CA Rennes, 2e ch., 27 mai 2025, n° 23/01390
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N°195
N° RG 23/01390
N° Portalis DBVL-V-B7H-TSGJ
(Réf 1ère instance : 18/00823)
(3)
Mme [U] [S]
C/
S.E.L.A.R.L. TCA
S.A. CGL-CGI FINANCE
CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE - GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
S.A.R.L. SELECT PLAISANCE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me CHAUDET
- Me BOURGES
- Me KONG
- Me MANISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 MAI 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2025
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 27 Mai 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [U] [S]
née le 23 Novembre 1956 à [Localité 5]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Amaury GAULTIER, plaidant, avocat au barreau de SAINT MALO-DINAN
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. TCA prise en la personne de Me [M] [O] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SAINT JACUT MARINE
[Adresse 4]
[Localité 6]
SA CGL-CGI FINANCE pour laquelle une ordonnance de désistement partiel a été rendue le 20/10/2023
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Elodie KONG de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A.R.L. SELECT PLAISANCE pour laquelle une ordonnance de désistement partiel a été rendue le 20/10/2023
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Laura MANISE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis accepté le 2 septembre 2016, la société Saint Jacut Marine (ci-après dénommée société SJM) a proposé de vendre à Mme [U] [S] un bateau à moteur de marque Sélection Boats, de type GT720, modèle d'exposition, pour une somme de 46 000 euros TTC. Ce prix tenait compte de la reprise du bateau Pacific Kraft appartenant à celle-ci.
Suivant acte sous seing privé du 29 décembre 2016, Mme [S] a souscrit une offre de contrat de location avec option d'achat auprès de la société Compagnie Générale de Location (CGLE) afin de financer une partie de son acquisition.
Le bateau a été livré à Mme [S] le 7 février 2017, suivant procès-verbal de livraison.
La CGLE a réglé le prix de vente du navire au chantier SJM le 9 février 2017 et une facture a été établie par le chantier le 7 mars 2017. Le navire a été mis à l'eau le 16 mai 2017.
Par lettre en date du 26 août 2017, Mme [S] a informé la société SJM que le navire était dans un état dégradé nécessitant des réparations.
Par courriers en date des 1er septembre 2017 et 17 janvier 2018, la société SJM a accepté de procéder aux réparations pendant la période d'hivernage.
Le navire a finalement été adressé à une autre société.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 février 2018, Mme [S] a sollicité l'annulation de la vente auprès de la société SJM, qui a refusé.
C'est dans ce contexte que, suivant acte d'huissier du 25 mai 2018, Mme [S] a assigné la société Saint Jacut Marine devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins notamment d'obtenir l'annulation du contrat.
Suivant acte d'huissier du 24 octobre 2018, la société Saint Jacut Marine a appelé à la cause la société CGL Finance.
Suivant acte d'huissier du 30 octobre 2018, la société Saint Jacut Marine a appelé à la cause la société Select Plaisance, fabricant du bateau.
Suivant jugement du 7 février 2020, la société Saint Jacut Marine a été placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire, la société TCA, s'est constituée en lieu et place de ladite société.
Suivant assignation du 26 mai 2020, Mme [S] a appelé à la cause la Caisse régionale d'Assurances Mutuelles Agricole Bretagne Pays de Loire (ci-après dénommée Crama), es qualité d'assureur en responsabilité civile professionnelle de la société Saint Jacut Marine.
Suivant ordonnances des 21 décembre 2018 et 18 septembre 2020, les procédures ont été jointes.
Suivant jugement du 12 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Malo a :
- constaté que l'action de Mme [S] est initiée uniquement à titre principal à l'encontre de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire et à titre subsidiaire à l'encontre de la société Select Plaisance, Mme [S] n'émettant plus aucune demande à l'encontre de la société Saint Jacut Plaisance et n'ayant pas émis de demande à l'encontre de la Selarl TCA es qualité de liquidateur de la société
- déclaré l'action de Mme [U] [S] à l'encontre de la Crama Bretagne Pays de Loire et de la société Select Plaisance recevable mais non fondée,
En conséquence,
- débouté Mme [U] [S] de ses demandes tendant à voir annuler et à défaut, tendant à voir prononcer la résolution du contrat la liant à la société Saint Jacut Marine,
- dit que la société Saint Jacut Marine n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à l'encontre de Mme [S], et que ce manquement lui a occasionné un préjudice évalué à la somme de 2 500 euros,
Cependant,
- dit que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine n'est pas couvert par la garantie souscrite par ladite société auprès de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire,
- dit que le dommage ne relève pas de la responsabilité contractuelle du fabricant,
En conséquence,
- débouté Mme [U] [S] des prétentions émises à l'encontre de la société Crama Bretagne Pays de Loire et de la société Select Plaisance,
- débouté la société Crama Bretagne Pays de Loire, la société Select Plaisance, la SELARL TCA et la société Compagnie générale de location d'équipements de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit que Mme [U] [S] supportera les dépens et ses frais irrépétibles.
