CA Rouen, ch. de la proximite, 22 mai 2025, n° 24/01060
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/01060 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JTRO
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 22 MAI 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/01656
Jugement du Tribunal judiciaire, juge des contentieux de la protection de Rouen du 20 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [H] [A]
né le 28 Septembre 1983 à [Localité 14]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représenté par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Antoine ETCHEVERRY, avocat au barreau de ROUEN
Madame [F] [Z]
née le 25 Octobre 1988 à [Localité 10] (Algérie)
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Antoine ETCHEVERRY, avocat au barreau de ROUEN
INTIMES :
Monsieur [P] [J]
né le 16 Novembre 1968 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de ROUEN
Madame [B] [N]
née le 18 Avril 1976 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Madame TILLIEZ, Conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Monsieur TAMION, Président
Madame ALVARADE, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
DEBATS :
Madame DUPONT greffière
A l'audience publique du 02 décembre 2024 ou l'affaire a été mise en délibéré au 13 février 2025, puis prorogée au 13 mars 2025 ensuite au 15 mai 2025 pour être rendue le 22 mai 2025
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le 22 mai 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur TAMION, présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Une promesse de vente notariée ayant été préalablement signée les 26 septembre et 04 octobre 2013, suivant acte authentique établi les 16 avril 2014 et 05 mai 2014 par Maître [O] [M], notaire à [Localité 15], M. [P] [J] et Mme [B] [N] ont acquis de la commune de [Localité 15] (76) un terrain à bâtir situé au [Adresse 1] à [Localité 15] (76) pour une contenance de 07a 74ca, cadastrée section BP n°[Cadastre 3], moyennant la somme de 48 178 euros.
Suivant acte authentique établi le 09 mars 2021 par Maître [V] [W], notaire à [Localité 14] (76), avec la participation de Maître [U] [Y], notaire à [Localité 12] (76) assistant les acquéreurs, M. [J] et Mme [N] ont signé au bénéfice de M. [H] [A] et Mme [F] [Z] épouse [A] une promesse unilatérale de vente portant sur ce même terrain à bâtir, moyennant la somme de 98 000 euros, outre les frais de la vente de 8 300 euros.
Les époux [A] ont signé avec la société les Maisons Extraco un contrat de construction de maison individuelle le 15 mars 2021.
Suivant arrêté municipal du 19 juillet 2021, la mairie de [Localité 15] a délivré à M. [A] et Mme [Z] un permis de construire.
Le 15 septembre 2021, les parties ont signé l'acte authentique de vente du terrain litigieux, établi par Maître [V] [W], notaire à [Localité 14] (76), avec la participation de Maître [R] [E], notaire à [Localité 13], assistant les acquéreurs.
La déclaration d'ouverture de chantier a été effectuée le 25 octobre 2021.
Un avenant a été signé entre les époux [A] et la société les Maisons Extraco le 21 janvier 2022 ajoutant au contrat initial du 15 mars 2021 un surcoût de travaux complémentaires à hauteur de 39 714,68 euros TTC mis à la charge des clients en connaissance de cause du caractère forfaitaire du prix contractuel initial.
Se prévalant de la découverte d'une nature du sol nécessitant des travaux supplémentaires pour permettre la construction de leur immeuble à usage d'habitation, par acte du 13 avril 2022, M. et Mme [A] ont fait assigner M. [J] et Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Rouen en restitution d'une partie du prix de vente.
Suivant jugement contradictoire du 20 février 2024, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- rejeté l'intégralité des demandes de M. et Mme [A] ;
- condamné in solidum M. et Mme [A] aux dépens ;
- condamné in solidum M. et Mme [A] à payer à M. [J] et Mme [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- rappelé que la décision était de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration électronique du 20 mars 2024, les époux [A] ont interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 décembre 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions communiquées le 02 décembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, M. [A] et Mme [Z] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien-fondés en leur appel,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N], sur le fondement de la garantie des vices cachés, à payer la somme de 39 714,68 euros TTC au titre de la restitution d'une partie du prix équivalente au coût des travaux d'aménagement des sols ;
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N], sur le fondement de la garantie des vices cachés, à payer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis ;
A titre subsidiaire, au visa de l'article 1137 du code civil concernant le dol, et à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1132 et 1133 du code civil concernant l'erreur :
- condamner M. [J] et Mme [N], au titre du dol ou de l'erreur, à payer la somme de 39 714,68 euros TTC au titre de la restitution d'une partie du prix équivalente au coût des travaux d'aménagement des sols ;
- condamner M. [J] et Mme [N], au titre du dol ou de l'erreur, à payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis ;
En tout état de cause,
- débouter M. [J] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner M. [J] et Mme [N] aux entiers dépens, tant ceux liés à la première instance que ceux d'appel, dont distraction au profit de la Selarl DAMC.
Dans leurs dernières conclusions communiquées le 27 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, M. [J] et Mme [N] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 20 février 2024 en toutes ses dispositions ;
- débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions M. et Mme [A] ;
- condamner M. et Mme [A] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme [A] aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur la demande de restitution d'une partie du prix de vente au titre de la garantie légale des vices cachés
Aux termes de l'article 1641 du code civil , le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Le premier juge a débouté les époux [A] de leurs demandes de paiement de la somme de 39 714,68 euros TTC au titre de la restitution d'une partie du prix équivalente au coût des travaux d'aménagement des sols, ainsi que de la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, estimant que ceux-ci ne justifiaient pas que la nature du sol et, en particulier, la découverte d'un remblaiement antérieur du sol, non mentionnés dans l'acte de vente de la parcelle de terrain à bâtir, avaient nécessité des travaux supplémentaires pour la construction de leur immeuble d'habitation.
Les appelants soutiennent que le tribunal s'est mépris en rejetant leurs prétentions sur le fondement d'une carence probatoire alors que des photographiques datées des 23 novembre 2021 et 16 décembre 2021, ainsi que l'avenant complémentaire indispensable du 21 janvier 2022 ont été versés et permettent de constater la nécessité d'effectuer des travaux particuliers dans la fondation de l'immeuble au vu des spécificités du terrain.
Ils ajoutent que les vendeurs auraient été en possession d'une analyse géotechnique du terrain de 2013, que ceux-ci ne leur ont pas communiquée, alors qu'elle leur aurait permis de constater la réalisation de travaux de remblaiement, faisant apparaître une difficulté à y installer des fondations ordinaires.
Ils précisent qu'en effet, les remblais se trouvaient à 20 cm en dessous du niveau du terrain naturel, de sorte qu'un surcoût à hauteur de 39 714,68 euros a été sollicité par la société de construction.
En réplique, les intimés soutiennent pour l'essentiel qu'en plus de souffrir d'une carence probatoire affectant les pièces versées en première instance comme en appel, les acheteurs avaient connaissance des spécificités géotechniques du terrain, indiquées dans les documents annexés à l'acte de vente; que les notaires n'ont pas jugé utile d'annexer à l'acte de vente le rapport géotechnique G1 qui ne soulevait aucun problème majeur et que la réalisation d'une étude géotechnique G2 avant travaux incombait au constructeur qui a manqué à ses obligations légales et a ainsi engagé sa responsabilité.
Ils ajoutent en outre, qu'aucun vice ne peut être allégué, dès lors que M. et Mme [A] y ont construit leur maison à deux étages, un sous-sol, et qu'ils y habitent.
Il résulte du contenu de la promesse unilatérale de vente notariée signée le 09 mars 2021, que des conditions suspensives particulières ont été prévues au profit exclusif du bénéficiaire : l'obtention d'un permis de construire avant le 09 août 2021 pour la construction d'une maison d'habitation d'une surface plancher maximale de 140 m² ainsi que la condition que l'opération envisagée ne donne pas lieu à une surtaxe et que la nature du sous-sol ne comporte pas, au vu des prélèvements, études, analyses et sondages, des sujétions particulières nécessitant des fondations spéciales (pieux, radiers, etc...), ni des ouvrages de protection contre l'eau (cuvelage), et ne révèle pas de pollution particulière nécessitant des travaux spécifiques compte-tenu des normes et de l'utilisation envisagées.
En outre, au paragraphe concernant la garantie contre le risque d'éviction en pages 14 et 15, le promettant a déclaré ' qu'il n'a pas effectué de travaux de remblaiement, et qu'à sa connaissance, il n'en a jamais été effectué '.
Cette déclaration du vendeur a été reprise dans un paragraphe identique et dans les mêmes termes en page 9 de l'acte authentique de vente signé le 15 septembre 2021. Un paragraphe intitulé 'absence de remblayage'a été intégré en page 19 de l'acte de vente indiquant que 'le remblayage est le fait d'apporter des matières pour élever un terrain, combler un creux ou combler des vides suite à une exploitation. Le vendeur déclare n'avoir procédé à aucun remblayage'.
