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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 27 mai 2025, n° 23/02509

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Nautic Seaty (SARL)

Défendeur :

Isyt (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marquer

Vice-président :

M. Pascot

Conseiller :

M. Lecler

Avocats :

Me Domingues, Me Clerc, Me Tixeron

T. com. La Rochelle, du 21 janv. 2022

21 janvier 2022

*************

La société à responsabilité limitée 2WIN est une société créée en 2003 et ayant pour activité la conception, la fabrication, l'assemblage, l'achat et la revente (distribution), la gestion ou la location de bateaux de plaisance, et plus particulièrement de catamarans de sport. Cette société s'est nommée désormais Isyt, et Monsieur [R] [B] en était le gérant.

L'activité de la société s'organisait en deux branches, une première branche concernait l'activité de construction et de commercialisation de bateaux, exploitée sous le nom commercial 2WIN et une seconde branche concernait l'activité d'accastillage/ équipement voile légère, exploitée sous le nom commercial 'Yachting Thommeret'.

Monsieur [N] [T] a été salarié de la société 2WIN en tant que responsable du département accastillage 'Yachting Thommeret' du 19 septembre 2005 au 1er décembre 2007 puis en tant que responsable de site du 1er janvier 2008 au 9 novembre 2012.

Et par la suite, il a continué à travailler pour les branches d'activité 2WIN et Yachting Thommeret.

Le 25 avril 2017, Monsieur [T] a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la société 2WIN en qualité de responsable technico-commercial à compter du 1er mai 2017 jusqu'au 2 janvier 2020.

Le 20 décembre 2019, Monsieur [T] a été licencié pour motif économique. La société 2WIN n'a alors plus d'activité ou de salariés.

Le 14 février 2020, la société Isyt a passé avec la société à responsabilité limitée Esprit Yachting un protocole d'accord portant sur la vente de la branche de son fonds de commerce connue sous le nom 'Yachting Thommeret' moyennant le prix de 55 000 euros, outre le stock de marchandises, suivant estimation après inventaire exécuté le matin de la signature de l'acte de vente définitif, et estimé au jour de la signature du protocole à 22 400 euros.

Le 1er mars 2020, Monsieur [T] a créé la société à responsabilité limitée dénommée Nautic Seaty avec une activité de vente de matériel nautique et d'accastillage. Le nom commercial choisi est 'Yachting Accastillage'.

Le 13 mars 2020, Monsieur [Y] [I], gérant de la société Esprit Yachting, a informé Monsieur [B] de sa décision de rompre le protocole de vente de fonds de commerce 'Yachting Thommeret' signé le 14 février 2014 au prix de 55.000 euros augmenté du montant du stock à valoriser.

Le 13 mai 2020, la société Isyt a donc vendu la branche de fonds de commerce moyennant un prix de 5.000 euros à une société dont le gérant est Monsieur [F] [Z].

Par ordonnance sur requête du 10 novembre 2020 signifiée à la société Nautic Seaty le 19 janvier 2021, le tribunal de commerce de La Rochelle a ordonné des mesures d'instruction, confiant aux huissiers instrumentaires la mission d'intervenir dans les locaux de la société Nautic Seaty pour y effectuer différents contrôles notamment en matière informatique et comptable afin de mettre en évidence un éventuel comportement démontrant la concurrence déloyale du dirigeant, Monsieur [T], envers son dernier employeur, la société Isyt.

Le 19 janvier 2021, les huissiers instrumentaires ont rendu compte de leur mission sur un procès-verbal de constat.

La société Isyt a assigné la société Nautic Seaty et de Monsieur [T] devant le tribunal de commerce de La Rochelle.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Isyt a demandé de :

- condamner solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamner solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- débouter Monsieur [T] et la société Nautic Seaty de leurs demandes ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamner solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty aux entiers dépens, en ce compris les frais engagés dans le cadre de la saisie probatoire.

Dans le dernier état de leurs demandes, Monsieur [T] et la société Nautic Seaty ont demandé de :

- débouter la société Isyt de l'ensemble de ses demandes ;

Dans l'hypothèse où la juridiction les condamnerait au paiement total ou partiel des sommes réclamées par la société Isyt,

- condamner la société Isyt à lui verser la somme de 4.140 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 21 janvier 2022, le tribunal de commerce de La Rochelle a :

- reçu la société Isyt en ses demandes, les a dites partiellement fondées et y a fait droit ;

- condamné solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamné solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamné solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty au paiement à la société

Isyt de la somme justement appréciée de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné solidairement Monsieur [T] et la société Nautic Seaty conformément à ce qu'indiquait l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais engagés dans le cadre de la saisie probatoire, au paiement des entiers dépens de l'instance comprenant les frais du greffe s'élevant à la somme de 80,29 euros.

Le 3 février 2022, Monsieur [T] et la société Nautic Seaty ont relevé appel de cette décision en intimant la société Isyt.

L'affaire a été inscrite au rôle sous le numéro de Rg 22/00312.

