Livv
Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 22 mai 2025, n° 23/05661

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/05661

22 mai 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 22/05/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/05661 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VID5

Jugement (N° 2023000062) rendu le 16 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Lille Metropole

Ordonnance d'incident rendue le 7 novembre 2024 par la chambre 2 section 1 de la cour d'appel de Douai

DEMANDERESSE AU DEFERE

SARL ETS Lerouge Mecan'hydro, prise en la personne de son représentant légal domiclié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume Boureux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Lauralee Lorette, avocat au barreau de Lille

DEFENDEURS AU DEFERE

Monsieur [R] [K] entrepreneur individuel, exerçant sous l'enseigne Bati Bois

né le 21 octobre 1969 à [Localité 6], de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédérique Sedlak, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué,

assisté de Me Mounir Aidi, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat plaidant

SA Abeille Iard & Sante

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

Rreprésentée par Me Daniel Zimmermann, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 18 mars 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

M. [K], entrepreneur individuel exerçant une activité de couvreur, a commandé à la société Ets Lerouge Mécan'hydro (la société Lerouge), assurée auprès de la société Abeille Iard & santé (la société Abeille), la fourniture et la pose d'une grue sur un tracteur, pour le prix de 43 000 euros HT, soit 51 600 euros TTC.

Le 28 février 2015, le tracteur ainsi transformé a été livré, mais M. [K] l'a refusé en raison de la dangerosité du montage réalisé.

Le 3 mars 2015, la livraison définitive est intervenue.

Le 22 novembre 2019,soutenant que le tracteur et la grue étaient affectés de désordres depuis 2015, M. [K] a assigné la société Lerouge en référé expertise. Une ordonnance de référé du 29 avril 2019, accueillant sa demande, a ordonné une mesure d'expertise.

Le 7 mars 2022, M. [K] a été mis en redressement judiciaire, M. [B] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Le 5 avril 2022, l'expert judiciaire a déposé son rapport, concluant à la responsabilité de la société Lerouge et chiffrant le préjudice à la somme de 80 418,84 euros TTC.

Le 24 août 2022, M. [K] a assigné la société Lerouge en réparation de son préjudice, évalué à 422 164,48 euros TTC.

Le 27 mars 2023, un jugement a arrêté le plan de redressement judiciaire de M. [K], M. [B] étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par un acte du 21 avril 2023, la société Lerouge a appelé en garantie son assureur, la société Abeille, dans l'instance en indemnisation introduite par M. [K].

M. [B] est intervenu volontairement à cette instance, d'abord en qualité de mandataire judiciaire, puis en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

La société Lerouge s'est opposée aux demandes de M. [K], en soulevant, notamment, son défaut de qualité à agir, l'assignation n'ayant pas été délivrée par le mandataire judiciaire de M. [K].

Par un jugement du 16 novembre 2023, le tribunal de commerce de Lille métropole, a :

- ordonné la jonction des instances ;

- rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir soulevée par la société Lerouge ;

- 'débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes, celles-ci étant irrecevables, pour cause de prescription' (sic) ;

- condamné M. [K] à payer ces indemnités de procédure :

' 3 000 euros à la société Lerouge

' et 1 000 euros à la société Abeille ;

- condamné M. [K] aux dépens.

Ce jugement a été signifié à M. [K] le 6 décembre 2023 et à M. [B], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, le 11 décembre 2023.

Le 21 décembre 2023, M. [K] a relevé appel de ce jugement, en intimant la société Lerouge et son assureur.

La société Lerouge a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident, en soulevant un moyen tiré de l'irrégularité de l'appel et des conclusions de l'appelant, aux motifs que l'appel n'a pas été régularisé conjointement par M. [K] et le commissaire à l'exécution de son plan.

Par une ordonnance du 7 novembre 2024, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré recevable l'appel interjeté par M. [K] le 21 décembre 2023 ;

- déclaré recevables les conclusions notifiées par voie électronique par M. [K] le 20 mars 2024 ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

- condamné les sociétés Lerouge et Abeille aux dépens de l'incident.

Pour statuer ainsi, cette ordonnance retient que « le jugement du 27 mars 2023, arrêtant le plan de continuation de M. [K] a mis fin à la mission d'assistance du mandataire de justice, nommant alors Maître [B] en qualité de commissaire à l'exécution du plan » et qu'il n'est « ni établi, ni invoqué que le commissaire à l'exécution du plan se soit vu attribuer des missions particulières d'assistance du débiteur redevenu in bonis. »

' Par une requête du 21 novembre 2024, la société Lerouge a déféré cette ordonnance devant la cour d'appel, en lui demandant de :

Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles L. 622-3, L. 622-20 et L. 626-25 du code de commerce,

- déclarer recevable le déféré formé contre l'ordonnance du 7 novembre 2024 ;

- infirmer cette ordonnance en ce qu'elle :

o déclare recevable l'appel interjeté par M. [K] le 21 décembre 2023 ;

o déclare recevables les conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2024 ;

o rejette les demandes plus amples ou contraires.

