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Décisions

CA Riom, ch. com., 21 mai 2025, n° 24/00007

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mcaf (SARL)

Défendeur :

At Optimat 63 (SAS), Établissements Mazeau (SAS), Lixxbail (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Noir, Mme Berger

Avocats :

Me Lacquit, Me Treins, SCP Treins-Poulet-Vian et Associés, Me Dubois, SCP Dubois - Chemin-Normandin, Me Laurent, SELAS Implid Avocats, Me Gutton Perrin, SELARL LX Riom-Clermont, Me Wilhelm, SAS Wilhelm & Associés, Me Rahon, Me Sigrist, SELARL Sigrist & Associés

T. com. Clermont-Ferrand, du 26 oct. 202…

26 octobre 2023

Exposé du litige :

La SARL MCAF exerce une activité dans le bâtiment. Selon contrat de crédit-bail conclu avec la société Lixxbail le 3 janvier 2019, elle a fait l'acquisition auprès de la SAS AT Optimat 63 d'une grue de chantier de type Mazeau 12/12 commercialisée par la société Etablissements Mazeau, moyennant le prix de 49 920 euros.

A partir du 8 janvier 2019, la SARL MCAF a fait état auprès de la SAS AT Optimat 63 de dysfonctionnements sur la grue ayant nécessité des interventions. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mai 2019, la SAS AT OPTIMAT 63 a mis en demeure la société Etablissements Mazeau d'intervenir aux fins d'y remédier.

La société Etablissements Mazeau a mandaté le 3 juin 2019 un ingénieur technique dont l'intervention n'a pas permis de mettre un terme aux dysfonctionnements.

Une expertise amiable s'est tenue le 18 décembre 2019 dans les locaux de la SARL MCAF.

Par exploit du 6 novembre 2020, la SARL MCAF a fait assigner la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau devant le juge des référés du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire de la grue.

Par ordonnance du 19 janvier 2021, le juge des référés a fait droit à l'expertise sollicitée et a commis pour y procéder M. [M].

L'expert a déposé son rapport le 25 juin 2021.

Par acte d'huissier en date des 17 et 23 novembre 2021, la SAS AT Optimat 63 a fait assigner devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand la SARL MCAF et la société Etablissements Mazeau devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand aux fins de voir condamner la société Etablissements Mazeau à prendre en charge les réparations de la grue vendue et la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au bénéfice de la SARL MCAF.

Par exploit d'huissier du 16 septembre 2022, la SARL MCAF a fait assigner la société Lixxbail devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand aux fins de voir prononcer la résolution de la vente de la grue litigieuse, voir constater la caducité du crédit-bail conclu, condamner la société Lixxbail à lui restituer l'ensemble des loyers perçus en exécution du crédit bail, frais et intérêts compris et condamner la SAS AT Optimat 63 à lui payer la somme de 50 000 euros au titre des pertes financières liées à l'impossibilité d'utiliser la grue.

Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a prononcé la jonction des deux instances et par jugement réputé contradictoire du 26 octobre 2022 a :

- dit la SAS AT Optimat 63 recevable mais partiellement fondée en ses demandes ;

- dit la SARL MCAF recevable mais partiellement fondée en ses demandes ;

- dit la SA Lixxbail recevable mais partiellement fondée en ses demandes ;

- en conséquence :

- ordonné la résolution de la vente de la grue du 3 janvier 2019 entre la SARL MCAF et la SAS AT Optimat 63 ;

- prononcé la caducité du contrat de crédit-bail signé le 7 décembre 2018 entre la SARL MCAF et la SA Lixxbail ;

- condamné la SA Lixxbail à restituer à la SARL MCAF les loyers versés en exécution du contrat de crédit-bail n°363454-I0, frais et intérêts compris, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- condamné la SAS AT OPTIMAT 63 à restituer à la SA Lixxbail la somme de 49 920 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- condamné la SAS AT OPTIMAT 53 à reprendre possession de la grue ;

- condamné la société Etablissements Mazeau à payer à la SAS AT OPTIMAT la somme de 24'960 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à payer à la SA Lixxbail la somme de 4.301,54 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à payer et porter à la SARL MCAF la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à payer et porter à la SA Lixxbail la somme de 1 000 euros au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement ;

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau aux dépens de 1'instance, y compris ceux de référé ainsi que de l'expertise judiciaire et dont frais de greffe liquides à 100,37 euros TVA incluse.

Au visa des articles 1641 et suivants du code civil, le tribunal a principalement jugé que :

- il y avait lieu d'ordonner la résolution de la vente de la grue litigieuse dès lors que le rapport d'expertise judiciaire établissait que les défauts affectant la grue étaient insusceptibles d'être décelés par l'acquéreur, qu'ils rendaient la grue dangereuse et impropre à l'usage auquel elle était destinée et qu'ils étaient antérieurs à la vente ;

- en raison de l'interdépendance des contrats, il convenait de prononcer la caducité du contrat de crédit-bail ;

- compte tenu de la résolution de la vente, la SAS AT Optimat 63 devait restituer à la SA Lixxbail le prix de vente de la grue ;

- en application de l'article 1166 du code civil, les vendeurs professionnels engagent leurs responsabilités professionnelles dans le cadre de la garantie des vices cachés de sorte que la société Etablissements Mazeau devait payer à la SAS AT Optimat 63 la somme de 24 960 euros correspondant à la moitié du prix de vente ;

- aucun élément ne permettait d'apprécier le quantum de la demande formée par la SARL MCAF au titre des pertes financières liées à l'impossibilité d'utiliser la grue ; en outre, la SARL MCAF ne démontrait pas le lien de causalité entre les dysfonctionnements et la perte de chiffre d'affaires';

- la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau devaient être condamnées solidairement à payer à la société Lixxbail la somme de 4 301,54 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle subit.

