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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 22 mai 2025, n° 23/11097

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire Val De France (Sté), Groupe Idec Developpement (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mollat

Conseillers :

Pelier-Tetreau, Tabourot

Avocats :

De La Taille, Decoux Laroudie, Berest, Amroun, Vatier

T. com. Paris, du 27 févr. 2023, n° 2022…

27 février 2023

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Racing Invest a été constituée par MM. [E] [I] et [B] [Z] qui détiennent chacun 50% des actions composant le capital social.

La société est propriétaire d'un actif immobilier composé d'un ensemble de parcelles non bâties et non constructibles situées à [Localité 11] (Var).

La SASU Groupe IDEC Développement (ci-après, « IDEC ») est une société spécialisée dans la promotion immobilière.

Par acte authentique du 25 juillet 2019, MM [I] et [Z], ainsi que Mme [V] épouse [I], ont consenti à la société IDEC une promesse unilatérale de cession de leurs actions composant la totalité du capital de la société Racing Invest sous différentes conditions suspensives dont l'obtention d'un permis d'aménager « exprès » et purgé de tout recours pour la réalisation du projet sur les parcelles de terres dont est propriétaire la société Racing Invest qui devait être déposé au plus tard le 30 novembre 2020, sous réserve que la modification du plan de prévention des risques d'incendie de forêts soit engagée.

La promesse était consentie pour un délai expirant le 15 septembre 2021 et il était stipulé que la société IDEC s'engageait à payer aux promettants la somme de 212 458 euros à titre d'indemnité d'immobilisation, dans l'hypothèse où elle ne signerait pas la vente de son seul fait alors que celle-ci serait devenue parfaite.

Elle stipulait également que, dans le cas où le plan de prévention des risques d'incendie de forêts (ci-après, « PPRIF ») n'était pas modifié dans le délai encadrant la promesse, rendant impossible de déposer le dossier complet de permis d'aménager, « les parties conviennent de se rapprocher à l'effet d'étudier les suites à apporter aux présentes » et que « passé un délai de trente jours calendaires sans que les parties soient parvenues à se mettre d'accord, la promesse sera caduque de plein droit, sans indemnité de part, ni d'autre et à charge pour le promettant de restituer au bénéficiaire, dans les quarante-cinq jours calendaires de cette caducité, l'indemnité d'immobilisation ».

Le 12 novembre 2019, la Banque populaire Val de France s'est portée caution solidaire pour le compte de la société IDEC en faveur des promettants pour garantir le paiement de l'indemnité d'immobilisation.

Le 18 novembre 2020, la société IDEC notifiait par lettre recommandée avec accusé de réception aux promettants qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de déposer une demande de permis d'aménager avant le 30 novembre 2020 en raison de l'absence de modification du plan de prévention des risques d'incendie de forêts.

Conformément aux termes de la promesse, les parties ont étudié les possibilités de réserver une suite aux discussions à défaut de permis.

Les parties ont confirmé leur accord pour se donner un délai supplémentaire, jusqu'au 31 janvier 2021 pour discuter des suites du projet.

Les discussions n'étaient pas terminées à cette échéance.

S'en est suivie une période de près de quatre mois, au cours de laquelle les parties ont poursuivi leurs échanges qui ont porté sur les modalités et conditions financières relatives à la cession de titres (valeur conventionnelle, méthode de calcul de l'actualisation) et sur des projets de texte.

Par courriers du 13 juillet 2021 et du 2 août 2021, les promettants ont revendiqué le bénéfice de l'indemnité d'immobilisation.

Le 1er octobre 2021, les promettants, qui estimaient infondé le refus de paiement de l'indemnité d'immobilisation opposé par la société IDEC, ont mis en jeu l'engagement de cautionnement solidaire consenti à leur profit par la Banque populaire Val de France, qui a refusé tout paiement.

Les promettants ont dès lors saisi le tribunal de commerce de Paris pour que la société IDEC soit condamnée à l'indemnité d'immobilisation s'élevant à la somme de 212 458 euros et subsidiairement, au paiement de cette même somme sur le fondement de la rupture fautive des pourparlers.

