CA Pau, 2e ch - sect. 1, 26 mai 2025, n° 24/00292
PAU
Arrêt
Autre
PhD/PM
Numéro 25/1625
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 26 MAI 2025
Dossier : N° RG 24/00292 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IXZG
Nature affaire :
Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement
Affaire :
[T] [G]
C/
[E] [P]
[H] [D]
[Z] [L]
[Y] [C]
[I] [B]
[F] [M]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 MAI 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 31 Mars 2025, devant :
Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme DENIS, Greffier présent à l'appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère,
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [G]
né le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 25] (31)
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 15]
Représenté par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [E] [P]
né le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 26] (78)
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 14]
Madame [H] [D]
née le [Date naissance 9] 1966 à [Localité 20] (79)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 17]
Monsieur [Z] [L]
né le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 19] (14)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 14]
Monsieur [Y] [C]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 23]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 14]
Monsieur [I] [B]
né le [Date naissance 2] 1987 à
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 14]
Madame [F] [M]
née le [Date naissance 10] 1968 à [Localité 21] (09)
de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 16]
Représentés par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE - LIGNEY - BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
Assistés de Me Jérôme BOUYSSOU, avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 16 JANVIER 2024
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU
FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Suivant acte notarié du 25 septembre 1984 des médecins ont constitué entre eux la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre regroupant leur activité médicale exercée sur deux polycliniques à [Localité 24] et à [Localité 22].
Les praticiens de la société en participation sont également associés de la société civile de moyens Béarn-Bigorre et de la société civile de moyens Comor, domiciliées à [Localité 24].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 novembre 2020, le docteur [T] [G] a été convoqué aux assemblées générales de ces trois sociétés pour délibérer sur son exclusion.
Le 9 décembre 2020, les assemblées générales ont prononcé l'exclusion de M. [G].
A l'issue d'un contentieux, les sociétés civiles de moyens ont racheté les parts sociales de M. [G].
En revanche, M. [G] n'a pas obtenu le rachat de la valeur de sa patientèle par ses associés de la société en participation.
Suivant exploit du 27 septembre 2021, M. [G] a fait assigner ses confères et cons'urs [E] [P], [H] [D], [Z] [L], [Y] [A], [I] [B] et [F] [J], membres de la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre (ci-après les consorts [P]) par-devant le tribunal judiciaire de Pau en paiement de la somme de 825.000 euros correspondant à la valeur de sa patientèle.
Par jugement contradictoire du 16 janvier 2024, le tribunal a débouté M. [G] de ses demandes et l'a condamné à payer à chacun des consorts [P] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 24 janvier 2024, M. [G] a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 février 2025.
***
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 février 2025 par M. [G] qui a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
- condamner les adversaires à lui payer une somme de 825.000 euros correspondant à la valeur de sa patientèle, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 29 janvier 2021
- condamner in solidum les mêmes au paiement chacun d'une somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 7 février 2025 par les consorts [P] qui ont demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. [G] à payer à chacun d'eux la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Observations liminaires :
La discussion sur la régularité de la mesure d'exclusion ne présente aucun intérêt sur le présent litige puisque M. [G], tout en la critiquant, n'entend pas demander l'annulation de cette mesure mais seulement en tirer les conséquences juridiques et financières au regard de ses droits d'associé au sein de la société en participation.
Spécialement, l'action de M. [G] a pour objet le rachat forcé de sa patientèle par ses associés, au visa des articles 1871 et suivants du code civil régissant la société en participation, ainsi qu'au visa de l'article 1303 du code civil relatif à l'enrichissement injustifié.