Y ajoutant, statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les conclusions d'appelant de M. [K] et l'appel formé par M. [K], seul, contre le jugement entrepris ;

- condamner M. [K] au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros, ainsi qu'aux dépens.

A l'appui, la société Lerouge fait valoir ces éléments :

- il résulte des articles L. 622-3 et L. 622-20 du code de commerce que, pour les actes ne relevant pas d'une gestion courante, c'est le mandataire judiciaire qui doit en prendre l'initiative. En l'espèce, M. [K] a introduit son action au fond seul, pendant la période d'observation, ce qui n'était pas possible, l'action en justice ne constituant pas un acte de gestion courante au sens de l'article L. 622-3 du code de commerce. A défaut, l'assignation est affectée d'une irrégularité de fond. Ce point avait été soulevé en première instance et c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette irrégularité avait été couverte par l'intervention volontaire du mandataire judiciaire, devenu commissaire à l'exécution du plan. Cette intervention volontaire montre que M. [K] avait conscience de la nécessité de faire intervenir ce dernier ;

- M. [K] a régularisé un appel, seul, sans mentionner le commissaire à l'exécution de son plan ce dernier en tant qu'appelant ni l'intimer, ce qui constitue une cause d'irrecevabilité manifeste de l'appel, pour les raisons reprises ci-dessus, et également en ce que :

' le commissaire à l'exécution du plan était intervenu volontairement en première instance et était partie à l'instance ;

' le jugement entrepris a été rendu en présence du commissaire à l'exécution du plan, qui était intervenu pour tenter de régulariser l'action de M. [K] et pour soutenir ses demandes ;

' le jugement a été signifié à la fois à M. [K] et au commissaire à l'exécution du plan ;

' le commissaire à l'exécution du plan n'a pas entendu faire appel du jugement et il est aujourd'hui forclos pour le faire ;

' les termes de l'article L. 626-25 sont clairs ;

- le commissaire à l'exécution du plan, qui a qualité pour poursuivre les actions introduites pendant la période d'observation, n'a pas entendu régulariser un appel dans le délai légal. De son côté, M. [K] n'a pas fait intervenir le commissaire à l'exécution du plan en appel, alors qu'il y était obligé en application de l'article L. 626-25. Faute pour lui de l'avoir fait, son appel est irrecevable ;

- le conseiller de la mise en état a fait une application erronée de l'article L. 626-25. En effet, sauf à priver ce texte de tout effet, il en ressort très clairement que toute action à laquelle le mandataire judiciaire est partie doit être poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan, peu important que le débiteur soit redevenu in bonis ou que le commissaire à l'exécution se soit vu attribuer, ou non, des missions particulières d'assistance du débiteur ;

- à lire la motivation de l'ordonnance déférée, un débiteur en plan redevenu in bonis, n'aurait plus besoin d'être assisté par le commissaire à l'exécution du plan dans le cadre des actions introduites avant le jugement arrêtant le plan et auxquelles le mandataire judiciaire, devenu commissaire à l'exécution du plan en cours de première instance, était pourtant partie ;

- en outre, ce texte ne conditionne aucunement la poursuite de l'action par le commissaire à l'exécution du plan à une quelconque condition tenant à la mission de ce dernier ;

- en l'espèce, l'application du texte aurait dû conduire le conseiller de la mise en état à déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [K], dès lors que le mandataire judiciaire puis le commissaire à l'exécution du plan étaient parties au jugement de première instance et s'étaient associés aux demandes de M. [K] ;

- si M. [K] n'avait pas eu besoin du soutien du commissaire à l'exécution de son plan pour interjeter appel, ce dernier ne serait d'ailleurs pas intervenu au stade de la première instance. Cela démontre bien que le commissaire à l'exécution du plan avait un intérêt à la procédure et devait surtout poursuivre l'action introduite par M. [K] et à laquelle il était partie ;

- le conseiller de la mise en état s'est fondé à tort sur arrêt du 15 octobre 2002 (Com. pourvoi n° 98-12.014) pour juger que M. [K] est apte à former seul un appel, puisque cet arrêt a été rendu sur le fondement de l'ancien article L. 621-28 du code de commerce, qui visait les actions introduites soit par l'administrateur, soit par le représentant des créanciers ;

- en l'espèce, il convient de se référer aux dispositions de l'article L. 626-25 qui vise simplement le cas des actions auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sans que ces actions aient nécessairement été introduites par lui (à la différence de la rédaction de l'ancien article L. 621-28). Il résulte de la rédaction, nouvelle, de l'article L. 626-25 que le législateur a entendu réaffirmer la nécessité pour le commissaire à l'exécution du plan de poursuivre les actions auxquelles le mandataire judiciaire était partie, et non plus seulement les actions qu'il avait pu engager.