Par jugement du 27 février 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté M. [E] [I], Mme [P] [V] épouse [I], et M. [B] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, à savoir :

Débouté de leur demande d'indemnité de résiliation,

Débouté de leur demande de réparation de préjudice,

- Dit que la SA Banque populaire Val de France est libérée de son cautionnement,

- Débouté la société Groupe IDEC Développement de sa demande reconventionnelle,

- Condamné, in solidum, M. [E] [I], Mme [P] [V] épouse [I], et M. [B] [Z] à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

La somme de 5 000 euros à la SAS Groupe IDEC Développement,

La somme de 2 000 euros à la SA Banque populaire Val de France,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- Condamné, in solidum, M. [E] [I], Mme [P] [V] épouse [I], et M. [B] [Z] aux dépens.

Par déclaration du 22 juin 2023, M. [B] [Z] a interjeté appel en intimant la Banque Populaire Val de France et la société IDEC.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2024, M. [B] [Z], et les époux [I] demandent à la cour de :

- Déclarer M. [B] [Z] recevable et bien fondé en son appel,

- Déclarer M. [E] [I] et Mme . [P] [V], épouse [I], recevables en leur appel incident, sous la constitution de la SELARL Récamier Avocats Associés, en la personne de Mme . [N] [M],

- Infirmer le jugement du 27 février 2023 en ce qu'il a :

Débouté M. [E] [I], Madame [P] [V] épouse [I] et M. [B] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, à savoir :

o Débouté de leur demande d'indemnité de résiliation,

o Débouté de leur demande de réparation de préjudice,

o Dit que la société Banque Populaire Val de France était libérée de son cautionnement,

Condamné, in solidum, Monsieur [E] [I], Madame [P] [V] ép. [I] et Monsieur [B] [Z] à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

o La somme de 5 000 euros à la SAS Groupe IDEC Développement,

o La somme de 2 000 euros à la SA Banque Populaire Val de France,

Débouté de toutes leurs demandes contraires au dispositif, et

Condamné, in solidum, Monsieur [E] [I], Madame [P] [V] ép. [I] et Monsieur [B] [Z] aux dépens.

Et statuant à nouveau :

À titre principal :

- Dire et Juger que la société Groupe IDEC Développement a renoncé de manière non équivoque à la condition suspensive relative à l'actif immobilier détenu par la société Racing Invest ;

En conséquence, compte tenu de la notification faite par la société Groupe IDEC Développement de ne pas acquérir les actions sociales de la société Racing Invest,

- Condamner solidairement la société Groupe IDEC Développement et la Banque Populaire Val de France à verser à M. [E] [I], Mme . [P] [V] épouse [I], et M. [B] [Z] la somme de 212 458,00 euros correspondant au montant de l'indemnité d'immobilisation stipulée dans la promesse unilatérale de vente du 25 juillet 2019 ;

À titre subsidiaire,

- Dire et juger que la société Groupe IDEC Développement a abusivement rompu les

pourparlers en cours avec M. [E] [I], Mme . [P] [V], épouse [I], et M. [B] [Z] relatifs à la signature d'un avenant à la promesse unilatérale de vente du 25 juillet 2019 ;

En conséquence,

- Condamner la société Groupe IDEC Développement à verser à M. [E] [I], Mme . [P] [V], épouse [I], et M. [B] [Z] la somme de 212 458,00 euros en réparation de leur préjudice ;

En tout état de cause,

Sur les demandes reconventionnelles de la société Groupe IDEC Développement :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles formées par la société Groupe IDEC Développement ;

Sur la demande relative aux frais irrépétibles et aux dépens :

- Condamner in solidum la société Groupe IDEC Développement et la Banque Populaire Val

de France à payer à M. [E] [I], Mme . [P] [V], épouse [I], et M. [B] [Z] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner in solidum aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 décembre 2024, la société IDEC demande à la cour de :

- Prendre acte du fait qu'elle s'en rapporte à justice sur la question de la recevabilité de l'appel de M. [E] [I], Mme [P] [V] ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté M. [E] [I], Mme [P] [V] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] [I], Mme [P] [V] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de réparation de leur préjudice résultant d'une rupture fautive des pourparlers ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] [I], Mme . [P] [V] et M. [B] [Z] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Groupe IDEC Développement ainsi qu'aux entiers dépens.