Par déclaration du 2 janvier 2024 la SARL MCAF a interjeté appel de ce jugement.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 30 décembre 2024, l'appelante demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand en date du 26 octobre 2023, en ce qu'il a :

- ordonné la résolution de la vente de la grue litigieuse du 3 janvier 2019 ;

- prononcé la caducité du crédit-bail n°364454B0 signé le 07 décembre 2018 conclu entre elle et la société Lixxbail ;

- condamné la société Lixxbail à lui restituer l'ensemble des loyers perçus en exécution du crédit-bail, frais et intérêts compris majorés des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné la SAS AT Optimat 63 à restituer à la SA Lixxbail la somme de 49 920 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

- condamné la SAS AT Optimat 63 à reprendre possession de la grue ;

- condamné la société Etablissements Mazeau à payer et porter à la SAS AT Optimat 63 la somme de 24 960 euros, outre intérêt au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à porter et payer à la SA Lixxbail la somme de 4 301,54 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,et ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1 343-2 du code civil ; - condamné la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, y compris ceux de référés ainsi que de l'expertise judiciaire et dont les frais de greffe liquidés à 100,37 euros TVA incluse ;

- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- condamner solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 101 248 euros au titre des pertes d'exploitation subies en conséquence de l'impossibilité d'utiliser la grue durant les années 2020 à 2023 ;

- à titre subsidiaire et avant dire droit, ordonner une mesure d'expertise confiée à tel expert qu'il plaira, avec mission d'usage et notamment de l'éclairer pour donner un avis sur la réalité et l'estimation du préjudice immatériel qu'elle a subi;

- condamner la SAS AT Optimat 63 à lui payer la somme de 2 500 euros, le cas échéant à parfaire, au titre des frais de gardiennage de la grue litigieuse depuis le mois de novembre 2023';

- condamner solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 6 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel dont distraction, au profit de Me Sophie Lacquit, avocat, sur son affirmation de droit;

- débouter la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

- condamner le cas échéant, in solidum la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à la garantir et relever indemne la société MCAF pour l'intégralité des condamnations mises à sa charge.

La SAS AT Optimat 63 a formé appel incident et, par conclusions récapitulatives déposées et notifiées par voie électronique le 6 janvier 2025, demande à la cour, au visa des articles 1625 et suivants et 1347du code civil, 146 et 147, 564 et suivants du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il :

- a ordonné la résolution de la vente de la grue entre elle et la société MCAF ;

- l'a condamnée à payer à la société Lixxbail la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à restituer à la société Lixxbail la somme de 49 920 euros outre intérêts au taux légal,

- l'a condamnée à payer et porter à la société Lixxbail la somme de 4 301,54 euros outre intérêts au taux légal avec anatocisme,

- l'a condamnée à reprendre possession de la grue,

- a limité la condamnation de la société Etablissements Mazeau à son égard au paiement de la seule somme de 24 960 euros,

- l'a déboutée de ses demandes,

- l'a condamnée à payer à la société MCAF la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens de l'instance, y compris ceux de référé ainsi que de l'expertise judiciaire et dont frais de greffe liquidés à 100,37 euros T.V.A incluse.

- statuant à nouveau de :

- condamner la société Etablissements Mazeau à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations non infirmées et/ou prononcées en cause d'appel, ce y compris les sommes versées à la société Lixxbail et incluant tous intérêts et frais de procédure dont ceux prononcés au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de référé, de première instance et d'appel,

- subsidiairement, si par extraordinaire il n'était pas fait droit à cette dernière demande, condamner la société Etablissements Mazeau à lui rembourser la somme de 50 900,20 euros qu'elle a dû verser à la société Lixxbail ensuite de la résolution prononcée en première instance, au titre de :

' la restitution du prix de vente de la grue litigieuse entre elle et la société Etablissements Mazeau dont la résolution doit être prononcée,

' des dommages et intérêts résultant de la perte de la marge qu'elle devait effectuer à la revente de la grue Mazeau à la société Lixxbail ;

' des dommages et intérêts résultant des frais et intérêts qu'elle a dû verser à la société Lixxbail à titre accessoire de la restitution du prix de vente à cette dernière ;

- condamner la société Etablissements Mazeau à lui rembourser toute autre condamnation prononcée solidairement à son encontre et qu'elle a été préalablement contrainte d'exécuter ou, très subsidiairement et a minima, dire dans quelle proportion elle pourra les recouvrer auprès de la société Etablissements Mazeau ;

- en tout état de cause :

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

- prononcer la résolution de la vente de la grue litigieuse intervenue entre elle et la société Etablissements Mazeau ;

- condamner la société Etablissements Mazeau à reprendre possession de la grue litigieuse;

- débouter la SARL MCAF de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions présentées à son encontre ;

débouter la société Etablissements Mazeau de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions présentées à son encontre ;

- débouter la société Lixxbail de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

présentées à son encontre ;

- condamner la SARL MCAF à lui verser une somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Etablissements Mazeau à lui verser une somme de 8 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Etablissements Mazeau aux entiers dépens de référé dont expertise, de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 7 janvier 2025, la SAS Etablissements Mazeau demande à la cour, au visa des articles 30, 122, 123, 564 565 et 566 du code de procédure civile, 1166, 1240, 1241, 1603 et 1604 du code civil, 1641 et suivants du code civil :

