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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 21 mai 2025, n° 24/03679

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/03679

21 mai 2025

N° RG 24/03679 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PUN7

Décision du Président du TJ de Lyon en référé du 08 avril 2024

RG : 23/02170

S.A.R.L. GIVOZ

S.C.I. OWN WALL

C/

[K]

[J]

[R]

[I]

[V]

[M]

[H]

[B]

[P]

Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 21 Mai 2025

APPELANTES :

1) La société GIVOZ, société à responsabilité limitée, exploitant sous le nom commercial « [10] », au capital de 1 000 ', immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 511 362 600,

dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de ses dirigeants légaux en exercice domiciliés ès-qualités audit siège

Jugement du Tribunal des Affaires Economiques de Lyon du 23 Janvier 2025 ayant prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire

2) La société SCI OWN WALL, société civile immobilière, au capital de 1 000 ', immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 897 850 525, dont le siège social est situé [Adresse 6], représentée par son gérant en exercice domicilié es-qualités audit siège

Représentées par Me Damien DUREZ de la SELARL DUREZ AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1787

INTIMÉS :

1) Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice, la société FRANCHET ET CIE SNC, inscrite au RCS de Lyon sous le n° 957 528 201 et dont le siège est [Adresse 1], représentée par ses dirigeants légaux en exercice

2) Monsieur [D] [R] et Madame [T] [K], demeurant [Adresse 2]

3) Monsieur [U] [I] et son épouse Madame [Z] [I] née [J], demeurant [Adresse 5]

4) Madame [N] [V], demeurant [Adresse 4]

5) Madame [F] [M], demeurant [Adresse 3]

6) Monsieur [S] [H] et Madame [W] [P], demeurant [Adresse 2]

7) Monsieur [E] [B], demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me Me Pauline PICQ, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Avril 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Avril 2025

Date de mise à disposition : 21 Mai 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique DRAHI, conseiller

- Nathalie LAURENT, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Depuis 2009, la SARL Givoz, ayant pour gérant M. [GA] [G], est titulaire d'un bail commercial portant sur un local au rez-de-chaussée de l'immeuble [Adresse 2] où elle exploite, sous l'enseigne «'[10]'», une activité de «'débit de boissons-exploitations de bar avec licence IV'».

Par acte authentique du 19 mai 2021, la SCI Own Wall, ayant pour gérant M. [GA] [G] également, a acquis le local commercial exploité par la SARL Givoz, dont elle est ainsi devenue le bailleur.

Exposant que depuis de nombreuses années la SARL Givoz persiste à organiser des concerts dans les lieux loués malgré les plaintes des copropriétaires qui subissent des nuisances importantes et malgré des procédures judiciaires antérieures l'ayant condamnée sous astreinte à cesser ce type d'activité, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, ainsi que neuf copropriétaires agissant à titre individuel, ont, par exploit du 15 décembre 2023, attrait la société Givoz et la SCI Own Wall en référé à l'effet d'obtenir, à titre principal, la fermeture provisoire de l'établissement jusqu'à ce qu'il soit justifié de l'arrêt des animations musicales auprès du juge qui pourra alors autoriser judiciairement la ré-ouverture ou, à titre subsidiaire, leur condamnation sous astreinte à faire cesser par tous moyens les nuisances et à cesser définitivement l'activité d'organisation de concerts.

Par ordonnance de référé contradictoire du 8 avril 2024, le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon a':

Déclaré recevable l'action des demandeurs,

Condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à faire cesser par tous moyens les nuisances sonores et nuisances d'attroupement devant l'immeuble de la clientèle de l'établissement [10] situé à [Adresse 2] et à cesser définitivement l'activité d'organisation et de programmation de concerts, animations musicales, sous astreinte de 5'000 euros par infraction constatée, avec une astreinte complémentaire de 1'000 euros par infraction au-delà de la 5ème infraction,

S'est réservé le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

Condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à payer la somme de 500 euros à titre de provision sur dommages et intérêts à chacune des personnes [D] [R], [T] [K], [U] [I], [Z] [J] épouse [I], [N] [V], [S] [H], [W] [P], [E] [B], soit la somme totale de 4'000 euros,

Condamné in solidum les défendeurs aux dépens,

Condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 2] la somme de 3'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le juge a retenu en substance':

Que la tentative de conciliation menée le 3 octobre 2023 entre le syndicat des copropriétaires et les sociétés Givoz et Own Wall, avant que ne soit engagée l'instance en référé par le syndicat des copropriétaires, ainsi que par les occupants de l'immeuble sur le même fondement juridique, satisfait aux dispositions de l'article 750-1 du Code de procédure civile ;

Qu'il a été interdit à la société Givoz, par ordonnance de référé de 2017, confirmée en appel en 2018, l'organisation et la programmation de concerts qui génèrent un bruit excessif, ainsi que des attroupements et des déambulations nocturnes aux alentours de l'établissement ; que ces problèmes acoustiques sont contraires aux dispositions du règlement de copropriété et que la situation de l'immeuble dans les pentes de [Localité 9] est sans effet sur le droit applicable dès lors que l'habitat y est dense d'immeubles résidentiels de six étages, les rues étroites et que la population doit pouvoir vivre et dormir sans gêne anormale';

