CA Pau, 1re ch., 27 mai 2025, n° 24/00542
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
O
Défendeur :
E
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Faure
Conseillers :
Mme de Framond, Mme Blanchard
Avocats :
Me Lipsos-Lafaurie, SCP Tandonnet - Lipsos Lafaurie
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 21 décembre 2019, M. [N] [O] et son épouse, Mme [Y] [I], ont acquis de M. [A] [E] une maison d'habitation située à [Localité 8], au prix de 203.300 '.
Invoquant plusieurs désordres affectant le bien acquis, et notamment relatifs à l'installation électrique, les époux [O] ont fait diligenter, par l'intermédiaire de leur assureur, une expertise amiable, à l'issue de laquelle un rapport a été établi le 16 février 2021.
Par lettre du 28 avril 2021, les époux [O] ont, par l'intermédiaire de leur assureur, mis en demeure M. [E] d'avoir à les indemniser au titre de la reprise des désordres relatifs à l'installation électrique, aux infiltrations d'eau au niveau des panneaux solaires ainsi qu'à la plomberie, par le paiement de la somme totale de 14 250,94 '.
Par ordonnance du 21 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Tarbes, saisi à cette fin par les époux [O], a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [T] [V].
L'expert a déposé son rapport le 2 janvier 2023.
Par acte du 14 février 2023, les époux [O] ont fait assigner M. [E] devant le tribunal judiciaire de Tarbes aux fins d'obtenir la restitution d'une partie du prix de vente et l'indemnisation de leurs préjudices.
Suivant jugement réputé contradictoire du 24 janvier 2024 (RG n°23/00354), le tribunal a :
- condamné M. [A] [E] à payer aux époux [O] la somme de 993,30 ' au titre de la restitution du prix, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 14 février 2023,
- condamné M. [A] [E] à payer aux époux [O] la somme de 4 000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- condamné M. [A] [E] à payer aux époux [O] la somme de 2 500 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les époux [O] de leurs plus amples demandes,
- condamné M. [A] [E] aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés le 21 juillet 2022, avec distraction au profit de la SCP TANDONNET - LIPSOS LAFAURIE conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappelé l'exécution provisoire de droit de la décision.
Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :
- que les désordres électriques affectant le cabanon, la maison de piscine, le local technique de la piscine et la salle de bain sont affectés de malfaçons et non-conformités selon l'expert, dont la dangerosité manifeste rend les installations impropres à leur destination et atteste de la gravité de ces vices ; que ces désordres existaient au moment de la vente mais étaient cachés pour des acquéreurs profanes,
- que M. [E] avait nécessairement connaissance de ces désordres dès lors que le bien vendu est une auto-construction, de même qu'il s'est comporté tel un professionnel de la construction, ce qui conduit à l'éviction de la clause exonératoire de la garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente,
- qu'au vu des éléments versés au débat, le désordre résultant de l'implantation du compteur électrique sur la propriété voisine était apparent lors de la vente de sorte qu'il ne constitue pas un vice caché, et ne saurait donc donner lieu à une indemnisation des époux [O],
- que la somme revendiquée par les époux [O] au titre de la restitution d'une partie du prix de vente n'est pas explicitée, alors que le coût de reprise des désordres affectant l'installation électrique du cabanon, du pool house, du local piscine et de la salle de bain, soit la somme de 993,30 ', suffit à les replacer dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si le bien vendu n'avait pas été affecté de ces vices,
- qu'ils ne démontrent pas que le bien acquis aurait subi, du fait de ces désordres, une perte de valeur supérieure au montant des travaux nécessaires pour y remédier,
- que les époux [O] sont bien fondés à invoquer un préjudice de jouissance dès lors que les désordres électriques affectant le cabanon, la maison de piscine, le local technique de la piscine et la salle de bain sont selon l'expert source d'un danger important du fait d'un risque d'électrisation voire d'électrocution, de sorte que l'expert leur a recommandé de ne plus utiliser les installations électriques défaillantes.
M. [N] [O] et Mme [Y] [I] ont relevé appel par déclaration du 19 février 2024 (RG n°24/00542), critiquant le jugement en ce qu'il a :
- condamné M. [A] [E] à payer aux époux [O] la somme de 993,30 ' au titre de la restitution du prix, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 14 février 2023,
- débouté les époux [O] de leurs plus amples demandes.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 20 mai 2024, M. [N] [O] et Mme [Y] [I], appelants, entendent voir la cour :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné M. [A] [E] à payer aux époux [O] la somme de 993,30 ' au titre de la restitution du prix, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 14 février 2023,
- débouté les époux [O] de leurs plus amples demandes,
Statuant à nouveau,
- condamner M. [A] [E] à leur payer soit la somme de 7 553,09 ' au titre de la restitution d'une partie du prix de vente, assortie des intérêts au taux légal du jour de l'assignation du 14 février 2023,
- condamner M. [A] [E] à leur payer soit la somme de 3 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
- condamner M. [A] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et autoriser la SCP TANDONNET - LIPSOS LAFAURIE à les recouvrer directement sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [O] font valoir, au visa des articles 1641 et suivants du code civil :
- que l'expert judiciaire a fait état d'importants désordres électriques affectant le cabanon, le pool house, le local technique de la piscine et la salle de bain, qui n'étaient pas apparents au jour de la vente, et rendent le bien impropre à l'usage auquel il est destiné,
- qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les désordres préexistaient à la vente, et ne pouvaient être ignorés du vendeur, puisque la maison a été réalisée en auto construction et qu'il s'est donc comporté en qualité de professionnel, de sorte que la clause d'éviction de la garantie des vices cachés ne peut trouver à s'appliquer,
- que le désordre lié au branchement électrique de leur maison sous la propriété voisine n'était pas visible lors de la vente pour des acquéreurs se comportant en personnes raisonnables, d'autant que le titre de propriété ne mentionne aucune servitude, préexistait nécessairement à la vente, et était connu du vendeur qui ne les en a pas informés, dès lors que la maison a fait l'objet d'une auto construction et que le compteur électrique se trouve sur la propriété voisine qui appartient à ses parents, de sorte qu'il ne peut bénéficier de la clause d'éviction de la garantie des vices cachés prévue dans l'acte de vente,
- que la restitution d'une partie du prix de vente est donc justifiée, et correspond aux travaux de reprise des désordres, soit à hauteur de 993,30 ' TTC pour les travaux électriques et de 6 559,79 ' pour le déplacement du compteur électrique, soit la somme totale de 7.553,09 ' .
M. [A] [E] n'a pas constitué avocat sur la signification de la déclaration d'appel qui a été délivrée à sa personne.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée .
La cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation concernant
- l'indemnité de 4000 ' allouée au titre du préjudice de jouissance
- l'indemnité de 2500 ' alloués au titre des frais irrépétibles
- la condamnation de M. [E] aux entiers dépens de première instance.
Sur'la demande de restitution d'une partie du prix de vente :
* Le fondement de la responsabilité de M. [E] :
L'article 1641 du code civil dispose que " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ".
Selon l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre le chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire qui confirme le rapport amiable de la SARETEC et le constat de l'entreprise générale d'électricité SPE que :
- l'installation électrique de l'ensemble des dépendances extérieures (piscine, local technique, cuisine d'été) était branché en amont du disjoncteur de coupure situé à l'intérieur de l'habitation, et raccordé au coffret EDF de la propriété voisine en passant dans le terrain voisin alors qu'aucune servitude de passage des réseaux n'a été mentionnée au contrat de vente produit au débat, ce qui compromet l'usage de la piscine et des locaux extérieurs.
- des désordres électriques et non-conformités (terre non connectée avec la maison principale, absence de disjoncteur, fils dénudés) n'avaient pas été signalés par le diagnostiqueur qui n'avait pas contrôlé le branchement extérieur, seulement l'installation intérieure (le tableau électrique concernant les installations extérieures n'étant pas visible ni en fonctionnement).
