CA Toulouse, 3e ch., 27 mai 2025, n° 24/02814
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Red Service (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vet
Conseillers :
Mme Gaumet, M. Balista
Avocats :
Me Sorel, Me Cohen-Drai, Me Maury
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI [Adresse 2], dont le gérant est M. [O] [F], est propriétaire d'un local commercial d'une surface de 240 m² ainsi que de trois bureaux d'une surface de 44 m² avec sas d'entrée et une parcelle en nature de gravier et de terre d'une surface d'environ 1 000 m² à l'arrière dudit bâtiment sis [Adresse 2] à [Localité 4].
Suivant acte authentique du 22 septembre 2014 passé par devant Me [J] [B], notaire à [Localité 6], la SCI [Adresse 2] a donné ces locaux à bail à usage commercial à la SARL MC Travaux, représentée par M. [S] [C]. Le bail, soumis au statut des baux commerciaux, était consenti pour 9 années entières expirant le 30 septembre 2023, moyennant un loyer annuel de 13 200 euros hors taxes. Il a été consenti à destination exclusive d'exploitation d'un fonds de commerce d'études, de conception, de commercialisation et réalisations de prestations de services liées aux secteurs des équipements routiers ainsi que de stockage.
La société preneuse a fait l'objet d'une procédure collective avec plan de redressement. Par jugement rendu le 15 mai 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire, fixant la date de cessation des paiements au 25 juin 2022 et désignant la SELARL Benoit & Associés, prise en la personne de Me [T], en qualité de mandataire liquidateur. Le 13 septembre 2023, le commissaire priseur chargé des opérations de vente du matériel de cette société a attesté avoir remis les clés des lieux loués à M. [F].
À compter du 1er novembre 2023, plusieurs baux précaires commerciaux d'une durée de quinze jours ont été consentis par la SCI [Adresse 2] à la SARL Red Service, dont le gérant est M. [L] [C], frère de M. [S] [C], moyennant un loyer de 563,83 euros hors taxe.
La société bailleresse a sollicité la libération des lieux, ce à quoi la SARL Red Services a opposé un refus, se prévalant dans un courrier du 15 janvier 2024 du bénéfice d'un bail commercial de 9 ans à compter du 15 décembre 2023.
Par acte en date du 7 février 2024, la SCI [Adresse 2] a fait assigner en référé la SARL Red Service aux fins d'obtenir le constat d'une occupation des lieux sans droit ni titre, ainsi que l'expulsion de la SARL Red Service, outre le paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2 000 euros.
Par ordonnance contradictoire en date du 23 juillet 2024, le juge des référés a :
- constaté que la SARL Red Service est occupant sans droit ni titre du local commercial sis [Adresse 2] et appartenant à la SCI [Adresse 2], depuis le 16 décembre 2023,
- ordonné la libération des lieux par la SARL Red Service et la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sortie dans les 8 jours suivant la signification de la présente décision,
- ordonné à défaut l'expulsion de la SARL Red Service et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2], occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,
- condamné la SARL Red Service à payer par provision à la SCI [Adresse 2], une indemnité mensuelle d'occupation de 2 000 euros, à compter du 16 décembre 2023 et jusqu'à complète libération des lieux outre la régularisation des charges arrêtées au jour du départ effectif,
- débouté la SCI [Adresse 2] de sa demande provisionnelle en dommages et intérêts,
- condamné la SARL Red Service aux dépens, en ce compris les frais de sommation de quitter les lieux du 26 janvier 2024,
- condamné la SARL Red Service à payer à SCI [Adresse 2] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 12 août 2024, la SARL Red Service a relevé appel de la décision en critiquant l'ensemble des dispositions.