Qu'il est démontré que ces activités événementielles se poursuivent et que le trouble manifestement illicite causé justifie que soit ordonnée la cessation par l'établissement «'[10]'» de l'activité d'organisation et de programmation de concerts sous astreinte'; que cette sanction, sollicitée subsidiairement apparaît de nature à être davantage effective, que celle relative à la preuve négative par les défendeurs de l'absence de toute nuisance';

Que les sociétés défenderesses sont condamnées à payer une indemnité provisionnelle de 500 euros à chacun des copropriétaires demandeurs à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices de jouissance, le surplus des demandes étant rejetées pour correspondre à des préjudices, soit non-réellement établis, soit pouvant résulter d'autres facteurs.

Par déclaration en date du 30 avril 2024, la SARL Givoz et la SCI Own Wall ont relevé appel de cette décision en tous ses chefs et, par avis de fixation du 10 mai 2024 pris en vertu de l'article 905 et suivants du Code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai.

Pendant l'instance d'appel, le syndicat des copropriétaires et les neuf copropriétaires agissant à titre individuel ont sollicité et obtenu, par ordonnance de référé du 13 janvier 2025, la condamnation de la société Givoz au paiement de 30'000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, la société Own Wall ayant quant à elle été mise hors de cause.

Le tribunal des activités économiques de Lyon a, par jugement en date du 23 janvier 2025, prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au profit de la société Givoz, désignant la SELARL MJ Synergie, représentée par Maître [X] [SX], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée du 18 février 2025, le syndicat des copropriétaires a déclaré sa créance constituée de la somme de 30'000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, outre les frais de procédure, et par lettre recommandée du même jour, M. [D] [R], Mme [T] [K], M. [U] [I], Mme [Z] [I] née [J], Mme [N] [V], Mme [F] [M], M. [S] [H] et Mme [W] [P] et M. [E] [B] ont déclaré leurs créances constituées des provisions d'un montant cumulé de 4'000 euros allouées en référé.

***

Aux termes de leurs écritures remises au greffe par voie électronique le 8 avril 2025 (conclusions d'appelantes n°3 et d'intimées sur appel incident), la SARL Givoz et la SCI Own Wall demandent à la cour':

Infirmer l'ordonnance de référé du 8 avril 2024 en ce qu'elle a : (reprise du dispositif de la décision attaquée),

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de Lyon de bien vouloir :

A titre principal,

Déclarer irrecevable l'action intentée par M. [R] et Mme [K], les époux [I], Mme [V], Mme [M], M. [H] et Mme [P], et enfin M. [B], à l'encontre des sociétés Givoz et SCI Own Wall,

Juger que la société Givoz et la SCI Own Wall ne sont à l'origine d'aucun trouble manifestement illicite,

Juger que la société Givoz et la SCI Own Wall opposent des contestations sérieuses aux mesures sollicitées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2],

En conséquence,

Mettre hors de cause la SCI Own Wall,

Juger que les demandes formulées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], outrepassent les pouvoirs juridictionnels du juge des référés,

Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Givoz et de la SCI Own Wall,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel estimait recevable l'action individuelle des copropriétaires,

Juger que la société Givoz et la SCI Own Wall opposent des contestations sérieuses aux mesures sollicitées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], M. [R] et Mme [K], les époux [I], Mme [V], Mme [M], M. [H] et Mme [P], et enfin M. [B],

Juger que la société Givoz et la SCI Own Wall ne sont à l'origine d'aucun trouble manifestement illicite,

En conséquence,

Mettre hors de cause la SCI Own Wall,

Juger que les demandes formulées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], M. [R] et Mme [K], les époux [I], Mme [V], Mme [M], M. [H] et Mme [P], et enfin M. [B] outrepassent les pouvoirs juridictionnels du juge des référés,

En tout état de cause,

Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], M. [R] et Mme [K], les époux [I], Mme [V], Mme [M], M. [H] et Mme [P], et enfin M. [B] de l'intégralité des demandes dirigées à l'encontre de la société Givoz et de la SCI Own Wall,

Condamner, in solidum, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], M. [R] et Mme [K], les époux [I], Mme [V], Mme [M], M. [H] et Mme [P], et enfin M. [B] à payer la somme de 4 000 euros à la société Givoz ainsi qu'à la société SCI Own Wall au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner, in solidum, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], M. [R] et Mme [K], les époux [I], Mme [V], Mme [M], M. [H] et Mme [P], et enfin M. [B] à payer les entiers dépens de l'instance, distrait au profit de Maître Damien Durez sur son affirmation de droit.

