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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 22 mai 2025, n° 23/10163

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Circet (SAS)

Défendeur :

Circet (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Vice-président :

Mme Ougier

Conseiller :

Mme Vincent

Avocats :

Me Badie, Me Cherfils

T. com. Mâcon, du 8 nov. 2019

8 novembre 2019

FAITS & PROCÉDURE

La SARL [N] Électronique, installateur de routeurs, est intervenue en qualité de sous-traitant de la société Capcom Technologie, spécialisée dans l'installation et la mise en service de systèmes de télécommunication.

La société Capcom Technologie a été aborbée le 27 décembre 2017 par la société Circet Réseaux, absorbée à son tour le 31 août 2018 par la SAS Circet.

Le litige opposant la SARL [N] Électronique à la SAS Circet porte sur la rupture alléguée de relations commerciales établies et sur le règlement d'un arriéré de factures de 33 624 euros ainsi que d'astreintes.

Par assignation du 29 janvier 2019, la SARL [N] Électronique et son liquidateur judiciaire, la SELARL [O] [Y], ont saisi le tribunal de commerce de Toulon d'une action en paiement dirigée contre SAS Circet.

Par jugement du 9 novembre 2019, le tribunal de commerce de Mâcon a placé la SARL [N] Électronique en redressement judiciaire et fixé l'état de cessation des paiements à la date du 31 mai 2017. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 8 novembre 2019. La SELARL [O] [Y] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [S] [N], gérant de la SARL [N] Électronique, est volontairement intervenu à l'instance.

Par jugement du tribunal de commerce du 22 juin 2023, le tribunal de commerce de Toulon statuant au visa de l'article L.442-6 § I 5° du code de commerce :

- s'est déclaré incompétent et a renvoyé le dossier devant le tribunal de commerce de Marseille, compétent pour traiter des contentieux de rupture brutale de relations commerciales établies,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'en vertu des articles 80 et suivants du code de procédure civile, la présente instance est susceptible d'appel dans le délai de 15 jours a compter de la notification de la présente décision,

- laissé à la charge de la SARL [N] Électronique et de la [O] SCP [Y] en qualité de mandataire judiciaire de la SARL [N] Électronique les entiers dépens.

Par déclaration du 13 juillet 2023 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SAS Circet a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 20 juillet 2023 du magistrat agissant par délégation du premier président de la cour d'appel, la SAS Circet a été autorisée à assigner la SARL [N] Électronique suivant la procédure d'assignation à jour fixe.

Par déclaration du 28 juillet 2023 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SAS [N] Électronique, le mandataire liquidateur et son gérant, M. [N], ont également interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Toulon.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par la voie électronique le 26 février 2024 dans chacun des dossiers 23-09358 et 23-10163, la SAS Circet demande à la cour de :

- À titre principal,

- joindre les dossiers RG 23-10163 et RG 23-09358,

- annuler le jugement entrepris, pour défaut de pouvoir juridictionnel,

- déclarer irrecevables les demandes de la SARL [N] Électronique, de M. [S] [N] et de la SCP [O] [L], forrmées à leur encontre,

- les débouter du surplus de leurs demandes, fins et prétentions,

- À titre subsidiaire,

- joindre les dossiers RG 23-10163 et RG 23-09358,

- confirmer le jugement entrepris,

- En tout état de cause,

- condamner solidairement la SARL [N] et M. [S] [N] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code, outre les entiers dépens, avec distraction au profie de Maître Badie, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimé et d'appelant en réponse récapitulatives, notifiées par la voie électronique le 18 janvier 2024 dans chacun des dossiers 23-09358 et 23-10163, la SARL [N] Électronique et son mandataire judiciaire, la SCP [O] [L], liquidateur judiciaire, et M. [S] [N], demandent à la cour de :

- joindre les dossiers RG 23-10163 et RG 23-09358,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent et a renvoyé ce dossier devant le tribunal de commerce de Marseille,

- dire que le tribunal de commerce de Toulon est compétent territorialement et matériellement,

En conséquence,

- condamner la SAS Circet à payer à la SCP [O] [Y], ès qualité de mandataire liquidateur de la SELARL [N] Électronique, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

* * *

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.