Le 18 février 2022, Monsieur [T] et la société Nautic Seaty ont fait assigner la société Isyt devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, que fût ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de la Rochelle le 21 janvier 2022.

Par ordonnance en date du 19 mai 2022, la conseillère agissant par délégation de la première présidente en matière de référés, a débouté Monsieur [T] et la société Nautic Seaty de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Par conclusions d'incident transmises le 23 septembre 2022, la société Isyt a saisi le conseiller de la mise en état afin d'ordonner la radiation du rôle de l'affaire RG 22/00312.

Par décision en date du 7 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire du rôle.

Par jugement en date du 28 juillet 2022, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Nautic Seaty, en désignant la société civile professionnelle [W] [O] en qualité de mandataire judiciaire.

Par un jugement en date du 20 décembre 2022, le tribunal de commerce de La Rochelle a adopté le plan de sauvegarde présenté par la société Nautic Seaty.

Le 30 mai 2023, le tribunal de commerce de La Rochelle a constaté que les engagements énoncés dans le plan avaient été tenus et a mis un terme à la procédure de sauvegarde.

Le 15 novembre 2023, l'affaire a été de nouveau inscrite au rôle des affaires en cours, sous le numéro de Rg 23/02509.

Le 7 mars 2024, Monsieur [T] et la société Nautic Seaty ont déposé des conclusions aux fins de reprise de l'instance après radiation.

Le 8 août 2024, la société Isyt a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevables pour tardiveté les conclusions signifiées par la société Nautic Seaty et Monsieur [T] le 7 mars 2024 en ce qu'elles répliquaient à l'appel incident introduit par la société Isyt le 20 juillet 2022.

Le 6 septembre 2024, la société Nautic Seaty et Monsieur [T] ont demandé au conseiller de la mise en état de juger recevables leurs propres conclusions de reprise d'instance.

Par ordonnance en date du 25 novembre 2024, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré recevables les conclusions de reprise d'instance de la société Nautic Seaty et de Monsieur [T] transmises à la cour le 7 mars 2024 ;

- débouté la société Isyt de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société Isyt à payer à Monsieur [T] et la société Nautic Seaty, pris comme une seule et même partie, la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 7 mars 2024, la société Nautic Seaty et Monsieur [T] ont demandé de :

- confirmer le jugement déféré en tant qu'il avait débouté la société Isyt de sa demande au titre du préjudice moral ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* les avait condamnés à payer à la société Isyt la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice matériel ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* avait constaté l'exécution provisoire du présent jugement ;

* les avait condamnés aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Isyt de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Isyt à leur verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 8 août 2024 La société Isyt a demandé :

- de débouter Monsieur [T] et la société Nautic Seaty de leurs demandes ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il avait fait droit à sa demande ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice moral ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- condamner in solidum Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation et à son organisation ;

- condamner in solidum Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice causé par un abus manifeste de leur droit d'ester en justice, sans préjudice de l'amende civile qui serait le cas échéant prononcée ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum Monsieur [T] et la société Nautic Seaty à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamner in solidum Monsieur [T] et la société Nautic Seaty aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais engagés dans le cadre de la saisie probatoire.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2025.

MOTIVATION :

L'action en concurrence déloyale, nonobstant la libre concurrence, tend à sanctionner l'accomplissement de procédés déloyaux au regard des règles présidant à la probité commerciale.

Le parasitisme est un comportement fautif résultant de la volonté délibérée d'un tiers de se placer dans le sillage d'autrui, en tirant indûment profit notamment de la notoriété, du savoir-faire, ou des investissements d'un tiers.

L'action en responsabilité pour agissements parasitaires n'est pas subordonnée à l'existence d'un risque de confusion

L'action en concurrence déloyale et en parasitisme est de nature délictuelle.

I/ sur l'existence des agissements en concurrence déloyale et parasitisme :

0°) Observations liminaires :

A titre liminaire, Monsieur [T] et la société Nautic Seaty entendent se prévaloir de leur transparence à l'égard de la société Isyt quant à la création de leur propre activité, notamment à compter du début de l'année 2020 (la société Nautic Seaty étant créée le 1er mars 2020) après que Monsieur [T] ait fait l'objet d'un licenciement économique par la société Isyt le 20 décembre 2019.

Mais à la supposer établie, cette circonstance est sans emport sur les fautes susceptibles d'être retenues à leur encontre sur le fondement recherché par la société Isyt.

A titre liminaire encore, le premier juge a cru pertinent, au visa des articles L. 121-2 et L. 121-5 du code de la consommation, de qualifier les faits qu'il a retenus à l'encontre de Monsieur [T] de pratiques commerciales trompeuses envers son ex-employeur dans le but de transférer la clientèle et les fournisseurs de la branche 'Yachting Thommeret' de la société Isyt sur sa société Nautic Seaty.

