CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 23 mai 2025, n° 23/04425
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 23 MAI 2025
(n°61, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 23/04425 - n° Portalis 35L7-V-B7H-CHHWA
sur déféré à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du pôle 5 chambre 2 de la Cour d'appel de PARIS rendue le 13 juin 2024 (RG n°23/04425)
DEMANDERESSES AU DEFERE
S.A.S. N2LT PARTNERS, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 789 321 601
S.A.S. GRENADINES & CIE, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 399 885 904
Représentées par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 34
DEFENDERESSES AU DEFERE
Mme [L] [Y] épouse [F]
Née le 19 juin 1961 à [Localité 10]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 5]
Mme [Z] [E] épouse [G]
Née le 11 décembre 1966 à [Localité 9]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1]
S.A.S. MARKUS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 432 486 785
Représentées par Me Stéphane LAUBEUF de l'AARPI GREENWICH, avocat au barreau de PARIS, toque P 83
Assistées de Me Arthur SAINT-OYANT plaidant pour l'AARPI GREENWICH et substituant Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque P 83
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie SALORD, Présidente de chambre, en présence de M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport
Mme Marie SALORD et M. Gilles BUFFET ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente
Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 23 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l'appel interjeté le 1 er mars 2023 par la société Markus, Mmes [Y] et [E],
Vu l'ordonnance sur incident rendue le 13 juin 2024 par le conseiller de la mise en état,
Vu la requête afin de déféré de cette ordonnance notifiée le 27 juin 2024 par la société N2LT Partners et la société Grenadines & Cie,
Vu les conclusions en défense notifiées le 4 décembre 2024 par la société Markus, Mmes [Y] et [E],
SUR CE, LA COUR
Mmes [Y] et [E] étaient les anciennes associées fondatrices et dirigeantes de la société Grenadines & Cie qui est une agence de communication dans le secteur de l'immobilier.
Elles ont cédé cette société à la société Holding Looping le 23 mars 2016 et démissionnaient de leur mandat social le 21 avril suivant pour rester salariées de la société Grenadines & Cie dont elles étaient licenciées le 1er février 2019. Deux protocoles transactionnels ont été signés le 20 février 2019.
Entre temps, le 11 octobre 2018, elles ont cédé les parts qu'elles détenaient dans la société Holding Looping à la société N2LT Partners. Le pacte d'associés conclu le 22 avril 2016 lors de l'acquisition de la société Grenadines & Cie par la société Looping a été résilié le 8 février 2019.
Mmes [Y] et [E] ont alors rejoint la société Markus qui a la même activité que la société Grenadines & Cie.
Les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie reprochant à Mmes [E] et [Y] ainsi qu'à la société Markus des actes de concurrence déloyale, ont été autorisées par ordonnance du 7 juillet 2020 du président du tribunal de commerce de Paris au visa de l'article 145 du code de procédure civile, à faire procéder par huissier de justice à la saisie de certains documents. Les opérations se sont déroulées le 14 septembre 2020 et les documents saisis séquestrés à l'étude de l'huissier instrumentaire.
Par ordonnance de référé du 18 février 2021, l'ordonnance du 7 juillet 2020 a été entièrement rétractée.
Par arrêt du 28 octobre 2021, la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance de référé du 18 février 2021, dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 7 juillet 2020, ordonné la mainlevée du séquestre et la remise des documents aux sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie. Cette décision a été l'objet d'un pourvoi en cassation.
Par acte du 20 avril 2022, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ont fait assigner la société Markus et Mmes [E] et [Y] devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle afin de leur réclamer l'indemnisation de divers préjudices.
La société Markus et Mmes [E] et [Y] ont sollicité un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation qui devait être rendu sur pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 octobre 2021.
Par jugement du 23 janvier 2023, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Markus ainsi que Mmes [Y] et [E] de leur demande de sursis à statuer et leur a enjoint de communiquer les pièces 35 et 42 et des extraits du grand livre de la société Markus concernant la facturation certifiée par le commissaire aux comptes des prestations 'non digitales' (brochures, affichage, presse, PLV, bureau de vente, identité, tract ou marketing direct) effectuées auprès des clients suivants (ou leurs filiales) : Sefri-Cime, BNP Paribas, Emerige, Cogedim, Verrechia, Quartus, Vinci Immobilier, et ce, à la date du 14 septembre 2020, dans les quinze jours à compter de la signification du jugement, renvoyé la cause à l'audience du 3 mars 2023 pour conclusions au fond et réservé les dépens.