- à titre principal de prononcer l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel de la la SAS AT Optimat 63 tendant à voir prononcer la résolution du contrat de vente qui les lie ainsi qu'à la voir condamner à reprendre possession de la grue ;

- à titre subsidiaire, à défaut de prononcer l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel de la société AT Optimat 63 de rejeter les demandes de la SARL MCAF formulées à son encontre;

- en tout état de cause, d'infirmer, le jugement attaqué rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 26 octobre 2023 en ce qu'il :

- a dit la SAS Optimat 63 recevable mais partiellement fondée en ses demandes ;

- a ordonné la résolution de la vente de la grue du 3 janvier 2019 entre la SARL MCAF

et la SAS AT Optimat 63 ;

- a prononcé la caducité du contrat de crédit-bail n° 363454-I0 signé le 7 décembre 2018

entre la SARL MCAF et la SA Lixxbail ;

- l'a condamnée à payer et porter à la SAS AT Optimat 63 la somme de 24 960,00 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

- l'a condamnée solidairement avec la SAS AT Optimat 63 à payer et porter à la SA Lixxbail la somme de 4.301,54 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et a ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du Code civil ;

- l'a condamnée solidairement avec la SAS AT Optimat 63 à payer et porter à la SARL MCAF la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'a condamnée solidairement avec la SAS AT Optimat 63 à payer et porter à la SA Lixxbail la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- confirmer le jugement attaqué rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 26 octobre 2023 en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et notamment en ce qu'il a débouté la SARL MCAF de sa demande de condamnation solidaire de la SAS AT Optimat 63 et de la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 140 000 euros au titre des pertes financières liées à l'impossibilité d'utiliser la grue ;

- rejeter l'appel incident de la SAS AT Optimat 63 et la débouter de toutes ses demandes ;

- statuant à nouveau :

- prononcer l'irrecevabilité de l'action de la SAS AT Optimat 63 formée à son encontre;

- juger que la grue litigieuse n'est pas affectée d'un vice caché ;

- juger qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée à quelque titre et sur quelques fondements que soit au titre de la garantie des vices cachés ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché et ordonné la résolution de la vente de la grue du 3 janvier 2019 entre la SARL MCAF et la SAS AT Optimat 63, condamner la SAS AT Optimat 63 à en supporter toutes les conséquences en tant que seule responsable ;

- à titre subsidiaire et à défaut d'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec la SAS AT Optimat 63 à verser une indemnité à hauteur de 4 301,54 euros à la SA Lixxbail, outre les intérêts, de condamner la SAS AT Optimat 63 à lui rembourser la somme de 5 961,60 euros versée par elle à la SA Lixxbail au titre de ladite condamnation ;

- débouter la SARL MCAF de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens ;

- débouter la SA Lixxbail de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens ;

- débouter la SAS AT Optimat 63 de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens formulés à son encontre ;

- condamner la SARL MCAF à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit du cabinet LX Avocats Riom-Clermont ;

- condamner la SAS AT Optimat 63 à lui payer la somme de 8 000 euros au titre profit de la SA Etablissements Mazeau, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit du cabinet LX Avocats Riom-Clermont

- condamner la SA Lixxbail à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit du cabinet LX Avocats Riom-Clermont

Par conclusions déposées et notifiées par voie électronique le17 décembre 2024, la SA Lixxbail demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1186 du code civil de :

- débouter la SARL MCAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- débouter la SAS AT Optimat 63 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- débouter la société Etablissements Mazeau la SARL MCAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- à titre principal, de confirmer en son intégralité le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand en date du 26 octobre 2023 ;notamment en ce qu'il a :

' ordonné la résolution du contrat de vente de la grue ;

' prononcé la caducité du contrat de crédit-bail signé le 7 décembre 2018 ;

' condamné la SARL MCAF à lui restituer la somme de 49.920,00 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, soit du 23 janvier 2024';

' condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 4.301,54 euros, à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, soit des 23 janvier et 18 janvier 2024 ;

' ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ;

' condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau aux dépens de première instance ;

- à défaut, en cas d'infirmation du jugement entrepris relativement à la résolution du contrat de vente de la grue :

' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de crédit-bail conclu entre elle et la SARL MCAF ;

' infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes ;

- le réformant :

' condamner la SARL MCAF à reprendre rétroactivement et poursuivre l'exécution du contrat de crédit-bail n° 363454BI0 en procédant au règlement des loyers à leur échéance ;

' condamner la SARL MCAF à payer la somme de 58.636,82 euros TTC, arrêtée au 03 janvier 2025, à parfaire des loyers, accessoires et primes d'assurance groupe à échoir, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;

' ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2

du Code civil ;

- en tout état de cause :

' débouter la SARL MCAF, la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions qui seraient dirigées à son encontre ;

' condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner tout succombant aux entiers dépens d'appel et de première instance dont distraction au profit de Maître Rahon.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2024.

Par note en délibéré autorisée à l'audience déposée par voie électronique le 22 janvier 2025, la SARL MCAF a indiqué que la SAS Optimat 63 a récupéré la grue litigieuse le 22 mai 2024.

MOTIFS :

1- sur la résolution de la vente et la caducité du contrat de crédit bail :

La SARL MCAF fait valoir que le rapport d'expertise a mis en évidence l'existence de multiples défauts, incontestablement antérieurs à la vente puisque imputables à une fabrication défaillante, qui rendent l'usage de la grue impossible et dangereux ; que l'expert a conclu que cette grue est atteint de vices cachés qui n'étaient pas décelables par l'examen ordinaire d'un acquéreur, ni par un professionnel avant l'utilisation de la grue et que ces défauts proviennent de vices de fabrication qui ne peuvent pas être réparés ailleurs que chez le fabricant ; elle en conclut que c'est à bon droit que le premier juge a ordonné la résolution de la vente de la grue litigieuse et a prononcé la caducité du crédit-bail compte tenu du principe d'interdépendance des contrats.

