'usine de réception de l'Acheteur à l'usine de fourniture du Vendeur et seront soumis aux lois locales des usines incluses dans un tel Bon de Commande (souligné par la Cour).

"Conditions Générales" ou "Conditions" désigne les Conditions Générales d'Achat de Chassix, annexés en Annexe A, qui régissent le présent Accord, sauf stipulation contraire dans les présentes.

L'article 14 de ces mêmes contrats-cadres précise que :

14. Priorité des Conditions Générales : Sauf disposition contraire expressément convenue par écrit, contenue dans le présent Accord, les parties conviennent que, dans la mesure où une disposition du présent Accord contredirait ou serait en conflit avec une disposition ou modalité des Conditions Générales ou toute autre disposition référencée ou incorporée dans un Bon de Commande ou tout autre document émis par l'Acheteur, les dispositions du présent Accord prévaudront.

Les conditions générales annexées prévoient in fine au paragraphe 23 :

23. DIVERS : L'Acheteur a le droit à tout moment de compenser tout montant dû par le Fournisseur à l'Acheteur contre tout montant dû et exigible au Fournisseur en vertu de la présente commande. Les droits et recours individuels réservés aux présentes sont cumulatifs et s'ajoutent à tout autre ou à d'autres recours prévus par la loi ou l'équité ou dans la présente Commande. Le fait de ne pas insister sur la stricte exécution d'une disposition de la présente Commande par l'Acheteur, ne constitue pas une renonciation à cette disposition ou une renonciation à un manquement. Les conditions, dispositions, représentations et garanties contenues dans cette Commande survivront à la livraison des produits commandés ici et au paiement du prix d'achat. Si une ou plusieurs dispositions de la présente Commande sont considérées invalides, illégales ou inapplicables, la validité, la légalité et le caractère exécutoire des dispositions restantes ne seront en aucune manière affectées ou altérées de ce fait. Cette commande doit être interprétée et régie conformément aux lois de l'État du Michigan.[souligné par la Cour] Les parties (a) se soumettent inconditionnellement et irrévocablement à la juridiction de la Circuit Court (ci-après la "Cour") de l'Oakland County, (Michigan), en rapport avec toute action découlant de la présente ordonnance ; (b) conviennent que toutes les plaintes dans une telle action peuvent être tranchées par la Cour ; et (c) renoncent, dans toute la mesure où ils peuvent effectivement le faire, aux moyens de défense: (i) de l'incompétence de cette juridiction; (ii) l'absence de compétence personnelle de cette Cour à l'égard des parties; et (iii) forum non conveniens

D'une part, la Cour constate qu'il existe une contrariété entre les dispositions du contrat-cadre qui soumet " les Bon de commande émis " à la loi des usines " incluses dans un tel Bon de commande " et la clause 23 des conditions générales de l'acheteur qui prévoit que " cette commande "doit" être interprétée et régie conformément aux lois de l'État du Michigan ". Or, pour résoudre cette contrariété, s'il y a lieu de faire prévaloir les stipulations du contrat-cadre sur les dispositions des conditions générales d'achat en application de l'article 14 du contrat-cadre, les stipulations à l'article 1 du contrat-cadre relatives aux bons de commandes sont susceptibles de désigner en l'espèce, tant la loi espagnole que la loi française.

D'autre part la Cour constate que les formulations tant de l'article 1 du contrat-cadre que de la clause 23 des conditions générales d'achat ne sont pas suffisamment explicites sur leur champ d'application pour en déduire avec certitude que les lois désignées pour les " commandes " concernent également le litige en cause qui a pour objet, non pas l'indemnisation d'un préjudice lié aux prix, la qualité ou des retards de livraison, mais à la rupture des relations contractuelles et commerciales entre les parties.

Il s'ensuit que, selon les conditions prévues à l'article 3 précité du règlement Rome I, les stipulations contractuelles liant les parties ne déterminent pas de manière exprès et certaine la loi applicable au litige opposant les parties.

Il convient dès lors d'appliquer l'article 4 sous a) du règlement Rome I qui dispose qu'à défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur à sa résidence habituelle.

La société Anderton Castings, société ayant la qualité de vendeur au présent litige, est domiciliée en France, en sorte que la loi applicable pour apprécier la rupture abusive de la relation contractuelle est la loi française.

A titre subsidiaire, l'action indemnitaire vise à obtenir la réparation de la rupture brutale de la relation commerciale nouée entre les parties.