Mais alors que ces textes visent à la protection des consommateurs dans leurs rapports avec les professionnels, mais non pas à la protection des concurrents de ces mêmes professionnels, et alors que la société Isyt s'est bornée à faire grief à Monsieur [T] et la société Nautic Seaty d'agissements délictuels en concurrence déloyale et en parasitisme, une telle qualification est non seulement erronée, mais encore inopérante.

Il restera cependant à déterminer, au regard du fondement retenu par la demanderesse, si les agissements adverses, à les supposer établis, sont de nature à créer un risque de confusion ou un dénigrement auprès de sa clientèle.

A titre liminaire encore, Monsieur [T] fait valoir que le contrat de travail en date du 25 avril 2017 qui l'avait lié à la société 2Win, devenu Isyt, ne comportait aucune clause de non-concurrence.

Mais alors que la société Isyt a agi à son encontre sur le fondement délictuel susdit, et non pas sur un fondement contractuel susceptible de résulter d'une violation de son ancien contrat de travail, ce moyen est là encore inopérant.

A titre liminaire encore, la société Isyt a cru pertinent d'énoncer que les agissements ayant trait à l'utilisation déloyale d'informations obtenues par Monsieur [T] dans le cadre de son contrat de travail constitueraient un manquement de celui-ci à son obligation de loyauté, qui lui interdirait de faire usage des infirmations dont il a eu connaissance dans le cadre de ses fonctions et uniquement en raison de celles-ci à des fins personnelles après la fin de son contrat.

Mais alors que l'obligation de loyauté d'un salarié à l'égard de son employeur n'a vocation à s'appliquer que pendant l'exécution du contrat de travail, et non pas après sa rupture, la qualification ainsi apportée par l'intimée est inopérante.

Et au surplus, et non sans contradiction, elle indique elle-même poursuivre ces agissements sous une qualification délictuelle.

A titre liminaire enfin, la société Nautic Seaty et Monsieur [T] arguent de l'absence de concurrence entre eux-mêmes et la société Isyt, dans la mesure où cette dernière n'exerçait plus d'activité de distribution d'accastillage par suite de son propre licenciement économique au moment où eux-mêmes ont lancé leur propre activité.

Mais alors qu'il est constant que les deux sociétés ont la même activité de distribution d'accastillage, et alors que la société Isyt cherchait alors à vendre son fonds de commerce exploitant son activité de distribution d'accastillage, et dont elle soutient n'avoir retiré qu'un vil prix ensuite des agissements de la société Nautic Seaty et Monsieur [T], il y a lieu de retenir l'existence d'une situation de concurrence.

1°) sur la détention et l'utilisation et de données confidentielles de son ancien employeur :

L'appropriation, par des procédés déloyaux, d'informations confidentielles relatives à l'activité d'un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale (Cass. Com., 8 février 2017, pourvoi n° 15-14.846, diffusé).

La société Isyt fait grief à ses adversaires d'avoir conservé ses propres identifiants de connexion à certains logiciels professionnels qu'elle-même utilisait.

Au cours des investigations au siège de la société Nautic Seaty le 19 janvier 2021, Monsieur [T] a déclaré à l'officier ministériel instrumentaire ignorer les mots de passe permettant de se connecter notamment à SendingBlue à partir des identifiants de la société 2Win, dont il a déclaré ne jamais avoir eu connaissance

Mais il résulte de l'exploitation des fichiers détenus par les appelants l'existence d'un lien vers le site internet yachting.fr comprenant une connexion le 27 octobre 2020, dont l'une comprend une liste de mots de passe préenregistrés au nom de Yachting Thommeret, et ce peu important que Monsieur [T] déclare en ignorer l'existence.

Ainsi, en détenant les identifiants de connexion de la société Isyt, les appelants ont commis une faute.

Ces investigations ont aussi mis en évidence la détention, par la société Nautic Seaty et Monsieur [T], du catalogue Yachting Thommeret 2019- 2020 et des prix pratiqués par la société 2Win Yachting Thommeret en 2020.

En outre, dans son mail en date du 21 janvier 2020, Monsieur [T] demande à Monsieur [G] de lui adresser une mise à jour du tarif 2020 sur la base des articles sélectionnés en 2019 ; il lui demande en outre une communication du tarif général de manière à pouvoir renseigner instantanément sur les articles qu'il n'avait pas référencés.

Il en résulte ainsi que les appelants ont utilisé le tarif 2020 de Yachting Thommeret, retrouvé en leur possession, auprès de ce fournisseur, pour lancer immédiatement leur propre activité.

Ils ont encore par-là même commis une faute, susceptible aussi d'être qualifiée de parasitisme.

A l'issue de cette analyse, par la détention d'identifiants de connexion, du catalogue de produits, et du catalogue des prix de la société Isyt, par une connexion le 27 octobre 2020, et par l'utilisation de ce dernier catalogue dans leurs relations avec le même fournisseur susdit, la société Nautic Seaty et Monsieur [T] ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

2°) Sur le détournement de clientèle :

Une entreprise ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif sur ses clients. Le démarchage de la clientèle d'un concurrent est donc licite dès lors qu'il n'est pas accompagné de procédés déloyaux (Cass. Com., 24 octobre 2000, n°98-19. 774).

