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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 22 mai 2025, n° 24/06313

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06313

22 mai 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MAI 2025

N° RG 24/06313 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WYYA

AFFAIRE :

[T] [X]

C/

S.A.S. AVENIR

[Y] [D]

S.E.L.A.F.A. JSA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Septembre 2024 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES

N° RG : 24/03951

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 22.05.2025

à :

Me Carine DUCROUX de la SELEURL DUCROUX CARINE, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Vincent THEVENET de la SELARL THEVENET VINCENT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MAI DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [X]

né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Carine DUCROUX de la SELEURL DUCROUX CARINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 373 - N° du dossier E0006U18

APPELANT

****************

S.A.S. AVENIR

Avec l'assistance de Me [Y] [D], administratur judiciaire nommé à la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la société AVENIR

N° Siret : 421 372 723 (RCS Versailles)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Vincent THEVENET de la SELARL THEVENET VINCENT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 608

INTIMÉE

****************

Maître [Y] [D]

Es qualité d'administrateur judiciaire de la société AVENIR

N° Siret : 421 372 723 (RCS Versailles)

[Adresse 3]

[Localité 6]

S.E.L.A.F.A. JSA

Prise en la Personne de Me [M] [O], nommée mandataire Judiciaire en suite de l'ouverture au bénéfice de la société AVENIR d'une procédure de liquidation judiciaire suivant jugement du Tribunal des Activités Economiques de VERSAILLES en date du 14 janvier 2025

[Adresse 2]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Vincent THEVENET de la SELARL THEVENET VINCENT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 608

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Avril 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Présidente,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,

Madame Florence MICHON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance de référé du 18 octobre 2023, rectifiée par ordonnance du 9 février 2024, le président du tribunal de commerce de Versailles, saisi par M [X] en paiement de factures contre la société Avenir, a fait application d'une clause contractuelle attributive de compétence, et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris, en condamnant le demandeur à payer à la société Avenir une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En exécution de cette décision, la société Avenir a fait procéder par acte du 4 mars 2024, à une saisie-attribution entre les mains de la société Banque populaire Val-de-France portant sur la somme totale de 2 771,02 euros en principal, intérêts et frais.

Par acte de commissaire en justice du 6 mars 2024, la saisie-attribution était dénoncée à M. [T] [X] ainsi qu'à Mme [X] en tant que cotitulaire de plusieurs des comptes.

Statuant sur la contestation de la saisie introduite par assignation du 5 avril 2024, le juge de l'exécution de Versailles par jugement contradictoire du 13 septembre 2024 a :

déclaré recevable en la forme la contestation de M. [T] [X] ;

rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution diligentée par la société SAS Avenir contre M. [T] [X] selon procès-verbal de saisie du 4 mars 2024 dénoncé le 6 mars 2024 ;

rejeté la demande de la société SAS Avenir de dommages et intérêts ;

débouté M. [T] [X] de sa demande formée au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [T] [X] à payer à la société SAS Avenir la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

condamné M. [T] [X] aux entiers dépens ;

rappelé que la décision est exécutoire de droit.

Le 27 septembre 2024, M. [T] [X] a relevé appel de cette décision, en intimant la société Avenir.

Celle-ci ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du 23 juillet 2024, il a appelé en intervention forcée Me [Y] [D] en qualité d'administrateur provisoire et la SELARL JSA en qualité de mandataire représentant des créanciers par acte du 31 octobre 2024.

La procédure de sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 14 janvier 2025. La société JSA, représentée par Me [O] en qualité de liquidateur judiciaire est intervenue volontairement à la procédure d'appel aux lieu et place de l'intimée et de son administrateur, par conclusions du 6 février 2025.