La SAS AT Optimat 63 ne remet pas en cause le principe de résolution de la vente de la grue litigieuse compte tenu des conclusions de l'expert lequel a retenu l'impropriété à destination de cette grue.

La société Etablissements Mazeau soutient que les conditions nécessaires pour caractériser un vice caché ne sont pas réunies dès lors qu'il ressort des termes du rapport d'expertise que la plupart des défauts constatés étaient en réalité visibles et non cachés, que la condition de gravité du vice n'est pas remplie dès lors que cette grue a été utilisée par l'appelante pendant toute l'année 2019 et a manifestement permis à la société appelante d'exercer son activité et de doubler son chiffre d'affaires en 2019.

Sur ce,

- sur l'existence d'un vice caché :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En application de ce texte, il appartient à celui qui invoque l'existence d'un vice caché de prouver l'existence du vice, la gravité du vice rendant la chose impropre à l'usage auquel on la destine, le caractère caché du vice et l'antériorité du vice par rapport à la vente.

Il convient de relever que la SARL MCAF a, dès le 8 janvier 2019, soit seulement quelques jours après la vente, alerté son vendeur la SAS AT Optimat 63 de l'existence de dysfonctionnements. En outre, il est établi que malgré plusieurs réparations, il n'a pas été permis de remédier aux difficultés de fonctionnement de la grue.

Il ressort du rapport d'expertise réalisée par M [M] que 'la grue est impropre à l'usage auquel elle est destinée puisqu'elle ne peut pas remplir son office au niveau du déplacement du chariot et de la levée des charges, le moteur n'étant pas suffisamment puissant'.

Il expose que si le simple changement du moteur par un moteur plus puissant de 1 kw pourrait solutionner le problème, par contre 'les véritables désordres concernant le matériel proviennent d'une fabrication faite en dehors des règles de l'art, les éléments étant vrillés ils ne s'emboîtent pas correctement. La potence est oxydée à l'intérieur, elle présente une déformation importante qui a fait éclater la peinture, cela présente un caractère de dangerosité car le métal va continuer de s'oxyder puis de se déformer jusqu'à atteindre une rupture. Concernant les soudures des éléments, elles ont été faites en dehors des règles de l'art, il s'agit donc bien des cas de 'collages' et non de soudures réalisées correctement, des amorces de rupture sont ainsi visibles sur l'ensemble du bâti'.

L'expert a ensuite précisé que 'ces désordres étaient préexistants à l'acquisition de la grue par MCA et rendent son usage impossible et dangereux'.

Par ailleurs, l'expert conclut que 'cette grue est atteinte de vices cachés qui n'étaient pas décelables par l'examen ordinaire d'un acquéreur, ni par un professionnel avant l'utilisation de la grue' et que 'ces défauts proviennent de vice de fabrication et ne peuvent pas être réparés ailleurs que chez le fabricant'.

Ainsi, il ressort des constatations précises et circonstanciées de l'expert que la grue litigieuse était atteinte de désordres importants présentant un caractère de dangerosité l'empêchant d'être utilisée et que ces vices étaient cachés, non décelables par l'examen ordinaire d'un acquéreur et étaient préexistants à la vente s'agissant de vices de fabrication.

Dès lors le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la résolution de la vente du 3 janvier 2019 conclue entre la SARL MCAF et la SAS AT Optimat 63 en raison de l'existence de vices cachés;

- sur les conséquences de la résolution du contrat de vente :

Compte tenu de la résolution de la vente intervenue, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de crédit-bail n° 36 34 54-I0 et a condamné la SA Lixxbail à restituer à la SARL MCAF les loyers versés en exécution de ce contrat outre les frais et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.

Pour les mêmes raisons, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS AT Optimat 63 à payer à la société Lixxbail la somme de 49 920 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et à reprendre possession de la grue.

2- sur les demandes indemnitaires formées par la SARL MCAF :

- sur la demande au titre des pertes d'exploitation :

La SARL MCAF sollicite, sur le fondement de l'article 1645 du code civil, l'indemnisation de la perte d'exploitation qu'elle a subie suite à la défectuosité de la grue. Elle soutient que les justificatifs produits aux débats démontrent que l'utilisation de la grue sur l'année 2019 lui a permis de doubler son chiffre d'affaires et que le défaut de fonctionnement puis l'immobilisation définitive de la grue ont conduit à une baisse très importante de son chiffre d'affaires en 2020 et 2021. Elle affirme, d'une part, qu'elle a perdu sa qualification RGE pour la fourniture et la pose de charpentes traditionnelles dès lors qu'elle ne pouvait plus présenter de chantiers de charpente à défaut de posséder une grue permettant de les réaliser et, d'autre part, qu'elle a perdu de nombreux clients et a été contrainte de refuser des chantiers du fait également de l'absence de grue. À titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise.

La SAS AT Optimat 63 soutient que la société appelante n'établit pas un lien de causalité entre le vice caché et sa demande indemnitaire et que l'évolution de son chiffre d'affaires a pu être liée à d'autres événements comme le ralentissement du marché de la construction des suites de la crise du covid 19 et du conflit armé en Ukraine. Elle relève que la mesure d'instruction sollicitée ne peut venir pallier sa carence pour apporter la preuve du bien-fondé de sa demande indemnitaire.