Suivant déclaration du 6 mars 2023, Mme [S] a interjeté appel.
Suivant ordonnance du 20 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction partielle de l'instance entre Mme [S] et la société CGL-CGI et la société Select Plaisance.
En ses dernières conclusions du 21 janvier 2025, Mme [U] [S] demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré son action non fondée, dit que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine n'est pas couvert par la garantie souscrite auprès de la Crama Bretagne Pays de Loire, et l'a déboutée de ses demandes à l'égard de cette dernière et de la société Select Plaisance, ainsi que de ses demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles,
En conséquence et statuant à nouveau,
- juger que la société Saint Jacut Marine n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à son encontre et que ce manquement lui a occasionné un préjudice évalué à la somme de 46 126 euros,
- fixer sa créance à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Saint Jacut Marine à la somme de 46 126 euros,
- juger que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine est couvert par la garantie souscrite par ladite société auprès de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire,
En conséquence,
- condamner la société CRAMA Bretagne Pays de Loire à lui payer la somme de 46 126 euros,
- débouter les sociétés intimées de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamner la même ou subsidiairement, l'ensemble des défendeurs, à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
En ses dernières conclusions du 20 février 2025, la CRAMA Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, demande à la cour de :
Vu l'article 1353 du code civil,
Vu les articles 563 et suivants du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- condamner Mme [S] ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
A titre subsidiaire,
- rejeter, comme étant nouvelle, la demande au titre de la remise en état du nouveau désordre d'un montant de 6 192 euros.
La SELARL TCA n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées.
La clôture de clôture a été prononcée le 27 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur les demandes à l'encontre de la Selarl TCA, es qualité de mandataire liquidateur de la société Saint Jacut Marine
Au soutien de son appel, Mme [S] précise abandonner ses demandes d'annulation ou de résiliation de la vente mais entend solliciter de la société SJM la parfaite exécution de son obligation de délivrance et qu'elle exécute les obligations qu'elle a elle-même reconnues dans son courrier du 1er septembre 2017, sa créance devant être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société SJM.
Elle invoque les dispositions des articles 1604 et suivants du code civil pour affirmer que la société SJM n'a pas exécuté correctement le contrat et n'a pas parfaitement délivré l'objet vendu au regard des désordres affectant le navire, sans qu'il y ait lieu de distinguer la question de la location éventuelle liée au contrat de location avec option d'achat, le bien ayant finalement été acheté en mars 2021.
Elle réclame la somme de 24 072 euros au titre du préjudice matériel, celle de 1 500 euros au titre du préjudice immatériel, celle de 15 000 euros au titre du trouble de jouissance et celle de 5 554 euros au titre du coût de « l'emplacement port inutile », soit un total de 46 126 euros.
Elle fait observer que l'action judiciaire introduite avant la liquidation judiciaire exprime de façon très claire l'intention du créancier de se prévaloir de sa créance, que cette intention a bien été portée à la connaissance du liquidateur, lequel s'est d'ailleurs constitué devant la juridiction de céans et elle invoque les dispositions de l'article L 622-24 alinéa 3 du code de commerce. Elle ajoute qu'elle a confirmé la créance qu'elle réclame à la liquidation judiciaire par l'ensemble des écritures qu'elle a pu signifier dans le cadre de la première instance. Elle en conclut qu'il y a bien eu déclaration de créance dans les délais légaux et que la fixation de sa créance au passif de la liquidation par la présente instance est parfaitement recevable.
Selon l'article L 622-24 du code de commerce, « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État (').
En l'espèce, la liquidation judiciaire de la société SJM a été prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Malo le 7 février 2020, ce qui a entraîné le dessaisissement du débiteur et la nécessité de l'intervention du liquidateur judiciaire, qui s'est constitué en lieu et place de ladite société en première instance.
Au cas présent, il n'est pas contestable que la demande de Mme [S] tend au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à la procédure collective.
Mme [S] avait par conséquent l'obligation de déclarer sa créance au passif de la procédure collective, dans le délai légal de deux mois de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Saint Jacut Marine, ce dont elle ne justifie pas.
Si les articles L 622-24 et R 622-23 du code du commerce ne prévoient pas la forme précise que doit revêtir l'écrit par lequel le créancier fait sa déclaration de créance, il n'en demeure pas moins que celle-ci doit résulter d'un acte autonome, indépendant de tout autre acte procédural. Par conséquent, des conclusions notifiées au liquidateur dans le cadre d'une instance en cours ne valent pas déclaration de créance. Mme [S] ne saurait dès lors utilement se prévaloir des écritures qu'elle a pu signifier au cours de la présente procédure.