' Par ses conclusions en réponse sur le déféré, notifiées par la voie électronique le 12 décembre 2024, M. [K] demande à la cour d'appel de :

Vu l'article L. 622-25 du code de commerce ;

- rejeter l'ensemble des demandes formées par les sociétés Lerouge et Abeille ;

- confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 7 novembre 2024 ;

- condamner les sociétés Lerouge et Abeille au paiement d'une indemnité de 2 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

A l'appui, M. [K] fait valoir que :

- selon la jurisprudence, il résulte de l'article L. 626-25 du code de commerce que le commissaire à l'exécution du plan n'a qualité pour poursuivre ni une action exercée par le débiteur avant l'ouverture de sa procédure collective ni une action exercée pendant la période d'observation, à laquelle le mandataire judiciaire n'avait pas à être appelé ;

- par ailleurs, le jugement arrêtant le plan de 'continuation' rendu en l'espèce a mis fin à la mission d'assistance du mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ne s'est vu attribuer aucune mission particulière d'assistance et lui, M. [K], est redevenu in bonis ;

- en droit, la mission de l'administrateur ayant pris fin à la date du jugement arrêtant le plan de continuation, le débiteur est apte à interjeter appel seul (Com. 15 octobre 2002, n° 98-12.014). Tel est le cas en l'espèce, puisqu'il a introduit son action avant d'être mis en redressement judiciaire, l'a poursuivie au cours de la période d'observation et a relevé appel après l'arrêté de son plan ;

- M. [B], en qualité de mandataire judiciaire, n'a émis aucune prétention pendant la période d'observation, ni en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

- dès lors, les conditions procédurales de la poursuite de l'action par le commissaire à l'exécution du plan ne sont pas réunies ;

- M. [B] est seulement chargé de vérifier la bonne exécution de son plan, mais non de l'assister ou de le représenter, lui, appelant, redevenu in bonis et maître de la gestion de ses biens.

' Par ses conclusions en réponse sur le déféré, notifiées par la voie électronique le 19 décembre 2024, la société Abeille demande à la cour d'appel de :

- infirmer l'ordonnance entreprise ;

Et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable l'appel formé par M. [K] seul ;

- déclarer irrecevables ses conclusions d'appelant ;

- statuer comme de droit sur les dépens.

MOTIVATION

1°- Sur la recevabilité du déféré

Il résulte de l'article 916 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir peuvent être déférées à la cour d'appel dans les 15 jours de leur date.

L'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité de l'appel est susceptible d'être déférée immédiatement même lorsqu'elle ne met pas fin à l'instance (Civ. 2e, 15 mai 2014, n° 13-13434).

En l'espèce, l'ordonnance déférée, qui déclare l'appel de M. [K] recevable, date du 7 novembre 2024, tandis que la requête aux fins de déféré a été notifiée le 21 novembre 2024.

Le déféré est donc recevable.

2°- Sur la recevabilité de l'appel de M. [K]

L'article 914 du code de procédure civile prévoit que le conseiller de la mise en état est seul compétent, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel.

Si le rôle essentiel du commissaire à l'exécution du plan est de s'assurer de l'exécution du plan et de percevoir les dividendes de celui-ci, l'article L. 626-26 du code de commerce lui donne également l'exclusivité pour poursuivre les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, ainsi que pour introduire des actions nouvelles dans l'intérêt collectif des créanciers.

Ainsi, l'article L. 626-25 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 septembre 2021 applicable en la cause, dispose que :

Le tribunal nomme, pour la durée fixée à l'article L. 626-12, l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan. Le tribunal peut, en cas de nécessité, nommer plusieurs commissaires.

A la demande du débiteur, le tribunal peut confier à l'administrateur ou au mandataire judiciaire qui n'ont pas été nommés en qualité de commissaire à l'exécution du plan une mission subséquente rémunérée, d'une durée maximale de vingt-quatre mois, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

Les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal.

Le commissaire à l'exécution du plan est également habilité à engager des actions dans l'intérêt collectif des créanciers.

En l'espèce, il résulte de la chronologie de la procédure, ci-dessus relatée, que M. [K] a introduit son action en responsabilité contre la société Lerouge après sa mise en redressement judiciaire mais avant l'arrêté de son plan, autrement dit pendant la période d'observation.