Il n'y a pas de démarchage illicite, dès lors que le déplacement de clientèle n'est pas la conséquence de man'uvres déloyales, mais procède d'initiatives spontanées de la clientèle (Cass. Soc., 12 avril 1995, n° 89-44. 088).

N'est pas fautif pour un salarié le fait d'utiliser les informations relatives à la clientèle de son employeur si ces informations ne sont pas confidentielles et ne relèvent pas d'un savoir-faire propre à celui-ci (Cass. Com., 11 février 2003 n°00-15. 149).

N'est pas non plus fautif le fait pour l'ancien salarié d'une société d'utiliser les contacts qu'il a précédemment tissés avec la clientèle de celle-ci, dès lors que l'existence de man'uvres déloyales n'est pas démontrée (Cass. Com., 23 octobre 2007, n° 05-17. 155).

* * * * *

La société Isyt fait grief à ses adversaires d'avoir démarché en priorité de manière systématique ses propres fournisseurs et clients, sur la base des listes de fournisseurs et clients dont Monsieur [T] avait eu connaissance dans le cadre de ses fonctions.

Mais alors que les investigations informatiques résultant du constat du 19 janvier 2021 ne mettent pas en évidence que Monsieur [T] aurait eu en sa possession le fichier clients ou les données commerciales et techniques des clients de la société Isyt, la circonstance que dans le cadre de leur nouvelle activité, Monsieur [T] et la société Isyt contactent les clients de la société Isyt ne présente, en elle-même, aucun caractère fautif.

* * * * *

La société Isyt fait grief aux appelants d'avoir conservé certains identifiants et mots de passe permettant à se connecter à diverses applications, logiciels ou services en ligne qu'elle-même avait souscrits, et d'avoir continué à en faire usage pour les besoins de la société nouvellement créée après la fin du contrat de travail de Monsieur [T].

Elle soutient ainsi que les appelants ont fait usage du service d'envoi groupé de courriers promotionnels Sending Blue, qu'elle-même avait souscrit et qui était géré par Monsieur [T] lorsque ce dernier était son salarié, notamment le 27 avril 2020, pour un premier envoi de la campagne de lancement de l'activité Yachting Accastillage.

Elle avance que cet envoi comporte une liste exhaustive de ses propres clients, n'ayant pas consenti à un contact par une société tierce.

Mais selon les termes du constat de commissaire de justice, les investigations n'ont pas mis en évidence de trace de connexion à SendingBlue ou au back office/administration du site yachting.fr.

Et s'il ressort de la pièce n°9 de l'intimée un brouillon en date du 27 avril 2020 ayant pour objet la campagne de lancement de l'activité Yachting Accastillage, il n'apparaît pas que celle-ci émane du service SendingBlue, car la référence à ce service, figurant sur la pièce produite par la société Isyt, fait apparaître qu'elle résulte d'une mention imprimée distincte apportée par la société Isyt elle-même.

Et le mail du 1er février 2020, faisant état du changement d'adresse e-mail liée au compte détenu auprès de SendingBlue par la société 2Win, ne permet pas d'en attribuer l'origine à Monsieur [T] ou à la société Nautic Seaty.

La société Isyt reproche encore aux appelants d'avoir fait usage du service de communication groupée Mailjet, dont les rapports d'activité feraient apparaître des envois opérés par [N] alors que la société Isyt ne disposait plus des identifiants permettant d'utiliser ce service.

Elle produit à cet égard un mail en date du 27 avril 2020, faisant apparaître l'historique de son activité d'envoi au cours de la semaine passé par l'identifiant [N].

Mais au cours des investigations du 19 janvier 2021, Monsieur [T] a déclaré utiliser le service Mailjet avec de nouveaux identifiants et avoir créé un nouveau compte à cette fin.

Et ni le mail susdit du 1er février 2020, ni aucun autre élément soumis à l'appréciation de la cour, ne permet de déterminer que Monsieur [T] et la société Nautic Seaty auraient utilisé les identifiants de la société Isyt sur le logiciel Mailjet.

A cet égard, la circonstance que l'identifiant [N] corresponde aux initiales du prénom de Monsieur [T] ([N]) ne suffit pas à démontrer que c'est ce dernier qui est l'auteur de ces connexions.

La société Isyt reproche encore aux appelants d'avoir utilisé le service d'édition de son propre site internet, permettant d'identifier, dans les historiques de connexion, des connexions de Monsieur [T] postérieures à son départ et correspondant à des suppressions ou des modifications de fiches produites sur ce site.

Si elle produit une liste de connexions à son site internet, établissant des connexions du 21 janvier 2020 au 22 avril 2020, attribuée à un salarié sous l'identifiant [N] [T], alors que celui-ci avait fait l'objet d'un licenciement économique le 20 décembre 2019, elle ne démontre pas que l'auteur de ces connexions utilisant cet identifiant serait réellement Monsieur [T], plutôt qu'un autre de ses préposés utilisant ce même identifiant, qui n'aurait éventuellement pas été mis à jour ensuite du départ de ce salarié.

La société Isyt reproche enfin à Monsieur [T] et à la société Nautic Seaty d'avoir modifié des informations la concernant figurant sur le moteur de recherche Google, afin qu'elle apparaisse comme ayant cessé son activité.

Mais par la simple production d'une page sur le moteur de recherche Google avec les mots clés 'yachting thommeret' qui ne comporte aucune date, la société Isyt ne démontre pas que les documents issus de ce moteur de recherche la signalent comme ayant cessé son activité, ni ne font apparaître aucune intervention personnelle des appelants concernant sa cessation d'activité alléguée.

A l'issue de cette analyse, la société Isyt défaille à démontrer toute utilisation par Monsieur [T] et par la société Nautic Seaty des identifiants et mots de passe de diverses applications, logiciels ou services en ligne qu'elle-même avait souscrits, et d'avoir continué à en faire usage pour les besoins de la société nouvellement créée après la fin de son contrat de travail.

3° Le dénigrement :

Le dénigrement est constitué par des agissements qui tendent à jeter le discrédit sur un concurrent ou les produits fabriqués par ce dernier.

Le dénigrement consiste à porter atteint à l'image de marque d'une entreprise ou d'un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tous cas de manière à toucher les clients de l'entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l'auteur.

Celui-ci se distingue de la libre critique ou de critiques anodines, conformes aux usages commerciaux.

La concurrence déloyale peut être constituée même si les faits révélés sont exacts.

Est constitutif d'un dénigrement le fait pour un fabricant de mettre en cause la qualité de produits concurrents.

Le support des propos dénigrants doit faire l'objet d'une certaine publicité, indispensable pour que ceux-ci soient susceptibles de produire des effets dommageables vis-à-vis de la clientèle.

Le silence, opposé par une partie à l'affirmation d'un fait, ne vaut pas reconnaissance de ce fait.

La société Isyt soutient que les termes des diverses correspondances adressées par la société Nautic Seaty à ses propres clients et fournisseurs jettent le discrédit sur sa personne, en comparant les deux sociétés respectives à son détriment.

Elle cite ainsi un extrait d'un e-mail émanant de Monsieur [T] et adressé à Madame [U], de l'entreprise Liusgear en date du 4 mars 2020 : « customers call me to inquire, but they don't want to buy from him » (traduction : les clients m'appellent pour demander, mais ils ne veulent pas acheter auprès de lui ou d'elle).

Elle soutient que par ce mail, Monsieur [T] a insisté auprès de son interlocuteur pour que ce fournisseur cesse d'approvisionner la société Isyt. Il expose que la personne désignée dans ce mail par lui ou elle est la société Isyt.

Mais il ne ressort pas de ce mail que la personne ainsi désignée est la société Isyt.

Cependant, il ressort du mail adressé le 17 février 2020 par Monsieur [T] à Air et Aventure que celui-là :

- y a exposé que le fournisseur Psp a annulé sa commande auprès de Yachting Thommeret, car ce dernier a des problèmes de paiement depuis plusieurs mois et a de grosses difficultés à se faire livrer par ses fournisseurs, ce qui était difficile pour lui de le dire aux clients au moment où il était en poste, mais qu'il s'agissait en partie de la raison pour laquelle il était parti ;

- a déclaré être en mesure de livrer les mêmes références Psp que ce client commandait à Yachting Thommeret.

Et ce mail a été extrait du dossier Air et Aventure, retrouvé par l'huissier dans les fichiers informatiques lors de son constat (page 9).

Dans son mail en date du 14 février 2020, adressé à [K] [S], Monsieur [T] informe son interlocutrice des difficultés personnelles qu'il rencontre dans ses négociations avec Monsieur [B] concernant la vente de Yachting Thommeret, n'ayant personnellement aucun retour de la part de Monsieur [B], dont il pense qu'il ne sait pas ce qu'il veut, dont il pense que c'est un désordre (mess en anglais) tout en ajoutant 'we don't change the nature of people...-('.

Il ajoute recevoir des appels de la part d'anciens clients ne comprenant pas ce qui se passe, en ajoutant qu'un client attend des réparations d'urgence depuis 2 mois, que les commandes de certains clients arrivent mais ne sont pas traitées, que les clients ne sont pas rappelés et ne sont pas livrés, que ceci n'est pas sérieux, n'est pas bon pour le commerce et la branche qu'il représente.

Et il informe son interlocutrice du lancement de sa propre activité similaire à partir du 1er mars 2020, en précisant s'impliquer à la représenter en France pour la distribution de ses produits.

Surtout, il demande à ce fournisseur ne de ne plus livrer Yachting Thommeret à compter du 1er mars

A l'issue de cette analyse, il y aura lieu de retenir que la société Nautic Seaty et Monsieur [T] ont commis des actes de dénigrement de la société Isyt à l'adresse des deux fournisseurs susdits.