- que les désordres constatés sont de nature à rendre impropre et dangereux pour la sécurité l'installation électrique et qu'ils existaient avant la vente.
* Sur la mauvaise foi du vendeur :
Selon l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Il résulte en outre des dispositions de l'article 1643 du même code que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie; ladite stipulation étant privée d'effet en cas de mauvaise foi du vendeur caractérisée par la connaissance du vice.
En l'espèce, l'acte de vente contient une clause de non garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente page 9 dans le paragraphe 'état du bien' : 'l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices cachés [...]'.
Les époux [O] indiquent que le vendeur avait construit la maison lui-même, ce qui ressort en effet de l'acte de vente du 21 décembre 2019 qui mentionne en page 19 dans le paragraphe 'origine de propriété' que l'immeuble a été construit par le vendeur lui-même sur un terrain qui lui a ensuite été donné par sa mère le 20 janvier 2000. Et le rapport du diagnostiqueur établi en vue de la vente mentionne que la maison a été construite avant 1997.
Il ressort en outre du diagnostic technique que l'installation électrique extérieure n'a pas été contrôlée par le diagnostiqueur, celui-ci ayant indiqué à l'expert amiable :
'l'ensemble des parties extérieures n'étaient pas fonctionnelles lors de sa visite' et, le tableau du local technique n'était pas visible lors de sa visite, cachés par des équipements disposés devant.
Le diagnostiqueur a donc ignoré l'installation électrique de la piscine.
Les désordres électriques affectant l'installation du cabanon, du pool house et du local technique étaient nécessairement connus du vendeur qui en avait l'usage et en avait réalisé la construction, outre le fait qu'il n'a pas mis le diagnostiqueur en mesure de contrôler l'installation avant la vente. Il y a donc lieu de retenir la mauvaise foi de M. [E], de dire que la clause de non garantie ne s'appliquera pas et de le condamner à indemniser M. Et Mme [O] la réparation de ces désordres pour la somme de 993,30 ' selon devis du 25 octobre 2022 par confirmation du jugement.
S'agissant du branchement électrique du pool house sur la parcelle voisine qui appartient à M. [C] [E], père du vendeur :
Le raccordement se fait par un réseau enterré passant sous le terrain voisin pour arriver sur un coffret EDF situé sur la propriété voisine en limite de la route où se trouve le compteur.
Ce vice était nécessairement connu de M. [A] [E] qui a choisi de faire raccorder l'alimentation électrique de l'installation extérieure des installations de la piscine au compteur de ses parents, ce qui ne pouvait pas être connu des acquéreurs si ce fait ne leur était pas expressément mentionné et qui ne figure pas dans l'acte notarié. Le diagnostic technique n'a pas contrôlé non plus cette installation.
La cour à l'inverse du premier juge estime que ce vice n'était pas apparent pour les acquéreurs et que M. [E] doit les indemniser par une restitution du prix à hauteur du coût des travaux pour déplacer le compteur ainsi qu'il justifie pour un montant de 6559,79 ' selon facture du 5 novembre 2020 de ENEDIS.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les mesures accessoires :
le jugement sera confirmé dans les dispositions de fin de jugement.
Le jugement étant infirmé partiellement au bénéfice des époux [O], M. [E] supportera également les dépens d'appel.
Il n'y a cependant pas lieu en équité d'allouer à M. et Mme [O] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [N] [O] et Mme [Y] [I] épouse [O] en paiement de la somme de 6559,79 ' ;
Confirme le jugement pour le surplus des dispositions qui lui sont soumises,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [A] [E] à payer à M. [N] [O] et Mme [Y] [I] épouse [O] la somme de 6559,79 ' au titre de la restitution d'une partie du prix de vente pour le déplacement du raccordement du réseau électrique de l'installation de la piscine, cette somme portant intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 14 février 2023,
Condamne M. [A] [E] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP TANDONNET-LIPSOS LAFAURIE conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [N] [O] et Mme [Y] [I] épouse [O] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame FAURE, Présidente et par Madame BRUNET, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire