CA Orléans, ch. civ., 27 mai 2025, n° 22/02011
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
V B
Défendeur :
K F
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Me Cotel, Me Tottereau - Retif, SELARL Leroy Avocats
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 septembre 2017, M. et Mme [B] ont signé un devis avec M. [F] pour la fourniture et la pose d'un plancher chauffant, la mise en place d'une pompe à chaleur air/eau et l'installation d'un adoucisseur, pour un montant total de 29 598,37 euros. La pompe à chaleur a été mise en service le 26 octobre 2018.
Par acte d'huissier de justice en date du 26 septembre 2019, M. [F] a fait assigner M. et Mme [B] devant le tribunal judiciaire d'Orléans en paiement des travaux effectués et dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement en date du 27 avril 2022 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente conclu entre M. et Mme [B] et M. [F] aux torts de ce dernier ;
- condamné M. et Mme [B] à restituer la pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F] résidant au [Adresse 1], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 3 mois ;
- condamné M. [F] à communiquer à M. et Mme [B] les données techniques du parquet chauffant dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 3 mois ;
- débouté M. [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. et Mme [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné M. [F] au paiement des dépens, dont distraction au profit de Me Hugues Leroy de la SCP Cabinet Leroy et associés.
Par déclaration en date du 11 août 2022, M. et Mme [B] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme [B] à restituer la Pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F] résidant au [Adresse 1], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 3 mois ; débouté M. et Mme [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par ordonnance d'incident en date du 2 mai 2023, le conseiller de la mise en état a :
- rejeté la demande de radiation de l'affaire inscrite au rôle sous le numéro 22/2011 ;
- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que M. [F] sera tenu aux dépens de l'incident.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 3 mai 2023, M. et Mme [B] demandent à la cour de :
- débouter M. [F] de son appel incident autant irrecevable que mal fondé ;
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel limité ;
Y faire droit,
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui ont : condamné M. et Mme [B] à restituer la pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F] résidant au [Adresse 1], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 3 mois ; débouté M. et Mme [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté M. et Mme [B] du surplus de leurs demandes ;
Et statuant de nouveau,
A titre principal,
- juger n'y avoir lieu à restituer la pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F] ;
- subsidiairement, si par impossible la cour d'appel d'Orléans devait confirmer la restitution de la pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F], juger que la restitution ne pourra intervenir qu'en valeur qui ne saurait être supérieure à 1 500 euros ;
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
En tout état de cause,
- condamner M. [F] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance ;
- ordonner s'il y a lieu la compensation entre les sommes qui seraient respectivement allouées à chacune des parties ;
- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires autant irrecevables que mal fondées ;
- condamner M. [F] à leur payer une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- condamner M. [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 février 2023, M. [F] demande à la cour de :
- déclarer M. [F] recevable et bien fondé en son appel incident et en ses demandes ;
Y faisant droit,
- déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés les époux [B] en leur appel et en toutes leurs demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires ;
En conséquence,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a : prononcé la résolution judiciaire du contrat conclu entre M. et Mme [B] et M. [K] [F] aux torts de ce dernier ; débouté M. [F] de ses demandes ;
Et statuant à nouveau :
- condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 13 084,78 euros au titre des travaux effectués suivant facture n° 2018-311 du 12 décembre 2018 augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mars 2019 ;
- condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Subsidiairement,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résiliation du contrat intervenu, mais aux torts et griefs des époux [B] ;
- condamner solidairement M. et Mme [B] à lui restituer la pompe à chaleur désinstallée sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
À défaut de restitution possible en nature, condamner solidairement M. et Mme [B] à payer à M. [F] la somme de 13 084,78 euros ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires au titre de la résistance abusive ;
- condamner in solidum M. et Mme [B] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner solidairement M. et Mme [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Bourillon avocat aux offres de droit ;
- débouter les époux [B] de toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2025.
MOTIFS
I- Sur la résolution du contrat
Moyens des parties
M. [F] soutient qu'il a effectivement exécuté le seul devis convenu entre les parties ; qu'il est faux de prétendre que la réglementation thermique 2012 permettait l'installation d'une pompe à chaleur réversible, car il faut se référer au Cep Max indiqué dans l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique à l'achèvement des travaux ; qu'en tout état de cause, l'étude thermique qui lui a été fournie et à laquelle il était tenu, a été réalisée en fonction des équipements demandés par M. [B], et elle n'envisageait pas de rafraîchissement ; que si M. [B] voulait ce système de rafraîchissement, il aurait dû refaire faire l'étude thermique afin de valider la conformité de sa demande avec la réglementation thermique, ce qu'il n'a pas fait bien que connaissant de façon très proche le bureau d'étude ; que M. et Mme [B] prétendent avoir découvert « fortuitement » l'absence de caractère réversible, ce qui est totalement impossible puisque cette absence ressort de l'essence même de leur propre étude thermique et des échanges qu'ils ont eu avec lui ; que de même, il ressort des éléments du dossier de permis de construire déposé par les maîtres d'ouvrage que cela ne figurait pas non plus dans le projet ; qu'en conséquence, il ne pouvait installer un système de rafraîchissement sans la validation d'une étude thermique au risque de ne pas être conforme à la réglementation thermique et que ses clients n'obtiennent pas le récapitulatif standardisé d'étude thermique justifiant la bonne mise en 'uvre de la RT2012 à l'achèvement des travaux ; que c'est donc à tort que le tribunal a considéré qu'il n'aurait pas rempli son contrat et son devoir de conseil et a prononcé la résolution du contrat à ses torts ; que les appelants ne démontrent en outre aucun désordre technique de la pompe à chaleur ; que la décision sera donc infirmée en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat à ses torts ; que subsidiairement, il y aura lieu de prononcer la résolution aux torts des appelants ; qu'en plus de refuser de régler les travaux de fourniture et pose, ils ne justifient pas de ce qu'est devenue cette pompe à chaleur et qui en a bénéficié ensuite ; qu'ainsi, si la cour devait confirmer la décision en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat, elle devrait la prononcer aux torts des appelants.
M. et Mme [B] indiquent que la première difficulté tient à la non-conformité du matériel installé par rapport au matériel commandé ; qu'ils avaient pris soin d'insister sur deux critères : la compatibilité domotique (X3D) de l'installation, et le caractère réversible de la pompe à chaleur ; qu'à l'allumage, ils ont fortuitement découvert qu'aucun de ces critères n'avait été rempli de sorte que le contrat n'a pas été exécuté conformément à ce qui avait été convenu ; qu'en réponse l'installateur leur a opposé qu'une pompe à chaleur réversible n'était pas conforme à la réglementation thermique 2012 et qu'une telle installation était de fait impossible car illicite ; que M. [F] ne les a jamais alertés de la difficulté que constituait selon lui la pose d'une pompe à chaleur réversible ; qu'il les a mis devant le fait accompli alors, qu'au regard de son devoir d'information, il était tenu de leur expliquer les conséquences de leur choix, les éventuelles lacunes ou insuffisance de leur commande et de discuter avec eux des solutions correctives ; qu'il y a d'ailleurs lieu de préciser que la supposée incompatibilité entre la réglementation thermique et une PAC réversible n'est pas établie ; que la réglementation thermique RT 2012 n'interdit pas les équipements de chauffage réversibles du moment où la construction se situe sous un niveau de référence à la consommation conventionnelle d'énergie primaire (Cep), comme c'était le cas en l'espèce ; qu'il n'y avait donc aucune difficulté à installer une pompe à chaleur réversible ; que si M. [F] indique que l'étude thermique qui lui a été fournie n'envisageait pas de rafraîchissement et que par conséquent il ne pouvait installer un tel système au risque de ne pas être conforme à la réglementation thermique, par son silence, il a commis un manquement grave à son devoir de conseil ; qu'étant en possession de deux documents contradictoires remis par son client, il était tenu d'attirer son attention sur cette difficulté ; que compte-tenu de la non-conformité de la pompe à chaleur installée, ils étaient bien fondés à solliciter, sur le fondement des articles L.211-5 du code de la consommation et 1217 et suivants du code civil, la résolution du contrat aux torts de M. [F] ; que la deuxième difficulté tient au fait que la pompe installée n'a jamais fonctionné correctement ; que M. [F] a tenté de justifier les dysfonctionnements par un défaut de paramétrage, mais pour autant l'intervention du frigoriste visant à paramétrer la pompe n'a pas eu l'effet escompté puisque les dysfonctionnements ont perduré ; que du fait du dysfonctionnement de la pompe à chaleur, ils sont également bien fondés à solliciter la résolution judiciaire du contrat.
Réponse de la cour
L'article L.217-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat dispose que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
L'article L.217-5 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, dispose que le bien est conforme au contrat s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
En l'espèce, le 26 septembre 2017, M. et Mme [B] ont signé le devis établi par M. [F] pour, notamment, la mise en place d'une pompe à chaleur air/eau, en apposant des mentions manuscrites sur le devis notamment en face de la prestation portant sur la pompe à chaleur : « compatible X3D » et « réversible chaud/froid ». En procédant ainsi, M. et Mme [B] ont porté à la connaissance de M. [F] les caractéristiques exigées de la pompe à chaleur et qui constituaient la condition de leur engagement. M. [F] n'a pas établi de nouveau devis ni émis aucune protestation sur le caractère impossible des caractéristiques exigées de la pompe à chaleur, mais a exécuté les travaux.
En réalisant les travaux et en sollicitant le paiement des prestations contractuelles, M. [F] a donc accepté les exigences de M. et Mme [B] quant aux caractéristiques de la pompe à chaleur. Or, il s'avère que la pompe à chaleur installée au domicile de M. et Mme [B] n'est pas réversible, comme cela était attendu par les clients.
Il importe peu de savoir si la réglementation thermique 2012 prohibait ou non la pose d'une pompe à chaleur réversible, dès lors que l'obligation de délivrance contraignait l'entrepreneur à fournir et à poser un appareil conforme aux stipulations contractuelles, sauf à informer M. et Mme [B] de l'impossibilité de procéder à la mise en place de cet équipement. M. [F] ne justifie pas avoir informé ses clients que leur exigence d'une pompe à chaleur réversible était impossible au regard de la réglementation thermique comme il le soutient, mais a préféré exécuter le devis initial sans tenir compte des besoins de M. et Mme [B].
Si la pré-étude thermique réalisée en décembre 2016 à la demande de M. et Mme [B] ne mentionne pas le refroidissement de l'habitation par pompe à chaleur, elle ne comporte aucune proscription d'installation d'une pompe à chaleur réversible telle qu'exigée lors de la signature du devis, et pour laquelle l'entrepreneur n'a émis aucune observation, réserve ou avertissement sur la possibilité d'installation dans leur habitation.
En conséquence, M. [F] a manqué à son obligation de délivrance conforme.
L'article L.217-9 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.
L'article L.217-10 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, prévoit que l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L.217-9 ne peut être mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur.
En l'espèce, M. et Mme [B] ont mis en demeure M. [F] de procéder au remplacement de la pompe à chaleur non-conforme à la commande, par courrier du 27 août 2019 et l'entrepreneur n'y a pas procédé dans le mois de la réclamation. M. et Mme [B] ont fait le choix de solliciter la résolution du contrat.
Il convient donc de prononcer la résolution du contrat liant les parties, et les motifs tirés du défaut de règlement de l'intégralité du prix ou de l'absence de restitution de la pompe à chaleur ne sauraient justifier la résolution aux torts de M. et Mme [B] qui ne sont pas responsables du défaut de respect par M. [F] de son obligation de délivrance conforme.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution aux torts de M. [F]. En raison de la résolution du contrat, M. [F] ne peut obtenir paiement du prix de la facture de travaux.
II- Sur les conséquences de la résolution
Moyens des parties
M. et Mme [B] soutiennent que la société Ferreira a été contrainte de procéder à la neutralisation de la pompe à chaleur par récupération des gaz, ainsi qu'à sa dépose et son évacuation, sa valeur vénale étant nulle ; qu'une restitution en nature s'avérait impossible, le matériel n'étant plus en leur possession puisqu'il était hors service et a été neutralisé puis évacué par la société Ferreira ; que c'est donc à tort que le premier juge les a condamnés à restituer la pompe à chaleur litigieuse ; qu'ensuite, la restitution en valeur était tout aussi infondée puisque la valeur estimée de la pompe à chaleur, au jour de la restitution, était nécessairement nulle ; qu'en tout état de cause, il ne leur appartenait aucunement de supporter la charge de la diminution de la valeur du matériel dès lors que leur bonne foi n'est pas contestable, et que cette perte de valeur n'est due qu'à un dysfonctionnement fautif imputable à M. [F] ; que M. [F] ne produit aucun élément démontrant qu'ils auraient conservé la pompe à chaleur, et pour cause, la facture de la société Ferreira est sans ambiguïté sur le fait qu'elle a été évacuée ; que M. [F] sera donc débouté de sa demande formée à ce titre ; que subsidiairement, si la cour d'appel devait ordonner la restitution de la pompe à chaleur litigieuse, il ne pourra qu'ordonner une restitution en valeur qui ne saurait être supérieure à 1 500 ' compte tenu de sa détérioration au jour de la restitution ; que la cour observera que M. [F] est dans l'incapacité totale de justifier de la valeur de la pompe à chaleur au moment où sa restitution a été ordonnée par le premier juge.
M. [F] fait valoir que les appelants estiment que la pompe à chaleur était définitivement hors service et hors d'usage le 2 octobre 2019, mais ne produisent toutefois aucun autre élément aux débats que le devis et la facture de la société Ferreira ; que cette société prétend qu'elle aurait été contrainte de neutraliser la pompe par récupération des gaz, intervention nécessitant toutefois une habilitation concernant la manipulation des fluides pour la mise en service de la pompe à chaleur qui ne figure ni sur le devis ni sur la facture et qui n'a pas plus été produit d'une autre façon. ; que cette facture démontre la présence du gaz et que le fonctionnement de la pompe à chaleur n'était donc pas en cause ; que d'ailleurs, cette société qui se trouve en redressement judiciaire évoque un dépannage du 13 juillet sans expliquer ce qu'elle a rencontré comme difficulté ni même ce qu'elle a dépanné ; qu'en réalité aucun crédit ne peut être accordé à ce devis daté du 14 novembre 2019 pour un dépannage du 13 juillet précédent et accepté par le client un mois avant soit le 16 septembre 2019 ; que de plus, l'entreprise Ferreira savait pertinemment que la pompe à chaleur était encore sous garantie avec une valeur vénale et que par conséquent elle ne pourrait être mise au rebut ; qu'en effet, la pompe à chaleur était neuve et encore sous garantie, et avait une valeur marchande non négligeable sur le marché de l'occasion, car M. [B] a beau faire état d'un dysfonctionnement, il n'en a jamais rapporté la preuve ; que dès lors que M. [B] n'avait pas réglé le prix des travaux, il n'en était pas propriétaire et il aurait dû lui proposer de reprendre cette pompe à chaleur, la mettre à sa disposition ou lui faire livrer par l'artisan qui l'a démontée ; que M. [B] ne justifie pas de ce qu'est devenue cette pompe à chaleur, qui en a bénéficié ensuite, car elle n'a certainement pas été mise au rebut ou évacuée en déchetterie ; que si la cour devait considérer que la restitution en nature serait devenue impossible, elle devrait alors considérer que cette impossibilité a été provoquée par les époux [B] et les condamner au paiement de la somme sollicitée en principal
à titre de compensation.
Réponse de la cour
En application de l'article L.217-10 du code de la consommation, dans sa version alors applicable, la résolution emporte restitution réciproque de la chose et du prix.
En l'espèce, M. et Mme [B] n'ont pas réglé la facture du 12 décembre 2018 portant sur la pose et la fourniture d'une pompe à chaleur, pour la somme de 13 084,78 euros TTC, de sorte que M. [F] ne peut être tenu à la restitution de cette somme.
L'article 1229 du code civil dispose que les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
L'article 1352 du code civil dispose que la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.
M. et Mme [B] justifient avoir confié à la société Ferreira des travaux de dépose et d'évacuation de la pompe à chaleur, et de pose et de mise en service d'une nouvelle pompe à chaleur, suivant facture du 5 octobre 2019. Ils ne sont donc plus en possession de la pompe à chaleur fournie par M. [F] de sorte que la restitution en nature est désormais impossible et la demande formée à ce titre sera rejetée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [B] à restituer la pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F] résidant au [Adresse 1], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 3 mois.
M. et Mme [B] sont néanmoins tenus de restituer la chose vendue en valeur. S'ils font état de dysfonctionnements, à l'appui de messages adressés à M. [F] en décembre et janvier 2019, et ne justifient que d'une intervention de la société Alfroy le 23 janvier 2019 pour effectuer un raccordement de sonde, un paramétrage de la régulation, la mise en place d'une soupape de décharge et une vérification du piège à boue, et d'un dépannage de la société Ferreira le 13 juillet 2019 sur lequel la facture de celle-ci ne mentionne aucune précision.
Ces éléments ne permettent pas d'établir que la pompe à chaleur serait de valeur nulle, alors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune expertise judiciaire et qu'il n'est pas établi qu'elle serait totalement hors d'usage.
Au regard de la facture de M. [F], la pompe à chaleur et ses accessoires, hors coût de mise en service, main-d'oeuvre et éco-contribution, avait un coût hors taxe de 9 681,96 euros. Cependant, la restitution par l'acquéreur ne porte pas sur le prix mais sur la valeur, estimée au jour de la restitution. Or, le prix de vente pratiqué par le plombier-chauffagiste comporte sa marge qu'il convient d'évaluer à 30 %. La valeur de la pompe à chaleur doit donc être estimée à la somme de 6 777,37 euros à laquelle M. et Mme [B] seront condamnés solidairement à payer à M. [F].
III- Sur les demandes de dommages et intérêts
Moyens des parties
M. et Mme [B] indiquent qu'ils se verront allouer une somme de 5 000 ' en réparation du trouble de jouissance subi du fait de l'absence de chauffage et d'eau chaude sanitaire durant tout un hiver ainsi que des nombreuses et vaines interventions de dépannage aussi contraignantes que chronophages ; que le premier juge n'a aucunement statué sur cette question ; que cette indemnisation est justifiée notamment par la faiblesse des températures extérieures moyennes qui ont été relevées au cours de l'hiver 2019 (3,7 °C en janvier 2019) et compense également le préjudice moral à raison des désagréments causés du fait du dysfonctionnement de la pompe à chaleur dès l'origine ; que le jugement sera nécessairement infirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance ; que s'agissant de la demande indemnitaire de M. [F], il sera rappelé qu'ester en justice est un droit fondamental reconnu à toute personne titulaire de la capacité à agir qui ne peut à lui seul dégénérer en abus de droit et justifier une condamnation à des dommages-intérêts ; que leur comportement procédural est parfaitement légitime et ne révèle aucune mauvaise foi ou intention de nuire à l'égard de M. [F], de sorte qu'aucune faute n'est caractérisée ; que M. [F] sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef.
M. [F] explique que les prétendus préjudices ne sont pas avérés ; que solliciter 5 000 ' pour absence de chauffage et d'eau sanitaire sans le moindre justificatif relève même de l'indécence ; que pour sa part, il subit un préjudice complémentaire du fait de la résistance abusive des époux [B], le non-paiement de la facture étant de nature à affecter la trésorerie d'une petite entreprise et il y aura lieu de réparer ce préjudice par l'allocation d'une somme complémentaire de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'il a particulièrement mal vécu les attaques incessantes du requérant qui lui avait promis de « lui pourrir la vie » et a été contraint de se mettre en arrêt de travail non rémunéré par sa seule et unique faute.
Réponse de la cour
L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En premier lieu, il convient de rappeler que M. [F] a installé une pompe à chaleur ne correspondant pas à l'exigence d'un appareil réversible, de sorte que M. et Mme [B] ont été privés de l'appareil attendu dès la livraison du bien.
En second lieu, les messages adressés par M. et Mme [B] à M. [F] en décembre et janvier 2019 établissent l'existence de défauts de fonctionnement de l'installation de chauffage. Si les appelants n'établissent pas avoir été totalement privés de chauffage et d'eau chaude pendant l'hiver 2018-2019, ils ont néanmoins subi des désagréments liés aux multiples difficultés à faire fonctionner normalement la pompe à chaleur installée par M. [F]. Par ailleurs, dès l'automne 2019, M. et Mme [B] ont fait procéder au remplacement de la pompe à chaleur, limitant ainsi les désagréments liés aux dysfonctionnements de la pompe à chaleur initiale.
Au regard de ces éléments, M. et Mme [B] ont subi un préjudice de jouissance qu'il convient de réparer intégralement en leur allouant la somme de 1 500 euros. M. [F] sera condamné à leur payer ladite somme et le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [B] de leur demande de dommages et intérêts.
Au regard de la résolution du contrat, M. [F] est infondé à solliciter le paiement de la facture de travaux. Il ne justifie d'aucune faute commise par M. et Mme [B] dans leur droit d'agir en justice, étant rappelé que leurs demandes étaient partiellement fondées. En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée et le jugement qui a omis de statuer sur ce point sera complété en ce sens.
IV- Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [B] de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [F] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. et Mme [B] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- condamné M. et Mme [B] à restituer la pompe à chaleur air/eau Altherma 2e génération à M. [F] résidant au [Adresse 1], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 3 mois ;
- débouté M. et Mme [B] de leur demande de dommages et intérêts ;
- débouté M. et Mme [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DÉBOUTE M. [F] de sa demande de restitution en nature de la pompe à chaleur ;
CONDAMNE solidairement M. et Mme [B] à payer à M. [F] la somme de 6 777,37 euros à titre de restitution en valeur de la pompe à chaleur ;
DÉBOUTE M. [F] de sa demande en paiement de la facture du 12 décembre 2018 et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, formées à l'encontre de M. et Mme [B] ;
CONDAMNE M. [F] à payer à M. et Mme [B] la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice de jouissance ;
CONDAMNE M. [F] aux entiers dépens d'appel ;
CONDAMNE M. [F] à payer à M. et Mme [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.