Concernant les règles de compétence judiciaire au sens du règlement de Bruxelles I, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'action en réparation du préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales établies de longue date révélant une relation contractuelle tacite relève de la matière contractuelle, et ce indépendamment de sa qualification en droit national (arrêt Granarolo du 14 juillet 2016 C-196/1 précité et Com., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-14.812).

La CJUE ne s'est en revanche pas encore prononcée sur la nature contractuelle ou délictuelle de l'action précitée en matière de conflit de loi.

Néanmoins, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 31 janvier 2019, C-149/18, da Silva Martins, point 28) les "dispositions impératives dérogatoires", au sens de l'article 16 du règlement Rome II, répondent, à la définition des " lois de police ", au sens de l'article 9 du règlement Rome I.

Les parties s'opposent sur la qualification de loi de police au sens de ces règlements des dispositions de l'article L. 442-1, II du code de commerce.

Toutefois, la Cour constate que l'article L.442-1, II du code de commerce fut-il ou non une loi de police, est en toute hypothèse applicable dès lors qu'il ressort des constatations qui précèdent d'une part que les stipulations contractuelles ne désignent pas de manière exprès et certaine la loi applicable au litige relatif à la rupture brutale de la relation commerciale nouée entre les parties et que d'autre part le vendeur la société Anderton Castings a sa résidence habituelle en France ( article 4 § 1 b Rome I) et le dommage allégué est survenu en France ( 4 §1 Rome II).

La loi française est donc applicable au présent litige.

IV- Sur le bien-fondé de la demande de dommages-intérêts

1- Sur la demande à titre principal fondée sur la rupture de la relation contractuelle

Le tribunal a analysé la demande de la société Anderton Castings sur le seul fondement de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties, pour juger au dispositif du jugement que la résiliation des contrats liant les parties est brutale et que le préavis doit être fixé à 18 mois et pour condamner la société Aludyne Spain à payer à la société Anderton Castings la somme de 4 349 155,20 euros HT.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings, demande au seul visa des dispositions de l'article L. 442-1 (ancien L.442-6) du code de commerce, la réformation du jugement sur le quantum indemnitaire et la condamnation de la société Aludyne Spain à lui régler ès qualités, sur la base d'un préavis fixé à 24 mois à compter du 29 juin 2020, les sommes de :

- 3 059 180,80 euros HT au titre de la pièce CD4.1 outre intérêts à compter du jugement

- 2 739 692,80 euros HT au titre de la pièce CD4.2 outre intérêts à compter du jugement

A l'appui de son appel incident, la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings demande à la Cour de retenir, à titre principal l'existence d'un contrat à durée déterminée et de juger la rupture du contrat abusive, et à titre subsidiaire de retenir la brutalité de la rupture, tout en soulignant que" dans un cas comme dans l'autre, le préjudice de la société Anderton Castings ne saurait être inférieur à deux années de perte de marge brute "et la" Cour complètera en conséquence l'indemnisation allouée par le premier juge et réformera la décision sur le quantum de l'indemnisation"

Au titre de l'évaluation du préjudice, la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] ès qualités expose que "ce soit au tire d'une rupture abusive ou au titre d'une rupture brutale de la relation contractuelle, la société Anderton Castings est fondée à solliciter une indemnisation qui ne serait être inférieure à deux années de perte de marge brute" , fait en suite valoir que "la Cour peut parfaitement retenir une durée de préavis de deux années et non seulement de 18 mois, la relation entre les parties étant régie par l'ancienne version de l'article L.442-6 du code de commerce" et ne soumet à l'appréciation de son préjudice uniquement des critères relatifs à l'ancienneté de la relation, l'état de dépendance économique et les perspectives de reconversion pour évaluer une durée de préavis, soit des éléments d'appréciation pour évaluer un préjudice lié à la brutalité d'une rupture commerciale.

En revanche, ces éléments ne permettent pas d'apprécier un préjudice lié à une rupture anticipée et abusive d'un contrat à durée déterminée en méconnaissance de l'article 1212 du code civil qui dispose que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme.