Par déclaration du 1er mars 2023, Mmes [Y] et [E] et la société Markus ont interjeté appel de cette décision.
Les parties ont conclu au fond, une ordonnance de clôture a été rendue par le conseiller de la mise en état le 14 décembre 2023 et l'affaire fixée pour être plaidée le 4 avril 2024.
L'arrêt de la Cour de cassation attendu a été rendu le 18 janvier 2024, cassant et annulant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 octobre 2021.
En raison de cette cause grave, l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2023 a été révoquée par ordonnance du 4 avril 2024 et l'affaire renvoyée à l'audience de mise en état du 19 septembre 2024 pour poursuite de la procédure.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 10 avril 2024, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir constater l'irrecevabilité de l'appel.
Par ordonnance du 13 juin 2024, le conseiller de la mise en état :
- s'est dit valablement saisi et compétent pour connaître de la recevabilité de l'appel,
- a dit recevables les conclusions d'incident des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie,
- a déclaré recevable l'appel formé le 1 er mars 2023 par la société Markus et Mmes [Y] et [E] à l'encontre du jugement du 23 janvier 2023 du tribunal de commerce de Paris,
- vu l'article 700 du code de procédure civile, a condamné les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie à payer la somme de 2 000 euros à la société Markus, Mme [Y] et Mme [E], ensemble, au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'incident,
- a condamné les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie aux entiers dépens de l'incident.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juin 2024, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ont déféré cette ordonnance devant la cour, lui demandant de :
- infirmer l'ordonnance sur incident rendue par le conseiller de la mise en état le 13 juin 2024 en ce qu'elle déclare recevable l'appel formé le 1 er mars 2023 par la société Markus et Mmes [Y] et [E] à l'encontre du jugement du 23 janvier 2023 du tribunal de commerce de Paris, condamne les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens,
Par conséquent,
- constater que le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2023 est un jugement avant dire droit, insusceptible d'appel immédiat,
- déclarer irrecevable l'appel immédiat interjeté le 1 er mars 2023 par Mmes [Y] et [E] et la société Markus contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2023,
- débouter Mmes [Y] et [E] et la société Markus de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner Mmes [Y] et [E] et la société Markus à verser la somme de 2 000 euros chacune aux sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 4 décembre 2024, Mmes [Y] et [E] et la société Markus demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 juin 2024 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- déclarer recevable l'appel immédiat formé par la société Markus et Mmes [Y] et [E] à l'encontre du jugement du 23 janvier 2023,
- débouter les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie de leur incident et de leur demande d'irrecevabilité,
- condamner les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ensemble à verser à la société Markus et Mmes [Y] et [E] la somme de 2 000 euros ensemble sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tel que mentionnée au dispositif de l'ordonnance du 13 juin 2024,
Y ajoutant,
- condamner les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ensemble à verser à la société Markus et Mmes [Y] et [E] la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens de l'incident.