***

Aux termes de leurs écritures remises au greffe par voie électronique le 4 juillet 2024 (conclusions d'intimé), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice, la société Franchet et Cie SNC, M. [D] [R] et Mme [T] [K], M. [U] [I] et son épouse Mme [Z] [I] née [J], Mme [N] [V], Mme [F] [M], M. [S] [H] et Mme [W] [P] et M. [E] [B] demandent à la cour':

Confirmer l'ordonnance de référé du 8 avril 2024 en ce qu'elle a':

Déclaré recevable l'action des demandeurs,

Condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à faire cesser par tous moyens les nuisances sonores et nuisances d'attroupement devant l'immeuble de la clientèle de l'établissement «'[10]'» situé à [Adresse 2], et à cesser définitivement l'activité d'organisation et de programmation de concerts, animations musicales, sous astreinte de 5'000 euros par infraction constatée, avec une astreinte complémentaire de 1'000 euros par infraction au-delà de la 5ème infraction,

Dit que le juge des référés se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

Condamné in solidum les défendeurs aux dépens,

Condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 2] la somme de 3'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Infirmer l'ordonnance de référé du 8 avril 2024 en ce qu'elle a :

Condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à payer la somme de 500 euros à titre de provision sur dommages-intérêts à chacune des personnes [D] [R], [T] [K], [U] [I], [Z] [J] épouse [I], [N] [V], [S] [H], [W] [P], [E] [B], soit la somme totale de 4'000 euros,

Et statuant à nouveau sur les demandes de provision :

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à verser à Mme [K] et à M. [R] une provision de 10'000 euros à valoir sur leur préjudice de jouissance et d'anxiété, troubles, tracas et préjudice moral ainsi qu'une provision de 10'000 euros à valoir sur leurs préjudices matériels et financiers,

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à verser aux époux [I] une provision de 2'000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance, troubles, tracas et préjudice moral,

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à Mme [V] une provision de 2'000 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ainsi qu'une provision de 20'000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice lié à l'impossibilité de revente de son bien,

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à verser à Mme [M] une provision de 4'530 euros à valoir sur son préjudice financier au titre des pertes locatives,

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à verser à M. [H] et Mme [P] une provision de 2'000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance,

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à verser à M. [B] une provision de 2'000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance,

En tout état de cause :

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] la somme de 5'000 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC en cause d'appel,

Condamner in solidum la SCI Own Wall et la SARL Givoz en tous les dépens de la procédure d'appel, qui comprendront les frais des constats établis en date des 8 décembre 2022, 9 décembre 2022, 31 juillet et 4 août 2023, 16 octobre 2023, 27 novembre 2023, 25 avril 2024 (x2), 2 mai 2024, 16 mai 2024.

***

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

MOTIFS,

A titre liminaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour «'juger'» lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur la demande de condamnation sous astreinte :

Les intimés demandent la confirmation de l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés Givoz et Own Wall à faire cesser par tous moyens les nuisances sonores et nuisances d'attroupement, sous peine d'une astreinte puisque, malgré les précédentes décisions de justice et les astreintes prononcées et liquidées, ces sociétés continuent d'exploiter de façon particulièrement nuisible le local commercial en organisant des concerts «'live'» et autres animations musicales dans un local non adapté et ce, tous les soirs de la semaine. Ils affirment que la situation est invivable, une étude d'impact de la Direction de la santé de la ville de [Localité 11] du 20 septembre 2023 ayant conclu que les émergences mesurées ne sont pas réglementaires. Ils déplorent que seules les périodes de fermetures administratives de l'établissement leur permettant de retrouver un peu de quiétude.

Ils estiment que la circonstance que «'[10]'» succède au «'Le [7]'», qui a pu être dans les années 2000 un lieu emblématique des pentes de [Localité 9], n'enlève rien aux nuisances subies qui sont avérées. Ils font valoir que quand bien même l'activité développée ne serait pas expressément interdite par le règlement de copropriété, cette activité ne doit pas être source de nuisances ou de troubles de voisinage pour les autres occupants de l'immeuble.

Ils contestent que les animations musicales soient simplement accessoires à l'activité prévue au bail, estimant que la communication autour des concerts démontre qu'il s'agit d'une activité principale. Ils jugent indifférent que les concerts ne soient pas source de chiffre d'affaires. Ils estiment que les nuisances sonores sont avérées, si ce n'est par l'expertise judiciaire ordonnée qui n'a pas été menée à terme, par l'existence de rapports récents, tels le rapport d'impact établissant une non-conformité, l'existence d'arrêtés préfectoraux de fermeture administrative pour cause de nuisances, l'existence de plaintes des copropriétaires' et ils soulignent que l'immeuble est à usage d'habitation.

Ils exposent que si le bar clandestin de M. [AH] a pu être effectivement source de nuisances, ce bar n'avait plus d'activité à une période où les copropriétaires ont dénoncé des nuisances en lien avec l'établissement «'[10]'», de sorte qu'il ne peut pas y avoir de confusion. Ils ajoutent que la source des nuisances est clairement identifiée puisque ces nuisances cessent lors des périodes de fermetures administratives de l'établissement «'[10]'» et qu'ils produisent des éléments de preuve postérieurs à l'expertise avortée de 2018 ou à l'installation d'un limitateur de sons en 2011.

Ils contestent la disproportion alléguée dès lors que l'établissement «'[10]'» peut parfaitement fidéliser une clientèle en dehors de l'organisation d'événements musicaux empêchant les habitants de dormir et de jouir normalement de leurs appartements.