Par acte du 27 août 2024, la SARL Red Service a fait assigner la SCI [Adresse 2] en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Toulouse, sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, aux fins de voir :
- suspendre l'exécution provisoire de l'ordonnance du 23 juillet 2024 en toutes ses dispositions,
- condamner la SCI [Adresse 2] au versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire en date du 15 novembre 2024, la présidente de chambre déléguée par la première présidente statuant en référé a :
- dit que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé du 23 juillet 2024 formulée par la SARL Red Service est sans objet, au regard de l'exécution de l'expulsion ordonnée en première instance,
- condamné la SARL Red Service aux dépens,
- condamné la SARL Red Service à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SARL Red Service dans ses dernières conclusions en date du 4 novembre 2024, demande à la cour au visa des articles L.145-1 et L.145-5 du code de commerce et les articles 1714 et 1715 du code civil, de :
- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 23 juillet 2024 sur les chefs suivants par lesquels le juge des référés a :
* constaté que la SARL Red Service est occupant sans droit ni titre du local commercial sis [Adresse 2] et appartenant à la SCI [Adresse 2], depuis le 16 décembre 2023,
* ordonné la libération des lieux par la SARL Red Service et la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sortie dans les 8 jours suivant la signification de la présente décision,
* ordonné à défaut l'expulsion de la SARL Red Service et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2], occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,
* condamné la SARL Red Service à payer par provision à la SCI [Adresse 2], une indemnité mensuelle d'occupation de 2 000 euros, à compter du 16 décembre 2023 et jusqu'à complète libération des lieux outre la régularisation des charges arrêtées au jour du départ effectif,
* condamné la SARL Red Service aux dépens, en ce compris les frais de sommation de quitter les lieux du 26 janvier 2024,
* condamné la SARL Red Service à payer à SCI [Adresse 2] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et, en conséquence, statuant à nouveau :
- demeurant l'existence de contestations sérieuses, renvoyer le demandeur à l'action la SCI [Adresse 2] à mieux se pourvoir devant le juge du principal,
- débouter la SCI [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal, de l'ensemble de ses prétentions,
- débouter la SCI [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal, de son appel incident,
- confirmer l'ordonnance de référé du 23 juillet 2024 en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCI [Adresse 2],
- condamner la SCI [Adresse 2] à verser à la SARL Red Service prise en la personne de son représentant légal la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI [Adresse 2] aux entiers dépens.
La SCI [Adresse 2] dans ses dernières conclusions en date du 9 janvier 2025, demande à la cour au visa de l'article 834 du code de procédure civile et l'article 1103 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance du 23 juillet 2023 en ce qu'elle a :
* constaté que la SARL Red Service est occupant sans droit ni titre du local commercial sis [Adresse 2] et appartenant à la SCI [Adresse 2], depuis le 16 décembre 2023,
* ordonné la libération des lieux par la SARL Red Service et la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sortie dans les 8 jours suivant la signification de la présente décision,
* ordonné à défaut l'expulsion de la SARL Red Service et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2], occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,
* condamné la SARL Red Service à payer par provision à la SCI [Adresse 2], une indemnité mensuelle d'occupation de 2 000 euros, à compter du 16 décembre 2023 et jusqu'à complète libération des lieux outre la régularisation des charges arrêtées au jour du départ effectif,
* condamné la SARL Red Service aux dépens, en ce compris les frais de sommation de quitter les lieux du 26 janvier 2024,
* condamné la SARL Red Service à payer à SCI [Adresse 2] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer l'ordonnance du 23 juillet 2024 en ce qu'elle a :
* débouté la SCI [Adresse 2] de sa demande provisionnelle en dommages et intérêts,
statuant à nouveau :
- débouter la SARL Red Service de ses demandes,
- condamner la SARL Red Service au paiement de la somme provisionnelle de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts à la SCI [Adresse 2].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la procédure d'expulsion
Pour constater que la SARL Red Service était occupante sans droit ni titre et ordonner son expulsion, le premier juge a retenu que compte tenu des éléments de preuve produits par chacune des parties, cette société ne pouvait sérieusement prétendre être titulaire d'un bail commercial à compter du 1er juin 2023, ni se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-5 al. 2 du code de commerce pour prétendre disposer d'un bail de cette nature à compter de son maintien dans les lieux après l'expiration du troisième bal précaire le 15 décembre 2023, au motif que la bailleresse a été diligente et a clairement manifesté son souhait de la voir libérer les lieux.