Sur le rachat de la « valeur de la patientèle » de l'associé exclu :
L'appelant fait grief au jugement entrepris d'avoir rejeté sa demande au motif qu'il ne pouvait pas se prévaloir du rachat de la patientèle de l'associé retrayant et qu'il n'avait pas présenté de successeur alors que :
- il serait injustifié qu'au prétexte de l'absence de clause d'exclusion dans les statuts de la société en participation, il ne puisse pas bénéficier des mêmes droits que ses ex-associés, de sorte qu'il ne serait plus traité de manière équitable pour tout ce qui concerne les questions de sortie, y compris le paiement de la patientèle
- en l'absence de clause d'exclusion dans les statuts de la société en participation, le « retrait forcé » de l'associé doit intervenir dans les conditions notamment prévues par l'article 10 « cession de parts » qui prévoit une concomitance entre la cession des parts sociales et le rachat de la patientèle
- ce principe de concomitance du rachat de la patientèle par les ex-associés est également prévu par les statuts des SCM en cas de cession des parts sociales (article 11, chapitre 3)
- ainsi quelle que soit la cause du départ d'un associé, le rachat de la patientèle doit être concomitant à la cession des parts sociales des SCM
- la condition de présentation préalable d'un successeur ne pouvait valablement se concevoir dans le cas d'une exclusion prononcée en 15 jours après sa convocation, outre son état de santé qui ne lui permettait pas de chercher un successeur, étant atteint d'une invalidité totale et définitive
- sa patientèle d'hémato-oncologue a vocation à être, et a été, exploitée par les associés oncologues de la société en participation à la suite de son exclusion
- cette situation constitue manifestement un enrichissement sans cause, car ses confrères ont bénéficié gratuitement de la patientèle qu'il avait constitué.
Cela posé, en application de l'article 1134 ancien du code civil, applicable aux statuts de la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre signés en 1984, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'article 1135 ancien du même code dispose également que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.
En l'espèce, la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre a été constituée entre les associés qui, en contrepartie de leurs apports en industrie et de la jouissance de leur patientèle personnelle, ont reçu, des parts d'intérêts.
Il est constant qu'une société en participation n'a ni personnalité juridique, ni capital social, ni patrimoine social.
Dans le silence des statuts, M. [G] a été exclu de la SEP sur le fondement de l'article 23 alinéa 2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 sur l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales réglementées.
Cette exclusion a été prononcée concomitamment à son exclusion statutaire des deux SCM.
L'article 13 des statuts des SCM, relatif au « retrait d'un associé », prévoit que l'associé retrayant ou exclu est obligé de se retirer de l'autre SCM ainsi que de la SEP, et, dans ce dernier cas, selon les modalités du « retrait volontaire » de l'article 24 des statuts de la SEP, reprises l'article 5 du règlement intérieur de celle-ci.
Il résulte également des statuts des SCM que l'associé exclu dispose, à compter de la notification de l'exclusion, d'un délai de trois mois pour céder ses parts sociales à un tiers ou un associé, et que, à défaut, la SCP procède au rachat des parts sociales de l'associé exclu.
Et, en application de l'article 5 du règlement intérieur sur le « retrait volontaire » de la société en participation, combiné à l'article 13 des statuts de la SCM, l'associé exclu peut, dans le même délai de trois mois applicable en cas d'exclusion de la SCM, présenter un successeur à ses associés, lesquels, en cas de refus d'agrément, s'engagent à procéder à racheter sa patientèle.
Il résulte donc des clauses statutaires précitées que, dans les trois mois de la notification de son exclusion, M. [G] avait la possibilité de céder ses parts sociales des SCM ainsi que sa patientèle apportée en jouissance à la SEP, à un tiers ou un associé.
Or, M. [G] n'a pas présenté de successeur, ni manifesté de volonté d'en présenter un.
A cet égard, son état de santé, constaté dans un arrêt de travail produit après sa convocation en vue de son exclusion, et la cessation de son activité pour inaptitude médicale, ne constituent pas des causes de dispense de la présentation d'un successeur à ses associés de la SEP comme condition du rachat de sa patientèle par ceux-ci.
Les SCM ont donc procédé au rachat des parts sociales de M. [G], conformément à sa demande et aux statuts.
Le moyen d'appel soutenant que les associés de la SEP étaient dès lors tenus, nonobstant le défaut de présentation d'un cessionnaire-successeur, de racheter sa patientèle en vertu du « principe de concomitance » issu de l'article 10 des statuts de la SEP et de l'article 11 des statuts des SCM, ne résiste pas à l'analyse. En effet, ces deux articles régissent respectivement la cession des parts d'intérêts de la SEP et la cession des parts sociales des SCM.
Selon l'article 10 des statuts de la SEP, les parts d'intérêts peuvent être cédées à un tiers ou un associé à condition que la cession soit concomitante au rachat des parts du cédant dans les SCM et de sa patientèle.
Et, selon l'article 11 des statuts des SCM, les parts sociales d'une SCM peuvent être cédées à un tiers ou un associé à condition que la cession soit concomitante à la cession des parts sociales de l'autre SCM et des parts d'intérêts dans la SEP, selon les modalités du retrait volontaire de l'article 24, repris à l'article 5 du règlement intérieur.