Enfin, a été mentionné en pages 17 et 18 de l'acte de promesse et en pages 13 et 14 de l'acte de vente, le contenu de la délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 15] en date du 20 décembre 2012, dont il convient d'extraire le passage suivant : « considérant [...] la situation des lieux (parcelles riveraines de la [Adresse 16]) et des contraintes inhérentes aux terrains eux-mêmes (topographie, formes du parcellaire, zone non aedificandi), ces lots pourraient être cédés à un prix moyen de 73 ' le mètre carré hors TVA, hors frais d'actes à la charge des acquéreurs, compatible avec l'estimation du service des domaines en date du 19 novembre 2012, conformément au tableau ci-joint. Sur ces prix, une variation maximale de 5 % pourra être appliquée sur la fixation du prix définitif de chaque lot afin de prendre en compte leur surface réelle (document d'arpentage en cours), leur configuration, leur exploitabilité réelle, leur situation et leurs contraintes propres. »
L'acte de vente signé les 16 avril et 05 mai 2014 entre les époux [J] (désormais divorcés) et la commune de [Localité 15] stipulait en page 13 que les acquéreurs déclaraient avoir bénéficié lors de la régularisation du dit terrain d'une condition suspensive pour vérifier la nature du sous-sol à leurs frais.
La promesse de vente notariée préalablement signée les 26 septembre et 04 octobre 2013 entre les mêmes parties faisait état de conditions suspensives particulières, prévues au profit exclusif du bénéficiaire : l'obtention d'un permis de construire au plus tard le 30 janvier 2014 pour la construction d'une maison d'habitation d'une surface plancher de 200 m², ainsi que la condition que la nature du sous-sol ne comporte pas de sujétions particulières nécessitant des fondations spéciales (pieux, radiers, etc...), ni des ouvrages de protection contre l'eau (cuvelage), et ne révèle pas de pollution particulière qui rendrait prohibitif le coût de la construction.
Le promettant autorisait en outre 'dès à présent, le bénéficiaire à procéder ou à faire procéder sur le bien, objet de la promesse, à tous sondages nécessaires aux études préalables, à charge, en cas de non réalisation, de remettre les lieux dans leur état primitif, aux frais du bénéficiaire.
Seule une étude géotechnique préalable G1 été réalisée le 11 décembre 2013 à la demande des époux [J] (désormais divorcés) dans le cadre de leur projet initial d'achat d'une parcelle constructible, le bureau BBI concept rappelant expressément en page 3 ne pas être missionné pour réaliser une étude géotechnique de conception G2 pour l'ouvrage d'habitation du projet.
Trois sondages répartis au droit de la parcelle et excluant le talus situé au fond de la parcelle et surplombé d'arbustes, sur une bande en principe non constructible, ont été réalisés jusqu'à deux mètres de profondeur, par rapport au niveau du terrain naturel.
L'étude a conclu à une absence de problème particulier, notant simplement la présence en quantité très négligeable de quelques matériaux de type 'remblais' (morceaux de verre et faïence) rencontrés sur une profondeur superficielle de 0,2 à 0,5 m par rapport au niveau du terrain naturel.
Cette étude a néanmoins précisé que la continuité des couches de sols entre sondages ne pouvait être garantie, compte-tenu du nombre limité de sondages effectué, et a recommandé un accompagnement par un bureau d'études géotechnique en phase G2 pour toute opération de construction d'habitation projetée, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge sur ce dernier point.
Aucune étude de type G2 n'est cependant versée aux débats, alors qu'un courrier adressé le 08 janvier 2013 par la mairie de [Localité 15] aux époux [J] les informaient que 'le terrain litigieux était possiblement sujet à des contraintes particulières en terme de portance des sols, puisque riverain d'un site excavé pour extraction de matériaux, puis remblayé dans des conditions non contrôlées par la ville; que toutes précautions devaient être prises par les futurs acquéreurs lors des travaux de terrassement, car toutes interventions en remblaiement avaient des conséquences directes sur la portance des sols et pouvaient nécessiter des fondations spéciales pour les futures constructions, qui en tout état de cause devraient être intégralement supportées par les acquéreurs du lot; que les prix de vente des terrains à bâtir prenaient en compte ces contraintes de sols et leurs conséquences éventuelles en matière de construction.'
Si l'attestation de Mme [C], propriétaire du fonds voisin est peu circonstanciée et si les photographies versées par les appelants ne sont pas exploitables, faute de date et de localisation suffisamment précises et fiables, il ressort bien de l'avenant au contrat de construction signé le 31 mars 2022 que des travaux supplémentaires portant sur les fondations, soubassements et terrassements ont dû être prévus pour un coût de 39 714,68 euros TTC, dont l'entreprise Etudes Géo, ayant procédé à des investigations sur le site litigieux le 10 avril 2024, confirme la nécessité dans une attestation nouvellement versée en appel, dès lors que la nature du sol requérait une adaptation des fondations, celles-ci 'ne pouvant être ancrées dans une couche de remblais non maîtrisée et présentant une hétérogénéité de portance élevée'.
L'entreprise précise que cette adaptation de la profondeur des fondations devait être effectuée suivant les éléments visualisés lors des terrassements des fouilles.