Dès lors, la créance alléguée de Mme [S], non régulièrement déclarée, est inopposable à la procédure collective de telle sorte que les demandes formées à ce titre doivent être déclarées irrecevables en tant qu'elles sont formées à l'encontre de la Selarl TCA es qualité de liquidateur de la SARL Saint Jacut Marine.
- Sur les demandes à l'encontre de la Crama
Mme [S] soutient que la garantie de la compagnie d'assurance est acquise en ce que les diverses dégradations et désordres constatés et convenus sur le bateau relèvent de l'activité de la société SJM, en ce que ce navire a été utilisé sur des salons et a servi d'engin de démonstration pour la clientèle de la société SJM. Elle ajoute qu'il s'agit d'un fait relevant de la responsabilité du vendeur, couvert par sa responsabilité civile.
Elle estime que c'est à tort que le premier juge a écarté la garantie de la compagnie d'assurance au motif que les dommages résulteraient d'un retard dans l'exécution des travaux puisque le bateau était censé être neuf, qu'il ne s'agit pas de retard dans la réalisation des travaux, mais de dégradations du fait de l'activité de la société SJM.
La Crama Bretagne Pays de Loire estime que Mme [S] ne rapporte nullement la preuve des désordres autres que ceux mentionnés dans le devis du 2 septembre 2016 et que c'est donc à bon droit que le premier juge a expressément énoncé que les seuls désordres dont l'existence est rapportée au moment de la mise à l'eau sont ceux figurant dans ce devis.
Elle fait observer que le doublement du coût de la remise en état désormais réclamé par Mme [S] ne peut absolument pas être justifié par le devis qu'elle produit, qu'aucun constat contradictoire n'a été réalisé concernant un nouveau désordre portant sur le décollement des hublots et surtout, qu'il doit être analysé comme une demande nouvelle formulée en cause d'appel qui doit donc être rejetée.
Elle prétend que sa garantie n'est pas mobilisable au titre du préjudice subi par Mme [S] du fait du retard dans l'exécution des travaux de réparation que la société SJM s'était engagée à réaliser, tout en relevant que les conditions générales de la police excluent de la garantie la remise en état ou en conformité des produits livrés.
Dans la mesure où la victime d'un dommage tire de l'article L 124-3 du code des assurances un droit exclusif et direct sur l'indemnité due par l'assureur de l'auteur du dommage, elle n'est pas tenue de soumettre sa créance à la procédure de déclaration prévue à l'article L 622-24 précité pour faire reconnaître le principe comme l'étendue la responsabilité de l'assuré en procédure collective aux fins d'obtenir de l'assureur qu'il l'indemnise de son préjudice.
Par suite et nonobstant l'absence de déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SJM, Mme [S] demeure recevable à agir directement en paiement à l'encontre de la Crama Bretagne Pays de Loire.
En l'espèce, la société SJM a souscrit, à effet au 13 septembre 2014, une assurance « multirisque des professionnels. Il y est notamment stipulé une garantie civile après livraison des produits ou après achèvement des travaux. Les conditions particulières signées renvoient aux conditions générales.
Selon l'article 2.3 des conditions générales de la police, sont garanties « si mention en est faite dans vos conditions personnelles, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir dans l'exercice des activités mentionnées dans vos conditions personnelles en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers (y compris les clients) :
- par les matériels ou produits fabriqués, fournis et/ou vendus par vous, lorsque ces dommages, survenus après leur livraison, ont pour origine :
¿ votre faute professionnelle ou celle de votre personnel,
¿ un vice caché, une faute, une erreur ou négligence de conception ou de fabrication, transformation, réparation, montage, assemblage,
¿ (')
- après l'achèvement des ouvrages ou travaux et ayant pour origine :
¿ votre faute professionnelle,
¿ une malfaçon technique,
¿ un vice de conception ou de fabrication de matériaux ou produits fournis par vous pour l'exécution de ces ouvrages ou travaux ».
Toutefois, au titre des exclusions, l'assurance ne garantit pas notamment :
- « le coût représenté par le renouvellement, le remplacement, le remboursement, en tout ou partie, la remise en état, la modification, la reconstruction, la reconstitution, la réparation, la rectification, le perfectionnement, le parachèvement, la mise en conformité des produits livrés, ouvrages ou travaux exécutés par vous ou vos sous-traitants ainsi que les frais de transport nécessités par le rapatriement ou la réexpédition des produits, ainsi que le montant du remboursement total ou partiel des produits, travaux ou prestations défectueux lorsque vous êtes dans l'obligation de procéder à ce remboursement (') ;
- « les dommages résultant du non-respect des devis pour lesquels vous êtes engagés, des délais qui vous sont impartis pour l'exécution de votre prestation, des paiements (retards ou impayés) » ainsi que « les dommages résultant du retard dans l'exécution du travail ou dans la livraison des produits, de défectuosités connues lors de la livraison des matériels ou produits ».