4° Confusion :

La société Isyt fait grief aux intimés d'avoir utilisé la dénomination commerciale Yachting Accastillage, qui serait extrêmement similaire à 'Yachting Thommeret', désignant depuis des années sa propre activité d'accastillage.

La société Isyt fait encore reproche à ses adversaires d'avoir utilisé le nom de domaine Yachting.fr et des déclinaisons de ces termes utilisés par elle-même, selon les produits concernés, comme yachting accastillage, yachting sécurités, yachting sails, yachting gréement.

Mais d'une part, en ce que l'activité de la société créée serait susceptible de se diriger vers des professionnels, ceux-ci ne peuvent commettre aucune confusion.

Surtout, eu égard à une similitude de domaine d'activité, l'utilisation par la nouvelle société d'un nom de domaine yachting.fr et des déclinaisons de ces termes, également employés jusqu'alors par la société Isyt, n'est pas plus susceptible d'engendre de confusion.

Au surplus, il ressort des mails adressés par Monsieur [T] aux anciens clients de la société Isyt que celui-ci y indique avoir quitté la société Isyt et lancer sa propre activité indépendante, de telle sorte qu'aucun risque de confusion n'est ainsi allégué.

En ce sens, le fait d'adresser à ces clients un e-mail promotionnel ayant pour titre 'Yachting Accastillage - un nouveau nom, une même équipe, de nouveaux locaux' n'est pas suffisamment de nature à créer cette confusion, alors que les mails associés viennent informer les clients du lancement par Monsieur [T] de sa propre activité indépendante, sans que les remerciements qu'il leur adresse pour leur confiance passée ne soient de nature à infléchir cette analyse.

Et s'il fait référence, dans les mails adressés aux clients, au projet -avorté- de cession à son profit du fonds de commerce exploité sous l'enseigne Yachting Thommeret par la société Isyt, cette référence bien au contraire vient mettre en exergue la nécessaire distinction et l'évidence indépendance de sa nouvelle activité en cours de lancement.

* * * * *

A l'appui de cette confusion prétendue, la société Isyt soutient encore que certains client ont payé des factures qui lui étaient dues à la société Nautic Seaty.

Elle produit ainsi un mail en date du 28 mai 2020, par lequel le service comptable de la société Isyt annonce à son dirigeant que le client Mariton lui a dit avoir payé une facture à Yachting Accastillage et que toutes les coordonnés entreprises et bancaires auraient été changées sur leur fiche client, pour un montant de 30,36 euros.

Elle renvoie encore pour ce faire à un mail que lui a adressé l'assistante comptable de la société Mariton, le 28 mai 2020, indiquant ne pas avoir pu obtenir du service achat le mail dont elle leur avait parlé, et avoir appris ce jour que Yachting Accastillage était une société différente et ne pas avoir à ce jour aucune information sur celle-ci, et être désolée de ne pas pouvoir les aider.

Mais alors que la société Isyt n'a même pas produit la facture dont elle prétend être l'auteur, que le client Mariton indique lui-même ne pas retrouver le mail émanant de Yachting Accastillage, il n'apparaît pas suffisamment en quoi son paiement - à le supposer établi- par le client Mariton procède d'un changement de coordonnées susceptible d'être imputé à faute la société Nautic Seaty et à Monsieur [T], plutôt qu'à une erreur faite par ce client lui-même.

Ainsi contrairement aux affirmations de la société Isyt, ces mails ne font pas apparaître que ce client aurait payé à la société Nautic Seaty une facture que lui avait adressée la société Isyt.

* * * * *

La société Isyt soutient encore que des clients ont transmis par mail des commandes passées à la société Nautic Seaty à Monsieur [B], pensant toujours avoir eu affaire à leur fournisseur habituel, puisque Monsieur [T] avait pris contact avec eux en faisant expressément référence aux relations nouées lorsqu'il était salarié de la société 2Win.

Elle se borne à renvoyer aux messages qui lui ont été retransmis, initialement adressés par Monsieur [T] sous l'enseigne Yachting Accastillage les 14 mai et 12 juin 2020 à Monsieur [A], pour l'informer être le nouvel importateur en France de ses marques, lui proposer également d'autres références et articles, en rappelant être installé au nord de [Localité 4] avec un local et du stock, avoir travaillé avec ce client, espérer pouvoir continuer la relation d'affaires, et en lui indiquant pouvoir livrer les pièces qu'il commandait précédemment.

Là encore, ce message se borne à présenter la nouvelle activité de Monsieur [T] de manière distincte de celle de la société Isyt : il n'est pas fautif.

* * * * *

A l'issue de cette analyse, aucun risque de confusion à l'égard de la clientèle n'est ainsi établi.

II/ Sur la réparation des dommages :

Pour être réparable, un dommage doit être rattaché à un fait générateur par un lien de causalité.

Un préjudice est un dommage actuel et certain, et non pas potentiel et hypothétique.

Il appartient à la victime d'une faute de rapporter la preuve de son préjudice, et le lien de causalité de celui-ci avec celle-là.

Le principe de réparation intégrale consiste à replacer la victime aussi exactement que possible dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée en l'absence de survenance du fait dommageable.

Le préjudice comporte à la fois la perte subie et le gain manqué.

En matière de concurrence déloyale, le préjudice peut être évalué notamment en fonction des avantages concurrentiels retirés par l'auteur des pratiques déloyales, modulé au regard des volumes d'affaires respectifs des parties affectées par lesdits agissements (Cass. com., 12 février 2020, n°17-31.614, publié).

Il s'infère nécessairement de l'existence d'actes déloyaux l'existence d'un préjudice, fût-il seulement moral (Cass. Com., 12 janvier 2022, n°20-11.378).

Un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyal, générateur d'un trouble commercial (Cass. com., 2 décembre 2008, 07-19-.861).

Mais une cour d'appel peut retenir que la preuve du trouble n'est pas rapportée, dès lors que la société n'indique ni quelle serait la nature du trouble commercial, ni n'a fourni le moindre document permettant d'en apprécier la valeur pécuniaire (Cass. com., 18 septembre 2019, n°18-11.678).

1) sur le préjudice économique :

Les appelants arguent de l'inexistence du préjudice de la société Isyt, motif pris de ce que cette dernière ne souhaitait pas reprendre l'activité dite 'Yachting Tommeret'.

En particulier, Monsieur [T] indique que son propre licenciement économique par la société Isyt serait la démonstration de que celle-ci n'aurait plus aucune valeur, sauf s'agissant de son stock.

Mais alors que le préjudice dont la société Isyt réclame réparation n'est pas afférent à la perte d'exploitation dont elle aurait été privée par les agissements des intimés, mais à la perte de valeur de son fonds de commerce qu'elle souhaitait effectivement vendre, résultant selon elle des agissements des intéressés, ce moyen est là encore inopérant.

La société Isyt demande la réparation de son préjudice économique à hauteur de 50 000 euros.

Elle avance avoir bénéficié d'une promesse émanant de Monsieur [I], s'engageant à acquérir son fonds de commerce de distribution d'accastillage exploité sous l'enseigne Yachting Thommeret à hauteur de 55 000 euros, hors stock.

Et elle indique n'avoir finalement pu céder son fonds de commerce qu'à hauteur de 5000 euros, le premier candidat acquéreur ayant renoncé à son acquisition après avoir appris les agissements de Monsieur [T] et de la société Nautic Seaty.

Si les appelants soutiennent que la dite offre n'a pas été communiquée, il ressort de la deuxième page de la pièce n°13 de la société Isyt la production de cette offre signée par les parties en date du 14 février 2020, à hauteur de 55 000 euros hors stock.

Dans son courrier en date du 13 mars 2020, Monsieur [I] expose renoncer à son acquisition, après avoir appris que Monsieur [T] était en train de montrer une structure en tous points similaire à Yachting Thommeret, sur le même marché avec les mêmes produits, et après avoir intercepté un mail provenant de lui ayant pour sujet 'Yachting Accastillage - un nouveau nom, une même équipe, de nouveaux locaux', et destiné à un actuel client de Yachting Thommeret.

Mais il sera renvoyé aux développements figurant plus haut, pour en rappeler que le seul lancement par les appelants d'une activité concurrente à celle de la société Isyt, et que la seule prise de contact avec les clients et fournisseurs de celle-ci ne sont pas fautives.

En outre, dans son attestation, Monsieur [Z] acquéreur du fonds de commerce de la société Isyt, n'indique pas le prix de cette acquisition, dont la seconde défaille dès lors à démontrer sa prétendue baisse de valeur à 5000 euros.

Ainsi, la société Isyt défaille à démontrer la perte de valeur de son fonds de commerce qu'elle allègue.

Et d'autre part et surtout, aucun élément ne permet d'établir que Monsieur [I] aurait renoncé à son acquisition après avoir pris contact ou avoir connaissance des seuls agissements fautifs exercés par les intéressés auprès des clients, fournisseurs ou prospect auprès desquels il est désormais établi des actes de dénigrement, soit les seuls [K] [S], d'une part, et Air et Aventures, d'autre part, ou bien encore le seul client ou fournisseur auprès duquel il est démontré l'utilisation déloyale des données techniques et commerciales de la société Isyt, à savoir Monsieur [G].

Ainsi, il sera retenu que Monsieur [I] a renoncé à son acquisition après avoir eu connaissance du lancement par Monsieur [T] de sa propre activité concurrente, et de sa campagne auprès des anciens clients, sans que son attestation démontre qu'il ait eu connaissance de quelconques agissements fautifs des intimés, limités aux seuls trois clients et fournisseurs sus énumérés.

Dès lors, la société Isyt défaille à démontrer tout lien de causalité entre le dédit de ce premier candidat à l'acquisition de son fonds de commerce et les agissements fautifs retenus imputés aux appelants.