Pour conclure à l'infirmation de la décision, la SARL Red Service soutient que pour les besoins de son activité d'ingénierie et d'études techniques notamment dans le secteur des équipements routiers, elle a emménagé dans les lieux appartenant à la SCI [Adresse 2] à compter du 1er juin 2023 avec le consentement du bailleur ainsi qu'en attestent ses salariés et qu'elle en justifie en produisant diverses factures en lien avec son installation. Elle se prévaut d'un bail commercial verbal auquel le bailleur a consenti, en procédant à l'encaissement de la somme totale de 8 000 euros correspondant à 5 mois de loyers pour la période courant entre le 1er juin et le 31 octobre 2023, au cours de laquelle celui-ci n'a manifesté aucune opposition à sa présence dans les lieux. Elle ajoute que la SCI [Adresse 2] prétend à tort que la somme de 8 000 euros qu'elle a réglée correspondrait à une dette de la précédente locataire, laquelle ne pouvait qu'être inscrite au passif de ladite société en vertu du droit applicable aux procédures collectives.
Elle expose que la SCI [Adresse 2] a toutefois refusé de régulariser un bail commercial écrit conforme aux dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce et ne lui a consenti que trois baux précaires à compter du 1er décembre 2023, dont elle estime qu'ils sont dépourvus de validité et lui sont inopposables au regard de l'existence avérée d'un bail antérieur. Elle conteste l'existence d'un quatrième bail précaire pour la période du 15 au 31 décembre 2023 et prétend qu'en application de l'article L. 145-5 du code de commerce, ayant été laissée dans les lieux pendant plus d'un mois avec le consentement du bailleur, il s'est opéré en sa faveur un bail soumis au statut des baux commerciaux d'une durée de 9 ans que la SCI [Adresse 2] a de mauvaise foi refusé d'exécuter en rejetant l'encaissement des loyers qu'elle a réglés jusqu'au mois de mai 2024.
Elle explique s'être, par le comportement de la bailleresse, trouvée dans une situation de particulière précarité et vulnérabilité, ce qui l'a privée de la faculté de souscrire un contrat d'assurance, en l'absence de bail écrit. Elle s'estime victime d'un chantage exercé par le gérant de la SCI [Adresse 2]. Elle ajoute que son propre gérant ne peut être confondu avec son frère, qui gérait la société MC Travaux, désormais liquidée et que ce dernier n'a pu prendre aucune décision valable la concernant, de sorte qu'il était inopérant pour la SCI [Adresse 2] de communiquer à son sujet avec M. [S] [C]. Elle précise que le courrier recommandé du 28 décembre 2023 a été expédié à une adresse qui n'est pas la sienne.
Pour conclure à la confirmation de la décision entreprise, la SCI [Adresse 2] conteste le fait que la SARL Red Service aurait occupé les lieux litigieux à compter du 1er juin 2023 en vertu d'un bail commercial verbal, en exposant qu'ils ne lui ont été restitués qu'à compter du 13 septembre 2023 dans le cadre des opérations afférentes à la liquidation judiciaire de la SARL MC Travaux. Elle indique que la somme de 8 000 euros payée par la SARL Red Service ne peut correspondre à 5 mois d'un loyer mensuel de 2 000 euros et précise qu'après une rencontre entre son gérant et M. [L] [C] organisée par M. [S] [C] le 11 octobre 2023, elle a accepté que la SARL Red Service occupe les lieux sous condition qu'elle règle une dette de loyer de la SARL MC Travaux d'un montant similaire, alors que dans le même temps, elle-même mettait en oeuvre des mesures destinées à trouver un nouveau locataire. Elle conteste la valeur probante des éléments produits par la SARL Red Service et en particulier celle des attestations de ses salariés. Elle observe que la souscription d'un contrat d'assurance ne nécessite pas la production d'un bail écrit.
La société intimée conclut à la validité des baux précaires et expose que la SARL Red Service ne lui a pas retourné signé un quatrième bail de même nature qui lui a été adressé pour la période du 15 au 31 décembre 2023, mais qu'elle en a réglé le loyer et que cette société avait toute conscience de ce qu'elle devait libérer au 31 décembre 2023 les lieux dans lesquels elle avait été laissée le temps pour elle de trouver un nouveau local. Pour contester l'application des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce à la situation de la société appelante, la SCI [Adresse 2] soutient qu'elle a engagé plusieurs démarches entre le 27 décembre 2023 et le 26 janvier 2024 dont la SARL Red Service a eu connaissance, pour obtenir la libération des lieux dans lesquels la société appelante se maintient de façon illicite depuis l'expiration du troisième bail précaire en date du 16 décembre 2023, alors qu'elle a elle-même à nouveau consenti un bail commercial à la société Consign'up à effet du 08 janvier 2024.
La société intimée conteste tout chantage de sa part.
Sur ce,
L'article 834 du code de procédure civile prévoit que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il est de jurisprudence constante que l'occupation sans droit ni titre de lieux appartenant à autrui crée un trouble manifestement illicite au propriétaire justifiant l'éviction de l'occupant et l'indemnisation du trouble, notamment par l'allocation d'une indemnité d'occupation.
Les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce organisent le statut des baux commerciaux auxquels les parties à un bail sont libres de se soumettre. Il n'est pas exigé la rédaction d'un bail écrit et le bail peut être donné verbalement en application de l'article 1714 du code civil. La partie qui se prétend titulaire d'un bail soumis au statut est tenue de rapporter la preuve de la conclusion d'un accord non équivoque avec le bailleur, ce qu'elle peut faire par tout moyen.
Il est de principe, selon l'article L. 145-4 du code de commerce qu'un bail soumis au statut des baux commerciaux tel que prévu par les articles L. 145-1 et suivants de ce code ne peut être inférieur à une durée de neuf ans.
L'article L. 145-5 du code de commerce autorise toutefois à titre dérogatoire la conclusion, pendant une durée de trois ans, d'un ou plusieurs baux non soumis au statut. En leur alinéa 2, ces dispositions prévoient que si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en découle que pour prétendre être titulaire d'un bail soumis au statut à l'issue d'un ou plusieurs baux précaires, le preneur doit démontrer non seulement qu'il est resté dans les lieux, mais encore qu'il bénéficiait pour ce faire de l'accord non équivoque du bailleur.
En l'espèce, il est établi qu'un bail commercial authentique avait été consenti à la SARL MC Travaux sur les lieux litigieux jusqu'au 30 septembre 2023. Par courrier du 07 juillet 2023, le mandataire liquidateur de cette société a fait savoir à la SCI [Adresse 2] qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat de bail du fait de la liquidation de ladite société et l'a invitée à prendre contact avec le commissaire-priseur désigné par le tribunal pour organiser la restitution des lieux. Le 13 septembre 2023, ce dernier, en la personne de Me [Y], a attesté de la restitution des clés à cette date. Il s'en déduit que les lieux ont été occupés par la SARL MC Travaux jusqu'au 13 septembre 2023 et rien n'indique qu'à cette date, la SARL Red Service y aurait été également présente depuis le 1er juin précédent. Le mandataire liquidateur et le commissaire-priseur notamment n'ont pas évoqué la présence d'un tiers dans les locaux à restituer.
Il n'existe aucune trace d'échanges entre la SCI [Adresse 2] et la SARL Red Service ni aucun élément qui laisserait penser que la première aurait autorisé la seconde, à quelque titre que ce soit et de façon verbale, à occuper les lieux considérés à compter du 1er juin 2023. Les raisons pour lesquelles la SARL Red Service a versé la somme de 8 000 euros entre le 1er juin et le 31 octobre 2023 sont incertaines, mais il est évident que cette somme ne peut correspondre à cinq mois de loyers à 2 000 euros comme le prétend l'appelante. L'appréciation de la violation des dispositions légales relatives à la liquidation judiciaire d'une société qui résulterait de l'hypothèse avancée par l'intimée selon laquelle cette somme était destinée à combler une dette de loyer de la précédente locataire excède les pouvoirs du juge des référés. Les conséquences d'une telle violation ne pourraient porter que sur les relations entre laSCI [Adresse 2] et le mandataire liquidateur de son ancienne locataire.
Plusieurs salariés de la SARL Red Service attestent avoir travaillé dans les lieux litigieux depuis leur embauche intervenue pour trois d'entre eux le 1er juin 2023 et pour le dernier le 09 octobre 2023. Ces attestations, qui ne sont étayées par aucun autre élément ne sauraient démontrer l'existence d'un bail auquel leurs auteurs seraient étrangers.
La société appelante produit diverses factures justifiant de la souscription pour les lieux considérés d'abonnements à un lien de fibre optique, de la pose d'une centrale d'alarme anti-intrusion et d'un contrat de télésurveillance entre le 1er et le 23 juin 2023. Toutes ces factures ont cependant été adressées au siège de cette société situé [Adresse 1] à [Localité 3] et l'expert-comptable de la société qui a attesté le 13 mai 2024 de son chiffre d'affaires pour l'exercice 2023 mentionne également cette dernière adresse.
Ainsi, l'évidence requise en référé d'un accord de la SCI [Adresse 2] pour consentir à la SARL Red Service un bail verbal à caractère commercial pour la période du 1er juin au 31 octobre 2023 fait défaut.
Pour la période postérieure, les parties s'accordent quant au fait que trois baux précaires ont été consentis à la SARL Red Service dans les conditions suivantes :
- par acte en date du 1er novembre 2023, un premier bail précaire a été consenti à la SARL Red Service par la SCI [Adresse 2], pour une durée de quinze jours se terminant le 15 novembre 2023 et moyennant un loyer de 563,83 euros hors taxe, lors de la signature duquel la SARL Red Service a versé un dépôt de garantie d'un montant de 1 000 euros hors taxes,
- à l'expiration de ce premier bail, un nouveau bail concernant les mêmes locaux a été conclu, prenant effet au 15 novembre 2023 pour se terminer le 30 novembre 2023, dans les mêmes conditions de loyer,
- à l'expiration de ce bail, un troisième bail, toujours concernant les mêmes locaux, a été conclu, à effet du 1er décembre 2023 pour se terminer le 15 décembre 2023, aux mêmes conditions financières.
À défaut d'un bail commercial régulier antérieurement consenti, la conclusion de ces baux dérogatoires ne peut être regardée comme privée de validité.
Il n'est pas contesté que le loyer a été régulièrement payé durant l'exécution de ces baux.
La SCI [Adresse 2] affirme qu'elle a transmis à la SARL Red Service un quatrième bail précaire que celle-ci n'a pas retourné signé, cette dernière affirmant avoir été laissée dans les lieux par la SCI [Adresse 2] dans les conditions prévues par l'article L. 145-5 al. 2 du code de commerce lui conférant le bénéfice d'un bail commercial.
En l'absence de la conclusion d'un nouveau bail précaire, le maintien sans titre de la SARL Red Service a débuté le 16 décembre 2023, lendemain de l'expiration du troisième bail précaire. Il est à lui seul une circonstance insuffisante pour prétendre au bénéfice d'un bail commercial de neuf ans.
Il ressort du tableau récapitulatif des paiements des loyers produit par la SARL Red Service qu'elle a entendu verser la somme de 2 000 euros au titre du loyer du mois de janvier 2024, mais que la SCI [Adresse 2] lui a retourné la somme de 1 000 euros. Par la suite et de façon constante, cette société a refusé d'encaisser les sommes que la SARL Red Service lui adressait à titre de loyers par courriers recommandés avec accusé de réception, ce que cette dernière, qui s'est vue retourner ses courriers non réclamés n'ignorait pas.
Le 28 décembre 2023, la SCI [Adresse 2] a adressé à la SARL Red Service un courrier lui faisant part de la signature d'un bail avec un nouveau locataire sur la totalité des locaux. Ce courrier, qui a été expédié à l'adresse de M. [S] [C], telle que déclarée dans le bail authentique du 22 septembre 2014 ne saurait être regardé comme informant la société occupante des lieux du refus du propriétaire de la voir s'y maintenir, bien qu'il soit établi que M. [F] et M. [C] aient échangé des messages concernant la SARL Red Service après la libération des lieux par la SARL MC Travaux.
Le commissaire de justice mandaté par la SCI [Adresse 2] pour procéder le 15 janvier 2024 à un état des lieux de sortie a convoqué la SARL Red Service à ce rendez-vous par courrier recommandé du 05 janvier 2024 non remis par défaut d'adressage selon mention des services de la Poste alors que l'adresse de son siège [Adresse 1] y était mentionnée. Ce fait est sans conséquence dans la mesure où le jour dit, se sont présentés sur les lieux un ami de M. [C] s'en prétendant mandataire, ainsi qu'un second commissaire de justice se déclarant mandaté par la SARL Red Service pour venir indiquer que M. [C] refusait de se présenter au rendez-vous et de restituer les clés du local. Il ne fait aucun doute que malgré l'absence de précision d'un prénom, le mandant était M. [L] [C].