Aux termes de ses premières et dernières conclusions transmises au greffe le 12 décembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de :

réformer le jugement du juge de l'exécution en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de mainlevée de la saisie et rejeté sa demande de compensation ;

Statuant à nouveau,

déclarer M. [T] [X] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;

Y faisant droit

A titre principal,

ordonner la mainlevée de la saisie attribution, la saisie attribution ayant été pratiquée à l'encontre de M. et Mme [X] sur leurs comptes personnels non concernés par l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Versailles ;

A titre subsidiaire,

ordonner la compensation à due concurrence entre le montant saisi soit 2 771,02 euros et la créance 38.320,55 euros que détient M. [X] sur la société Avenir en application de l'ordonnance du 14 juin 2024 ;

En tout état de cause,

condamner la société Avenir à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Avenir aux dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [T] [X] fait valoir :

qu'en vertu de l'article L.526-22 du code de commerce, les patrimoines personnel et professionnel de l'autoentrepreneur sont séparés ; qu'en l'espèce, la créance est de nature professionnelle alors que les poursuites visent M. et Mme [X] les comptes personnels joints ayant été saisis, et le procès-verbal de dénonciation de la saisie a été adressé à son épouse ; que l'éventuelle faute du commissaire de justice, simple exécuteur de la saisie ne lui est pas opposable ; qu'il soulève pour ce motif la nullité de la saisie pour en demander la mainlevée;

qu'il est créancier de la société Avenir en vertu de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 14 juin 2024 rendue en sa faveur à hauteur de 38 320,55 euros outre les intérêts et les dépens ; qu'à la date de l'audience devant le juge de l'exécution, l'ordonnance de référé exécutoire de droit avait été rendue, et elle avait été signifiée dans le courant du délibéré ; qu'en conséquence, la compensation judiciaire doit être prononcée par la cour d'appel avec effets rétroactifs à la date du 14 juin 2024 en application de l'article 1347 du code civil, ce que n'interdit pas la procédure collective ouverte postérieurement à l'audience de plaidoirie devant le juge de l'exécution, en application de l'article L. 622-7 du code de commerce, s'agissant de créances connexes nées de la même instance ;

que la société Avenir, qui avait connaissance de l'imminence de la décision du tribunal de commerce de Paris, a agi avec empressement pour faire exécuter l'ordonnance rendue par le tribunal de Versailles ; que la mauvaise foi dans la mise en 'uvre de cette saisie, pour une condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, est mise en lumière par la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde en parallèle, qui ôte à ses créanciers tout espoir de voir leurs créances payées ; qu'en mandatant le commissaire de justice pour procéder à la saisie des comptes personnels de M. [T] [X], l'intimée espérait décourager ce dernier de sa procédure de recouvrement ; que son attitude abusive justifie l'octroi d'une réparation.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 24 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SELARL JSA, intervenant volontairement à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire de la société Avenir intimée, demande à la cour de :

à défaut d'avoir satisfait à l'obligation de verser à la procédure le timbre fiscal de 225 euros et de voir prononcer à son encontre l'irrecevabilité de sa déclaration d'appel, M. [X] sera condamné à verser à la société Avenir la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

En cas de recevabilité de la déclaration d'appel de M. [X] :

confirmer le jugement entrepris le 13 septembre 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles déféré à la Cour ;

condamner M. [T] [X] à verser à la société Avenir la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dans tous les cas :

condamner M. [T] [X] à verser à la société Avenir la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [T] [X] aux dépens.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir :

que la société Avenir n'a pas demandé au commissaire de justice instrumentaire de saisir les comptes personnels de M. [X] ; qu'il apparaissait clairement, aux termes de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Versailles, qu'il s'agissait d'une créance professionnelle ; que sur interpellation, le commissaire de justice instrumentaire a indiqué ne pas pouvoir choisir le compte bancaire sur lequel diriger la voie d'exécution ; qu'il s'agit d'une prérogative de la banque, en qualité de tiers saisi ; qu'une quelconque contestation sur ce sujet doit être adressée à la Banque populaire Val-de-France et non à la société Avenir ;

qu'en l'absence d'exécution spontanée d'une décision de justice exécutoire, la société Avenir n'a fait qu'exercer les mesures d'exécution qui lui étaient offertes en application du droit ; qu'il ne peut lui être reproché une saisie abusive ; qu'en outre, seuls ont été saisis les fonds figurant au compte professionnel et les autres comptes libérés le 12 avril 2024 ;