Le présent déféré soulève donc la question de savoir si une personne soumise à un plan de redressement judiciaire a qualité pour relever appel, seule, d'un jugement rendu dans une instance qu'elle a introduite, toujours seule, pendant la période d'observation.

En application de l'article L. 626-25, alinéa 3, la Cour de cassation a récemment énoncé que 'le commissaire à l'exécution du plan n'a qualité pour poursuivre ni une action exercée par le débiteur avant l'ouverture de sa procédure collective ni une action exercée pendant la période d'observation, à laquelle le mandataire judiciaire n'avait pas à être appelé' (Com. 5 mai 2021, n° 20-13227, publié).

Cet arrêt distingue ainsi deux cas de figure dans lesquels le commissaire à l'exécution du plan n'a pas qualité pour poursuivre une instance. Dès lors qu'en l'espèce, l'action au fond a été introduite par M. [K], débiteur, non pas avant le jugement d'ouverture, mais au contraire pendant la période d'observation, la première hypothèse visée par cet arrêt n'est pas concernée, mais l'est éventuellement la seconde (celle d'une action engagée pendant la période d'observation).

Pour trancher la question soulevée en l'espèce, il convient donc de déterminer si, au cas présent, le mandataire judiciaire aurait dû être appelé à l'instance au fond engagée par M. [K], la solution valable pour cet organe de la procédure collective étant transposable au commissaire à l'exécution du plan.

En droit, si le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, en application de l'article L. 622-20 du code de commerce, il n'a toutefois pas qualité pour agir dans l'intérêt du débiteur et, donc, de la poursuite de son activité. Retenir une solution inverse ôterait, en effet, au débiteur (éventuellement avec l'assistance de l'administrateur judiciaire) tout pouvoir de gestion (ou de cogestion) pendant la période d'observation.

Par ailleurs, le commissaire à l'exécution du plan ne représentant pas le débiteur, il ne peut pas exercer les actions qui appartiennent à celui-ci. C'est pourquoi il est jugé que le commissaire à l'exécution du plan n'a pas qualité pour engager, en lieu et place du débiteur, une action tendant à l'indemnisation du préjudice subi par celui-ci et dirigée contre un cocontractant (V. par ex. : Com. 18 janv. 2000, n° 97-16224, publié ; Com. 23 sept. 2014, n° 13-20454). En revanche, le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour intenter les actions en responsabilité délictuelle tendant à la réparation du préjudice collectif des créanciers résultant d'une diminution ou d'une aggravation du passif (Com. 4 juin 2013, n° 12-16366, publié).

En l'espèce, l'action engagée par M. [K] pendant la période d'observation tend à la réparation du préjudice que l'intéressé prétend avoir subi à titre personnel avant sa mise en redressement judiciaire, en raison d'une inexécution contractuelle, et non à indemniser les créanciers de sa procédure collective du préjudice qu'ils subiraient collectivement. L'action ne tend donc pas à la reconstitution du gage commun. Ainsi, même si aucune procédure collective n'avait été ouverte à son endroit, M. [K] aurait pu exercer contre la société Lerouge cette action en responsabilité contractuelle. Cette action n'est donc pas liée à sa procédure collective, qui n'exerce aucune influence sur elle.

De tout ce qui précède, il résulte que le mandataire judiciaire, qui a le monopole de la représentation de l'intérêt collectif des créanciers, n'avait pas qualité pour exercer l'action en responsabilité contractuelle en cause ni, dès lors, à être appelé à l'instance introduite par M. [K]. Par voie de conséquence, le commissaire à l'exécution du plan, après sa désignation, n'avait pas davantage à être appelé à cette instance.

Il s'ensuit que M. [K] pouvait former appel, seul, du jugement entrepris, statuant dans cette instance.

De ces motifs, substitués à ceux de l'ordonnance déférée, il découle que l'appel formé par M. [K], seul, sans son commissaire à l'exécution du plan ni intimation de ce dernier, est recevable. Dès lors, sont semblablement recevables les conclusions d'appelant notifiées par M. [K].

L'ordonnance déférée est donc confirmée en toutes ses dispositions.

La succombance de la société Lerouge justifie sa condamnation aux dépens du déféré et au paiement d'une indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

- Déclare recevable le déféré formé par la société Ets Lerouge Mécan'hydro ;

- Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

- Condamne la société Ets Lerouge Mécan'hydro aux dépens afférents à la présente procédure de déféré ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ets Lerouge Mécan'hydro et la condamne à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros, et rejette la demande formée par M. [K] contre la société Abeille.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site