MOTIFS :
Les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie font valoir qu'au cas d'espèce, le jugement dont appel a débouté une partie de sa demande de sursis à statuer et ordonné une communication de pièces ; qu'il n'a tranché aucun chef au principal et qu'il s'agit d'un jugement avant dire droit au sens de l'article 482 du code de procédure civile insusceptible d'appel immédiat ; que l'appel d'un jugement déboutant une partie d'une demande de sursis à statuer et qui tranche donc une exception de procédure ne mettant pas fin à l'instance au sens de l'article 544 du code de procédure civile n'est pas susceptible d'appel immédiat, même avec autorisation du premier président de la cour d'appel ; que la seule exception concerne les ordonnances du juge de la mise en état déboutant une partie d'une demande de sursis à statuer dont l'appel est soumis à un régime d'exception prévu par l'article 795 du code de procédure civile ; que, par ailleurs, un jugement qui ordonne une injonction de communiquer des pièces n'est pas plus susceptible d'un appel immédiat ; que la demande de communication de certaines pièces n'a pas été présentée au même titre que les demandes indemnitaires devant le tribunal de commerce ; que l'assignation devant cette juridiction ne formulait aucune demande de communication de pièces, cette demande n'ayant été formée que postérieurement dans des conclusions en réponse à l'exception dilatoire de la société Markus et Mmes [Y] et [E] tendant à surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en cours devant la Cour de cassation, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ayant alors répliqué qu'il serait d'une bonne administration de la justice d'enjoindre aux appelantes de produire les documents prouvant leurs agissements délictueux dans le cadre de la procédure contradictoire ; que l'objectif poursuivi par les sociétés N2LT et Grenadines & Cie était donc de permettre au tribunal de se prononcer sur la réparation des préjudices résultant de ces agissements en s'appuyant sur les pièces dont la production était sollicitée ; que, partant, la demande de communication de pièces ne constitue pas une prétention au fond mais une mesure d'administration judiciaire de la preuve, de sorte qu'en y faisant droit, le tribunal n'a pas tranché une partie du principal.
La société Markus et Mmes [Y] et [E] répliquent que les parties ont toujours la possibilité de former appel à l'encontre d'un jugement statuant sur une demande de sursis à statuer ; que le tribunal de commerce a statué sur une exception qui devait lui être présentée avant toute défense au fond, après avoir examiné le fond du litige puisqu'il devait déterminer si la survenance d'un événement (la décision de la Cour de cassation) était susceptible d'exercer une influence sur la décision à intervenir ; que si le sursis est ordonné, l'appel est subordonné à une autorisation du premier président de la cour d'appel tandis qu'en cas de rejet de la demande de sursis à statuer, l'appel immédiat est possible ; que des prétentions au fond avaient bien été formulées en première instance, aucun jugement avant dire droit n'étant sollicité ; que le tribunal de commerce a bien statué sur une prétention des sociétés demanderesses au déféré, lesquelles formaient diverses prétentions, toutes situées au même niveau procédural, parmi lesquelles la production de documents à l'instar des demandes de condamnation ; que ces sociétés ont fait d'une demande de communication de pièces une prétention à part entière, sans la dissocier des autres demandes de condamnation ; que le jugement leur a été signifié avec l'indication qu'elles pouvaient en relever appel.
Réponse de la cour :
Aux termes de l'article 544 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable antérieure au décret 2023-686 du 29 juillet 2023, les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal.
Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance.
L'article 545 dudit code dispose que les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi.
Si la décision ordonnant le sursis à statuer est susceptible d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel par application de l'article 380 du code de procédure civile, le jugement qui rejette une exception de sursis à statuer ne peut faire l'objet d'un appel immédiat, faute d'entrer dans les cas visés aux articles 544 et 380 du code de procédure civile et ne tranche pas une partie du principal.
Par ailleurs, la communication de pièces ordonnée par le jugement du 23 janvier 2023 s'analyse en une mesure d'instruction qui n'est susceptible d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond.
Ce jugement n'ayant tranché aucune partie du principal portant sur la responsabilité de la société Markus et de Mmes [Y] et [E] ni statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance, l'appel immédiat contre cette décision est irrecevable.
L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel formé par la société Markus et Mmes [Y] et [E] contre ce jugement et prononcé des condamnations à l'encontre des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie au titre des dépens et des frais irrépétibles.
La société Markus et Mmes [Y] et [E] seront condamnées aux dépens d'appel et à payer ensemble à chacune des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME l'ordonnance sur incident rendue par le conseiller de la mise en état le 13 juin 2024 sauf en ce qu'il s'est dit compétent pour connaître de la recevabilité de l'appel et dit recevables les conclusions d'incident des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie,
STATUANT A NOUVEAU :
DECLARE irrecevable l'appel formé le 1er mars 2023 par la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] à l'encontre du jugement rendu le 23 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris,
CONDAMNE la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] aux dépens d'appel,
CONDAMNE ensemble la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] à payer à chacune des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande formée par la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] au titre de leurs frais irrépétibles.