La société Etablissements Mazeau souligne que la démonstration du préjudice financier prétendument subi par l'appelante est remplie de contradictions puisqu'il est affirmé que la grue a conduit à une augmentation du chiffre d'affaires sur l'année 2019 puis à une baisse de ce dernier à partir de l'année 2020 alors qu'au cours de cette même année 2019, la grue était déjà affectée du vice allégué. De plus, la baisse du chiffre d'affaires à compter de l'année 2020 est due à d'autres facteurs et notamment au contexte de crise sanitaire mondiale, cette crise sanitaire ayant eu des répercussions très importants entraînant ensuite une baisse d'activité généralisée le secteur de la construction. Elle en conclut que la société appelante ne démontre pas le lien de causalité entre le préjudice qu'elle prétend avoir subi et le vice allégué, ni le quantum de ce préjudice.

Sur ce,

L'article 1645 du code civil dispose que si le défendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Le vendeur professionnel est présumé de manière irréfragable avoir eu connaissance de l'existence du vice affectant la chose au moment de la vente (Cass com. 14 novembre 2019 n° 18-14.502).

Par ailleurs, selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il appartient donc à la SARL MCAF de démontrer l'existence d'un lien de causalité direct entre le vice caché affectant la grue litigieuse et les préjudices qu'elle allègue.

En l'espèce, pour établir l'existence de pertes d'exploitation la SARL MCAF verse aux débats ses bilans pour les années 2019, 2020 et 2021 (17 à 19) ainsi qu'une attestation de son expert-comptable (pièce 20) lequel atteste de la baisse du chiffre d'affaires annuelles en 2020 et 2021 comparativement à l'année 2019 et affirme que la grue 'a indéniablement contribué à l'amélioration du chiffre d'affaires 2019". Il est produit également des attestations de clients qui affirment qu'ils ont dû faire réaliser leurs travaux par une autre société, la SARL MCAF leur ayant indiqué être dans l'impossibilité de répondre favorablement à leur demande pour des questions de matériel (pièces 29 à 31). Enfin, il est versé aux débats une notification de décision de l'organisme 'Qualibat' qui relève que la commission constate que la qualification RGE de la SARL MCAF est arrivée à échéance 'sans qu'elle puisse se prononcer sur son renouvellement en raison du non-retour de [son] dossier' (pièce 24).

Les pièces produites établissent une hausse importante du chiffre d'affaires en 2019 puis une baisse importante en 2020 et 2021 puis une reprise sensible en 2022. Or, il est établi qu'en 2019 la grue, objet du litige a présenté de sérieux dysfonctionnements empêchant une utilisation normale de sorte que le chiffre d'affaires de l'année 2019 n'apparaît pas corrélé avec l'acquisition de cette grue. En outre, la crise sanitaire qui est apparue en 2020 et a perduré en 2021 peut également expliquer la baisse du chiffre d'affaires constatée. Dès lors, le lien de causalité entre l'évolution du chiffre d'affaires et l'acquisition de la grue n'est pas suffisamment établi.

En outre, au regard de l'attestation produite qui précise que le non renouvellement de la qualification RGE est dû à l'absence de dépôt de dossier par la société MCAF, il n'est pas suffisamment justifié que la perte de cette qualification serait liée aux vices cachés de la grue.

Enfin, si les dysfonctionnements de la grue ont pu conduire la SARL MCAF à refuser des chantiers comme les attestations le démontrent, il convient de relever que les demandes formées par la société appelante soit 90 000 euros en première instance puis 101 248 dans ses conclusions d'appelante sont très évolutives et que sa demande d'indemnisation, basée sur la base d'une perte de chiffres d'affaires en moyenne de 40 000 euros par année d'exploitation, n'est justifiée par aucun élément objectif.

Ainsi, faute de démontrer un lien de causalité entre le préjudice qu'elle prétend avoir subi et le vice caché allégué, la société MCAF sera déboutée de sa demande de ce chef.

L'article 146 du code de procédure civile dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, il appartient à la SARL MCAF d'établir la réalité du préjudice qu'elle a subi de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande d'expertise formée à titre subsidiaire.

- sur la demande au titre des frais de gardiennage :

La SARL MCAF sollicite la somme de 2 500 euros au titre des frais de gardiennage qu'elle a engagés depuis novembre 2023.

Néanmoins, la SARL MCAF ne justifie pas de la réalité de tels frais, étant relevé qu'il a été établi que la SAS Optimat 63 a récupéré la grue litigieuse le 22 mai 2024.

Le jugement qui a rejeté les demandes indemnitaires formées par la SARL MCAF au titre de ses pertes d'exploitation et des frais de gardiennage sera donc confirmé.

3- sur les demandes formées par la SAS AT Optimat 63 à l'encontre de la société Etablissements Mazeau :

a- sur la recevabilité des demandes nouvelles :

La SAS AT Optimat 63 demande , à hauteur de cour, de prononcer la résolution de la vente de la grue Mazeau intervenue entre elle et la société Etablissements Mazeau, de condamner la SAS AT Optimat 63 à reprendre possession de la grue litigieuse et de condamner la société Etablissements Mazeau à la garantir des condamnations prononcées en cause d'appel à son encontre;

Elle soutient que ses demandes sont recevables dès lors que devant les premiers juges comme en appel, sa demande principale est d'être relevée et garantie de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et que, pour arriver à cette même fin, elle est recevable à hauteur d'appel à invoquer la résolution de la vente conclue entre les deux sociétés, l'éventualité de la résolution étant au demeurant déjà invoquée devant les premiers juges. Elle relève qu'une demande de résolution peut être présentée pour la première fois en cause d'appel dès lors qu'elle tend à faire écarter les prétentions adverses. Enfin, elle fait valoir que si la résolution de la vente entre elle et la société Etablissements Mazeau avec pour conséquence la restitution de la grue n'était pas expressément demandée par elle en première instance, ses demande ne sont que l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de moyens tirés d'un défaut de conformité ou d'un vice caché.