Mme [S] considère que la société SJM n'a pas exécuté pleinement le contrat de vente et n'a pas parfaitement délivré l'objet vendu en ne reprenant pas en temps et en heure, divers éléments : « saletés et pagaille sur le navire, déchirure du coussin arrière, changement de la sellerie, réparation du cristal arrière, tableau horaire de navigation (17 H 50 au lieu des 10 H prévues à la commande), reprise du coup dans le bois sur le côté bâbord avant intérieur, réparation de la courroie du propulseur du moteur d'étrave, reprise toile de plafonnier, reprise du manuel du propriétaire, remise du double des clefs du bateau » tout en soutenant au titre de la garantie due par l'assureur que le bateau était censé être neuf et qu'il a subi des dégradations et non un retard dans l'exécution.
Cependant, il convient de souligner que le devis signé par Mme [S] le 2 septembre 2016 mentionne uniquement : « sellerie à changer pour la préparation du bateau ' plage arrière ' révision moteur ». Il n'est fait mention d'aucun autre désordre.
Le procès-verbal de livraison signé par le bailleur, CGL, et la locataire, Mme [S], en date du 7 février 2017, mentionne que « le locataire déclare le bateau désigné ci-dessus conforme au contrat de location et aux normes légales et réglementaires. En conséquence, il l'accepte sans restriction ni réserve, après que la mise à l'eau et les essais aient été effectués ».
Il résulte de la lecture du courrier de Mme [S] adressé à la société SJM le 26 août 2017 qu'il s'agit bien d'un retard dans l'exécution puisque celle-ci constate « une inexécution des obligations contractuelles notamment lors de la livraison le mardi 16 mai dernier, où elle avait demandé de reprendre le bateau » pour les motifs susvisés et vise d'ailleurs l'article 1231-1 du code civil portant sur les dommages et intérêts dus soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution.
Par lettre du 1er septembre 2017, la société SJM a d'ailleurs confirmé « la prise en charge « usine » de tous les éléments cités de sa part », précisant qu'elle n'avait pas pu assurer cette prise en charge auparavant, pour ne pas pénaliser la navigation pendant la saison 2017. Elle n'a pas contesté le fait que Mme [S] avait déjà demandé la prise en charge de ces éléments le 16 mai 2017, lors de sa mise à l'eau.
Il ressort ainsi de ces courriers que les désordres décrits par Mme [S] étaient déjà présents et visibles lors de la livraison du produit (s'agissant de la sellerie et de la plage arrière), même s'ils n'ont pas été listés dans le procès-verbal de livraison signé le 7 février 2017, ou à tout le moins à la mise à l'eau en mai 2017, et que la société SJM s'était engagée à les prendre à sa charge.
Mme [S] fait également état d'un nouveau désordre, le décollement des hublots latéraux, qui serait dû au stockage du bateau. Il s'agit d'une affirmation qui ne repose sur aucun élément de preuve puisqu'elle produit uniquement un devis en date du 20 décembre 2024 établi à sa demande.
C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que s'agissant des désordres constatés dans le devis, la société SJM a manqué à ses obligations contractuelles en ne procédant pas aux réparations pendant la période antérieure à la mise à l'eau soit entre l'acceptation du devis le 2 septembre 2016 et la mise à l'eau le 16 mai 2017 et que cette dernière s'était engagée à procéder aux réparations sollicitées par Mme [S] le 1er septembre 2017.
Toutefois, les conditions générales susvisées excluent de la garantie non seulement la remise en état ou la mise en conformité du produit livré, soit en l'espèce le bateau, mais également les dommages résultant du retard dans l'exécution du travail ou dans la livraison des produits ainsi que les défectuosités connues lors de la livraison des matériels ou produits.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la garantie de la Crama Bretagne Pays de Loire n'était pas mobilisable au titre du dommage subi par Mme [S]. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- Sur les demandes accessoires
Partie principalement succombante en première instance, Mme [S] a été à juste titre condamnée aux dépens.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la Crama Bretagne Pays de Loire de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Mme [S] sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
Il n'est pas inéquitable de condamner Mme [S] à payer à la Crama Bretagne Pays de Loire la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement rendu le par le tribunal judiciaire de Saint-Malo en ce qu'il a dit que la société Saint Jacut Marine n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à l'encontre de Mme [S] et que ce manquement lui a occasionné un préjudice évalué à la somme de 2 500 euros ;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes formées par Mme [U] [S] à l'encontre de la Selarl TCA es qualité de liquidateur de la SARL Saint Jacut Marine, en l'absence de déclaration de créance ;
Confirme le jugement susvisé en ce qu'il a dit que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine n'est pas couvert par la garantie souscrite auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et a débouté Mme [S] de ses prétentions à l'encontre de ladite société ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [U] [S] aux dépens ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [S] à payer à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [U] [S] aux dépens de la procédure d'appel.