La cour observe que le constructeur a donc bien dû adapter le coût des travaux des fondations après découverte d'un sol remblayé à l'endroit de la construction.
La cour considère que ces éléments, dont certains sont nouveaux en appel, permettent de considérer que le terrain acquis comportait bien un vice en terme de constructibilité, dès lors que la nature du sol a effectivement nécessité des travaux supplémentaires et donc un surcoût.
Ce vice ne peut être considéré comme caché à l'égard de M. [J] et de Mme [N], largement avertis par courrier de la mairie daté du 08 janvier 2013, par les réserves émises dans l'étude géotechnique préalable G1 et lors de la signature de la promesse de vente puis de l'acte authentique, que le terrain acquis pouvait avoir été remblayé.
En revanche, il ressort des pièces versées aux débats que M. [J] et Mme [N] n'ont pas porté à la connaissance de leurs acquéreurs le courrier très explicite de la mairie du 08 janvier 2013, ni l'étude géotechnique préalable G1 qui recommandait une étude géotechnique préalable G2 pour tout projet de construction et que les conditions suspensives particulières ainsi que la mention de la délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 15] en date du 20 décembre 2012 portées dans les promesse et acte authentique de vente ne permettaient pas d'alerter suffisamment les époux [A] sur la spécificité du terrain qu'ils avaient décidé d'acquérir.
Les risques affectant la constructibilité du terrain litigieux, susceptibles de nécessiter des fondations spécifiques en cas de découverte de remblais et donc d'entraîner un surcoût de construction sont restés ignorés des acquéreurs et ceux-ci considèrent légitimement qu'ils auraient donné un moindre prix du terrain s'ils avaient reçu une telle information.
M. [J] et Mme [N], avisés de la nature particulière du terrain par leur propre vendeur, qui en a d'ailleurs tenu compte dans la fixation du prix en 2013 et 2014, ne peuvent valablement opposer à leurs acquéreurs la clause contractuelle exonératoire de garantie prévue en page 11 de l'acte authentique de vente du 15 septembre 2021, ni se retrancher derrière la responsabilité du constructeur en invoquant un manquement aux obligations contractuelles de ce dernier, pour se dédouaner de leurs propres obligations.
Tenus de garantir leurs acquéreurs, M. [J] et Mme [N] seront condamnés solidairement à payer aux époux [A] la somme de 39 714,68 euros au titre de la restitution d'une partie du prix équivalent au surcoût occasionné par les travaux de fondations spécifiques requis par l'état remblayé du terrain, par infirmation de la décision entreprise.
La garantie des vices cachés étant applicable, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens subsidiaires developpés par les appelants sur le fondement du dol et sur celui de l'erreur.
II- Sur les autres demandes indemnitaires
Aux termes des articles 1645 et 1646 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
Les appelants sollicitent la condamnation des intimés à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des contrariétés administratives, personnelles et psychologiques inhérentes à la modification de leur projet immobilier.
Les intimés s'y opposent.
Il ressort des développements précédents que les vendeurs avaient connaissance du vice affectant le terrain vendu et qu'ils sont en conséquence tenus d'indemniser leurs acquéreurs de l'ensemble des préjudices subis.
Les tracasseries de toutes sortes, directement liées à la découverte d'un vice caché affectant la vente de leur terrain et aux difficultés consécutives à ce vice pour mener à bien leur projet de construction, ont nécessairement causé un préjudice moral aux époux [A], qu'il convient d'évaluer à la somme de 2 500 euros.
En revanche, les appelants se contentent d'alléguer l'existence d'un préjudice de jouissance, sans le justifier, ne démontrant ni que les délais de réalisation de l'habitation auraient été allongés, ni surtout qu'ils auraient dû prendre un logement ou poursuivre une location des suites des difficultés rencontrées dans l'édification de leur maison.
Ils seront donc déboutés de ce poste de préjudice, faute de l'établir.
III- Sur les demandes accessoires
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront infirmées.
M. [P] [J] et Mme [B] [N], parties succombantes, seront condamnés aux dépens de première instance, ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl DAMC, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils seront en outre condamnés solidairement à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
M. [P] [J] et Mme [B] [N] seront déboutés de leur propre demande de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne solidairement M. [P] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 39 714,68 euros au titre de la restitution d'une partie du prix de vente ;
Condamne solidairement M. [P] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral subi ;
Déboute M. [H] [A] et Mme [F] [Z] épouse [A] de leur demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice de jouissance ;
Condamne M. [P] [J] et Mme [B] [N] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl DAMC, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. [P] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 1 500 euros de frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 500 euros de frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [P] [J] et Mme [B] [N] de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le président
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 22 MAI 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/01656
Jugement du Tribunal judiciaire, juge des contentieux de la protection de Rouen du 20 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [H] [A]
né le 28 Septembre 1983 à [Localité 14]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représenté par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Antoine ETCHEVERRY, avocat au barreau de ROUEN
Madame [F] [Z]
née le 25 Octobre 1988 à [Localité 10] (Algérie)
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Antoine ETCHEVERRY, avocat au barreau de ROUEN
INTIMES :
Monsieur [P] [J]
né le 16 Novembre 1968 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de ROUEN
Madame [B] [N]
née le 18 Avril 1976 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Madame TILLIEZ, Conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Monsieur TAMION, Président
Madame ALVARADE, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
DEBATS :
Madame DUPONT greffière
A l'audience publique du 02 décembre 2024 ou l'affaire a été mise en délibéré au 13 février 2025, puis prorogée au 13 mars 2025 ensuite au 15 mai 2025 pour être rendue le 22 mai 2025
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le 22 mai 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur TAMION, présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Une promesse de vente notariée ayant été préalablement signée les 26 septembre et 04 octobre 2013, suivant acte authentique établi les 16 avril 2014 et 05 mai 2014 par Maître [O] [M], notaire à [Localité 15], M. [P] [J] et Mme [B] [N] ont acquis de la commune de [Localité 15] (76) un terrain à bâtir situé au [Adresse 1] à [Localité 15] (76) pour une contenance de 07a 74ca, cadastrée section BP n°[Cadastre 3], moyennant la somme de 48 178 euros.
Suivant acte authentique établi le 09 mars 2021 par Maître [V] [W], notaire à [Localité 14] (76), avec la participation de Maître [U] [Y], notaire à [Localité 12] (76) assistant les acquéreurs, M. [J] et Mme [N] ont signé au bénéfice de M. [H] [A] et Mme [F] [Z] épouse [A] une promesse unilatérale de vente portant sur ce même terrain à bâtir, moyennant la somme de 98 000 euros, outre les frais de la vente de 8 300 euros.
Les époux [A] ont signé avec la société les Maisons Extraco un contrat de construction de maison individuelle le 15 mars 2021.
Suivant arrêté municipal du 19 juillet 2021, la mairie de [Localité 15] a délivré à M. [A] et Mme [Z] un permis de construire.
Le 15 septembre 2021, les parties ont signé l'acte authentique de vente du terrain litigieux, établi par Maître [V] [W], notaire à [Localité 14] (76), avec la participation de Maître [R] [E], notaire à [Localité 13], assistant les acquéreurs.
La déclaration d'ouverture de chantier a été effectuée le 25 octobre 2021.
Un avenant a été signé entre les époux [A] et la société les Maisons Extraco le 21 janvier 2022 ajoutant au contrat initial du 15 mars 2021 un surcoût de travaux complémentaires à hauteur de 39 714,68 euros TTC mis à la charge des clients en connaissance de cause du caractère forfaitaire du prix contractuel initial.
Se prévalant de la découverte d'une nature du sol nécessitant des travaux supplémentaires pour permettre la construction de leur immeuble à usage d'habitation, par acte du 13 avril 2022, M. et Mme [A] ont fait assigner M. [J] et Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Rouen en restitution d'une partie du prix de vente.
Suivant jugement contradictoire du 20 février 2024, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- rejeté l'intégralité des demandes de M. et Mme [A] ;
- condamné in solidum M. et Mme [A] aux dépens ;
- condamné in solidum M. et Mme [A] à payer à M. [J] et Mme [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- rappelé que la décision était de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration électronique du 20 mars 2024, les époux [A] ont interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 décembre 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions communiquées le 02 décembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, M. [A] et Mme [Z] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien-fondés en leur appel,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N], sur le fondement de la garantie des vices cachés, à payer la somme de 39 714,68 euros TTC au titre de la restitution d'une partie du prix équivalente au coût des travaux d'aménagement des sols ;
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N], sur le fondement de la garantie des vices cachés, à payer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis ;
A titre subsidiaire, au visa de l'article 1137 du code civil concernant le dol, et à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1132 et 1133 du code civil concernant l'erreur :
- condamner M. [J] et Mme [N], au titre du dol ou de l'erreur, à payer la somme de 39 714,68 euros TTC au titre de la restitution d'une partie du prix équivalente au coût des travaux d'aménagement des sols ;
- condamner M. [J] et Mme [N], au titre du dol ou de l'erreur, à payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis ;
En tout état de cause,
- débouter M. [J] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;
- condamner solidairement M. [J] et Mme [N] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner M. [J] et Mme [N] aux entiers dépens, tant ceux liés à la première instance que ceux d'appel, dont distraction au profit de la Selarl DAMC.