En effet, l'article 1217 du code civil prévoit que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut demander réparation des conséquences de l'inexécution. A la sous-section 5 intitulée " la réparation du préjudice résultant de l'inexécution du contrat ", l'article 1231-2 du même code prévoit que les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, soit des dommages-intérêts compensant le préjudice causé par la résiliation qui ne peut donc s'évaluer en une perte de marge sur un délai de préavis de rupture. Ces dispositions ne sont d'ailleurs pas invoquées pour l'évaluation du préjudice de la société Anderton Castings sur le fondement d'une rupture abusive de la relation contractuelle.

Dès lors, à défaut d'établir l'existence d'un préjudice spécifique lié à la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée, et sans qu'il soit besoin d'analyser les moyens relatifs à une rupture abusive de la relation contractuelle de la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] ès qualités, celle-ci sera déboutée de sa demande d'indemnisation sur ce fondement.

2- Sur la demande à titre subsidiaire fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale

Exposé des moyens,

A supposé la loi française applicable, la société Aludyne Spain fait d'abord valoir que la relation entre les parties ne peut être qualifiée de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-1, II du code de commerce. Selon elle, seule la succession de contrats à durée déterminée permet de qualifier une relation commerciale d'établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où il n'y a pas eu succession de contrats. Elle ajoute que les commandes de la société Aludyne Spain étaient dépendantes de celles du client final (la société FORD) et aucun engagement de volume n'a ainsi été pris. Or elle souligne que c'est précisément parce que le client Ford a cessé de commander ces pièces qu'elle a été dans l'obligation de résilier la relation contractuelle. Elle soutient en outre que le fait d'avoir conclu des contrats-cadres ne permet pas de caractériser une relation commerciale établie, dès lors que ceux-ci prévoyaient une faculté de résiliation unilatérale.

Subsidiairement, elle soutient que le préavis ne devait pas excéder 5 mois au regard de la durée de la relation de 4 ans et 8 mois et en l'absence de tout engagement de volume. Elle conteste par ailleurs le montant de la marge brute avancée à hauteur de 50% par pièce, or de tels taux sont étrangers à la filière de l'industrie en France qui est plutôt dans une moyenne de 28,2%. Elle estime que les coûts variables n'ont pas été pris en compte.

En réplique, la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings fait valoir que la résiliation immédiate et sans préavis prononcée le 29 juin 2020 à effet du 29 juin 2020 constitue une violation manifeste de l'article L.442-1 II du code de commerce, dans sa version issue de l'ancien article L.442-6. Elle expose que la relation a été ininterrompue pendant plusieurs années, que les parties ont conclu un contrat-cadre et que cette relation a généré un chiffre d'affaires substantiel, en sorte que la relation nouée entre les parties était établie au sens des dispositions précitées. Elle indique qu'elle était dans une situation de très grande dépendance envers la société Aludyne Spain dès lors que les conventions lui garantissaient la quasi-totalité de son chiffre d'affaires pendant 2 à 3 années, au moment de la rupture. Elle estime que le préavis dont elle pouvait légitimement bénéficier devait être d'au moins deux années en raison de l'ancienneté de la relation commerciale (5 ans), de l'engagement d'exclusivité pour toute la durée de production des véhicules puis des pièces de rechanges soit environ 7 années, de l'importante part de son chiffre d'affaires (80%) généré par cette relation, de la spécificité des pièces nécessitant de longs mois d'essais avant d'être validées par le client.

Pour l'évaluation du préjudice, il est avancé que la marge brute hebdomadaire dégagée était de 17,72 euros par pièces CD4.1 et de 17,68 euros par pièce pour le contrat CD4.2, attestée par l'expert-comptable et prévue au programme établi par les parties.

Réponse de la Cour,

L'article L.442-1 II du code de commerce, applicable au litige portant sur une rupture notifiée par lettre du 29 juin 2020, dispose que :

"II- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure."

- Sur le caractère établi de la relation commerciale

La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions susvisées, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Au moment de la notification de la rupture le 29 juin 2020, les parties étaient engagées dans une relation commerciale formalisée par deux contrats-cadres conclus les 4 septembre et 6 octobres 2015 aux termes desquels (article 5) le groupe Aludyne s'était engagé à se fournir auprès du groupe Anderton pour 100% des besoins européens sur les pièces CD4.1 MONDEO et CD4.2 S-MAX et GALAXY dans le cadre du programme Ford selon une certaine capacité moyenne d'outillage hebdomadaire (article 5). Les bons de commandes en mai et juillet 2016 ont été émis par la société Aludyne Spain auprès de la société Anderton Castings en exécution de ce programme. Il n'est pas sérieusement contesté que ce programme correspondait à une durée de vie habituelle d'un modèle de véhicule soit environ 7 années outre les pièces de rechange.

Cette relation commerciale a généré pendant 5 années un chiffre d'affaires annuel de 5 à 7,5 millions d'euros pour la société Anderton Castings.

Il s'ensuit que la société Anderton Castings pouvait raisonnablement anticiper la poursuite de la relation jusqu'au terme du programme, et ce quand bien-même les conditions générales d'achat prévoyait une clause de résiliation unilatérale pour convenance.

La relation commerciale nouée entre les parties était donc établie au sens des dispositions précitées.

- Sur la brutalité de la rupture

Il ressort de l'article précité que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.

Si la société Aludyne Spain prétend qu'elle a été dans l'obligation de rompre sa relation commerciale avec la société Anderton Castings en raison d'une décision de changement de fournisseur de la part du client final Ford, force est de constater que les éléments produits aux débats (pièces n°13 à 16) sont insuffisants pour démontrer que ce changement de stratégie du client final commandait une rupture sans préavis ou même avec un préavis réduit avec le fournisseur Aludyne.

La relation commerciale nouée entre les parties était établie depuis près de 5 années.

Il est produit aux débats pour la société Anderton Castings une attestation de l'expert-comptable (pièce n°16) faisant état d'une emprise de 74 à 93% du client Aludyne sur son chiffre d'affaires global. Il est d'ailleurs justifié d'une demande d'autorisation de mise en chômage partiel de l'ensemble des effectifs de la société Anderton Castings dès le 30 juin 2020 soit le lendemain de la notification de la rupture et d'une tentative de reprise de la relation par une procédure en référé.

S'il est avancé que les pièces fabriquées sont des pièces de sécurité pour l'industrie automobile nécessitant de " longs mois " d'essais avant validation par de nouveaux clients, il n'est fait état d'aucun autre élément sur les capacités de redéploiement de l'activité sur le marché en cause et des motifs d'une telle dépendance économique.

En l'état des éléments soumis aux débats, la Cour estime une durée de préavis nécessaire de 12 mois.

La société Aludyne Spain a donc brutalement rompu la relation commerciale établie avec la société Anderton Castings et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L.442-1 II du code de commerce.

- Sur l'évaluation du préjudice

Le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la perte de marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis éludé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période (en ce sens Com., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-16.940 publié).

Le chiffre d'affaires annuel moyen généré par le client Aludyne calculé sur les trois dernières années précédant la rupture (2017 à 2019) est de 6 935 666, 66 euros (pièce n°16).

Le calcul de la marge brute établit pour la société Anderton Castings suivant attestation de l'expert-comptable (pièce n°18) correspond à une marge de production, à savoir la différence entre le prix de vente et le prix d'achat de l'aluminium et conduit à un taux de marge de 52 et 55 % pour chacun des types de pièces. Comme le relève la société Aludyne, ce taux de marge ne tient pas compte des coûts variables, à savoir les charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture. Les comptes sociaux de la société Anderton Castings ne sont pas versés aux débats.

En l'état des éléments produits, la Cour retiendra une marge sur coûts variables de 30% à partir du taux de marge moyen dans le secteur de l'industrie (pièce Aludyne n° 19 - fiche Insee février 2020 - le taux de marge retenu étant le rapport de l'excédent brut d'exploitation sur la valeur ajoutée aux coûts des facteurs).

Le préjudice est donc évalué à la somme arrondie de 2 080 700 euros de perte de marge sur un préavis éludé de 12 mois.

En conséquence, le jugement sera infirmé sur le montant du préjudice, et la société Aludyne Automotive Spain sera condamnée à verser à la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings la somme de 2 080 700 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

V- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Aludyne Spain aux dépens de première instance et à verser à la société Anderton Castings la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Aludyne Spain, succombant partiellement en son appel, sera condamnée aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Aludyne Spain sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings la somme de 5000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a condamné la société Aludyne Automotive Spain à verser à la société Anderton Castings la somme de 4349 155,20 euros calculée sur un préavis éludé de 18 mois ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant ;

Condamne la société Aludyne Automotive Spain à verser à la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings la somme de 2 080 700 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Condamne la société Aludyne Automotive Spain aux dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aludyne Automotive Spain et la condamne à payer à la société [T] et Associés prise en la personne de Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Anderton Castings la somme 5000 euros.

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