Ils contestent pour finir tout privilège d'antériorité au sens de l'article L.113-8 du Code de la construction et de l'habitation puisque les baux commerciaux successifs ne prévoient que des activités de débits de boissons de sorte que l'activité a évolué pour comporter désormais une activité de concerts et d'animations de concerts systématiques.

Les sociétés Givoz et Own Wall se défendent de tout trouble manifestement illicite comme d'un quelconque trouble anormal de voisinage en invoquant d'abord la licéité de l'activité de la société Givoz au regard du règlement de copropriété qui n'interdit pas les activités de concerts. Elle rappelle que «'[10]'» succède au «'[7]'» et qu'aucune action n'avait jamais été engagée par le syndicat des copropriétaires contre M. [JJ], gérant du «'[7]'», qui avait organisé 52 concerts en 2007 et obtenu une subvention en 2008.

Elles invoquent ensuite la licéité de l'activité de la société Givoz au regard des stipulations du bail commercial dès lors que la programmation de concerts est l'accessoire de l'activité de débit de boissons mentionnée dans le bail. Au demeurant, elles font valoir que les tiers au contrat ne peuvent se prévaloir d'un éventuel manquement aux stipulations du bail. Elles soulignent que l'activité de la société Givoz est la même que l'ancien café-concert «'Le [7]'» et que cette société ne perçoit aucune rémunération au titre des animations musicales proposées, son chiffre d'affaires provenant uniquement de la vente de boissons.

Elles se défendent de tout trouble anormal de voisinage, estimant que le premier juge n'a nullement caractérisé l'anormalité du trouble allégué. Elles font au contraire valoir qu'à raison d'une appréciation in concreto, il doit être retenu que les plaignants résident à [Localité 11], dans les pentes de [Localité 9], un quartier particulièrement festif où de nombreux bars et autres établissements de la vie nocturne sont présents. Elles estiment que les requérants ne peuvent, dans ces conditions, décemment ignorer être contraints de devoir supporter les nuisances inhérentes à ce type de quartier. Elles considèrent que la motivation du premier juge est contestable dans la mesure où il s'est contenté de reprendre les allégations des demandeurs alors pourtant que les plaintes qu'ils ont déposées sont sans valeur probante en l'absence de suite pénale donnée. Elles considèrent que les pièces produites attestent uniquement de l'existence de concerts, ce qui n'est pas contesté, ou de bruits modérés. Elles font valoir en particulier que le constat par commissaire de justice que des bruits sont « audibles » dans la chambre de M. [R] et de Mme [K] ne permet pas d'évaluer l'intensité du bruit.

Elles relèvent à cet égard que le commissaire de justice ne mentionne pas la perception de musique lorsqu'il se trouve dans le logement de Mme [V] situé au deuxième étage. Elles font valoir que la juridiction de première instance a estimé à tort que la réalité des troubles est établie par l'arrêté préfectoral de fermeture administrative du 29 décembre 2023 alors que celui-ci concernait l'ensemble des bars du quartier et avait été pris en réaction à un article diffusé dans le Progrès le 24 février 2023 attirant l'attention des services de la ville compte tenu des importantes nuisances provenant d'un bar clandestin, installé au sein même de l'immeuble du [Adresse 2], lequel organisait des «'rave party'» toute la nuit. Elles ajoutent que le gérant du bar clandestin, M. [O], a d'ailleurs fait l'objet d'une procédure pénale en raison de la poursuite de son activité en dépit de l'arrêté précité. Elles contestent également le crédit donné par le premier juge aux mesures acoustiques du service de la Direction de l'écologie urbaine de la ville de [Localité 11], réalisées à l'occasion de deux nuits seulement, dès lors que rien n'établit que le dépassement sonore est exclusivement lié à la musique provenant du bar «'[10]'».

Elles affirment que, pour leur part, la situation n'a pas changé depuis 2016, date à laquelle une absence d'atteinte à la tranquillité du voisinage définie par le Code de la santé publique avait été retenue par l'expert au terme de son pré-rapport d'expertise judiciaire. Elles invoquent la règle de «'pré-occupation collective'» du Code de la construction et de l'habitation excluant toute indemnisation «'dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.'». Elle fait valoir qu'à la différence du «'[7]'» qui avait une terrasse et fermait à 3 heures du matin, la SARL Givoz n'a pas de terrasse et ferme à 1 heure et qu'elle a très rapidement investi dans un limiteur de son par bande de fréquence en optant pour un modèle très performant d'un montant de 3'110,80 euros.

Elles dénoncent pour finir le caractère disproportionné de la décision pour l'activité de la société Givoz dans un secteur concurrentiel mais également au regard de l'attachement de la population à cette activité comme en atteste la pétition ayant recueilli 10'000 signatures.

En tout état de cause, elles sollicitent la mise hors de cause de la société Own Wall qui n'est que bailleresse et qui ne peut commettre aucune infraction comme constaté par le juge de la liquidation de l'astreinte.