qu'enfin, s'agissant de la demande adverse de compensation, l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Versailles du 18 octobre 2023 est définitive, tandis que celle du tribunal de commerce de Paris du 14 juin 2024 est frappée d'appel ; qu'en conséquence, aucune compensation judiciaire ne peut être prononcée, sauf à préjuger de l'arrêt pendant devant la cour d'appel de Paris, et à manquer aux dispositions de l'article 1348 du code civil.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 mars 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 30 avril 2025 et le prononcé de l'arrêt au 22 mai 2025, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'est pas contesté que la saisie a pour cause une créance professionnelle et que les poursuites ne visent que M [X] désigné par le fichier FICOBA comme détenant 5 comptes bancaires dans les livres de la Banque Populaire, sans précision de la nature de ces comptes. La déclaration du tiers saisi permet de constater que dans le détail, trois de ces comptes sont des comptes joints détenus par M [X] et son épouse, que le Livret Développement Durable de M [X] n'était provisionné que de 32,04 euros, tandis que son compte professionnel a pu être bloqué pour la somme de 3681,53 euros.

Pour rejeter la contestation, le juge de l'exécution a constaté que parmi les comptes saisis son compte professionnel n°[...] disposait d'un solde créditeur suffisant pour régler la dette, et que l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 14 juin 2024 rendue au profit de M [X] n'ayant pas été signifiée, elle ne valait pas titre exécutoire en vertu duquel le juge de l'exécution avait le pouvoir de faire jouer la compensation.

Sur le premier point, il y a lieu d'observer une contrariété entre les motifs du jugement qui tout en disant que la saisie est valide mais que son effet ne doit porter que sur le compte professionnel, a rejeté la demande de mainlevée, au lieu de la cantonner à ce seul compte, en ordonnant la mainlevée pour le surplus.

Sur le second point, M [X] mentionne que l'ordonnance du 14 juin 2024, qui a condamné la société Avenir à lui payer à la somme de 40 718,55 euros aurait été signifiée après l'audience devant le juge de l'exécution, mais il soutient qu'elle entraînait compensation à la date de son prononcé comme prévu par l'article 1348 du code civil.

Cette décision, exécutoire par provision, a conféré dès son prononcé à M [X] une créance liquide et exigible, et susceptible de compensation, que n'interdit pas la procédure de sauvegarde en vertu de l'article L622-7 du code de commerce, ni l'appel en cours contre le titre la constatant, tant que l'exécution provisoire n'a pas été suspendue. Cependant, en application de l'article L 211-2 du code des procédures civiles d'exécution la saisie fructueuse du compte professionnel de M.[X] avait produit son plein effet attributif immédiat au 4 mars 2024, soit avant même l'ouverture de la procédure collective, de sorte que l'apparition postérieure d'une créance compensable ne peut y faire obstacle, et que par substitution de motifs, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée.

Pas plus devant la cour que ne l'avait fait la société Avenir devant le premier juge, le liquidateur judiciaire de cette société ne caractérise l'abus de procédure à l'appui de sa demande de dommages et intérêts et de son appel incident contre le chef de la décision l'ayant rejetée, ni le préjudice distinct des frais irrépétibles induits par se défense en justice. Il convient par conséquent de confirmer ce chef du dispositif de la décision déférée.

M [X] supportera les dépens d'appel mais compte tenu du contexte, aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque au stade de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution dans son intégralité ;

Statuant à nouveau de ce seul chef ;

Cantonne la saisie-attribution pratiquée le 4 mars 2024 entre les mains de la société Banque populaire Val-de-France portant sur la somme totale de 2 771,02 euros en principal, intérêts et frais, sur le seul compte professionnel du débiteur portant le numéro [...] ;

Ordonne en tant que de besoin la mainlevée pour le surplus ;

Déboute la SELARL JSA en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Avenir de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [X] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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