La Greffière La Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 23 MAI 2025
(n°61, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 23/04425 - n° Portalis 35L7-V-B7H-CHHWA
sur déféré à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du pôle 5 chambre 2 de la Cour d'appel de PARIS rendue le 13 juin 2024 (RG n°23/04425)
DEMANDERESSES AU DEFERE
S.A.S. N2LT PARTNERS, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 789 321 601
S.A.S. GRENADINES & CIE, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 399 885 904
Représentées par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 34
DEFENDERESSES AU DEFERE
Mme [L] [Y] épouse [F]
Née le 19 juin 1961 à [Localité 10]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 5]
Mme [Z] [E] épouse [G]
Née le 11 décembre 1966 à [Localité 9]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1]
S.A.S. MARKUS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 432 486 785
Représentées par Me Stéphane LAUBEUF de l'AARPI GREENWICH, avocat au barreau de PARIS, toque P 83
Assistées de Me Arthur SAINT-OYANT plaidant pour l'AARPI GREENWICH et substituant Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque P 83
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie SALORD, Présidente de chambre, en présence de M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport
Mme Marie SALORD et M. Gilles BUFFET ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente
Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 23 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l'appel interjeté le 1 er mars 2023 par la société Markus, Mmes [Y] et [E],
Vu l'ordonnance sur incident rendue le 13 juin 2024 par le conseiller de la mise en état,
Vu la requête afin de déféré de cette ordonnance notifiée le 27 juin 2024 par la société N2LT Partners et la société Grenadines & Cie,
Vu les conclusions en défense notifiées le 4 décembre 2024 par la société Markus, Mmes [Y] et [E],
SUR CE, LA COUR
Mmes [Y] et [E] étaient les anciennes associées fondatrices et dirigeantes de la société Grenadines & Cie qui est une agence de communication dans le secteur de l'immobilier.
Elles ont cédé cette société à la société Holding Looping le 23 mars 2016 et démissionnaient de leur mandat social le 21 avril suivant pour rester salariées de la société Grenadines & Cie dont elles étaient licenciées le 1er février 2019. Deux protocoles transactionnels ont été signés le 20 février 2019.
Entre temps, le 11 octobre 2018, elles ont cédé les parts qu'elles détenaient dans la société Holding Looping à la société N2LT Partners. Le pacte d'associés conclu le 22 avril 2016 lors de l'acquisition de la société Grenadines & Cie par la société Looping a été résilié le 8 février 2019.
Mmes [Y] et [E] ont alors rejoint la société Markus qui a la même activité que la société Grenadines & Cie.
Les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie reprochant à Mmes [E] et [Y] ainsi qu'à la société Markus des actes de concurrence déloyale, ont été autorisées par ordonnance du 7 juillet 2020 du président du tribunal de commerce de Paris au visa de l'article 145 du code de procédure civile, à faire procéder par huissier de justice à la saisie de certains documents. Les opérations se sont déroulées le 14 septembre 2020 et les documents saisis séquestrés à l'étude de l'huissier instrumentaire.
Par ordonnance de référé du 18 février 2021, l'ordonnance du 7 juillet 2020 a été entièrement rétractée.
Par arrêt du 28 octobre 2021, la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance de référé du 18 février 2021, dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 7 juillet 2020, ordonné la mainlevée du séquestre et la remise des documents aux sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie. Cette décision a été l'objet d'un pourvoi en cassation.
Par acte du 20 avril 2022, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ont fait assigner la société Markus et Mmes [E] et [Y] devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle afin de leur réclamer l'indemnisation de divers préjudices.
La société Markus et Mmes [E] et [Y] ont sollicité un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation qui devait être rendu sur pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 octobre 2021.
Par jugement du 23 janvier 2023, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Markus ainsi que Mmes [Y] et [E] de leur demande de sursis à statuer et leur a enjoint de communiquer les pièces 35 et 42 et des extraits du grand livre de la société Markus concernant la facturation certifiée par le commissaire aux comptes des prestations 'non digitales' (brochures, affichage, presse, PLV, bureau de vente, identité, tract ou marketing direct) effectuées auprès des clients suivants (ou leurs filiales) : Sefri-Cime, BNP Paribas, Emerige, Cogedim, Verrechia, Quartus, Vinci Immobilier, et ce, à la date du 14 septembre 2020, dans les quinze jours à compter de la signification du jugement, renvoyé la cause à l'audience du 3 mars 2023 pour conclusions au fond et réservé les dépens.