Sur ce,

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité, en dehors de l'hypothèse de l'usage prohibé par la loi ou les règlements tel qu'énonce à l'article 544 du Code civil, par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

L'appréciation de la normalité, à l'appréciation souveraine des juges du fond, se fait notamment en fonction des circonstances de temps et de lieu.

En outre, le second alinéa de l'article 1253 du Code civil, créé par la loi du 15 avril 2024, est venu préciser que la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage n'est pas engagée lorsque le trouble provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée, sous réserve que ces activités soient conformes aux lois et aux règlements et se soient poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal.

En l'espèce, la cour rappelle à titre liminaire qu'à la différence de la demande en liquidation de l'astreinte, il est jugé que la demande en fixation d'une astreinte ne tend pas, en elle-même, au paiement d'une somme d'argent et n'est donc pas soumise au principe de l'arrêt des poursuites. Il s'ensuit que la circonstance que la société Givoz fasse l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en vertu d'un jugement du tribunal des affaires économiques de Lyon du 23 janvier 2025 n'interdit pas d'examiner en appel la demande en condamnation à une obligation de faire, même sanctionnée par une astreinte.

Sous cette précision, il est d'abord indifférent que l'activité d'organisation de concerts litigieuse soit conforme ou non aux prévisions des baux commerciaux consentis en 1997 et 2009 successivement à M. [JJ] et à la SARL Givoz, exploitants de l'établissement sous l'enseigne «'Le [7]'» et désormais «'[10]'», une éventuelle non-conformité ne constituant pas, en soi, un trouble anormal de voisinage dont le syndicat des copropriétaires et les neuf copropriétaires agissant à titre individuel, tiers aux contrats de baux, pourraient se prévaloir. De même, les prévisions du règlement de copropriété, qui énonce classiquement que chaque copropriétaire est tenu de s'abstenir de troubler la tranquillité des occupants et de veiller à ce que cette tranquillité ne soit pas troublée par les personnes de passage, reviennent uniquement à décliner l'interdiction générale de causer des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, sans suffire à établir la réalité d'un tel trouble puisque aucune activité commerciale spécialement désignée n'est prohibée.

En revanche, il importe de relever que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 24 avril 2018 a retenu que, «'indépendamment de toute notion de dépassement d'un seuil légal sonore'» qui faisait alors l'objet d'une expertise en cours, les nuisances alléguées par le syndicat des copropriétaires résultaient suffisamment des attestations de six riverains et d'un constat d'huissier de justice de septembre 2016 et que ces nuisances constituaient un trouble manifestement illicite. Cette décision est définitive et, de ce fait, elle ne peut être remise en cause que par la preuve de circonstances nouvelles.

Or, la société Givoz ne prétend pas, et encore moins ne démontre, qu'elle aurait modifié son activité depuis cette décision. Au contraire, le juge de l'exécution, saisi en liquidation de l'astreinte ordonnée par la cour d'appel, a, par jugement du 2 février 2021, procédé à cette liquidation en condamnant la société Givoz à payer la somme de 4'000 euros. En réalité, hormis les périodes de fermetures administratives de l'établissement «'[10]'», d'abord en 2020 dans le cadre de la pandémie de Covid-19, puis en 2023 dans le cadre de procédures municipales visant à lui imposer une mise aux normes d'accessibilité et de sécurité, il n'est pas discuté que l'organisation de concerts par la société Givoz est demeurée son activité principale, à concurrence de concerts se tenant en soirée plusieurs jours dans la semaine.

Par ailleurs, il est constant que l'expertise qui avait été ordonnée en référé et qui avait été confiée à M. [C] n'a pas été menée à son terme. Si la société Givoz justifie qu'aux termes de sa note de synthèse valant pré-rapport rédigée le 21 janvier 2019, l'expert judiciaire excluait des atteintes à la tranquillité du voisinage définie par le Code de la Santé publique, cette note de synthèse comporte en réalité des éléments ambivalents et surtout, elle n'a pas valeur de rapport d'expertise définitif à défaut notamment pour l'expert d'avoir organisé un débat contradictoire autour de ses conclusions techniques en suscitant les dires des parties et en y répondant. La cour relève à cet égard qu'à supposer que le syndicat des copropriétaires soit comptable de l'interruption des opérations d'expertise, il était loisible à la société Givoz de pallier à la carence de son adversaire en consignant la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l'expert.

Enfin, alors qu'il résulte de la note de synthèse de l'expert [C] qu'il avait été objectivé que le limitateur de pression acoustique installé par l'exploitant n'était pas en bon état de marche, la société Givoz ne justifie pas y avoir remédié. Au contraire, les sociétés appelantes ne produisent que la facture d'installation d'un limitateur de son remontant à 2010, ainsi qu'une facture de réglage de ce limitateur remontant à 2011, sans justifier d'une quelconque intervention contemporaine ou postérieure aux opérations expertales de 2019.