À titre reconventionnel et incident,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Groupe IDEC Développement de sa demande indemnitaire à l'encontre de M. [E] [I], Mme . [P] [V] et M. [B] [Z].

En conséquence,

- Condamner M. [E] [I], Mme . [P] [V] et M. [B] [Z], in solidum, à payer à la société Groupe IDEC Développement la somme de 25 155 euros hors taxes à parfaire au titre du préjudice subi du fait du leur défaut de loyauté ;

- Subsidiairement, dans le cas où de M. [E] [I], Mme . [P] [V] seraient jugés irrecevables en leur appel et où une faute était retenue à l'égard de la société Groupe IDEC Développement, juger que le préjudice de M. [B] [Z] n'est pas caractérisé ni justifié et ne saurait correspondre tout au plus qu'au tiers des sommes revendiquées.

En toute hypothèse,

- Débouter la Banque populaire Val de France de sa demande en garantie de condamnations prononcées à sa charge au titre des frais irrépétibles et dépens ;

- Condamner M. [E] [I], Mme . [P] [V] et M. [B] [Z], in solidum, à payer à la société Groupe IDEC Développement la somme supplémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner in solidum aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la Banque Populaire Val de France demande à la cour de :

- Confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du 27 février 2023 ;

- Débouter M. [E] [I], Mme . [P] [V] et M. [B] [Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

A défaut à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que (i) la société IDEC est tenue au règlement de l'indemnité d'immobilisation, stipulée dans la promesse unilatérale de vente du 25 juillet 2019, et que (ii) la Banque populaire Val de France n'est pas déchargée de son engagement de caution :

- Condamner la société Groupe IDEC Développement à garantir la Banque populaire Val de France de toutes les condamnations prononcées à sa charge au profit de M. [E] [I], Mme . [P] [V] et de M. [B] [Z] en principal, intérêts, frais, article 700, dépens et accessoires.

En tout état de cause,

- Condamner tout succombant à régler à la Banque populaire Val de France la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la recevabilité de l'appel des consorts [I]

M. [B] [Z] et les époux [I] soutiennent qu'il résulte des dispositions de l'article 549 du code de procédure civile et de la jurisprudence y afférente qu'il n'est pas nécessaire qu'une partie soit intimée devant la juridiction d'appel pour qu'elle puisse former un appel incident dès lors qu'elle a, conformément à l'article 546 du code de procédure civile, un intérêt à interjeter appel ; qu'en l'espèce, les époux [I] ont un intérêt à former appel incident en ce que, d'une part, ils ont été déboutés de leurs demandes en première instance et condamnés au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, si seul l'appel de M. [Z] prospérait, les époux [I] supporteraient seuls les condamnations afférentes aux frais de l'article 700 et des dépens ; qu'en conséquence, les époux [I] ont un intérêt à former un appel incident, lequel est par conséquent recevable.

La société IDEC s'en rapporte à justice sur la régularisation de l'appel incident par voie de conclusions contenant constitution.

La Banque populaire Val de France n'a pas répondu.

Sur ce,

Aux termes de l'article 549 du code de procédure civile, l'appel incident peut émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance.

Aux termes de l'article 546, alinéa premier du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

En l'espèce, les consorts [I], qui n'ont pas interjeté d'appel principal et qui n'ont pas été intimés dans la déclaration d'appel formée par M. [Z], ont été déboutés de leurs demandes en première instance et ont été condamnés au paiement de frais relatifs à l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont intérêt à interjeter appel.

En se joignant aux conclusions de M. [Z], ils ont pu toutefois relever légitimement appel incident car il est admis que l'appel incident peut être formé en tout état de cause, peu importe qu'il soit formé hors du délai pour interjeter appel principal.

Il s'ensuit que l'appel des consorts [I] est recevable.

II. Sur l'indemnité d'immobilisation

M. [B] [Z] et les époux [I] soutiennent que, suivant l'article 1304-4 du code civil, la renonciation par une partie à une condition stipulée dans son intérêt exclusif tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli doit être expresse ou résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en l'espèce, la renonciation à la condition suspensive relative à la promesse de cession d'actions de la société Racing Invest avait été formalisée par un accord entre les parties, à savoir le projet final de l'avenant à ladite promesse proposé par la société IDEC, et que le 27 novembre 2020, la société IDEC faisait part de sa volonté de supprimer cette condition suspensive ; qu'en conséquence, la société IDEC avait et a continué de manifester, sans équivoque, sa volonté de renoncer à la condition suspensive relative à la promesse précitée.

Les appelants considèrent en outre que la proposition de la société IDEC de supprimer la condition suspensive ne valait que dans la mesure où les parties parviendraient à un accord définitif sur les termes de l'avenant à la promesse ; qu'en l'espèce, il ne restait aucun point à négocier ou à traiter ; qu'IDEC a mis en avant des points résolus pour affirmer que les parties ne seraient pas parvenues à un accord définitif, lequel avait pourtant déjà été trouvé ; qu'en conséquence, la promesse était devenue ferme en raison d'un accord réciproque trouvé par les parties sur la renonciation par IDEC à la condition suspensive, et doit être appliquée.

Les appelants, rappelant les dispositions de l'article 1213 du code civil, prétendent également que, suivant courrier du 18 décembre 2020, les parties étaient convenues de prolonger le délai de signature de l'avenant au 31 janvier 2021, mais que, dans les faits, leurs échanges se sont poursuivis jusqu'au 1er juin 2021 ; qu'ainsi, le délai butoir fixé au 31 janvier 2021 a été tacitement reporté entraînant par conséquent, la prorogation du terme de la promesse.

Concernant la novation retenue par le tribunal de commerce, les appelants soutiennent que, conformément à l'article 1330 du code civil, la volonté de nover ne se présume pas et doit clairement résulter de l'acte, et que, suivant la jurisprudence, la renonciation par une partie à une condition suspensive n'emporte pas novation ; qu'aux termes de la promesse, les parties devaient, en l'absence de modification du PPRIF avant la date butoir convenue, « se rapprocher à l'effet d'étudier les suites à apporter aux présentes », sous peine de caducité de la promesse ; que la recherche d'un accord n'interdisait aucunement aux parties de convenir de modifications aux engagements initiaux ; qu'en conséquence, aucune novation n'est donc intervenue.

Les appelants arguent enfin que, compte tenu de l'absence de caducité et de novation de la promesse, en application de la clause de la promesse prévoyant l'indemnité d'immobilisation, la société IDEC était tenue du paiement d'une indemnité d'immobilisation d'un montant de 212 458 euros, alors exigible, au profit des promettants.

La société IDEC soutient qu'elle n'a jamais renoncé à la condition suspensive ; que, la promesse était consentie pour un délai expirant en principe au 15 septembre 2021 sous peine de caducité de l'acte ; qu'en cas d'absence de réalisation de la condition suspensive du dépôt d'un permis d'aménager avant le 30 novembre 2020 et uniquement si le PPRIF n'était pas modifié, les parties pouvaient convenir, au titre de la clause de discussion stipulée au sein de la promesse, une prorogation de l'acte pour une durée de trente jours, étant stipulé que, passé ce délai, la promesse était caduque de plein droit ; qu'ainsi, il résulte de l'application combinée de ces clauses que la promesse était en principe caduque le 15 novembre 2020, soit le plafond maximal de prorogation de la promesse ; que, suivant mise en 'uvre de la clause de discussion et courrier du 18 décembre 2020, la validité de la promesse a été prorogée jusqu'au 31 janvier 2021 ; qu'aucun accord n'a finalement été trouvé à cette date, les discussions ayant échoué ; que, dès lors, les appelants ne sauraient revendiquer, sans se contredire, que la société IDEC aurait renoncé à la condition suspensive tout en acceptant la mise en 'uvre de la phase de discussion prévue en cas d'impossibilité d'obtenir le permis d'aménager et que, par conséquent, en l'absence d'un accord sur le sort de la condition suspensive, la promesse était caduque au 31 janvier 2021 et qu'aucun accord sur la prorogation de la promesse à fin janvier n'a en l'espèce été convenu par les parties.

La société IDEC ajoute, sur son absence de renonciation à la condition suspensive, que les extraits du courriel du 27 novembre 2020 produits par les appelants sont incomplets ; que si la société IDEC avait purement et simplement renoncé à la condition suspensive, la vente aurait été signée sans qu'il ne soit nécessaire de discuter pendant plus de six mois ensuite ; que, si la société IDEC a proposé de renoncer à la condition suspensive, ce n'était que sous réserve de modification de paiement du prix en définissant strictement les conditions, ce que les cédants ont accepté, avec toutefois la nécessité de discuter pour contractualiser certains points ; qu'en conséquence, elle n'a pas renoncé à la condition suspensive convenue mais simplement mis en 'uvre la clause de prorogation de la promesse jusqu'au 31 janvier 2021.

L'intimée, rappelant que l'indemnité d'immobilisation n'était prévue que dans l'hypothèse où le cessionnaire ne signerait pas l'acte d'acquisition dans les formes et délais fixés alors que toutes les conditions suspensives étaient réalisées, en conclut qu'aucune indemnité d'immobilisation n'est due.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Suivant l'article 1124, alinéa premier du code civil, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Il résulte de l'application combinée de ces textes que si une promesse unilatérale de vente stipule une condition suspensive déterminante de sa formation définitive, son défaut d'accomplissement empêche la perfection de la vente.

Aux termes de l'article 1304-4 du code civil, une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli.

Il est également admis que le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente qui ne lève pas l'option faute de réalisation de la condition suspensive n'est pas tenu au paiement de l'éventuelle indemnité d'immobilisation convenue dès lors qu'il n'a pas empêché l'accomplissement de la condition.

En l'espèce, la promesse de vente litigieuse du 25 juillet 2019 stipulait expressément le versement d'une indemnité d'immobilisation par le bénéficiaire au profit des promettants « en cas de non-signature de la vente par le seul fait du bénéficiaire, dans le délai ['] fixé, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées ».

Une condition suspensive était prévue consistant pour le bénéficiaire à justifier du dépôt d'un dossier complet de demande de permis d'aménager au plus tard au 30 novembre 2020 ' étant précisé dans l'acte que ce dossier ne pourrait être déposé que si la modification du PPRIF était engagée -, l'acte devenant caduc à compter de cette date à défaut.

L'acte stipulait toutefois que, dans le cas où le PPRIF n'était pas modifié, de sorte que l'obtention d'un permis d'aménager devenait impossible, « les parties conviennent de se rapprocher à l'effet d'étudier les suites à apporter aux présentes » et que « passé un délai de trente jours calendaires sans que les parties soient parvenues à se mettre d'accord, la promesse sera caduque de plein droit, sans indemnité de part, ni d'autre et à charge pour le promettant de restituer au bénéficiaire dans les quarante-cinq jours calendaires de cette caducité, l'indemnité d'immobilisation ».

Le 18 novembre 2020, la société IDEC a informé les promettants que la modification du PPRIF n'avait pas été engagée et qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de déposer une demande de permis d'aménager avant le 30 novembre 2020.

Il n'est pas contesté que ce défaut d'obtention n'est pas lié à son fait.

Conformément au contrat, les parties ont alors mis en 'uvre la clause de discussion précitée et, par accord exprès, décidé de proroger la validité de la promesse jusqu'au 31 janvier 2021.

Il ressort des pièces produites qu'au 1er février 2021, aucun accord définitif entre les parties n'a été trouvé.

En effet, même si la société IDEC a proposé de renoncer à la condition suspensive du permis de construire, aucun accord définitif n'était obtenu à cette date, le prix étant toujours en discussion. D'ailleurs, postérieurement à cette date, les négociations ont continué pendant près de quatre mois, au cours desquels les échanges entre les parties portaient sur les modalités et conditions financières relatives à la cession de titres (valeur conventionnelle, méthode de calcul de l'actualisation notamment) et sur des projets de texte.

Il n'est pas rapporté la preuve qu'une prorogation de la promesse a été expressément ou de manière non équivoque consentie par les différentes parties passé ce délai du 31 janvier contrairement à ce qu'affirment les appelants.

Si les parties ont par la suite continué les négociations, ces dernières ne portaient plus sur le même accord dès lors qu'il s'agissait pour le bénéficiaire de renoncer à la condition suspensive qui rendait constructible le terrain et que le prix discuté n'était alors plus celui qui avait été déterminé dans la promesse du 25 juillet 2019 prorogée. Le renoncement à la condition suspensive de permis après sa défaillance, ne refait pas revivre la promesse contrairement à ce qu'affirment les appelants.

La promesse est par conséquent devenue caduque selon la loi des parties au 1er février 2021.

Il s'ensuit que le versement de l'indemnité d'immobilisation n'est pas dû par l'intimée conformément à ce que les parties avaient elles-mêmes décidé.

Le moyen sera rejeté et le jugement confirmé de ce chef.

III. Sur la rupture abusive des pourparlers

M. [B] [Z] et les époux [I] soutiennent que, suivant l'article 1112 du code civil et la jurisprudence, les négociations précontractuelles sont libres mais doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi, ce qui n'est notamment pas le cas lorsqu'une partie rompt brutalement et unilatéralement des négociations très engagées sans motif légitime justifiant son retrait, étant précisé que plus les négociations sont avancées, plus il est fautif pour une partie de se retirer des discussions, qu'une rupture brutale peut être caractérisée dès lors qu'elle est faite la veille ou le jour même de la signature lorsque les négociations étaient fortement avancées, et qu'une absence de motif légitime justifiant le retrait dans les négociations peut entraîner la caractérisation d'une rupture brutale des pourparlers ; qu'en l'espèce, la société IDEC a rompu les pourparlers, étant rappelé que ces pourparlers intervenaient dans le cadre de la promesse ; que les discussions étaient particulièrement avancées puisqu'elles avaient abouti à un accord des parties sur les termes de l'avenant à signer le 1er juin 2021 et qu'il ne restait aucun point à négocier ; qu'ainsi, le fait d'annoncer le 1er juin 2021, soit le jour prévu de la signature de l'avenant dont le texte était validé, qu'elle souhaitait d'un délai de réflexion supplémentaire avant de notifier quelques jours plus tard sa renonciation au projet constitue une rupture brutale des pourparlers.

Les appelants ajoutent que, la société IDEC ne se prévaut d'aucun motif légitime pour justifier la rupture brutale des pourparlers. Si la société IDEC a fait état de l'importance des délais d'obtention de la modification du PPRIF, elle connaissait la situation d'urbanisme de l'actif immobilier depuis plus de deux ans et que les discussions relatives à l'avenant à la promesse avaient justement pour objet de régler les conséquences de l'absence de modification du PPRIF au 30 novembre 2020. Les appelants soutiennent en outre que la commercialisation du projet de construction d'une clinique par la société IDEC n'a jamais été érigée en condition suspensive et n'est jamais entrée dans le champ des négociations et que, par conséquent, la société IDEC ne saurait se prévaloir de ce motif pour se retirer des négociations.

Les appelants prétendent que leur le préjudice s'établit à la somme de 212 458 euros, correspondant à l'évaluation faite par les parties lors de la négociation de la promesse sur le préjudice subi du fait de l'immobilisation du bien et des frais supportés par les promettants ; qu'en conséquence, au titre de la rupture brutale des pourparlers, les appelants sont fondés à solliciter une indemnisation du préjudice subi à hauteur de 212 458 euros.

La société IDEC soutient qu'en reprenant la chronologie des faits, dès la date d'échéance contractuelle de la promesse, elle a proposé une autre offre comportant deux options ; que, par courrier du 12 janvier 2021, les appelants ont accepté de discuter sur la base de la deuxième option et de prolonger jusqu'au 31 janvier 2021 la période de discussion ; qu'ainsi, l'appelante a fait établir un projet d'avenant par son notaire qui a été transmis aux cédants le 18 janvier 2021 ; que, le 25 janvier 2021, M. [Z] a indiqué par courriel à la société IDEC vouloir rediscuter certains éléments du contrat de cession, notamment la détermination du prix ; qu'à réception de ce courriel, la société IDEC a indiqué que la proposition faite par M. [Z] ne permettait pas d'aboutir à un accord en l'état, mais qu'elle a accordé une nouvelle réunion avec les promettants, laquelle a eu lieu le 10 février 2021 et au cours de laquelle les conditions de la nouvelle promesse ont été actées et retranscrites par le notaire à son confrère qui était en charge de rédiger l'avenant ; qu'en mars 2021, après relance, le projet d'avenant a été communiqué par les cédants, mais que celui-ci n'était pas conforme aux accords souscrits ; qu'ensuite, l'intimée a relancé les appelants pendant plus de deux mois pour obtenir des explications sur le montant indiqué dans l'avenant ; que, le 27 mai 2021, les promettants ont renoncé à cette modification du prix et M. [Z] a donné son accord sur la valeur conventionnelle forfaitaire et que par la suite l'intimée n'a fait que demander un délai supplémentaire de réflexion ; qu'en réaction à sa sollicitation d'un délai supplémentaire, les promettants ont assigné la société IDEC en rupture abusive des pourparlers ; qu'en conséquence, la société IDEC n'a ni retardé, ni rompu les pourparlers, qui ont été mis en échec par les promettants.