Par déclaration du 1er mars 2023, Mmes [Y] et [E] et la société Markus ont interjeté appel de cette décision.
Les parties ont conclu au fond, une ordonnance de clôture a été rendue par le conseiller de la mise en état le 14 décembre 2023 et l'affaire fixée pour être plaidée le 4 avril 2024.
L'arrêt de la Cour de cassation attendu a été rendu le 18 janvier 2024, cassant et annulant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 octobre 2021.
En raison de cette cause grave, l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2023 a été révoquée par ordonnance du 4 avril 2024 et l'affaire renvoyée à l'audience de mise en état du 19 septembre 2024 pour poursuite de la procédure.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 10 avril 2024, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir constater l'irrecevabilité de l'appel.
Par ordonnance du 13 juin 2024, le conseiller de la mise en état :
- s'est dit valablement saisi et compétent pour connaître de la recevabilité de l'appel,
- a dit recevables les conclusions d'incident des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie,
- a déclaré recevable l'appel formé le 1 er mars 2023 par la société Markus et Mmes [Y] et [E] à l'encontre du jugement du 23 janvier 2023 du tribunal de commerce de Paris,
- vu l'article 700 du code de procédure civile, a condamné les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie à payer la somme de 2 000 euros à la société Markus, Mme [Y] et Mme [E], ensemble, au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'incident,
- a condamné les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie aux entiers dépens de l'incident.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juin 2024, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ont déféré cette ordonnance devant la cour, lui demandant de :
- infirmer l'ordonnance sur incident rendue par le conseiller de la mise en état le 13 juin 2024 en ce qu'elle déclare recevable l'appel formé le 1 er mars 2023 par la société Markus et Mmes [Y] et [E] à l'encontre du jugement du 23 janvier 2023 du tribunal de commerce de Paris, condamne les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens,
Par conséquent,
- constater que le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2023 est un jugement avant dire droit, insusceptible d'appel immédiat,
- déclarer irrecevable l'appel immédiat interjeté le 1 er mars 2023 par Mmes [Y] et [E] et la société Markus contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2023,
- débouter Mmes [Y] et [E] et la société Markus de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner Mmes [Y] et [E] et la société Markus à verser la somme de 2 000 euros chacune aux sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 4 décembre 2024, Mmes [Y] et [E] et la société Markus demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 juin 2024 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- déclarer recevable l'appel immédiat formé par la société Markus et Mmes [Y] et [E] à l'encontre du jugement du 23 janvier 2023,
- débouter les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie de leur incident et de leur demande d'irrecevabilité,
- condamner les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ensemble à verser à la société Markus et Mmes [Y] et [E] la somme de 2 000 euros ensemble sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tel que mentionnée au dispositif de l'ordonnance du 13 juin 2024,
Y ajoutant,
- condamner les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ensemble à verser à la société Markus et Mmes [Y] et [E] la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens de l'incident.
MOTIFS :
Les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie font valoir qu'au cas d'espèce, le jugement dont appel a débouté une partie de sa demande de sursis à statuer et ordonné une communication de pièces ; qu'il n'a tranché aucun chef au principal et qu'il s'agit d'un jugement avant dire droit au sens de l'article 482 du code de procédure civile insusceptible d'appel immédiat ; que l'appel d'un jugement déboutant une partie d'une demande de sursis à statuer et qui tranche donc une exception de procédure ne mettant pas fin à l'instance au sens de l'article 544 du code de procédure civile n'est pas susceptible d'appel immédiat, même avec autorisation du premier président de la cour d'appel ; que la seule exception concerne les ordonnances du juge de la mise en état déboutant une partie d'une demande de sursis à statuer dont l'appel est soumis à un régime d'exception prévu par l'article 795 du code de procédure civile ; que, par ailleurs, un jugement qui ordonne une injonction de communiquer des pièces n'est pas plus susceptible d'un appel immédiat ; que la demande de communication de certaines pièces n'a pas été présentée au même titre que les demandes indemnitaires devant le tribunal de commerce ; que l'assignation devant cette juridiction ne formulait aucune demande de communication de pièces, cette demande n'ayant été formée que postérieurement dans des conclusions en réponse à l'exception dilatoire de la société Markus et Mmes [Y] et [E] tendant à surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en cours devant la Cour de cassation, les sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie ayant alors répliqué qu'il serait d'une bonne administration de la justice d'enjoindre aux appelantes de produire les documents prouvant leurs agissements délictueux dans le cadre de la procédure contradictoire ; que l'objectif poursuivi par les sociétés N2LT et Grenadines & Cie était donc de permettre au tribunal de se prononcer sur la réparation des préjudices résultant de ces agissements en s'appuyant sur les pièces dont la production était sollicitée ; que, partant, la demande de communication de pièces ne constitue pas une prétention au fond mais une mesure d'administration judiciaire de la preuve, de sorte qu'en y faisant droit, le tribunal n'a pas tranché une partie du principal.
La société Markus et Mmes [Y] et [E] répliquent que les parties ont toujours la possibilité de former appel à l'encontre d'un jugement statuant sur une demande de sursis à statuer ; que le tribunal de commerce a statué sur une exception qui devait lui être présentée avant toute défense au fond, après avoir examiné le fond du litige puisqu'il devait déterminer si la survenance d'un événement (la décision de la Cour de cassation) était susceptible d'exercer une influence sur la décision à intervenir ; que si le sursis est ordonné, l'appel est subordonné à une autorisation du premier président de la cour d'appel tandis qu'en cas de rejet de la demande de sursis à statuer, l'appel immédiat est possible ; que des prétentions au fond avaient bien été formulées en première instance, aucun jugement avant dire droit n'étant sollicité ; que le tribunal de commerce a bien statué sur une prétention des sociétés demanderesses au déféré, lesquelles formaient diverses prétentions, toutes situées au même niveau procédural, parmi lesquelles la production de documents à l'instar des demandes de condamnation ; que ces sociétés ont fait d'une demande de communication de pièces une prétention à part entière, sans la dissocier des autres demandes de condamnation ; que le jugement leur a été signifié avec l'indication qu'elles pouvaient en relever appel.
Réponse de la cour :
Aux termes de l'article 544 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable antérieure au décret 2023-686 du 29 juillet 2023, les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal.
Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance.
L'article 545 dudit code dispose que les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi.
Si la décision ordonnant le sursis à statuer est susceptible d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel par application de l'article 380 du code de procédure civile, le jugement qui rejette une exception de sursis à statuer ne peut faire l'objet d'un appel immédiat, faute d'entrer dans les cas visés aux articles 544 et 380 du code de procédure civile et ne tranche pas une partie du principal.
Par ailleurs, la communication de pièces ordonnée par le jugement du 23 janvier 2023 s'analyse en une mesure d'instruction qui n'est susceptible d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond.
Ce jugement n'ayant tranché aucune partie du principal portant sur la responsabilité de la société Markus et de Mmes [Y] et [E] ni statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance, l'appel immédiat contre cette décision est irrecevable.
L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel formé par la société Markus et Mmes [Y] et [E] contre ce jugement et prononcé des condamnations à l'encontre des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie au titre des dépens et des frais irrépétibles.
La société Markus et Mmes [Y] et [E] seront condamnées aux dépens d'appel et à payer ensemble à chacune des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME l'ordonnance sur incident rendue par le conseiller de la mise en état le 13 juin 2024 sauf en ce qu'il s'est dit compétent pour connaître de la recevabilité de l'appel et dit recevables les conclusions d'incident des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie,
STATUANT A NOUVEAU :
DECLARE irrecevable l'appel formé le 1er mars 2023 par la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] à l'encontre du jugement rendu le 23 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris,
CONDAMNE la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] aux dépens d'appel,
CONDAMNE ensemble la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] à payer à chacune des sociétés N2LT Partners et Grenadines & Cie la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande formée par la société Markus et Mmes [L] [Y] épouse [F] et [Z] [E] épouse [G] au titre de leurs frais irrépétibles.
La Greffière La Présidente