Dans leurs dernières conclusions communiquées le 27 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, M. [J] et Mme [N] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 20 février 2024 en toutes ses dispositions ;
- débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions M. et Mme [A] ;
- condamner M. et Mme [A] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme [A] aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur la demande de restitution d'une partie du prix de vente au titre de la garantie légale des vices cachés
Aux termes de l'article 1641 du code civil , le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Le premier juge a débouté les époux [A] de leurs demandes de paiement de la somme de 39 714,68 euros TTC au titre de la restitution d'une partie du prix équivalente au coût des travaux d'aménagement des sols, ainsi que de la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, estimant que ceux-ci ne justifiaient pas que la nature du sol et, en particulier, la découverte d'un remblaiement antérieur du sol, non mentionnés dans l'acte de vente de la parcelle de terrain à bâtir, avaient nécessité des travaux supplémentaires pour la construction de leur immeuble d'habitation.
Les appelants soutiennent que le tribunal s'est mépris en rejetant leurs prétentions sur le fondement d'une carence probatoire alors que des photographiques datées des 23 novembre 2021 et 16 décembre 2021, ainsi que l'avenant complémentaire indispensable du 21 janvier 2022 ont été versés et permettent de constater la nécessité d'effectuer des travaux particuliers dans la fondation de l'immeuble au vu des spécificités du terrain.
Ils ajoutent que les vendeurs auraient été en possession d'une analyse géotechnique du terrain de 2013, que ceux-ci ne leur ont pas communiquée, alors qu'elle leur aurait permis de constater la réalisation de travaux de remblaiement, faisant apparaître une difficulté à y installer des fondations ordinaires.
Ils précisent qu'en effet, les remblais se trouvaient à 20 cm en dessous du niveau du terrain naturel, de sorte qu'un surcoût à hauteur de 39 714,68 euros a été sollicité par la société de construction.
En réplique, les intimés soutiennent pour l'essentiel qu'en plus de souffrir d'une carence probatoire affectant les pièces versées en première instance comme en appel, les acheteurs avaient connaissance des spécificités géotechniques du terrain, indiquées dans les documents annexés à l'acte de vente; que les notaires n'ont pas jugé utile d'annexer à l'acte de vente le rapport géotechnique G1 qui ne soulevait aucun problème majeur et que la réalisation d'une étude géotechnique G2 avant travaux incombait au constructeur qui a manqué à ses obligations légales et a ainsi engagé sa responsabilité.
Ils ajoutent en outre, qu'aucun vice ne peut être allégué, dès lors que M. et Mme [A] y ont construit leur maison à deux étages, un sous-sol, et qu'ils y habitent.
Il résulte du contenu de la promesse unilatérale de vente notariée signée le 09 mars 2021, que des conditions suspensives particulières ont été prévues au profit exclusif du bénéficiaire : l'obtention d'un permis de construire avant le 09 août 2021 pour la construction d'une maison d'habitation d'une surface plancher maximale de 140 m² ainsi que la condition que l'opération envisagée ne donne pas lieu à une surtaxe et que la nature du sous-sol ne comporte pas, au vu des prélèvements, études, analyses et sondages, des sujétions particulières nécessitant des fondations spéciales (pieux, radiers, etc...), ni des ouvrages de protection contre l'eau (cuvelage), et ne révèle pas de pollution particulière nécessitant des travaux spécifiques compte-tenu des normes et de l'utilisation envisagées.
En outre, au paragraphe concernant la garantie contre le risque d'éviction en pages 14 et 15, le promettant a déclaré ' qu'il n'a pas effectué de travaux de remblaiement, et qu'à sa connaissance, il n'en a jamais été effectué '.
Cette déclaration du vendeur a été reprise dans un paragraphe identique et dans les mêmes termes en page 9 de l'acte authentique de vente signé le 15 septembre 2021. Un paragraphe intitulé 'absence de remblayage'a été intégré en page 19 de l'acte de vente indiquant que 'le remblayage est le fait d'apporter des matières pour élever un terrain, combler un creux ou combler des vides suite à une exploitation. Le vendeur déclare n'avoir procédé à aucun remblayage'.