Ces clauses statutaires, qui expriment l'interdépendance statutaire des associés de SEP et des SCM, interdisent toute cession autonome des parts sociales ou des parts d'intérêts dès lors que la qualité d'associé est indissociable de la qualité de propriétaire de la clientèle mise à la disposition de la société en participation.
Dès lors que M. [G] n'a pas présenté de cessionnaire-successeur et a demandé aux SCM de racheter ses parts sociales, ces clauses n'ont pas pour effet de mettre à la charge des associés de la SEP une obligation de racheter la patientèle de M. [G].
Par conséquent, dans le silence des statuts, la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre n'ayant ni personnalité juridique, ni capital social, la situation de l'associé exclu qui n'a pas présenté de successeur se résout par la restitution de la jouissance de sa patientèle et l'annulation corrélative de ses parts d'intérêts, ce qui a été fait.
Les gérants de la société en participation ont ainsi pu notifier à M. [G], que, à la suite de son exclusion, il retrouvait la jouissance de sa patientèle et que le groupement assurerait la continuité des soins de ses patients jusqu'à ce qu'il lui donne des instructions pour le transfert la patientèle.
Par conséquent, la demande de rachat forcé de sa patientèle n'est pas fondée.
Enfin, la demande de M. [G] ne peut mieux être accueillie sur le fondement de l'enrichissement injustifié de l'article 1303 du code civil.
En effet, d'une part, dans le dispositif de ses conclusions, M. [G] n'a pas saisi la cour d'une demande indemnitaire mais d'une demande de rachat forcé de la valeur de sa clientèle alors que l'action fondée sur l'enrichissement injustifié est de nature indemnitaire.
D'autre part, la situation dont se plaint M. [G] est imputable à sa seule carence et à son inaptitude médicale à reprendre l'exploitation de sa clientèle. Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes, l'a condamné aux dépens et à payer une indemnité de 1.000 euros à chacun des défendeurs.
M. [G] sera condamné aux dépens d'appel et à payer à chacun des intimés une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y ajoutant,
CONDAMNE M. [G] aux dépens d'appel,
CONDAMNE M. [G] à payer à chacun des intimés une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président, et par M. MAGESTE, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Numéro 25/1625
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 26 MAI 2025
Dossier : N° RG 24/00292 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IXZG
Nature affaire :
Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement
Affaire :
[T] [G]
C/
[E] [P]
[H] [D]
[Z] [L]
[Y] [C]
[I] [B]
[F] [M]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 MAI 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 31 Mars 2025, devant :
Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme DENIS, Greffier présent à l'appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère,
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [G]
né le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 25] (31)
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 15]
Représenté par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [E] [P]
né le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 26] (78)
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 14]
Madame [H] [D]
née le [Date naissance 9] 1966 à [Localité 20] (79)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 17]
Monsieur [Z] [L]
né le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 19] (14)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 14]
Monsieur [Y] [C]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 23]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 14]
Monsieur [I] [B]
né le [Date naissance 2] 1987 à
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 14]
Madame [F] [M]
née le [Date naissance 10] 1968 à [Localité 21] (09)
de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 16]
Représentés par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE - LIGNEY - BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
Assistés de Me Jérôme BOUYSSOU, avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 16 JANVIER 2024
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU
FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Suivant acte notarié du 25 septembre 1984 des médecins ont constitué entre eux la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre regroupant leur activité médicale exercée sur deux polycliniques à [Localité 24] et à [Localité 22].
Les praticiens de la société en participation sont également associés de la société civile de moyens Béarn-Bigorre et de la société civile de moyens Comor, domiciliées à [Localité 24].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 novembre 2020, le docteur [T] [G] a été convoqué aux assemblées générales de ces trois sociétés pour délibérer sur son exclusion.
Le 9 décembre 2020, les assemblées générales ont prononcé l'exclusion de M. [G].
A l'issue d'un contentieux, les sociétés civiles de moyens ont racheté les parts sociales de M. [G].
En revanche, M. [G] n'a pas obtenu le rachat de la valeur de sa patientèle par ses associés de la société en participation.
Suivant exploit du 27 septembre 2021, M. [G] a fait assigner ses confères et cons'urs [E] [P], [H] [D], [Z] [L], [Y] [A], [I] [B] et [F] [J], membres de la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre (ci-après les consorts [P]) par-devant le tribunal judiciaire de Pau en paiement de la somme de 825.000 euros correspondant à la valeur de sa patientèle.
Par jugement contradictoire du 16 janvier 2024, le tribunal a débouté M. [G] de ses demandes et l'a condamné à payer à chacun des consorts [P] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 24 janvier 2024, M. [G] a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 février 2025.
***
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 février 2025 par M. [G] qui a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
- condamner les adversaires à lui payer une somme de 825.000 euros correspondant à la valeur de sa patientèle, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 29 janvier 2021
- condamner in solidum les mêmes au paiement chacun d'une somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 7 février 2025 par les consorts [P] qui ont demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. [G] à payer à chacun d'eux la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Observations liminaires :
La discussion sur la régularité de la mesure d'exclusion ne présente aucun intérêt sur le présent litige puisque M. [G], tout en la critiquant, n'entend pas demander l'annulation de cette mesure mais seulement en tirer les conséquences juridiques et financières au regard de ses droits d'associé au sein de la société en participation.
Spécialement, l'action de M. [G] a pour objet le rachat forcé de sa patientèle par ses associés, au visa des articles 1871 et suivants du code civil régissant la société en participation, ainsi qu'au visa de l'article 1303 du code civil relatif à l'enrichissement injustifié.
Sur le rachat de la « valeur de la patientèle » de l'associé exclu :
L'appelant fait grief au jugement entrepris d'avoir rejeté sa demande au motif qu'il ne pouvait pas se prévaloir du rachat de la patientèle de l'associé retrayant et qu'il n'avait pas présenté de successeur alors que :
- il serait injustifié qu'au prétexte de l'absence de clause d'exclusion dans les statuts de la société en participation, il ne puisse pas bénéficier des mêmes droits que ses ex-associés, de sorte qu'il ne serait plus traité de manière équitable pour tout ce qui concerne les questions de sortie, y compris le paiement de la patientèle
- en l'absence de clause d'exclusion dans les statuts de la société en participation, le « retrait forcé » de l'associé doit intervenir dans les conditions notamment prévues par l'article 10 « cession de parts » qui prévoit une concomitance entre la cession des parts sociales et le rachat de la patientèle
- ce principe de concomitance du rachat de la patientèle par les ex-associés est également prévu par les statuts des SCM en cas de cession des parts sociales (article 11, chapitre 3)
- ainsi quelle que soit la cause du départ d'un associé, le rachat de la patientèle doit être concomitant à la cession des parts sociales des SCM
- la condition de présentation préalable d'un successeur ne pouvait valablement se concevoir dans le cas d'une exclusion prononcée en 15 jours après sa convocation, outre son état de santé qui ne lui permettait pas de chercher un successeur, étant atteint d'une invalidité totale et définitive
- sa patientèle d'hémato-oncologue a vocation à être, et a été, exploitée par les associés oncologues de la société en participation à la suite de son exclusion
- cette situation constitue manifestement un enrichissement sans cause, car ses confrères ont bénéficié gratuitement de la patientèle qu'il avait constitué.
Cela posé, en application de l'article 1134 ancien du code civil, applicable aux statuts de la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre signés en 1984, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'article 1135 ancien du même code dispose également que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.
En l'espèce, la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre a été constituée entre les associés qui, en contrepartie de leurs apports en industrie et de la jouissance de leur patientèle personnelle, ont reçu, des parts d'intérêts.
Il est constant qu'une société en participation n'a ni personnalité juridique, ni capital social, ni patrimoine social.
Dans le silence des statuts, M. [G] a été exclu de la SEP sur le fondement de l'article 23 alinéa 2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 sur l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales réglementées.
Cette exclusion a été prononcée concomitamment à son exclusion statutaire des deux SCM.
L'article 13 des statuts des SCM, relatif au « retrait d'un associé », prévoit que l'associé retrayant ou exclu est obligé de se retirer de l'autre SCM ainsi que de la SEP, et, dans ce dernier cas, selon les modalités du « retrait volontaire » de l'article 24 des statuts de la SEP, reprises l'article 5 du règlement intérieur de celle-ci.
Il résulte également des statuts des SCM que l'associé exclu dispose, à compter de la notification de l'exclusion, d'un délai de trois mois pour céder ses parts sociales à un tiers ou un associé, et que, à défaut, la SCP procède au rachat des parts sociales de l'associé exclu.
Et, en application de l'article 5 du règlement intérieur sur le « retrait volontaire » de la société en participation, combiné à l'article 13 des statuts de la SCM, l'associé exclu peut, dans le même délai de trois mois applicable en cas d'exclusion de la SCM, présenter un successeur à ses associés, lesquels, en cas de refus d'agrément, s'engagent à procéder à racheter sa patientèle.
Il résulte donc des clauses statutaires précitées que, dans les trois mois de la notification de son exclusion, M. [G] avait la possibilité de céder ses parts sociales des SCM ainsi que sa patientèle apportée en jouissance à la SEP, à un tiers ou un associé.
Or, M. [G] n'a pas présenté de successeur, ni manifesté de volonté d'en présenter un.
A cet égard, son état de santé, constaté dans un arrêt de travail produit après sa convocation en vue de son exclusion, et la cessation de son activité pour inaptitude médicale, ne constituent pas des causes de dispense de la présentation d'un successeur à ses associés de la SEP comme condition du rachat de sa patientèle par ceux-ci.
Les SCM ont donc procédé au rachat des parts sociales de M. [G], conformément à sa demande et aux statuts.
Le moyen d'appel soutenant que les associés de la SEP étaient dès lors tenus, nonobstant le défaut de présentation d'un cessionnaire-successeur, de racheter sa patientèle en vertu du « principe de concomitance » issu de l'article 10 des statuts de la SEP et de l'article 11 des statuts des SCM, ne résiste pas à l'analyse. En effet, ces deux articles régissent respectivement la cession des parts d'intérêts de la SEP et la cession des parts sociales des SCM.
Selon l'article 10 des statuts de la SEP, les parts d'intérêts peuvent être cédées à un tiers ou un associé à condition que la cession soit concomitante au rachat des parts du cédant dans les SCM et de sa patientèle.
Et, selon l'article 11 des statuts des SCM, les parts sociales d'une SCM peuvent être cédées à un tiers ou un associé à condition que la cession soit concomitante à la cession des parts sociales de l'autre SCM et des parts d'intérêts dans la SEP, selon les modalités du retrait volontaire de l'article 24, repris à l'article 5 du règlement intérieur.
Ces clauses statutaires, qui expriment l'interdépendance statutaire des associés de SEP et des SCM, interdisent toute cession autonome des parts sociales ou des parts d'intérêts dès lors que la qualité d'associé est indissociable de la qualité de propriétaire de la clientèle mise à la disposition de la société en participation.
Dès lors que M. [G] n'a pas présenté de cessionnaire-successeur et a demandé aux SCM de racheter ses parts sociales, ces clauses n'ont pas pour effet de mettre à la charge des associés de la SEP une obligation de racheter la patientèle de M. [G].
Par conséquent, dans le silence des statuts, la société en participation d'oncologie et de radiothérapie Béarn-Bigorre n'ayant ni personnalité juridique, ni capital social, la situation de l'associé exclu qui n'a pas présenté de successeur se résout par la restitution de la jouissance de sa patientèle et l'annulation corrélative de ses parts d'intérêts, ce qui a été fait.
Les gérants de la société en participation ont ainsi pu notifier à M. [G], que, à la suite de son exclusion, il retrouvait la jouissance de sa patientèle et que le groupement assurerait la continuité des soins de ses patients jusqu'à ce qu'il lui donne des instructions pour le transfert la patientèle.
Par conséquent, la demande de rachat forcé de sa patientèle n'est pas fondée.
Enfin, la demande de M. [G] ne peut mieux être accueillie sur le fondement de l'enrichissement injustifié de l'article 1303 du code civil.
En effet, d'une part, dans le dispositif de ses conclusions, M. [G] n'a pas saisi la cour d'une demande indemnitaire mais d'une demande de rachat forcé de la valeur de sa clientèle alors que l'action fondée sur l'enrichissement injustifié est de nature indemnitaire.
D'autre part, la situation dont se plaint M. [G] est imputable à sa seule carence et à son inaptitude médicale à reprendre l'exploitation de sa clientèle. Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes, l'a condamné aux dépens et à payer une indemnité de 1.000 euros à chacun des défendeurs.
M. [G] sera condamné aux dépens d'appel et à payer à chacun des intimés une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y ajoutant,
CONDAMNE M. [G] aux dépens d'appel,
CONDAMNE M. [G] à payer à chacun des intimés une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président, et par M. MAGESTE, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,