En réplique, la société Etablissements Mazeau soutient que les demandes de la SAS AT Optimat 63 tendant à voir prononcer la résolution de la vente conclue avec elle et sa condamnation à reprendre possession de la grue sont des prétentions nouvelles contraires à l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'en première instance la SAS AT Optimat 63 n'avait aucunement remis en cause le contrat de vente existant entre elle et la société Etablissements Mazeau.

Elle fait valoir que :

- les demandes visant à obtenir la résolution du contrat conclu entre la société Etablissements Mazeau et la restitution de la grue ne tendent pas aux mêmes fins que ses demandes présentées en première instance ;

- la résolution de la vente les liant n'a jamais été envisagée ni expressément, ni virtuellement.

- le caractère accessoire, la conséquence ou la complémentarité s'apprécient entre deux prétentions et non entre une prétention et un moyen.;

- les demandes formées par la SAS AT Optimat 63 ne pouvaient pas être destinées à écarter des prétentions adverses puisqu'elles ont été formées à un stade de la procédure où elle n'avait formulé aucune demande.

Sur ce,

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge mêmes si leur fondement juridique est différent.

En matière de vice caché, il a été ainsi admis que dès lors qu'il résulte de l'article 1644 qu'en cas de défaut de la chose vendue l'acheteur a le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire, celui-ci peut, après avoir exercé l'une, exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur la demande par une décision passée en force de chose jugée (Cass .1re Civ., 18 janvier 2023, pourvoi n° 19-10.111).

En l'espèce, il convient de relever que devant les premiers juges comme en appel, la demande principale de la SAS AT Optimat est d'être relevée et garantie de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre par la société Mazeau.

Ainsi, la demande en résolution formée en appel avec pour conséquence la restitution de la grue constitue l'exercice du même droit à savoir l'engagement de la responsabilité du vendeur originaire en raison des défauts cachés de la chose vendue.

Dès lors, cette demande, qui tend aux mêmes fins que la demande de garantie présentée en première instance par la société Optimat à l'encontre de la société Mazeau, n'est pas une demande nouvelle et sera déclarée recevable.

b- sur la demande de garantie formée par la SAS Optimat 63 à l'encontre de la société Etablissements Mazeau au titre de la garantie des vices cachés :

- sur la fin de non recevoir formée par la société Etablissements Mazeau au titre de la garantie des vices cachés :

La société Etablissements Mazeau soutient que l'action de la SAS AT Optimat 63 à son encontre n'est pas recevable faute d'intérêt à agir dès lors que :

- seule l'action au fond en garantie des vices cachés d'un vendeur intermédiaire permet à ce dernier d'agir en garantie contre son propre vendeur ; ainsi l'action en référé-expertise de la SARL MCAF à son encontre ne lui a pas conféré un intérêt à agir ;

- lorsqu'elle a été assignée par la SAS AT Optimat 63 par acte du 23 novembre 2021 aucune action en garantie des vices cachés n'avait été engagée par la SARL MCAF qui n'a fait assigner son vendeur que le 16 septembre 2022 ;

- la SAS AT Optimat 63 a agi à son encontre aux termes de son acte introductif d'instance du 23 novembre 2021 et non aux termes de ses conclusions récapitulatives de sorte qu'à la date à laquelle elle a été assignée, la SAS AT Optimat 63 n'avait aucun intérêt à agir.

La SAS AT Optimat 63 répond que l'action au fond a été précédée d'une action en référé, initiée par son acquéreur la SARL MCAF avant l'action au fond dirigée contre la société Etablissements Mazeaud, ; que le rapport d'expertise a conclu à l'impropriété à destination de la grue ; qu'aux termes de conclusions signifiées à la société Etablissements Mazeaud du 22 novembre 2022, elle a à son tour invoqué la garantie due par cette dernière de sorte que cette fin de non recevoir doit être écartée.

Sur ce,

L'article 30 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Aux termes de l'article 122 du même code constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai prefix, la chose jugée.

En l'espèce, par assignation du 16 novembre 2020, la SARL MCAF a assigné la SAS AT Optimat 63 en référé expertise.

Par acte des 17 et 23 novembre 2021, suite au dépôt du rapport d'expertise, la SAS AT Optimat 63 a assigné la SARL MCAF et la société Etablissements Mazeau aux fins de voir condamner la société Etablissements Mazeau à prendre en charge les réparations de la grue et à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par acte d'huissier du 16 septembre 2022 , la SARL MACF a assigné la SA Lixxbail et a sollicité la jonction avec l'instance initiée par la SAS AT Optimat 63 pour que soit prononcée la résolution de la vente de la grue litigieuse entre elle et la société Lixxbail et la condamnation de la SAS AT Optimat 63 à lui payer la somme de 50 000 euros au titre des pertes financières.