Enfin, a été mentionné en pages 17 et 18 de l'acte de promesse et en pages 13 et 14 de l'acte de vente, le contenu de la délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 15] en date du 20 décembre 2012, dont il convient d'extraire le passage suivant : « considérant [...] la situation des lieux (parcelles riveraines de la [Adresse 16]) et des contraintes inhérentes aux terrains eux-mêmes (topographie, formes du parcellaire, zone non aedificandi), ces lots pourraient être cédés à un prix moyen de 73 ' le mètre carré hors TVA, hors frais d'actes à la charge des acquéreurs, compatible avec l'estimation du service des domaines en date du 19 novembre 2012, conformément au tableau ci-joint. Sur ces prix, une variation maximale de 5 % pourra être appliquée sur la fixation du prix définitif de chaque lot afin de prendre en compte leur surface réelle (document d'arpentage en cours), leur configuration, leur exploitabilité réelle, leur situation et leurs contraintes propres. »
L'acte de vente signé les 16 avril et 05 mai 2014 entre les époux [J] (désormais divorcés) et la commune de [Localité 15] stipulait en page 13 que les acquéreurs déclaraient avoir bénéficié lors de la régularisation du dit terrain d'une condition suspensive pour vérifier la nature du sous-sol à leurs frais.
La promesse de vente notariée préalablement signée les 26 septembre et 04 octobre 2013 entre les mêmes parties faisait état de conditions suspensives particulières, prévues au profit exclusif du bénéficiaire : l'obtention d'un permis de construire au plus tard le 30 janvier 2014 pour la construction d'une maison d'habitation d'une surface plancher de 200 m², ainsi que la condition que la nature du sous-sol ne comporte pas de sujétions particulières nécessitant des fondations spéciales (pieux, radiers, etc...), ni des ouvrages de protection contre l'eau (cuvelage), et ne révèle pas de pollution particulière qui rendrait prohibitif le coût de la construction.
Le promettant autorisait en outre 'dès à présent, le bénéficiaire à procéder ou à faire procéder sur le bien, objet de la promesse, à tous sondages nécessaires aux études préalables, à charge, en cas de non réalisation, de remettre les lieux dans leur état primitif, aux frais du bénéficiaire.
Seule une étude géotechnique préalable G1 été réalisée le 11 décembre 2013 à la demande des époux [J] (désormais divorcés) dans le cadre de leur projet initial d'achat d'une parcelle constructible, le bureau BBI concept rappelant expressément en page 3 ne pas être missionné pour réaliser une étude géotechnique de conception G2 pour l'ouvrage d'habitation du projet.
Trois sondages répartis au droit de la parcelle et excluant le talus situé au fond de la parcelle et surplombé d'arbustes, sur une bande en principe non constructible, ont été réalisés jusqu'à deux mètres de profondeur, par rapport au niveau du terrain naturel.
L'étude a conclu à une absence de problème particulier, notant simplement la présence en quantité très négligeable de quelques matériaux de type 'remblais' (morceaux de verre et faïence) rencontrés sur une profondeur superficielle de 0,2 à 0,5 m par rapport au niveau du terrain naturel.
Cette étude a néanmoins précisé que la continuité des couches de sols entre sondages ne pouvait être garantie, compte-tenu du nombre limité de sondages effectué, et a recommandé un accompagnement par un bureau d'études géotechnique en phase G2 pour toute opération de construction d'habitation projetée, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge sur ce dernier point.
Aucune étude de type G2 n'est cependant versée aux débats, alors qu'un courrier adressé le 08 janvier 2013 par la mairie de [Localité 15] aux époux [J] les informaient que 'le terrain litigieux était possiblement sujet à des contraintes particulières en terme de portance des sols, puisque riverain d'un site excavé pour extraction de matériaux, puis remblayé dans des conditions non contrôlées par la ville; que toutes précautions devaient être prises par les futurs acquéreurs lors des travaux de terrassement, car toutes interventions en remblaiement avaient des conséquences directes sur la portance des sols et pouvaient nécessiter des fondations spéciales pour les futures constructions, qui en tout état de cause devraient être intégralement supportées par les acquéreurs du lot; que les prix de vente des terrains à bâtir prenaient en compte ces contraintes de sols et leurs conséquences éventuelles en matière de construction.'
Si l'attestation de Mme [C], propriétaire du fonds voisin est peu circonstanciée et si les photographies versées par les appelants ne sont pas exploitables, faute de date et de localisation suffisamment précises et fiables, il ressort bien de l'avenant au contrat de construction signé le 31 mars 2022 que des travaux supplémentaires portant sur les fondations, soubassements et terrassements ont dû être prévus pour un coût de 39 714,68 euros TTC, dont l'entreprise Etudes Géo, ayant procédé à des investigations sur le site litigieux le 10 avril 2024, confirme la nécessité dans une attestation nouvellement versée en appel, dès lors que la nature du sol requérait une adaptation des fondations, celles-ci 'ne pouvant être ancrées dans une couche de remblais non maîtrisée et présentant une hétérogénéité de portance élevée'.
L'entreprise précise que cette adaptation de la profondeur des fondations devait être effectuée suivant les éléments visualisés lors des terrassements des fouilles.
La cour observe que le constructeur a donc bien dû adapter le coût des travaux des fondations après découverte d'un sol remblayé à l'endroit de la construction.
La cour considère que ces éléments, dont certains sont nouveaux en appel, permettent de considérer que le terrain acquis comportait bien un vice en terme de constructibilité, dès lors que la nature du sol a effectivement nécessité des travaux supplémentaires et donc un surcoût.
Ce vice ne peut être considéré comme caché à l'égard de M. [J] et de Mme [N], largement avertis par courrier de la mairie daté du 08 janvier 2013, par les réserves émises dans l'étude géotechnique préalable G1 et lors de la signature de la promesse de vente puis de l'acte authentique, que le terrain acquis pouvait avoir été remblayé.
En revanche, il ressort des pièces versées aux débats que M. [J] et Mme [N] n'ont pas porté à la connaissance de leurs acquéreurs le courrier très explicite de la mairie du 08 janvier 2013, ni l'étude géotechnique préalable G1 qui recommandait une étude géotechnique préalable G2 pour tout projet de construction et que les conditions suspensives particulières ainsi que la mention de la délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 15] en date du 20 décembre 2012 portées dans les promesse et acte authentique de vente ne permettaient pas d'alerter suffisamment les époux [A] sur la spécificité du terrain qu'ils avaient décidé d'acquérir.
Les risques affectant la constructibilité du terrain litigieux, susceptibles de nécessiter des fondations spécifiques en cas de découverte de remblais et donc d'entraîner un surcoût de construction sont restés ignorés des acquéreurs et ceux-ci considèrent légitimement qu'ils auraient donné un moindre prix du terrain s'ils avaient reçu une telle information.
M. [J] et Mme [N], avisés de la nature particulière du terrain par leur propre vendeur, qui en a d'ailleurs tenu compte dans la fixation du prix en 2013 et 2014, ne peuvent valablement opposer à leurs acquéreurs la clause contractuelle exonératoire de garantie prévue en page 11 de l'acte authentique de vente du 15 septembre 2021, ni se retrancher derrière la responsabilité du constructeur en invoquant un manquement aux obligations contractuelles de ce dernier, pour se dédouaner de leurs propres obligations.
Tenus de garantir leurs acquéreurs, M. [J] et Mme [N] seront condamnés solidairement à payer aux époux [A] la somme de 39 714,68 euros au titre de la restitution d'une partie du prix équivalent au surcoût occasionné par les travaux de fondations spécifiques requis par l'état remblayé du terrain, par infirmation de la décision entreprise.
La garantie des vices cachés étant applicable, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens subsidiaires developpés par les appelants sur le fondement du dol et sur celui de l'erreur.
II- Sur les autres demandes indemnitaires
Aux termes des articles 1645 et 1646 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
Les appelants sollicitent la condamnation des intimés à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des contrariétés administratives, personnelles et psychologiques inhérentes à la modification de leur projet immobilier.
Les intimés s'y opposent.
Il ressort des développements précédents que les vendeurs avaient connaissance du vice affectant le terrain vendu et qu'ils sont en conséquence tenus d'indemniser leurs acquéreurs de l'ensemble des préjudices subis.
Les tracasseries de toutes sortes, directement liées à la découverte d'un vice caché affectant la vente de leur terrain et aux difficultés consécutives à ce vice pour mener à bien leur projet de construction, ont nécessairement causé un préjudice moral aux époux [A], qu'il convient d'évaluer à la somme de 2 500 euros.
En revanche, les appelants se contentent d'alléguer l'existence d'un préjudice de jouissance, sans le justifier, ne démontrant ni que les délais de réalisation de l'habitation auraient été allongés, ni surtout qu'ils auraient dû prendre un logement ou poursuivre une location des suites des difficultés rencontrées dans l'édification de leur maison.
Ils seront donc déboutés de ce poste de préjudice, faute de l'établir.
III- Sur les demandes accessoires
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront infirmées.
M. [P] [J] et Mme [B] [N], parties succombantes, seront condamnés aux dépens de première instance, ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl DAMC, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils seront en outre condamnés solidairement à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
M. [P] [J] et Mme [B] [N] seront déboutés de leur propre demande de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne solidairement M. [P] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 39 714,68 euros au titre de la restitution d'une partie du prix de vente ;
Condamne solidairement M. [P] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral subi ;
Déboute M. [H] [A] et Mme [F] [Z] épouse [A] de leur demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice de jouissance ;
Condamne M. [P] [J] et Mme [B] [N] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl DAMC, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. [P] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [H] [A] et à Mme [F] [Z] épouse [A], ensemble, la somme de 1 500 euros de frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 500 euros de frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [P] [J] et Mme [B] [N] de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le président