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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 27 mai 2025, n° 23/01838

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

One4all Performance (SARL)

Défendeur :

Nutripure (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Salmeron

Conseillers :

Norguet, Moulayes

Avocats :

Bayle-Besson, Mille, Guillard, Ginies

T. com. Toulouse, du 16 févr. 2023, n° 2…

16 février 2023

Faits et procédure :

La Sasu Nutripure est une société spécialisée dans la vente à distance de compléments alimentaires et de matériels liés à la nutrition et au sport.

L'Eurl One4All Performance, créée le 29 mars 2022 par [U] [B], son gérant, a pour activité le coaching sportif.

Dans la perspective d'un partenariat, l'Eurl One4All Performance s'est rapprochée de la Sasu Nutripure.

Le 6 avril 2022, l'Eurl One4All Performance et la Sasu Nutripure ont conclu un contrat de prestation de services dans lequel il a été prévu que l'Eurl One4All Performance recevrait de la Sasu Nutripure un code de parrainage à remettre à ses clients, intéressés par l'acquisition des produits de la marque, moyennant une commission représentant 10% du montant des ventes ainsi parrainées.

Le 1er juillet 2022, l'Eurl One4All Performance a adressé à la Sasu Nutripure une facture d'un montant de 7 000 euros au titre des commissions à percevoir sur les ventes parrainées.

Le 2 juillet 2022, le montant de cette facture a été versé au crédit du compte de l'Eurl One4All Performance par la Sasu Nutripure.

Le 3 juillet 2022, après avoir réalisé des vérifications, la Sasu Nutripure a finalement refusé le paiement de cette somme et annulé le versement.

Le 3 octobre 2022, le conseil de l'Eurl One4All Performance a mis en demeure la Sasu Nutripure de régler ladite facture et de débloquer l'accès de [U] [B] à son compte « parrain » Nutripure.

Le 11 octobre 2022 le conseil de la Sasu Nutripure a confirmé le refus de sa cliente de payer la facture et de débloquer le compte.

Par ordonnance en date du 21 décembre 2022, le président du tribunal de commerce de Toulouse a autorisé l'Eurl One4All Performance a assigner la Sasu Nutripure à bref délai.

L'Eurl One4All Performance a assigné la Sasu Nutripure par acte d'huissier en date du 4 janvier 2023 en responsabilité contractuelle et condamnation en paiement de la somme de 7 000 euros outre le déblocage sous astreinte de son compte parrain.

Reconventionnellement, la Sasu Nutripure a sollicité l'allocation de dommages et intérêts pour violation par l' Eurl One4All Performance des stipulations contractuelles initiales.

Par jugement du 16 février 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :

débouté l'Eurl One4All Performance de l'ensemble de ses demandes,

débouté la Sasu Nutripure de sa demande au titre des dommages et intérêts,

dit qu'il n'y a pas lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile,

condamné l'Eurl One4All Performance aux dépens.

Par déclaration en date du 22 mai 2023, l'Eurl One4All Performance a relevé appel du jugement aux fins de le voir réformé en intégralité à l'exception du chef de dispositif ayant débouté la Sasu Nutripure de sa demande au titre des dommages et intérêts.

Par voie de conclusions, la Sasu Nutripure a relevé appel incident de ce chef de dispositif.

Par courrier du 26 novembre 2024, Me [K] [D] a indiqué révoquer Me [H] [N] et se constituer en ses lieu et place pour l'Eurl One4All Performance.