La société IDEC soutient, sur le préjudice prétendument subi par les appelants, que, selon la jurisprudence, en matière de rupture de pourparlers sur une cession d'action, en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la victime de la rupture n'inclut que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait procédé, et non les gains qu'elle pouvait espérer tirer de la conclusion de ce contrat ou la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; qu'en l'espèce, les appelants évaluent le montant du préjudice qu'ils auraient subi au montant de l'indemnité d'immobilisation ; qu'en conséquence, la preuve du préjudice et de son quantum n'est pas rapportée d'autant plus que l'immobilisation du bien résulte de leur fait exclusif.

L'intimée en conclut qu'aucune rupture brutale des pourparlers ne saurait lui être imputée et que, au contraire, ce sont les appelants qui ont, de manière abusive, fait perdurer ces pourparlers.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1112, alinéa premier du code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

Ainsi, si la liberté est le principe dans le domaine des relations précontractuelles, y compris la liberté de rompre à tout moment les pourparlers, lorsque ces derniers ont atteint en durée et en intensité un degré suffisant pour faire croire légitimement à une partie que l'autre est sur le point de conclure et, partant, pour l'inciter à certaines dépenses, la rupture est alors fautive, et le préjudice qui en résulte peut donner lieu à réparation. La légèreté blâmable de la partie qui a rompu les pourparlers, sans nécessairement être de mauvaise foi, peut aussi correspondre à une forme d'abus de droit, caractérisé par l'abus du droit de rompre les négociations engagées.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'après plusieurs mois de négociations, les parties ne sont pas parvenues à un accord ferme et définitif sur la cession des titres de la société Racing Invest et qu'aucun acte authentique n'a pu être signé.

Il ressort des conclusions des parties et des pièces versées aux débats que l'échec des négociations ne peut être mis à la seule charge de l'intimée qui a fait plusieurs propositions non excessives compte tenu de la modification des termes et conditions du projet initial, y compris postérieurement à la caducité de la promesse, qui ont été refusées par les appelants en dépit de délai de réponse raisonnable qui leur avait été laissé.

Il résulte plus particulièrement des échanges entre les parties que celles-ci rencontraient des difficultés à s'accorder sur un prix de cession et qu'une modification du prix a été proposée le 4 mars par les appelants qui, contrairement à ce qu'ils affirment, ne procédait pas d'une simple erreur du notaire, mais bien d'un nouveau calcul du prix compte tenu du taux de l'impôt sur les sociétés. Ce n'est qu'après trois mois pendant lesquels la société IDEC démontre avoir fait plusieurs relances pour s'accorder sur un prix que les appelants ont finalement renoncé à cette modification du prix et que M. [Z] a donné son accord sur la valeur conventionnelle forfaitaire. Cependant, compte tenu du délai écoulé, le projet de commercialisation que la société IDEC avait pu développer et sur la base duquel elle avait pu proposer un projet d'avenant début 2021 aux cédants, a finalement été mis en échec. Dans son courriel du 8 juin 2021, la société IDEC explique que « la modification du PRIF va être extrêmement longue (...) Pour être très honnête, je ne suis pas très confiant sur l'aboutissement de la signature ». Car si la société IDEC était prête à renoncer à la clause suspensive relative au permis, elle n'a jamais renoncé à son projet de commercialisation, comme le relèvent les échanges de courriels.

Les cédants ne peuvent raisonnablement soutenir qu'ils pouvaient, dans de telles conditions, croire avec certitude à l'issue favorable de la cession de leurs titres.