Enfin, par conclusions signifiées à la société Etablissements Mazeau, défaillante en première instance, par exploit en date du 22 novembre 2022 la SAS AT Optimat 63 a invoqué la garantie due par cette dernière ; ainsi , à cette date, ayant été assignée par la SARL MCAF au titre de la garantie des vices cachés de la grue, elle avait bien intérêt à agir à l'encontre de la société Etablissements Mazeau en invoquant à son tour la garantie due par son vendeur. Elle était fondée par voie de conclusions à former des nouvelles demandes à l'encontre de la société Etablissements Mazeau. Son action sera en conséquence déclarée recevable.

- sur le bien fondé des demandes formées au titre de la garantie des vices cachés :

La SAS AT Optimat 63 soutient que le vendeur professionnel, condamné au titre des vices cachés, est fondé à exercer un appel en garantie à l'encontre de son propre vendeur pour être couvert des condamnations mises à sa charge de sorte que la société Etablissements Mazeau est redevable envers elle de la garantie des vices cachés et doit être tenue d'en assumer toutes les conséquences dommageables en la garantissant des condamnations non infirmées et/ou prononcées en cause d'appel, en ce compris les sommes versées à la société Lixxbail.

La société Etablissements Mazeau soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que les responsabilités solidaires des sociétésAT Optimat 63 et Etablissements Mazeau devaient être engagées en tant que vendeurs professionnels et a prononcé sa condamnation à payer à la SAS AT Optimat 63 la somme de 24'960,09 euros alors que :

- en premier lieu, en présence d'une action résolutoire telle qu'exercée par la SARL MCAF il ne saurait y avoir de solidarité entre plusieurs vendeurs du fait du mécanisme de la résolution et des restitutions réciproques qu'elle engendre; en l'espèce, la SAS AT Optimat 63 ayant été condamnée à reprendre possession de la grue, seule la SAS AT Optimat 63 se devait de restituer la somme de 49'920 euros, contrepartie de la restitution de la grue.

- en second lieu, le jugement attaqué n'a pas correctement appliqué les règles de la garantie des vices cachés en présence de vendeurs professionnels de la même spécialité dès lors qu'il est acquis en jurisprudence que l'acquéreur également vendeur professionnel, qui a été à même de déceler le vice après la livraison, ne peut se faire garantir par son propre vendeur. En l'espèce, la SAS AT Optimat 63 est un professionnel de la vente et de la location machine pour l'extraction, la construction, le génie civil et notamment les engins de type grue, de sorte que la SAS AT Optimat 63, en sa qualité professionnelle avertie, spécialisée dans ce type de machine, était à même d'en découvrir les défauts tel que le vice allégué. En conséquence, sa propre responsabilité au titre de la garantie des vices cachés ne pouvait pas être retenue par le tribunal.

Sur ce,

Le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire (Cass Civ 3e 7 mars 1990 n°88-15.668). Il peut agir directement contre le vendeur initial sur un fondement contractuel : la garantie, due par le vendeur pour les vices cachés, étant inhérente à l'objet même de la vente, elle appartient à l'acheteur en vertu d'un droit qui lui est propre et qu'il tient du contrat (Civ. 1re, 4 février 1963, pourvoi n° 77).

En tant qu'acheteur, le revendeur professionnel n'est pas tenu, en droit, de connaître les vices de la chose au jour de son acquisition et seul le caractère apparent du vice allégué par celui à qui il a revendu la chose prive ce dernier de l'action rédhibitoire transmissible au sous-acquéreur (cass, Civ.1re, 20 juin 1995, pourvoi n° 92-13.287).

En l'espèce, il est constant que si la SAS AT Optimat 63 est le vendeur professionnel qui a vendu la grue, objet du litige, à la SARL MCAF, elle a elle-même acquis cette grue auprès de la société Etablissements Mazeau, société qui importe en France les grues fabriquées par la société espagnole Eurocrane.

Il est également acquis aux débats que la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau sont des professionnels de même spécialité. Il n'est pas établi qu'une clause limitative de garantie des vices cachés avait été convenu entre ces deux professionnels.

Le fait que l'acquéreur soit un professionnel de la même spécialité que le vendeur n'entraîne qu'une présomption de connaissance des vices décelables selon une diligence raisonnable. Or, en l'espèce, il a été établi l'existence d'un vice caché justifiant la résolution de la vente conclue entre la SARL MCAF et la SAS AT Optimat 63. Il ressort du rapport d'expertise que les désordres sont dus à des problèmes de fabrication d'origine et que les vices cachés n'étaient pas décelables même par un professionnel avant l'utilisation de la grue. Aucun élément ne permet d'affirmer que la SAS AT Optimat 63 avait connaissance du vice lorsqu'elle a vendu la grue à la SARL MCAF, étant relevé que la société Etablissements Mazeau a fourni un certificat de conformité et a mentionné sur la facture qu'il s'agissait d'une pièce neuve (pièce 10 de la SAS AT Optimat 63).

Dès lors, il y a lieu de retenir que la SAS AT Optimat 63, bien que professionnel, n'avait pas connaissance du vice lorsqu'elle a acquis la grue ; par suite, les conditions de l'appel en garantie sont réunies.

En conséquence, la SAS AT Optimat 63 est fondée à exercer l'action en garantie des vices cachés contre la société Etablissements Mazeau, vendeur originaire, qui était tenue de livrer un produit exempt de tout vice. Il y a donc lieu d'ordonner la résolution de la vente conclue entre la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau et d'ordonner la restitution de la grue par la SAS AT Optimat 63 à la société Etablissements Mazeau.

Il sera fait droit à la demande de la SAS AT Optimat 63 formée à l'encontre de la société Etablissements Mazeau de la relever et garantir des sommes mises à sa charge.