La clôture est intervenue le 13 janvier 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 18 février 2025.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions d'appelants n°2 notifiées le 11 décembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles l'Eurl One4All Performance demande au visa des articles 1103 et suivants du code civil, 1188, 1190 et suivants, 1217 et 1231-1 du code civil et l'article 700 du code de procédure civile :

l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 16 février 2023 en ce qu'il a :

débouté l'Eurl One4All Performance de l'ensemble de ses demandes ;

débouté la Sasu Nutripure de sa demande de dommages et intérêts ;

dit qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Sarl One 4all Performance aux dépens

et, statuant à nouveau, que les demandes de l'Eurl One4All Performance soient accueillies comme justifiées et bien fondées,

la condamnation de la Sasu Nutripure à régler la somme de 7 000 euros correspondant à la facture de l'Eurl One4All Performance du 7 juillet 2022,

la condamnation de la Sasu Nutripure au paiement des intérêts légaux,

que soit ordonné le déblocage du compte parrain de [U] [B] ce, sous une astreinte de 150 euros par jours de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

en tant que de besoin, la condamnation de la Sasu Nutripure à régler à l'Eurl One4All Performance le paiement des affiliations restantes sur son compte parrain,

la condamnation de la Sasu Nutripure à verser à l'Eurl One4All Performance la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

le rejet de la demande de dommages et intérêts de la Sasu Nutripure,

le rejet de la demande de la Sasu Nutripure au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamnation de la Sasu Nutripure aux entiers dépens,

la condamnation de la Sasu Nutripure à verser à l'Eurl One4All Performance la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions d'intimée n°2 avec appel incident notifiées le 5 février 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sasu Nutripure demande au visa des articles 9, 834, 873 du code de procédure civile, et les articles 1104, 1188, 1217, 1231-1 et 1353-5 du code civil :

à titre principal, la confirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse en date du 16 février 2023 en ce qu'il a débouté l'Eurl One4All Performance de l'ensemble de ses demandes,

le rejet des demandes formulées par l'Eurl One4all Performance à l'encontre de la Sasu Nutripure en cause d'appel,

le rejet de l'ensemble de ses demandes.

à titre incident, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sasu Nutripure de sa demande en dommages et intérêts,

ce faisant, la condamnation de l'Eurl One4all Performance au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des stipulations contractuelles initiales,

en tout état de cause, la condamnation de l'appelante au paiement d'un somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamnation de la requérante aux dépens de l'instance.

MOTIFS

Sur l'interprétation du contrat de prestation du 6 avril 2022, la demande en paiement de l'Eurl One4All Performance, l'exception inexécution et la responsabilité contractuelle de la Sasu Nutripure

L'Eurl One4All Performance sollicite la condamnation de la Sasu Nutripure à lui payer sa facture d'un montant de 7 000 euros éditée le 1er juillet 2022 en contestant toute inexécution de ses obligations contractuelles, affirmant qu'il ne lui a jamais été contractuellement précisé que le code de parrainage mis à sa disposition ne devait pas être partagé avec d'autres personnes que ses clients. Elle met notamment en avant le fait que les documents transmis par l'intimée comportaient des incitations à partager largement les codes de parrainage sur les réseaux sociaux et que c'était également ce que faisait l'un de ses dirigeants. L'appelante rappelle que le contrat conclu étant un contrat d'adhésion, elle n'a pu en discuter les termes. Elle soutient la déloyauté de la Sasu Nutripure dans l'exécution du contrat par l'opposition d'interdictions non contractuellement convenues entre elles, alors même qu'elle a bien encaissé les 70 000 euros de ventes réalisées avec le code parrain de l'appelante.

Elle sollicite que la Sasu Nutripure, outre sa condamnation en paiement, soit enjointe à procéder au déblocage, sous astreinte, de son compte « parrain », le blocage l'empêchant de facturer de nouvelles commissions alors même que son code est toujours utilisé par des clients. Enfin, elle demande qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En réponse, la Sasu Nutripure conteste toute faute dans l'exécution du contrat en exposant qu'elle propose deux versions de parrainage suivant que le client est un particulier ou un professionnel du sport, et qu'en raison de l'activité professionnelle de l'appelante, elle lui a proposé la version « coach', financièrement plus avantageuse pour elle et pour ses élèves. L'intimée ne conteste pas que des codes de parrainage puissent être diffusés sur des sites de réductions spécialisés ou les réseaux sociaux mais affirme que cela ne concerne que le parrainage ouvert aux particuliers, moins intéressant pour les clients et n'ouvrant pas droit à une rémunération pour le parrain. Elle maintient que les stipulations contractuelles initiales ont clairement prévu que l'Eurl One4All Performance ne pouvait partager son code qu'avec ses clients et n'avait vocation à être rémunérée que sur les achats réalisés par ces deniers. Dès lors, elle lui oppose l'exception d'inexécution pour justifier le refus de paiement de la facture présentée, en l'absence de toute possibilité d'identification des seuls clients de l'appelante dans les ventes réalisées.

Soutenant à son tour l'exécution déloyale du contrat par l'appelante, elle sollicite le versement de la somme de 5 000 euros à titre des dommages et intérêts. Enfin, elle affirme que si le code de l'appelante est toujours utilisé, c'est parce que l'Eurl One4All Performance ne l'a pas retiré des sites spécialisés comme elle s'y était pourtant engagée et que le déblocage du compte parrain, ouvert au nom de [U] [B], ne peut faire l'objet d'une demande dans la présente instance, [U] [B] n'y étant pas partie.

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

L'article 1217 du code civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : ['] refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ; poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ; ['] demander réparation des conséquences de l'inexécution.

En application des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder. Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, la relation contractuelle n'ayant été mise en place que par la réception par l'Eurl One4All Performance d'un unique mail en date du 6 avril 2022, les parties s'opposent tant sur les termes que sur l'esprit du contrat conclu et notamment sur l'existence de restrictions contractuelles à la diffusion de son code de parrainage par l'Eurl One4All Performance.

La cour note cependant que dans ses écritures l'Eurl One4All Performance reconnaît s'être vu proposer une « offre coach » par la Sasu Nutripure.

Il appartient au juge d'interpréter les contrats, uniquement si leur rédaction n'est pas suffisamment claire en elle-même.

En application des dispositions de l'article 1188 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

Les prescriptions contractuelles, à la lecture du mail du 6 avril 2022, consistant principalement en la transmission par la Sasu Nutripure d'un tableau présentant les avantages du parrainage de « l'offre coach » pour les filleuls et leurs parrains, sont imprécises.

Il revient donc à la cour d'interpréter le contrat conclu entre les parties et d'en comprendre l'esprit afin d'apprécier le caractère loyal de l'exécution par chacune des parties de leurs obligations réciproques.

En l'espèce, au vu à la fois de la remise importante concédée à l'utilisation du code de parrainage dans « l'offre coach », soit 20% du prix de vente scindés en 10% de remise pour le client et 10% de commission pour le coach, ce sans limitation de durée, mais égalament du fait que la Sasu Nutripure était tout à fait en capacité d'assurer elle-même une diffusion générale des codes de parrainages par le biais d'influenceurs ou par les réseaux sociaux et, enfin, du fait que l'Eurl One4All Performance est bien un partenaire spécialisé dans le coaching sportif, l'esprit du contrat conclu était nécessairement de limiter la diffusion du code de parrainage « coach » remis à l'Eurl One4All Performance, plus favorable que le code transmis aux particuliers, à ses seuls élèves.

Or, il est constant que le code de parrainage de l'Eurl One4All Performance a été retrouvé sur des sites de diffusion générale de codes de parrainage, en contradiction avec l'intention des parties.

C'est donc à juste titre que la Sasu Nutripure a refusé le paiement de la facture de 7 000 euros présentée le 1er juillet 2022, faute de pouvoir identifier dans les affiliations relevées sur le compte de parrainage de l'Eurl One4All Performance celles provenant de ses élèves et celles concernant un public non spécifique.

Seule la production des listings d'élèves coachés par l'Eurl One4All Performance était de nature à permettre à la Sasu Nutripure, par l'examen des affiliations depuis son propre site, d'identifier les ventes ouvrant droit à commission et de communiquer à l'appelante une proposition de facture rectifiée conforme à une exécution loyale du contrat.

Force est de constater que l'Eurl One4All Performance ne démontre pas y avoir procédé, la Sasu Nutripure contestant toute communication en ce sens. L'appelante n'y procède pas plus en première instance, ni en appel. Ce faisant, l'Eurl One4All Performance n'a pas mis la Sasu Nutripure en mesure de lui verser ce à quoi elle pouvait légitimement prétendre au titre des achats réalisés par ses propres élèves.

Il n'est donc pas caractérisé de faute imputable à la Sasu Nutripure dans l'exécution du contrat.

Dès lors, il n'est pas possible d'accueillir la demande en paiement de l'Eurl One4All Performance au titre de la facture du 1er juillet 2022, pas plus que sa demande en dommages et intérêts.

Les pièces produites par l'appelante permettent à la cour de rattacher le compte parrain ouvert au nom de [U] [B] à l'Eurl One4All Performance de sorte que le moyen avancé par la Sasu Nutripure de l'absence du gérant dans la présente procédure est inopérant.

En revanche, la Sasu Nutripure produit, en pièces 10 et 11, des captures d'écran démontrant que, bien qu'elle s'y soit engagée par mail du 7 août 2022, l'Eurl One4All Performance n'a pas procédé au retrait de son code de parrainage « coach » de tous les sites de réductions spécialisés.

De ce fait, l'Eurl One4All Performance, qui était parfaitement informée depuis le mail reçu le 5 août 2022, comme elle en atteste dans son mail du 7 août 2022, de ce que son code de parrainage n'avait pas vocation à être partagé sur des sites spécialisés, est mal venue à soutenir la déloyauté de la Sasu Nutripure dans le blocage de l'accès à son compte parrain, de même qu'à en solliciter le déblocage, ces demandes visant uniquement à se voir attribuer de nouvelles commissions générées par une utilisation qu'elle savait interdite de son code de parrainage.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes.

A titre incident, la Sasu Nutripure sollicite l'allocation de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice découlant des fautes commises par l'Eurl One4All dans l'exécution du contrat, par utilisation de son code de parrainage limité au delà des prescriptions contractuelles dans le seul but d'en tirer un bénéfice. Elle soutient que cette pratique ne doit pas être « approuvée » tant factuellement que judiciairement afin de ne pas générer des pratiques qui lui seraient préjudiciables.

L'Eurl One4All Performance conteste toute faute dans l'exécution du contrat et souligne qu'il ne peut être demandé de réparation pour un préjudice futur, dont la réalité n'est pas démontrée.

La cour constate que la Sasu Nutripure n'explique en rien le préjudice subi du fait des fautes qu'elle impute à l'Eurl One4All puisqu'il découle du dossier que non seulement elle ne lui a réglé aucune somme en suite de l'utilisation erronée de son code par l'appelante, mais plus encore qu'elle a conservé le chiffre d'affaires lié aux ventes réalisées grâce audit code. Si la Sasu Nutripure soutient un préjudice découlant de l'impact d'une infirmation du jugement de première instance sur ses futures relations partenariales, elle ne produit aucune pièce à même d'en démontrer la réalité, étant rappelé que le présent arrêt est confirmatif. La demande indemnitaire de la Sasu Nutripure à ce titre est donc rejetée.

Le jugement de première instance est confirmé en ce qu'il a débouté la Sasu Nutripure de sa demande au titre des dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires,

Confirmé intégralement, le jugement de première instance le sera également sur ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

L'Eurl One4All Performance, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit alloué d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leurs demandes formulées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

Condamne l'Eurl One4All Performance aux dépens d'appel,

Déboute l'Eurl One4All Performance et la Sasu Nutripure de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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