A l'inverse, les parties intimées, qui justifient de doléances de riverains dans des proportions et dans des termes comparables à ceux produits dans le cadre de la première procédure en référé ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel du 24 avril 2018, versent en outre aux débats le rapport de mesures acoustiques effectuées dans l'environnement proche de l'établissement le 20 septembre 2023 par les services techniques de la Direction de la Santé de la ville de [Localité 11]. Ce rapport retient des émergences de bruit de plus de 3 dB en niveau global et dans certaines bandes de fréquences réglementées, caractérisant une méconnaissance des seuils fixés à l'article R.571-26 du Code de l'environnement. S'il est exact que M. [JJ] avait, dans le cadre de deux instances devant le tribunal administratif en 2008 et 2010, fait admettre que les mesures de bruits auxquelles avait procédé ce même service municipal étaient contestables dans leur méthodologie et leurs résultats, il s'infert des motivations du juge administratif que l'exploitant avait alors produit des éléments techniques au soutien de ses contestations. Or, tel n'est pas le cas de la société Givoz dans le cadre de la présente procédure puisqu'elle produit le devis du 22 mai 2023 de la société Contrôle dB aux fins d'étude d'impact acoustique, tout en reconnaissant qu'elle n'a pas pu y donner suite en l'absence de collaboration des occupants de l'immeuble qui n'ont pas permis la prise de mesures.

D'ailleurs, à défaut d'avoir pu transmettre aux services préfectoraux une étude d'impact des nuisances sonores pour la diffusion de musique amplifiée, un arrêté préfectoral de fermeture de l'établissement a été pris le 23 décembre 2023 pour une durée de deux mois.

A la lueur de cette non-conformité aux normes réglementaires, la société Givoz ne se prévaut pas utilement de l'exception de pré-occupation telle qu'énoncée à l'article L.113-8 du Code de la construction et de l'habitation, abrogé mais remplacé par l'article 1253 du Code civil. En effet, la dispense de responsabilité en cas de trouble anormal de voisinage qui pré-existait à l'entrée en possession des tiers lésés ne peut être invoquée qu'à la condition que les activités en cause soient conformes aux lois et aux règlements.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a condamné sous astreinte la société Givoz et la société Own Wall, est confirmée dans son principe mais infirmée dans ses modalités.

En effet, le principe de proportionnalité, ainsi que les règles applicables en matière de responsabilité civile commandent de distinguer, d'une part, les obligations de l'exploitant, tenu de cesser l'activité d'organisation et de programmation de concerts et d'animations musicales, uniquement jusqu'à la réalisation de travaux d'insonorisation certifiée par une étude d'impact des nuisances sonores pour la diffusion de musique amplifiée établissant le respect des articles R.571-25 et suivants du Code de l'environnement, et d'autre part, les obligations du bailleur, tenu uniquement de justifier de ses diligences auprès de l'exploitant pour faire cesser par tous moyens les nuisances sonores et les nuisances d'attroupement devant l'immeuble de la clientèle de l'établissement «'[10]'».

Sur les demandes de provisions des copropriétaires agissant à titre individuel':

Sur la recevabilité de ces demandes':

Les sociétés Givoz et Own Wall demandent la réformation de l'ordonnance de référé attaquée en ce qu'elle a déclaré l'action des copropriétaires agissant à titre individuel recevable alors que seul le syndicat des copropriétaires justifie avoir recouru à une mesure de conciliation préalable. Elles soulignent que M. [U] [I], Mme [Z] [J] épouse [I], Mme [N] [V], Mme [F] [M], M. [S] [H], Mme [W] [P], et M. [E] [B] ne sont pas mentionnés au procès-verbal de constat d'échec de conciliation du 3 octobre 2023 et qu'ils ne justifient pas d'un motif légitime à se dispenser du préalable de recherche de solution amiable, ne pouvant évidemment pas invoquer l'urgence puisqu'ils exposent que les nuisances sonores dont ils se plaignent existent depuis plusieurs années.

Les intimés se défendent de l'irrecevabilité de leur action dès lors que lors de la réunion de conciliation du 3 octobre 2023 étaient présents le syndic, es-qualités de représentant du syndicat, mais également plusieurs copropriétaires. Ils ajoutent que M. [R], Mme [K], M. et Mme [I], Mme [V], Mme [M], M. [H], Mme [P] et M. [B] ne sont pas tiers par rapport au syndicat et que l'action du syndicat des copropriétaires et des copropriétaires pris à titre individuel repose sur les mêmes faits, et sur les mêmes fondements juridiques.

Ils estiment en outre que le comportement du gérant des sociétés appelantes constitue un cas de dispense prévue à l'article 750-1 du Code de procédure civile, toute conciliation étant impossible puisque l'intéressé nie les nuisances occasionnées et fait fit des décisions de justice.

Ils ajoutent que leurs demandes excèdent les 5'000 euros de sorte que la tentative préalable de solution amiable ne s'impose pas, pas plus qu'elle ne s'impose en cas de trouble manifestement illicite, de responsabilité délictuelle ou de violation des règles du Code de la santé publique.