Le dossier a été plaidé le 11 mars 2025 et mis en délibéré au 22 mai 2025.

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction :

L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, conformément à l'article 367 du code de procédure civile, la jonction des instances RG 23-10163 et RG 23-09358 sous le numéro RG 23-09358.

Sur la compétence, à titre principal, du tribunal de commerce saisi :

La SAS Circet soutient que la rupture des relations commerciales qu'elle reproche à la SARL [N] Électronique relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Marseille puis le cas échéant, de la cour d'appel de Paris, conformément aux articles L.442-4 (anciennement L.442-6) et D.442-3 du code de commerce.

La SARL [N], M. [N] et la SELARL [O] [H] estiment au contraire que le tribunal de commerce de Toulon était matériellement et territorialement compétent pour connaître du litige né d'un acte de concurrence déloyale, opposant deux commerçants (article L.721-3 du code de commerce).

Il résulte de l'assignation du 29 janvier 2019 que la SARL [N] Électronique, sous-traitant de la société Capcom Technologie (absorbée en 2018 par la SAS Circet), a saisi le tribunal de commerce de Toulon aux fins de condamnation de la SAS Circet à lui payer une somme de 100 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture de relations contractuelles présentant une certaine ancienneté. Il s'ensuit que, conformément aux articles L.442-6 et D.442-3 du code de commerce alors applicables, cette demande relève bien de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Marseille.

Sur le pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce saisi, à titre subsidiaire, de désignation de la juridiction compétente :

La SAS Circet estime que le tribunal de commerce de Toulon aurait dû faire droit à la fin de non-recevoir résultant des textes précités, et invoque un arrêt récent de la chambre commerciale selon lequel une cour d'appel, saisie d'un jugement rendu par un tribunal de commerce non prévu par l'article D.442-3 précité, aurait dû annuler le jugement pour excès de pouvoir, relever qu'elle ne disposait pas du pouvoir juridictionnel pour statuer et prononcer l'irrecevabilité de la demande (Com., 16 mars 2022, 20-23.416).

La SAS Circet se prévaut également d'un arrêt du 4 mai 2023 de cette cour aux termes duquel « la méconnaissance de ces dispositions d'ordre public constitue une fin de non-recevoir, les tribunaux saisis autres que ceux désignés à l'article D.442-3 du code de commerce et son annexe étant dépourvus de tout pouvoir juridictionnel pour en connaître ». Et de souligner que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé que le tribunal de commerce saisi à tort ne pouvait se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille, et a annulé le jugement entrepris pour défaut de pouvoir juridictionnel.

La SARL [N], M. [N] et la SELARL [O] [H] font cependant état d'un récent revirement de jurisprudence de la cour de cassation, en ce que les articles L.442-6 et D.442-3, devenus L.442-4 et D.442-3 du code de commerce, désignant les seules juridictions pour connaître des contentieux de rupture de relations commerciales établies, instituent une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir (Com., 18 octobre 2023, 21-15.378). De sorte que le juge qui se déclare incompétent doit désigner la juridiction qu'il estime compétente, et que la demande d'annulation du jugement entrepris pour défaut de pouvoir juridictionnel doit être rejetée.

Sur ce,

La règle selon laquelle les textes précités du code de commerce créent une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir est de nature à garantir l'effectivité du droit d'accès au juge. Par suite, le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction consulaire saisie à tort est inopérant.

Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Sur les demandes annexes :

L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Circet, M. [S] [N], la SARL [N] Électronique et son liquidateur judiciaire, la SCP [O] [L] ont tous interjeté appel du jugement entrepris et sont condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ceux des avocats qui en ont fait la demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

Ordonne la jonction des instances RG 23-10163 et RG 23-09358 sous le numéro RG 23-09358.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la SAS Circet, M. [S] [N], la SARL [N] Électronique et son liquidateur judiciaire, la SCP [O] [L] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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