Il s'ensuit que la mauvaise foi de l'intimée n'est pas caractérisée, de même que le caractère abusif et brutal de la rupture des négociations qui se sont prolongées bien au-delà de la caducité de la promesse.

La rupture des négociations ne pouvant ainsi être imputée à la seule intimée, cette dernière n'était alors pas tenue de justifier d'un motif légitime de retrait dans les négociations.

Il en résulte que la société IDEC a simplement usé de sa liberté dans le cadre de négociations précontractuelles, et que la rupture des pourparlers n'était par conséquent pas fautive.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnisation sollicitée par les appelants au titre d'une rupture abusive des pourparlers et de confirmer le jugement de ce chef.

IV. Sur la garantie bancaire

M. [B] [Z] et les époux [I] soutiennent que, compte tenu de l'absence de caducité et de novation de la promesse, suivant l'acte de cautionnement conclu et un courrier recommandé du 1er octobre 2021 mettant en 'uvre le cautionnement bancaire, la Banque populaire Val-de-France était solidairement tenue avec la société IDEC du paiement de l'indemnité d'immobilisation d'un montant de 212 458 euros, alors exigible, au profit des promettants.

La Banque populaire Val de France réplique que, suivant le cautionnement consenti, la garantie de l'indemnité d'immobilisation n'était due qu'en cas d'absence de signature de la vente par le seul fait du bénéficiaire dans le délai de la promesse et si toutes les conditions suspensives étaient réalisées ; qu'elle se rapporte aux moyens soutenus par la société IDEC sur la défaillance de la condition suspensive, qui n'est pas contestée, et la caducité de la promesse ; qu'en conséquence, la Banque populaire Val de France est libérée de son engagement de caution.

Sur ce,

Aux termes de l'article 2289 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.

En l'espèce, par acte du 12 novembre 2019, la Banque populaire Val-de-France s'était engagée en qualité de caution au profit de la société IDEC en considération d'une promesse de vente consentie par M. [Z] et les consorts [I] à la société IDEC. L'acte de cautionnement visait expressément l'article de ladite promesse intitulé « Indemnité d'immobilisation ' Caution bancaire », qui stipulait que l'indemnité d'immobilisation était due en cas de non-signature de la vente avant le 15 septembre 2021 et si les toutes conditions suspensives étaient réalisées.

La cour ayant précédemment jugé que la promesse de vente était caduque, l'engagement de caution de la Banque populaire Val-de-France, accessoire de la promesse, est par conséquent éteint.

Par conséquent, le cautionnement consenti par la Banque populaire Val-de-France ne saurait être mis en jeu et le jugement est confirmé de ce chef.

V. Sur le remboursement des frais exposés par la société IDEC

La société IDEC soutient que l'attitude fautive des appelants ayant consisté en une errance dans la négociation d'un nouveau contrat de vente, alors que la promesse pouvait être signée en janvier 2021, a causé des frais à la société IDEC d'un montant de 25 153 euros en vue de conclure la cession.

M. [B] [Z] et les époux [I] répliquent que pèse sur la société IDEC la charge de la preuve tant de la faute que du préjudice ; que la société IDEC n'établit aucune faute imputable aux promettants ; qu'en revanche, la prolongation des discussions s'est faite d'un commun accord et que l'absence d'aboutissement de la cession résulte d'une décision unilatérale prise par IDEC ; qu'en conséquence, les appelants, lésés par cette décision, ne sauraient être tenus de supporter les frais prétendument supportés par IDEC.

Sur ce,

C'est par des justes motifs qu'il convient d'adopter que le tribunal a retenu que la société IDEC n'a pas établi une faute caractérisée de la part des promettants lui permettant de demander réparation de son prétendu préjudice.

Par conséquent, l'absence de conclusion d'un accord définitif ne relevant pas d'une faute imputable aux appelants, le jugement sera confirmé.

VI. Sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [Z] et les consorts [I], succombant dans leurs prétentions, seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

En outre, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande que M. [Z] et les consorts [I] soient condamnés in solidum à payer à la société IDEC, contrainte d'exposer des nouveaux frais pour se défendre à hauteur d'appel, la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare l'appel formé par les consorts [I] recevable ;

Confirme le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] et les consorts [I] in solidum à verser à la société IDEC une indemnité d'un montant de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] et les consorts [I] in solidum aux entiers dépens.

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