Le même jour, le gérant de la SARL Red Service a fait savoir par courrier à la SCI [Adresse 2] que la société entendait se prévaloir du bénéfice d'un bail commercial.
Cette position de la SARL Red Service est sans incidence sur celle de la SCI [Adresse 2] qui, en convoquant la locataire à titre précaire pour un état des lieux de sortie lui a clairement signifié son souhait de la voir libérer des lieux et partant son refus de la laisser s'y maintenir. Ce rendez-vous, auquel la SARL Red Service s'est valablement faite représenter par un officier ministériel, qui a été organisé moins d'un mois après le début du maintien dans les lieux n'a pu permettre la constitution automatique d'un bail commercial.
Le 26 janvier 2024, la SCI [Adresse 2] a fait délivrer une sommation de quitter les lieux à la SARL Red Service. Le commissaire de justice mandaté à cette fin s'est présenté au siège de cette société au [Adresse 1] à [Localité 3] où l'employée présente a refusé de recevoir l'acte. Le courrier prévu par l'article 656 du code de procédure civile, expédié à l'adresse de M. [S] [C] et ne peut être regardé comme ayant été adressé à la SARL Red Service.
Cet adressage inopérant est cependant sans conséquence sur les droits de la SARL Red Service, que la SCI [Adresse 2] a fait assigner en constat d'occupation illicite et expulsion par acte du 07 février 2024, soit moins d'un mois après la convocation à l'état des lieux, signifiant à nouveau son refus non équivoque de la laisser se maintenir dans les lieux.
À défaut de démontrer qu'elle est restée dans les lieux à l'issue de baux dérogatoires en ayant été laissée en possession par un accord du bailleur, la société appelante ne démontre pas avec l'évidence requise en référé le bénéfice d'un bail commercial de neuf ans.
C'est en conséquence à bon droit que le premier juge l'a considérée comme occupante sans droit ni titre, a ordonné son expulsion et l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation. La décision entreprise sera confirmée de ces chefs.
2. Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts par provision
Pour rejeter la demande indemnitaire formée par la SCI [Adresse 2] au titre d'un préjudice financier et moral, le premier juge a retenu que l'indemnité d'occupation qu'elle devrait percevoir était de nature à compenser le préjudice financier et que la preuve d'un préjudice moral n'était pas établie.
Pour conclure à l'infirmation de la décision entreprise et à l'allocation de dommages et intérêts à titre provisionnel, la SCI [Adresse 2] soutient que le maintien de l'appelante dans les lieux lui cause un préjudice financier en ce qu'elle a été privée de percevoir les loyers du nouveau locataire entre janvier et avril 2024. Elle ajoute que son gérant est éprouvé sur le plan moral et a dû prendre un traitement médicamenteux, au regard de la rupture d'une relation de confiance qu'il entretenait avec M. [S] [C]
La SARL Red Service conteste l'existence de tout préjudice qu'aurait souffert la SCI [Adresse 2] en mettant en avant la mauvaise foi de cette société.
Sur ce,
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Au cas d'espèce, le premier juge a justement retenu que le préjudice financier était réparé par la condamnation de l'occupante sans titre au paiement d'une indemnité d'occupation. La bail consenti à la nouvelle locataire n'étant pas produit, la preuve d'un gain manqué n'est pas rapportée.
MM. [F] et [C] n'étant pas personnellement partie à l'instance, la SCI [Adresse 2] ne saurait se prévaloir d'un préjudice moral personnel à son gérant causé par celui de l'occupante sans titre.
C'est par conséquent de façon justifiée que le premier juge a débouté la SCI [Adresse 2] de sa demande provisionnelle à titre de dommages et intérêts et la décision sera également confirmée de ce chef.
La SARL Red Service perdant le procès en appel, elle en supportera les dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la SCI [Adresse 2] la charge des frais qu'elle a exposés pour sa défense devant la cour et il y a lieu de condamner la SARL Red Service à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme l'ordonnance rendue le 23 juillet 2024 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
- Condamne la SARL Red Service aux dépens d'appel,
- Condamne la SARL Red Service à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 3 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.