Cette action étant celle de son auteur, c'est-à-dire celle du vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire, ce dernier ne peut être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé. (Cass. Civ. 1re , 27 janv. 1993 n°91-11.302).

En l'espèce, la société Etablissements Mazeau justifie avoir vendu la grue litigieuse à la SAS AT Optimat 63 au prix de 40 230 euros selon facture du 21 décembre 2018 (pièce 5).

Dès lors, le jugement sera donc réformé en ce qu'il a condamné la société Etablissements Mazeau à payer à la SAS AT Optimat 63 la somme de 24 960 euros à titre de dommages-intérêts et la société Etablissements Mazeau sera condamnée à garantir la SAS AT Optimat 63 à hauteur de la somme de 40 230 euros.

4- sur les demandes formées par la société Lixbail et la demande de garantie formée par la SAS AT Optimat 63 :

La société Lixxbail sollicite la confirmation du jugement ayant condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à lui payer la somme de 4 301,54 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice financier qu'elle subit réellement. Elle expose que celui-ci correspond au bénéfice escompté du contrat de location financière (montant des loyers qu'elle devait percevoir jusqu'au terme augmentés de l'option d'achat, déduction faite du prix d'acquisition qui sera restitué).

La société Etablissements Mazeau soutient que le jugement déféré doit être infirmé et affirme qu'elle ne peut être considérée comme responsable de l'annulation de l'ensemble contractuel et condamnée à la réparation d'un préjudice dont elle n'est pas fautive ; qu'il appartient à la SAS AT Optimat 63 ,en sa qualité de vendeur professionnel, de répondre de la garantie d'un vice caché et de répondre de toutes les conséquences de cette garantie.

Sur ce,

Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute. La caducité d'un contrat exclut l'application de la clause de ce contrat stipulant une indemnité de résiliation. (Cass Com 12 juillet 2017 n°15-27.703).

En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont jugé que du fait de l'interdépendance des contrats litigieux, l'anéantissement du contrat principal entraîne la caducité du contrat de crédit bail.

La société Lixxbail sollicite la somme de 4 301,54 euros du titre de son préjudice financier lequel correspond au bénéfice escompté du contrat de location financière (montant des loyers qu'elle devait percevoir jusqu'au terme augmentés de l'option d'achat, déduction faite du prix d'acquisition qui sera restitué).

Il résulte du contrat de crédit bail (pièce 1 de la société Lixxbail) qu'en cas de résiliation du contrat, le locataire doit immédiatement restituer le matériel et verser au bailleur, outre les sommes impayées au jour de la résiliation, une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant total des loyers HT restant à échoir à la date de la résiliation majoré d'un montant

égal à l'option d'achat et déduction faite des sommes encaissées en cas de revente du matériel restitué. (article 9).

Dès lors, force est de constater que l'indemnité que sollicite la société Lixxbail en réparation de son préjudice financier s'analyse en réalité en une indemnité de résiliation. Cependant, du fait de la caducité du contrat de crédit bail, la société de crédit ne peut solliciter une telle indemnité de résiliation.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à indemniser la société Lixxbail de son préjudice financier et la société Lixxbail sera déboutée de sa demande au titre de sa demande en dommages-intérêts.

5- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il convient de partager les dépens d'instance et d'appel, qui comprendront ceux de référé et de l'expertise judiciaire et dont frais de greffe liquidés à 100,37 euros TVA incluse, à hauteur de 80 % à la charge de la société Etablissements Mazeau, qui succombe principalement, et de 20% à hauteur de la SAS AT Optimat 63 .

La SAS AT Optimat 63 sera condamnée à payer la somme de 3 000 euros à la SARL MCAF au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Etablissements Mazeau sera condamnée à payer à la SAS AT Optimat 63 la somme de 4'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Lixxbail sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition et en dernier ressort

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Etablissements Mazeau à payer à la SAS AT Optimat la somme de 24'960 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau à payer à la SA Lixxbail la somme de 4.301,54 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et a ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné solidairement la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau aux dépens de l'instance, y compris ceux de référé ainsi que de l'expertise judiciaire et dont frais de greffe liquides à 100,37 euros TVA incluse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la SARL MCAF de sa demande d'expertise ;

Déclare recevables les demandes nouvelles formées par la SAS AT Optimat 63 à l'encontre de la société Etablissements Mazeau tendant à voir prononcer la résolution du contrat de vente qui les lie et la condamnation de la société Etablissements Mazeau à reprendre possession de la grue ;

Déclare la SARL MCAF recevable à agir à l'encontre de la société Etablissements Mazeau ;

Ordonne la résolution de la vente de la grue du 21 décembre 2018 entre la SAS AT Optimat 63 et la société Etablissements Mazeau ;

Condamne la société Etablissements Mazeau à reprendre possession de la grue ;

Condamne la société Etablissements Mazeau à garantir la SAS AT Optimat 63 à hauteur de la somme de 40 230 euros ;

Déboute la SA Lixxbail de sa demande en dommages et intérêts ;

Déboute la SAS AT Optimat 63 du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Etablissements Mazeau du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Lixxbail de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS AT Optimat 63 à payer à la SARL MCAF à la somme de 3 000 euros dont distraction, au profit de Me Sophie LACQUIT, avocat ;

Condamne la société Etablissements Mazeau à payer à la SAS AT Optimat 63 la somme de 4'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Partage les dépens d'instance et d'appel, qui comprendront ceux de référé et de l'expertise judiciaire et dont frais de greffe liquides à 100,37 euros TVA incluse, à hauteur de 80 % à la charge de la société Etablissements Mazeau et de 20% à hauteur de la SAS AT Optimat 63 .

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