Enfin, la société Isyt, sur ce poste de préjudice, se borne à faire état de la seule perte de valeur de son fonds de commerce.

En conclusion, la société Isyt défaille à démontrer l'existence de tout préjudice économique ou matériel réparable en lien avec les agissements fautifs.

Il y aura donc lieu de débouter la société Isyt de sa demande de dommages-intêrêts en réparation de son préjudice matériel, et le jugement sera infirmé de ce chef.

2°) Sur le préjudice moral :

La société Isyt demande la réparation à hauteur de 10 000 euros de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation et à son organisation.

Il sera rappelé que les seuls agissements fautifs dont la preuve est rapportée concernent :

- la détention des identifiants de la société Isyt et leur utilisation pour une connexion au site

yaching.fr le 27 octobre 2020 ;

- la détention d'un catalogue de produit et d'un catalogue des prix de la société Isyt ;

- l'utilisation de ce catalogue des prix par les appelants dans leurs relations avec le seul fournisseur [G] :

- le dénigrement de la société Isyt auprès de [K] [S], d'une part, et Air et Aventures, d'autre part.

Si aucune atteinte à l'organisation de la société Isyt n'est démontrée, il y aura de retenir que les agissements fautifs de la société Nautic Seaty et de Monsieur [T] susdits seront entièrement réparés par une indemnité de 5000 euros que les appelants seront condamnés in solidum à lui payer : le jugement sera infirmé de ce chef.

La cour au besoin, déboutera la société Isyt du surplus de ses demandes.

Sur l'abus de procédure :

Seule une intention dolosive ou malicieuse, ou encore une faute grave équivalente au dol, est susceptible de faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice.

La société Isyt demande la condamnation de Monsieur [T] et de la société Nautic Seaty à 10 000 euros de dommages-intérêts pour abus du droit d'agir en justice.

Elle leur fait grief d'avoir de mauvaise foi retardé le moment d'exécuter le jugement de première instance, en en demandant la suspension devant le premier président de la cour de céans, en invoquant devant la juridiction primo-présidentielle une erreur matérielle prétendue pour tenter d'obtenir une réouverture des débats ou une modification du jugement, détournant ainsi la procédure en rectification d'erreur matérielle, et alors que l'erreur invoquée n'avait aucune incidence.

Elle leur reproche encore d'avoir demandé l'ouverture d'une procédure collective pour la société Nautic Seaty, qui n'était pas en cessation de paiement alors que sa seule dette était la condamnation prononcée à son encontre par le jugement dont appel, qu'ils avaient encore cru pertinent de contester dans un tel cadre procédural, et d'avoir obtenu seulement une période de sauvegarde purement symbolique d'une durée de 2 mois, avant d'être contraints à exécuter le jugement plus d'un an après son prononcé.

Mais d'une part, au regard du préjudice finalement retenu à hauteur de cour, d'un quantum réduit de 90 % par rapport au jugement, et qui de surcroît ne porte pas sur le préjudice retenu par le premier juge, la saisine par les appelants de la juridiction primo-présidentielle sus décrite aux fins d'arrêter l'exécution du jugement déféré ne procède d'aucun abus de procédure.

Et d'autre part, alors que la sauvegarde de la société Nautic Seaty a effectivement été prononcée par le tribunal de commerce de La Rochelle le 28 juillet 2022, que le plan de sauvegarde a été adopté le 20 décembre 2022, puis qu'il y été mis fin le 30 mai 2023, par jugement du même tribunal, aucun abus de procédure ne peut résulter de la demande faite par les appelants tendant au placement de la société Nautic Seaty en procédure collective, à laquelle il a été fait droit.

Il y aura donc lieu de débouter la société Isyt de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

* * * * *

Le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné solidairement la société Nautic Seaty et Monsieur [T] aux dépens de première instance et à payer à la société Isyt la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

La société Nautic Seaty et Monsieur [T] seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de deux instances.

La société Nautic Seaty et Monsieur [T] seront condamnés in solidum aux dépens des deux instances ce compris les frais engagés dans le cadre de la saisie probatoire, et à payer à la société Isyt la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Condamne in solidum Monsieur [N] [T] et la société à responsabilité limitée Nautic Seaty à payer à la société à responsabilité limitée Isyt la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral pour concurrence déloyale et parasitisme;

Déboute la société à responsabilité limitée Isyt de sa demande à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ou économique pour concurrence déloyale et parasitisme ;

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré ;

Déboute la société à responsabilité limitée Isyt de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Déboute Monsieur [N] [T] et la société à responsabilité limitée Nautic Seaty de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne in solidum Monsieur [N] [T] et la société à responsabilité limitée Nautic Seaty à payer à la société à responsabilité limitée Isyt la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne in solidum Monsieur [N] [T] et la société à responsabilité limitée Nautic Seaty aux entiers dépens de première instance d'appel en ce compris les frais engagés dans le cadre de la saisie probatoire ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

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