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
ARRÊT N°195
N° RG 23/01390
N° Portalis DBVL-V-B7H-TSGJ
(Réf 1ère instance : 18/00823)
(3)
Mme [U] [S]
C/
S.E.L.A.R.L. TCA
S.A. CGL-CGI FINANCE
CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE - GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
S.A.R.L. SELECT PLAISANCE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me CHAUDET
- Me BOURGES
- Me KONG
- Me MANISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 MAI 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2025
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 27 Mai 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [U] [S]
née le 23 Novembre 1956 à [Localité 5]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Amaury GAULTIER, plaidant, avocat au barreau de SAINT MALO-DINAN
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. TCA prise en la personne de Me [M] [O] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SAINT JACUT MARINE
[Adresse 4]
[Localité 6]
SA CGL-CGI FINANCE pour laquelle une ordonnance de désistement partiel a été rendue le 20/10/2023
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Elodie KONG de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A.R.L. SELECT PLAISANCE pour laquelle une ordonnance de désistement partiel a été rendue le 20/10/2023
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Laura MANISE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis accepté le 2 septembre 2016, la société Saint Jacut Marine (ci-après dénommée société SJM) a proposé de vendre à Mme [U] [S] un bateau à moteur de marque Sélection Boats, de type GT720, modèle d'exposition, pour une somme de 46 000 euros TTC. Ce prix tenait compte de la reprise du bateau Pacific Kraft appartenant à celle-ci.
Suivant acte sous seing privé du 29 décembre 2016, Mme [S] a souscrit une offre de contrat de location avec option d'achat auprès de la société Compagnie Générale de Location (CGLE) afin de financer une partie de son acquisition.
Le bateau a été livré à Mme [S] le 7 février 2017, suivant procès-verbal de livraison.
La CGLE a réglé le prix de vente du navire au chantier SJM le 9 février 2017 et une facture a été établie par le chantier le 7 mars 2017. Le navire a été mis à l'eau le 16 mai 2017.
Par lettre en date du 26 août 2017, Mme [S] a informé la société SJM que le navire était dans un état dégradé nécessitant des réparations.
Par courriers en date des 1er septembre 2017 et 17 janvier 2018, la société SJM a accepté de procéder aux réparations pendant la période d'hivernage.
Le navire a finalement été adressé à une autre société.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 février 2018, Mme [S] a sollicité l'annulation de la vente auprès de la société SJM, qui a refusé.
C'est dans ce contexte que, suivant acte d'huissier du 25 mai 2018, Mme [S] a assigné la société Saint Jacut Marine devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins notamment d'obtenir l'annulation du contrat.
Suivant acte d'huissier du 24 octobre 2018, la société Saint Jacut Marine a appelé à la cause la société CGL Finance.
Suivant acte d'huissier du 30 octobre 2018, la société Saint Jacut Marine a appelé à la cause la société Select Plaisance, fabricant du bateau.
Suivant jugement du 7 février 2020, la société Saint Jacut Marine a été placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire, la société TCA, s'est constituée en lieu et place de ladite société.
Suivant assignation du 26 mai 2020, Mme [S] a appelé à la cause la Caisse régionale d'Assurances Mutuelles Agricole Bretagne Pays de Loire (ci-après dénommée Crama), es qualité d'assureur en responsabilité civile professionnelle de la société Saint Jacut Marine.
Suivant ordonnances des 21 décembre 2018 et 18 septembre 2020, les procédures ont été jointes.
Suivant jugement du 12 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Malo a :
- constaté que l'action de Mme [S] est initiée uniquement à titre principal à l'encontre de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire et à titre subsidiaire à l'encontre de la société Select Plaisance, Mme [S] n'émettant plus aucune demande à l'encontre de la société Saint Jacut Plaisance et n'ayant pas émis de demande à l'encontre de la Selarl TCA es qualité de liquidateur de la société
- déclaré l'action de Mme [U] [S] à l'encontre de la Crama Bretagne Pays de Loire et de la société Select Plaisance recevable mais non fondée,
En conséquence,
- débouté Mme [U] [S] de ses demandes tendant à voir annuler et à défaut, tendant à voir prononcer la résolution du contrat la liant à la société Saint Jacut Marine,
- dit que la société Saint Jacut Marine n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à l'encontre de Mme [S], et que ce manquement lui a occasionné un préjudice évalué à la somme de 2 500 euros,
Cependant,
- dit que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine n'est pas couvert par la garantie souscrite par ladite société auprès de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire,
- dit que le dommage ne relève pas de la responsabilité contractuelle du fabricant,
En conséquence,
- débouté Mme [U] [S] des prétentions émises à l'encontre de la société Crama Bretagne Pays de Loire et de la société Select Plaisance,
- débouté la société Crama Bretagne Pays de Loire, la société Select Plaisance, la SELARL TCA et la société Compagnie générale de location d'équipements de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit que Mme [U] [S] supportera les dépens et ses frais irrépétibles.