Sur ce,

L'article 750-1, dans sa rédaction issue du décret n°2023-357 du 11 mai 2023, énonce qu'en application de l'article 4 de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5'000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Ce même article prévoit des cas de dispense de cette obligation notamment si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat d'échec de la tentative de conciliation menée par Mme [L] [Y] que seul le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, a initié la procédure de tentative de résolution amiable du conflit de voisinage en faisant convoquer les sociétés Givoz et Own Wall. Les assertions des intimés selon lesquelles plusieurs copropriétaires auraient comparu devant la conciliatrice de justice ne sont nullement étayées, le procès-verbal de constat d'échec de la conciliation produit ne comportant aucune indication en ce sens.

Par ailleurs, les copropriétaires agissant à titre individuel ne sont pas fondés à invoquer un cas de dispenses au sens de l'alinéa 2 de l'article 750-1 précité dès lors que l'ancienneté de la situation dénoncée exclut toute urgence et que la tentative de conciliation menée par le syndicat des copropriétaires démontre que cette démarche préalable n'était pas impossible.

Au contraire, il est établi que M. [GA] [G], gérant des sociétés Givoz et Own Wall, a comparu, l'échec de la tentative de conciliation, même en tenant cet échec comme étant prévisible, ne se confondant pas avec l'impossibilité de la démarche.

Cela étant, il doit être tenu compte, d'une part, de la dimension collective du syndicat des copropriétaires qui, par nature, représente les intérêts des 29 copropriétaires qui le composent et qui engage des procédures lorsque celles-ci sont votées par lesdits copropriétaires à la majorité requise, et d'autre part, du caractère accessoire des demandes de provisions présentées par les neuf copropriétaires agissant à titre individuel.

Au cas particulier, il est constant que le syndicat des copropriétaires et les neuf copropriétaires agissant à titre individuel ont engagé de concert l'action en référé, qu'ils sont d'ailleurs représentés par le même conseil et qu'ils portent ensemble une même demande principale fondée sur le même fondement juridique. Dès lors, la tentative de résolution amiable du litige menée par le syndicat des copropriétaires profite auxdits copropriétaires agissant à titre individuel, sans rendre irrecevables les demandes accessoires en dommages et intérêts formées par ces derniers.

L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a déclaré recevable l'action des demandeurs dans la mesure où les copropriétaires agissant à titre individuel justifiaient suffisamment d'une tentative préalable de résolution amiable du litige, est confirmée.

Sur le bien fondé de ces demandes':

Les intimés forment appel incident de la décision de première instance ayant limité les provisions allouées à 500 euros par copropriétaire agissant à titre individuel. Ils détaillent pour chacun d'eux les préjudices subis tenant, selon les cas, à des préjudices de jouissance et d'anxiété ayant d'ailleurs atteint leur santé psychique (M. [R] et Mme [K], M. [H], Mme [P] et M. [B]), à des pertes de valeur des biens (M. [R] et Mme [K]) ou à des difficultés à la revente (Mme [V]), à des difficultés à le louer (M. et Mme [I], Mme [M]), à l'impossibilité de vivre sur place (Mme [V]), ...

Les sociétés Givoz et Own Wall estiment d'abord que les copropriétaires ne subissent aucun trouble manifestement illicite, ni aucun trouble anormal du voisinage qui leur serait imputable. Elles considèrent ensuite que les plaignants ne rapportent pas la preuve des préjudices qu'ils invoquent et elles discutent, pour chacune d'eux, la valeur probante des pièces produites. Elles font en particulier valoir que les causes d'insomnies sont nombreuses et que le certificat médical produit n'est pas précis, sauf à rapporter la doléance de la patiente. Elles font valoir que M. [R] et Mme [A] ne rapportent pas la preuve que les fenêtres qu'ils ont fait changer pour une meilleure isolation phonique étaient récentes. Elles soulignent que dans un courriel du 26 octobre 2023, M. et Mme [I] reconnaît ne pas disposer de preuves tangibles et mesurables de son préjudice, d'autant que les intéressés n'habitent pas sur place ...

Sur ce,

Il y a lieu de distinguer la situation des sociétés Givoz et Own Wall à raison de la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet la première.

En effet et concernant l'exploitant, l'article L.622-21 du Code de commerce pose le principe d'ordre public de l'interruption ou l'interdiction de toute action en justice exercée par un créancier contre un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent, dont la créance est antérieure à la procédure collective.

Au sens de l'article L.622-22 du Code de commerce, l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance.

Dès lors, l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective et la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.

Concernant le bailleur, il y a lieu de faire application de l'article 835 du Code de procédure civile qui énonce la possibilité d'allouer en référé, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, une provision au créancier.

En l'espèce, l'extrait Kbis de la société Givoz établit que cette société fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en vertu d'un jugement du tribunal des activités économiques de Lyon en date du 23 janvier 2025. Cette procédure collective a été ouverte au cours de l'instance d'appel.

Si en application des règles précitées, l'instance en référé n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective, cette instance n'ôte pas au juge commissaire le pouvoir de prononcer l'admission ou le rejet de la créance.

Dès lors, l'ordonnance ayant condamné in solidum les sociétés Givoz et Own Wall au paiement de provisions doit être infirmée, les demandes dirigées contre la société Givoz se heurtant à la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé. Statuant à nouveau, la cour dit n'y avoir lieu à provision contre la société Givoz.

Concernant le bailleur, il a été vu ci-avant qu'il n'organise pas lui-même les concerts de sorte que, à supposer les préjudices allégués démontrés, il n'en serait pas directement responsable. La circonstance que la SCI Own Wall partage le même dirigeant que la SARL Givoz ne suffit pas, en raison de l'écran des personnalités morales, d'amalgamer les obligations de l'exploitant et du bailleur. Ce dernier en effet ne peut être tenu pour responsable des nuisances causées par son locataire lorsque ces troubles excèdent les inconvénients normaux du voisinage qu'à la condition que la preuve soit rapportée qu'il n'a pas agi pour les faire cesser dès qu'il en a connaissance. Ainsi, si la responsabilité de la société [Localité 8] est une responsabilité sans faute, la responsabilité du bailleur suppose de retenir une faute de sa part, une telle appréciation, qui relève d'un débat de fond, excédant les pouvoirs du juge des référés.

Dès lors, l'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a condamné la SCI Own Wall au paiement de provisions, est infirmée. Statuant à nouveau, la cour dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions dirigées contre la société OWN Wall.

Sur les demandes accessoires':

La cour confirme la décision attaquée qui a condamné les sociétés Givoz et Own Wall, parties perdantes, aux dépens de première instance et à indemniser le syndicat des copropriétaires de ses frais irrépétibles. Toutefois, la décision attaquée est infirmée dans son quantum, la somme allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile étant ainsi ramenée à 1'500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Les sociétés Givoz et Own Wall, parties perdantes, sont condamnées in solidum aux dépens à hauteur d'appel et elles sont déboutées de leur demande d'indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Il y a lieu d'inclure dans les dépens le coût des procès-verbaux de constat dressés les 8 décembre 2022, 9 décembre 2022, 31 juillet et 4 août 2023, puis 16 octobre 2023, 27 novembre 2023, 25 avril 2024, 2 mai 2024 et 16 mai 2024.

La cour condamne enfin à hauteur d'appel les sociétés Givoz et Own Wall in solidum à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1'500 euros à valoir sur l'indemnisation de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 8 avril 2024 par le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon sur le principe de la condamnation des sociétés Givoz et Own Wall sous astreinte mais l'infirme quant aux modalités de cette condamnation,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la SARL Givoz à cesser l'activité d'organisation et de programmation de concerts et d'animations musicales au sein de l'établissement «'[10]'» situé à [Adresse 2], jusqu'à la réalisation de travaux d'insonorisation certifiée par une étude d'impact des nuisances sonores pour la diffusion de musique amplifiée établissant le respect des articles R.571-25 et suivants du Code de l'environnement,

Dit que faute pour la SARL Givoz de respecter cette interdiction, elle sera redevable d'une astreinte dont le montant est provisoirement fixé à la somme de 5'000 euros par infraction constatée, avec une astreinte complémentaire de 1'000 euros par infraction au-delà de la 5ème infraction,

Condamne la SCI Own Wall à faire cesser par tous moyens les nuisances sonores et nuisances d'attroupement devant l'immeuble de la clientèle de l'établissement «'[10]'» situé à [Adresse 2] jusqu'à la réalisation de travaux d'insonorisation certifiée par une étude d'impact des nuisances sonores pour la diffusion de musique amplifiée établissant le respect des articles R.571-25 et suivants du Code de l'environnement,

Dit que faute pour la SCI Own Wall de respecter cette obligation, elle sera redevable d'une astreinte dont le montant est provisoirement fixé à la somme de 5'000 euros par infraction constatée, avec une astreinte complémentaire de 1'000 euros par infraction au-delà de la 5ème infraction,

Infirme l'ordonnance de référé rendue le 8 avril 2024 par le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon en ce qu'elle a condamné in solidum la société Givoz et la société Own Wall à payer':

d'une part, la somme de 500 euros à chacun des copropriétaires agissant à titre individuel à titre de provisions à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices,

d'autre part, la somme de 3'000 euros au syndicat des copropriétaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces points,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions présentées par les copropriétaires agissant à titre individuel dirigées contre la SARL Givoz, désormais placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal des activités économiques de Lyon du 23 janvier 2025,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions présentées par les copropriétaires agissant à titre individuel dirigées contre la SCI Own Wall en raison de contestations sérieuses,

Condamne in solidum la SARL Givoz et la SCI Own Wall à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 8 avril 2024 par le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SARL Givoz et la SCI Own Wall aux dépens de l'instance d'appel, lesquels comprendront le coût des procès-verbaux de constat dressés par commissaire de justice les 8 décembre 2022, 9 décembre 2022, 31 juillet et 4 août 2023, puis 16 octobre 2023, 27 novembre 2023, 25 avril 2024, 2 mai 2024 et 16 mai 2024,

Rejette les demandes de la SARL Givoz et de la SCI Own Wall d'indemnisation de leurs frais irrépétibles,

Condamne in solidum la SARL Givoz et la SCI Own Wall à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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