Suivant déclaration du 6 mars 2023, Mme [S] a interjeté appel.
Suivant ordonnance du 20 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction partielle de l'instance entre Mme [S] et la société CGL-CGI et la société Select Plaisance.
En ses dernières conclusions du 21 janvier 2025, Mme [U] [S] demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré son action non fondée, dit que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine n'est pas couvert par la garantie souscrite auprès de la Crama Bretagne Pays de Loire, et l'a déboutée de ses demandes à l'égard de cette dernière et de la société Select Plaisance, ainsi que de ses demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles,
En conséquence et statuant à nouveau,
- juger que la société Saint Jacut Marine n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à son encontre et que ce manquement lui a occasionné un préjudice évalué à la somme de 46 126 euros,
- fixer sa créance à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Saint Jacut Marine à la somme de 46 126 euros,
- juger que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine est couvert par la garantie souscrite par ladite société auprès de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire,
En conséquence,
- condamner la société CRAMA Bretagne Pays de Loire à lui payer la somme de 46 126 euros,
- débouter les sociétés intimées de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamner la même ou subsidiairement, l'ensemble des défendeurs, à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
En ses dernières conclusions du 20 février 2025, la CRAMA Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, demande à la cour de :
Vu l'article 1353 du code civil,
Vu les articles 563 et suivants du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- condamner Mme [S] ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
A titre subsidiaire,
- rejeter, comme étant nouvelle, la demande au titre de la remise en état du nouveau désordre d'un montant de 6 192 euros.
La SELARL TCA n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées.
La clôture de clôture a été prononcée le 27 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur les demandes à l'encontre de la Selarl TCA, es qualité de mandataire liquidateur de la société Saint Jacut Marine
Au soutien de son appel, Mme [S] précise abandonner ses demandes d'annulation ou de résiliation de la vente mais entend solliciter de la société SJM la parfaite exécution de son obligation de délivrance et qu'elle exécute les obligations qu'elle a elle-même reconnues dans son courrier du 1er septembre 2017, sa créance devant être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société SJM.
Elle invoque les dispositions des articles 1604 et suivants du code civil pour affirmer que la société SJM n'a pas exécuté correctement le contrat et n'a pas parfaitement délivré l'objet vendu au regard des désordres affectant le navire, sans qu'il y ait lieu de distinguer la question de la location éventuelle liée au contrat de location avec option d'achat, le bien ayant finalement été acheté en mars 2021.
Elle réclame la somme de 24 072 euros au titre du préjudice matériel, celle de 1 500 euros au titre du préjudice immatériel, celle de 15 000 euros au titre du trouble de jouissance et celle de 5 554 euros au titre du coût de « l'emplacement port inutile », soit un total de 46 126 euros.
Elle fait observer que l'action judiciaire introduite avant la liquidation judiciaire exprime de façon très claire l'intention du créancier de se prévaloir de sa créance, que cette intention a bien été portée à la connaissance du liquidateur, lequel s'est d'ailleurs constitué devant la juridiction de céans et elle invoque les dispositions de l'article L 622-24 alinéa 3 du code de commerce. Elle ajoute qu'elle a confirmé la créance qu'elle réclame à la liquidation judiciaire par l'ensemble des écritures qu'elle a pu signifier dans le cadre de la première instance. Elle en conclut qu'il y a bien eu déclaration de créance dans les délais légaux et que la fixation de sa créance au passif de la liquidation par la présente instance est parfaitement recevable.
Selon l'article L 622-24 du code de commerce, « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État (').
En l'espèce, la liquidation judiciaire de la société SJM a été prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Malo le 7 février 2020, ce qui a entraîné le dessaisissement du débiteur et la nécessité de l'intervention du liquidateur judiciaire, qui s'est constitué en lieu et place de ladite société en première instance.
Au cas présent, il n'est pas contestable que la demande de Mme [S] tend au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à la procédure collective.
Mme [S] avait par conséquent l'obligation de déclarer sa créance au passif de la procédure collective, dans le délai légal de deux mois de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Saint Jacut Marine, ce dont elle ne justifie pas.
Si les articles L 622-24 et R 622-23 du code du commerce ne prévoient pas la forme précise que doit revêtir l'écrit par lequel le créancier fait sa déclaration de créance, il n'en demeure pas moins que celle-ci doit résulter d'un acte autonome, indépendant de tout autre acte procédural. Par conséquent, des conclusions notifiées au liquidateur dans le cadre d'une instance en cours ne valent pas déclaration de créance. Mme [S] ne saurait dès lors utilement se prévaloir des écritures qu'elle a pu signifier au cours de la présente procédure.
Dès lors, la créance alléguée de Mme [S], non régulièrement déclarée, est inopposable à la procédure collective de telle sorte que les demandes formées à ce titre doivent être déclarées irrecevables en tant qu'elles sont formées à l'encontre de la Selarl TCA es qualité de liquidateur de la SARL Saint Jacut Marine.
- Sur les demandes à l'encontre de la Crama
Mme [S] soutient que la garantie de la compagnie d'assurance est acquise en ce que les diverses dégradations et désordres constatés et convenus sur le bateau relèvent de l'activité de la société SJM, en ce que ce navire a été utilisé sur des salons et a servi d'engin de démonstration pour la clientèle de la société SJM. Elle ajoute qu'il s'agit d'un fait relevant de la responsabilité du vendeur, couvert par sa responsabilité civile.
Elle estime que c'est à tort que le premier juge a écarté la garantie de la compagnie d'assurance au motif que les dommages résulteraient d'un retard dans l'exécution des travaux puisque le bateau était censé être neuf, qu'il ne s'agit pas de retard dans la réalisation des travaux, mais de dégradations du fait de l'activité de la société SJM.
La Crama Bretagne Pays de Loire estime que Mme [S] ne rapporte nullement la preuve des désordres autres que ceux mentionnés dans le devis du 2 septembre 2016 et que c'est donc à bon droit que le premier juge a expressément énoncé que les seuls désordres dont l'existence est rapportée au moment de la mise à l'eau sont ceux figurant dans ce devis.
Elle fait observer que le doublement du coût de la remise en état désormais réclamé par Mme [S] ne peut absolument pas être justifié par le devis qu'elle produit, qu'aucun constat contradictoire n'a été réalisé concernant un nouveau désordre portant sur le décollement des hublots et surtout, qu'il doit être analysé comme une demande nouvelle formulée en cause d'appel qui doit donc être rejetée.
Elle prétend que sa garantie n'est pas mobilisable au titre du préjudice subi par Mme [S] du fait du retard dans l'exécution des travaux de réparation que la société SJM s'était engagée à réaliser, tout en relevant que les conditions générales de la police excluent de la garantie la remise en état ou en conformité des produits livrés.
Dans la mesure où la victime d'un dommage tire de l'article L 124-3 du code des assurances un droit exclusif et direct sur l'indemnité due par l'assureur de l'auteur du dommage, elle n'est pas tenue de soumettre sa créance à la procédure de déclaration prévue à l'article L 622-24 précité pour faire reconnaître le principe comme l'étendue la responsabilité de l'assuré en procédure collective aux fins d'obtenir de l'assureur qu'il l'indemnise de son préjudice.
Par suite et nonobstant l'absence de déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SJM, Mme [S] demeure recevable à agir directement en paiement à l'encontre de la Crama Bretagne Pays de Loire.
En l'espèce, la société SJM a souscrit, à effet au 13 septembre 2014, une assurance « multirisque des professionnels. Il y est notamment stipulé une garantie civile après livraison des produits ou après achèvement des travaux. Les conditions particulières signées renvoient aux conditions générales.
Selon l'article 2.3 des conditions générales de la police, sont garanties « si mention en est faite dans vos conditions personnelles, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir dans l'exercice des activités mentionnées dans vos conditions personnelles en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers (y compris les clients) :
- par les matériels ou produits fabriqués, fournis et/ou vendus par vous, lorsque ces dommages, survenus après leur livraison, ont pour origine :
¿ votre faute professionnelle ou celle de votre personnel,
¿ un vice caché, une faute, une erreur ou négligence de conception ou de fabrication, transformation, réparation, montage, assemblage,
¿ (')
- après l'achèvement des ouvrages ou travaux et ayant pour origine :
¿ votre faute professionnelle,
¿ une malfaçon technique,
¿ un vice de conception ou de fabrication de matériaux ou produits fournis par vous pour l'exécution de ces ouvrages ou travaux ».
Toutefois, au titre des exclusions, l'assurance ne garantit pas notamment :
- « le coût représenté par le renouvellement, le remplacement, le remboursement, en tout ou partie, la remise en état, la modification, la reconstruction, la reconstitution, la réparation, la rectification, le perfectionnement, le parachèvement, la mise en conformité des produits livrés, ouvrages ou travaux exécutés par vous ou vos sous-traitants ainsi que les frais de transport nécessités par le rapatriement ou la réexpédition des produits, ainsi que le montant du remboursement total ou partiel des produits, travaux ou prestations défectueux lorsque vous êtes dans l'obligation de procéder à ce remboursement (') ;
- « les dommages résultant du non-respect des devis pour lesquels vous êtes engagés, des délais qui vous sont impartis pour l'exécution de votre prestation, des paiements (retards ou impayés) » ainsi que « les dommages résultant du retard dans l'exécution du travail ou dans la livraison des produits, de défectuosités connues lors de la livraison des matériels ou produits ».
Mme [S] considère que la société SJM n'a pas exécuté pleinement le contrat de vente et n'a pas parfaitement délivré l'objet vendu en ne reprenant pas en temps et en heure, divers éléments : « saletés et pagaille sur le navire, déchirure du coussin arrière, changement de la sellerie, réparation du cristal arrière, tableau horaire de navigation (17 H 50 au lieu des 10 H prévues à la commande), reprise du coup dans le bois sur le côté bâbord avant intérieur, réparation de la courroie du propulseur du moteur d'étrave, reprise toile de plafonnier, reprise du manuel du propriétaire, remise du double des clefs du bateau » tout en soutenant au titre de la garantie due par l'assureur que le bateau était censé être neuf et qu'il a subi des dégradations et non un retard dans l'exécution.
Cependant, il convient de souligner que le devis signé par Mme [S] le 2 septembre 2016 mentionne uniquement : « sellerie à changer pour la préparation du bateau ' plage arrière ' révision moteur ». Il n'est fait mention d'aucun autre désordre.
Le procès-verbal de livraison signé par le bailleur, CGL, et la locataire, Mme [S], en date du 7 février 2017, mentionne que « le locataire déclare le bateau désigné ci-dessus conforme au contrat de location et aux normes légales et réglementaires. En conséquence, il l'accepte sans restriction ni réserve, après que la mise à l'eau et les essais aient été effectués ».
Il résulte de la lecture du courrier de Mme [S] adressé à la société SJM le 26 août 2017 qu'il s'agit bien d'un retard dans l'exécution puisque celle-ci constate « une inexécution des obligations contractuelles notamment lors de la livraison le mardi 16 mai dernier, où elle avait demandé de reprendre le bateau » pour les motifs susvisés et vise d'ailleurs l'article 1231-1 du code civil portant sur les dommages et intérêts dus soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution.
Par lettre du 1er septembre 2017, la société SJM a d'ailleurs confirmé « la prise en charge « usine » de tous les éléments cités de sa part », précisant qu'elle n'avait pas pu assurer cette prise en charge auparavant, pour ne pas pénaliser la navigation pendant la saison 2017. Elle n'a pas contesté le fait que Mme [S] avait déjà demandé la prise en charge de ces éléments le 16 mai 2017, lors de sa mise à l'eau.
Il ressort ainsi de ces courriers que les désordres décrits par Mme [S] étaient déjà présents et visibles lors de la livraison du produit (s'agissant de la sellerie et de la plage arrière), même s'ils n'ont pas été listés dans le procès-verbal de livraison signé le 7 février 2017, ou à tout le moins à la mise à l'eau en mai 2017, et que la société SJM s'était engagée à les prendre à sa charge.
Mme [S] fait également état d'un nouveau désordre, le décollement des hublots latéraux, qui serait dû au stockage du bateau. Il s'agit d'une affirmation qui ne repose sur aucun élément de preuve puisqu'elle produit uniquement un devis en date du 20 décembre 2024 établi à sa demande.
C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que s'agissant des désordres constatés dans le devis, la société SJM a manqué à ses obligations contractuelles en ne procédant pas aux réparations pendant la période antérieure à la mise à l'eau soit entre l'acceptation du devis le 2 septembre 2016 et la mise à l'eau le 16 mai 2017 et que cette dernière s'était engagée à procéder aux réparations sollicitées par Mme [S] le 1er septembre 2017.
Toutefois, les conditions générales susvisées excluent de la garantie non seulement la remise en état ou la mise en conformité du produit livré, soit en l'espèce le bateau, mais également les dommages résultant du retard dans l'exécution du travail ou dans la livraison des produits ainsi que les défectuosités connues lors de la livraison des matériels ou produits.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la garantie de la Crama Bretagne Pays de Loire n'était pas mobilisable au titre du dommage subi par Mme [S]. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- Sur les demandes accessoires
Partie principalement succombante en première instance, Mme [S] a été à juste titre condamnée aux dépens.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la Crama Bretagne Pays de Loire de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Mme [S] sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
Il n'est pas inéquitable de condamner Mme [S] à payer à la Crama Bretagne Pays de Loire la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement rendu le par le tribunal judiciaire de Saint-Malo en ce qu'il a dit que la société Saint Jacut Marine n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à l'encontre de Mme [S] et que ce manquement lui a occasionné un préjudice évalué à la somme de 2 500 euros ;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes formées par Mme [U] [S] à l'encontre de la Selarl TCA es qualité de liquidateur de la SARL Saint Jacut Marine, en l'absence de déclaration de créance ;
Confirme le jugement susvisé en ce qu'il a dit que le dommage résultant du manquement de la société Saint Jacut Marine n'est pas couvert par la garantie souscrite auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et a débouté Mme [S] de ses prétentions à l'encontre de ladite société ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [U] [S] aux dépens ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [S] à payer à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [U] [S] aux dépens de la procédure d'appel.
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT