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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 27 mai 2025, n° 23/04966

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Afficion (SAS)

Défendeur :

Franfinance Location (SAS), ID Numerique (SAS), Axialease (SASU), Signa France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerlot

Vice-président :

M. Roth

Conseiller :

Mme Muller

Avocats :

Me Tardy, Me Dumeau, Me Boulan, Me Gerber, Me Gourion-richard, Me Loustalot, Me Guizard, Me Lembo, Me Trestard, Me Jambon

T. com. Nanterre, 1re ch., du 21 juin 20…

21 juin 2023

EXPOSE DU LITIGE

Au cours de l'année 2017, la société Afficion qui exerce une activité d'affichage urbain à [Localité 9] (64), s'est rapprochée de la société ID Numérique aux fins d'acquisition de matériels d'impression grand format et de découpage d'affiches.

Le 18 octobre 2017, la société ID Numérique a fait deux offres d'un montant total de 120 172,80 euros TTC pour l'achat des matériels et les services d'installation et de formation associés. Ces offres portaient notamment sur : deux imprimantes de marque HP, un laminateur de marque Kala, et une découpeuse de marque Fotoba, cette dernière étant distribuée par la société Signa France (ci-après société Signa). La société Afficion a accepté ces offres le 27 octobre 2017.

Le même jour, la société Afficion a souscrit un contrat de location financière auprès de la société Axialease pour financer les matériels précités, les loyers mensuels étant fixés à la somme de 1 949 euros HT sur une durée de 60 mois à compter du 1er janvier 2018. A cette fin, la société Axialease a acheté les matériels auprès de la société ID Numérique pour le prix de 114 652,80 euros TTC.

Le 8 décembre 2017, la société Axialease a cédé le matériel et le contrat de financement à la société Franfinance Location (société Franfinance) pour une somme de 126 002,88 euros.

Au cours du 1er semestre 2018, la société Afficion a signalé à la société ID Numérique des dysfonctionnements des matériels acquis, l'obligeant à faire appel à un sous-traitant pour réaliser ses travaux d'impression.

A compter de janvier 2019, la société Afficion a cessé de payer les loyers à la société Franfinance.

Le 6 février 2019, la société Afficion, invoquant la persistance de nombreux dysfonctionnements, a sollicité la résolution du contrat de fourniture de matériels ainsi que divers remboursements et règlements de dommages-intérêts.

Saisi en référé par la société Afficion, le président du tribunal de commerce de Bayonne, statuant par ordonnance du 4 juillet 2019, a désigné M. [X] en qualité d'expert, avec notamment pour mission de rechercher les causes du dysfonctionnement du matériel de découpe Fotoba, et de dire si les désordres rendent le matériel non-conforme ou impropre à sa destination ou à son usage normal. L'expert a déposé son rapport le 24 novembre 2020.

Le 9 avril 2021, sur la base de ce rapport, la société Afficion a assigné les sociétés ID Numérique, Axialease et Franfinance devant le tribunal de commerce de Nanterre. Le 9 août 2021, la société ID Numérique a assigné en garantie la société Signa.

Le 21 juin 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté la société Afficion de sa demande de résiliation du contrat du 27 octobre 2017 ;

- ordonné aux sociétés Franfinance et Afficion de reprendre les prélèvements selon le plan de financement ;

- condamné les sociétés ID Numérique et Signa à rembourser à la société Afficion la somme de 1 500 euros, chacune respectivement à hauteur de 1 000 euros et 500 euros ;

- débouté la société Afficion de sa demande de condamner la société ID Numérique à hauteur de 123 480 euros pour perte de chance ;

- condamné les sociétés ID Numérique et Signa à payer 1 000 euros à la société Afficion, 1 000 euros à la société Axialease et 1 000 euros à la société Franfinance au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune respectivement à hauteur de 700 euros et 300 euros ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- condamné les sociétés ID Numérique et Signa aux entiers dépens, chacun respectivement à hauteur de 70 % et 30 %.

Le 19 juillet 2023, la société Afficion a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par dernières conclusions du 19 février 2025, elle demande à la cour de :

- la recevoir et la déclarer recevable en son appel ;

- réformer le jugement du 23 juin 2023 en ce qu'il :

l'a déboutée de sa demande de résiliation du contrat du 27 octobre 2017 ;

lui a ordonné, avec la société Franfinance, de reprendre les prélèvements selon le plan de financement ;

a limité la condamnation des sociétés ID Numérique et Signa à un remboursement d'une somme de 1 500 euros ;

l'a déboutée de sa demande de condamner la société ID Numérique à hauteur de 123 480 euros pour perte de chance ;

a limité la condamnation des sociétés ID Numérique et Signa à lui payer 1 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- débouter les sociétés ID Numérique, Axialease, Franfinance, ADSL France (sic) de l'ensemble de leurs demandes ;

- homologuer le rapport d'expertise de M. [X] ;

- prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu avec la société ID Numérique le 27 octobre 2017 pour vice caché portant sur la découpeuse Fotoba ainsi que ses accessoires liés, soit le jeu des 2 couteaux, et imprimantes HP L 570, le laminateur Kala Starter 1600 HR, rouleau sup chauffant + pied, le PC I5QuadCore - 3.4Ghz - Mémoire 8Go DD 1T0 + Ecran 22, Visual RIP V11 2 drivers + cut-Apple + Easymedia et les services associés ;

A titre subsidiaire :

- débouter les sociétés ID Numérique, Axialease, Franfinance, ADSL France (sic) de l'ensemble de leurs demandes ;

- prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu avec la société ID Numérique le 27 octobre 2017 pour manquement à l'obligation de délivrance portant sur la découpeuse Fotoba ainsi que ses accessoires liés soit le jeu des 2 couteaux, et les imprimantes HP L 570, le laminateur Kala Starter 1 600 HR rouleau sup chauffant + pied, le PC I5QuadCore - 3.4Ghz - Mémoire 8Go DD 1T0 + Ecran 22, Visual RIP V11 2 drivers + cut-Apple + Easymedia et les services associés ;

En tout état de cause :

- condamner la société ID Numérique à lui rembourser la somme de 5 520 euros correspondant aux journées de formation inutilement payées ;

- condamner la société ID Numérique à lui payer la somme globale de 123 480 euros à titre de perte de chance, outre la somme de 867,89 euros au titre des frais de transport du retour du matériel ;

- prononcer la caducité du contrat de location conclu avec la société Axialease au 27 octobre 2017, les contrats conclus avec les sociétés ID Numérique et Axialease étant interdépendants et procédant d'une opération d'ensemble ;

- condamner la société Franfinance à lui rembourser la somme globale à hauteur de 25 157,13 euros HT soit 30 188,55 euros TTC au titre des loyers payés ;

- condamner la société ID Numérique à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance et d'appel avec application pour ces derniers de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Tardy, avocat à la cour d'appel de Versailles comprenant les frais d'expertise ainsi que les frais des procès-verbaux de constat établis les 25 mars et 25 novembre 2019.

Par dernières conclusions du 12 janvier 2024, la société ID Numérique demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 23 juin 2023 ;

En conséquence,

- débouter la société Afficion de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter les autres parties de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société Afficion (sic) ;

- condamner la société Afficion, ou toutes parties succombantes, au versement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 3 février 2025, la société Signa demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 23 juin 2023 ;

En conséquence,

- débouter la société Afficion de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter la société Axialease et les autres parties de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner la société Afficion ou toutes autres parties succombantes à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Gourion-Richard, avocate au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- limiter à hauteur de 30 % la part de responsabilité susceptible de lui être imputée ;

- condamner la société Afficion ou toutes autres parties succombantes à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Gourion-Richard, avocate au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 5 janvier 2024, la société Axialease demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la demande principale en résolution judiciaire formulée par la société Afficion à l'égard des contrats passés entre les parties ;

Dans l'hypothèse où la cour d'appel prononcerait les résolutions et caducités contractuelles en chaine qui lui sont demandées :

- prononcer la caducité (sic) du contrat d'achat de matériels passé avec la société ID Numérique le 7 décembre 2017, d'un montant de 114 652,80 euros ;

- condamner en conséquence la société ID Numérique à :

- lui restituer l'intégralité de ce prix de cession ;

- récupérer à ses frais les matériels litigieux en quelque lieu qu'ils se trouvent ;

- condamner solidairement les sociétés ID Numérique et Signa à lui payer la somme de 11 350,08 euros à titre de dommages-intérêts de nature à réparer la perte de chance d'encaisser la différence entre le prix d'achat des matériels (114 652,80 euros) et leur prix de revente auprès de la société Franfinance

(126 002,88 euros) ;

- condamner solidairement les sociétés ID Numérique et Signa à lui payer la somme de 4 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la prise en charge des entiers dépens.

Par dernières conclusions du 7 février 2025, la société Franfinance demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur l'appel, et donc sur la demande en résolution judiciaire du contrat de vente conclu entre les sociétés Axialease et ID Numérique ;

- Si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Afficion de sa demande en résolution du contrat ;

- condamner la société Afficion à lui verser la somme de 115 590,60 euros se décomposant comme suit :

- 112 262,40 euros au titre des loyers échus impayés ;

- 3 328,20 euros au titre des frais et honoraires ;

outre intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du terme du contrat fixé au 31 décembre 2022, ou à défaut à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et jusqu'à parfait paiement ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Afficion à restituer à ses frais les matériels, objet du contrat de location, soit :

- les deux imprimantes HP L570 ;

- les trois logiciels (Visual RIP 11V, Appel Cut et Easymedia) ;

- l'ordinateur i5 QuadCore 3,4 Ghz Mémoire 8Go DD 1To avec un écran 22'' ;

- le laminateur Kala Starter 1600HR ;

- le jeu de deux couteaux ;

- la coupeuse Fotoba XLD-170 ;

avec l'ensemble de leurs accessoires et documents (connectiques, notice d'utilisation, carnet d'entretien...), auprès de son mandataire, la société Enchères VO (M. [J], commissaire de justice), et ce dans les 8 jours de l'arrêt à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par matériel ;

- Si la cour devait faire droit à l'appel de la société Afficion et prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente conclu entre les sociétés Axialease et ID Numérique,

- prononcer la caducité du contrat de location, et du contrat de cession intervenu entre elle-même et la société Axialease ;

- condamner la société Axialease à lui rembourser le prix de cession, soit la somme de 126 002,88 euros ;

- juger que la société Afficion devra restituer les matériels loués entre les mains de la société Axialease ;

- Si la cour devait faire droit à la demande en résolution judiciaire du contrat de vente, mais rejeter sa demande en remboursement du prix de cession dirigée contre la société Axialease,

- condamner la société ID Numérique à la garantir de toute condamnation y compris au titre du remboursement des loyers perçus, et à lui verser la différence entre les loyers perçus et ceux restant à échoir auxquels elle pouvait prétendre en vertu du contrat de location, soit la somme de (60 x 1 949 HT - 23 388 HT =) 93 552 euros HT, soit 112 262,40 TTC ;

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ce au titre des frais irrépétibles d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mars 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

1 - sur la demande principale en résolution de la vente pour vice caché

Les premiers juges ont considéré, en se fondant sur le rapport d'expertise, que la découpeuse de marque Fotoba était affectée d'un vice caché. Ils ont toutefois débouté la société Afficion de sa demande de résolution de la vente au motif que le vice n'affectait pas les autres matériels vendus, et que la demande était disproportionnée par rapport au dommage subi, retenant une possibilité de réparation pour un faible coût de 4 220 euros. Le tribunal a dès lors ordonné aux sociétés Afficion et Franfinance de reprendre les prélèvements selon le plan de financement. Le tribunal a toutefois reconnu l'existence d'un préjudice pour la société Afficion, accueillant partiellement ses demandes indemnitaires, à hauteur de 1 500 euros.

La société Afficion sollicite désormais, à titre principal, la résolution de la vente de l'ensemble des matériels acquis, sur le fondement de la garantie des vices cachés. Elle rappelle les nombreux dysfonctionnements, notamment la panne d'une imprimante durant 3 semaines en juillet 2018, et surtout l'impossibilité de faire fonctionner normalement la découpeuse, de marque Fotoba. Elle indique que celle-ci devait fonctionner de manière automatique, ce qui s'est avéré impossible en raison de bourrages nécessitant la présence constante d'un employé pour remédier à la situation. Elle précise avoir été contrainte, en juillet 2018, de faire appel à un sous-traitant pour réaliser les travaux d'impression, puis avoir cessé l'utilisation des matériels en août 2018, rappelant qu'elle ne pouvait à la fois payer les loyers et les factures de ses sous-traitants. Elle rappelle les conclusions de l'expertise, à savoir que le vice affectant la découpeuse, non apparent et existant avant la vente, rend le matériel impropre à son utilisation, soutenant dès lors que les conditions d'application de la garantie des vices cachés sont réunies. Elle ajoute que l'offre du vendeur de procéder aux réparations ne fait pas obstacle, même si ces réparations sont minimes, à son action en résolution de la vente, le choix de l'action rédhibitoire ou estimatoire lui appartenant. Elle conteste avoir pu utiliser la machine de manière satisfaisante au cours des premiers mois de l'année 2018, rappelant les conclusions de l'expertise selon lesquelles il était " impossible d'avoir une production normale et soutenue ". Elle ajoute que son choix de refuser la réparation est justifié, d'une part car la solution réparatoire est hypothétique, d'autre part car cette proposition n'a été formée que de manière tardive, plus de 2 années après sa demande de réparation. Elle fait enfin valoir que la résolution de la vente doit porter sur l'ensemble du matériel, la découpeuse ne pouvant être isolée des autres machines (imprimantes et laminateur).

La société ID Numérique, vendeur du matériel, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la machine n'était pas impropre à son usage, dès lors qu'elle avait été en exploitation durant les 9 premiers mois de l'année 2018, rappelant que la société Afficion a imprimé plus de 50 000 m2 d'affiche au cours de cette période, et qu'elle en a " découpé presque autant ". Elle affirme que, sans la table de récupération des affiches " bricolée par la société Afficion ", la découpeuse fonctionne parfaitement. Elle met également en cause des défauts de paramétrage par la société Afficion. Elle reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte de ces éléments, s'interrogeant dès lors sur sa partialité. Elle invoque également un manque de volonté de la société Afficion de faire fonctionner efficacement la découpeuse. Elle soutient enfin n'avoir été informée des difficultés d'évacuation des chutes de papier qu'en octobre 2018, soutenant qu'il ne s'agit que d'un prétexte tardif pour solliciter la résolution du contrat. Elle affirme que la décision d'arrêter l'usage de la machine et de recourir à nouveau à de la sous-traitance est une décision de gestion prise par la société Afficion sous sa seule responsabilité alors que l'exploitation de cette machine s'est faite sans difficulté durant 11 mois.

La société Signa, fournisseur de la découpeuse, rappelle que les dysfonctionnements invoqués ne concernent que ce matériel, et non pas les imprimantes et le laminateur. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que, malgré le dysfonctionnement, la machine n'était pas impropre à son usage, dès lors d'une part qu'il existe une solution pour résoudre le défaut (ajout d'un système d'expulsion des chutes de découpe), d'autre part que la machine a fonctionné durant les 9 premiers mois de l'année 2018. Elle affirme avoir rempli toutes ses obligations (vente du matériel et formation du personnel). Elle soutient qu'il n'existe aucun vice inhérent au matériel, dès lors que la solution de réparation ne porte pas sur la découpeuse qui fonctionne parfaitement, mais sur l'ajout d'une nouvelle pièce destinée à éjecter les chutes de découpe. Elle conteste dès lors l'existence d'un vice inhérent à la machine, et toute responsabilité pouvant lui être imputée.

La société Franfinance s'étonne que la société Afficion ait refusé la réparation du dysfonctionnement, dont le coût était tout à fait minime, soit 4 220 euros, au regard du coût du matériel loué qui était de 95 544 euros.

La société Axialease indique qu'elle n'est qu'un bailleur financier et qu'elle n'entend pas prendre part au débat opposant la société Afficion aux sociétés ID Numérique et Signa.

Réponse de la cour

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1644 du même code dispose que, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En l'espèce, le bon d'installation émis par la société ID Numérique, atteste de la livraison de l'ensemble des matériels le 24 novembre 2017, l'installation s'étant poursuivie du 27 au 30 novembre 2017. La formation du personnel de la société Afficion s'est déroulée sur 2 jours, les 5 et 6 décembre 2017.

En février 2018, la société Afficion a signalé un premier problème avec la découpeuse Fotoba, et la société ID Numérique lui a demandé de prendre contact avec son service de dépannage, à savoir la société ADSL. Cette dernière est intervenue le 7 mars 2018, sans que l'on connaisse les suites de cette intervention.

Le 27 juin 2018, la société Afficion a adressé un courriel à la société ID Numérique pour se plaindre, d'une part d'une panne d'imprimante (carte mère), d'autre part du fait que les deux imprimantes s'interrompent continuellement depuis le début de l'installation, ce problème n'étant pas résolu malgré les interventions du service après-vente. Elle indiquait être dès lors contrainte de recourir à un sous-traitant, précisant que ce dernier enverrait ses factures à la société ID Numérique. Après de nombreux échanges, la société ID Numérique a partiellement accepté le règlement des factures de sous-traitance.

La société Afficion a dénoncé de nouveaux dysfonctionnements affectant la découpeuse Fotoba par courriers des 11 septembre et 22 novembre 2018 qui seront détaillés plus avant.

Par courrier recommandé du 6 février 2019, la société Afficion rappelait à la société ID Numérique qu'elle ne pouvait plus utiliser le matériel depuis le mois de septembre 2018, ce qui l'obligeait à recourir à de la sous-traitance, sollicitant dès lors la résolution du contrat de vente de l'ensemble des matériels, reprochant en outre à la société ID Numérique d'être dans : " l'incapacité avérée de satisfaire à ses obligations contractuelles de délivrance de matériels exempts de vices et répondant aux besoins de la société Afficion ". La société Afficion a ensuite obtenu la désignation d'un expert, comme rappelé supra.

Sur l'existence d'un défaut caché de la découpeuse

L'expert indique dans son rapport : " la découpeuse s'arrête au bout de quelques minutes d'exploitation par un bourrage des chutes de découpe qui provoque un arrêt de sécurité de la machine'. Il précise également qu'il existait un problème de configuration du logiciel d'impression qui a toutefois été résolu dès la première réunion d'expertise. Si les intimés contestent les causes du bourrage et le fait que la machine soit impropre à son usage, ils ne discutent pas l'existence même d'un défaut de la découpeuse, à savoir que son fonctionnement entraîne un bourrage des chutes de découpe.

Contrairement à ce que soutient la société Signa, le fait que le défaut puisse éventuellement être corrigé par l'ajout d'un système d'expulsion des chutes de découpe, ne permet pas d'affirmer que le défaut est extérieur à la machine. Il s'agit bien d'un défaut inhérent à la machine dont le fonctionnement même entraîne des bourrages.

La société ID numérique n'est en outre pour sa part pas fondée à soutenir que les bourrages auraient pour cause l'adjonction, par la société Afficion, d'une table de réception des affiches " bricolée " par cette dernière. En effet, l'expert indique très clairement que tous les essais réalisés lors de la seconde réunion d'expertise l'ont été " sans mettre la table de réception en sortie de machine afin de vérifier si cette dernière est la cause des bourrages ". L'expert observe que les bourrages se produisent même sans la table de réception, et conclut de manière très claire : " les bourrages ne sont pas liés à la table de stockage des affiches découpées ".

Il n'est ainsi justifié d'aucune cause du dysfonctionnement qui serait extérieure à la découpeuse, et c'est bien son fonctionnement même qui est la cause des bourrages.

Le défaut de fonctionnement est d'autant moins contesté que les parties ont indiqué lors de l'expertise qu'également constaté chez d'autres clients, il pouvait être corrigé en installant un système pour permettre l'expulsion des chutes de découpe, grâce à des jets d'air. La société Signa a ensuite indiqué qu'elle était disposée à prendre en charge la dépense résultant de la modification suggérée, confirmant ainsi que le défaut n'était pas contesté.

En outre, il résulte clairement du rapport d'expertise que le défaut, existant antérieurement à la vente, n'était alors pas apparent, ce qui n'est pas discuté par les parties. L'existence d'un défaut caché de la chose est ainsi suffisamment établi. Il convient de rechercher si ce défaut caché rend ou non la chose impropre à l'usage auquel on la destine.

Sur l'impropriété d'usage

Répondant à la question de l'impropriété de destination ou d'usage normal de la chose, l'expert indique : " les désordres rendent le matériel impropre à son utilisation car le défaut qui stoppe la machine apparaît entre 5 et 6 minutes [après la mise en route], temps constaté durant les réunions d'expertise. Il est donc impossible d'avoir une production normale et soutenue. La machine n'a jamais fonctionné normalement. "

Les intimés contestent cette impropriété d'usage retenue par l'expert, au motif tout d'abord que la machine aurait été exploitée normalement, et même de manière " intensive " durant les 9 premiers mois de l'année 2018 puisque le compteur affichait un nombre élevé de découpes (41 640 découpes au moment de l'expertise).

S'il est exact que la société Afficion a fait un usage important de la machine durant les 9 premiers mois de l'année 2018, il ressort des différents courriers précités qu'elle s'est régulièrement plainte de dysfonctionnements entraînant notamment des bourrages lui imposant d'avoir un personnel à proximité pour résoudre ce problème, de sorte que la machine ne fonctionnait pas de manière normale.

Ainsi, le 11 septembre 2018, la société Afficion a adressé un courrier recommandé à la société ID Numérique en ces termes : " compte tenu de la perte de temps excessive sur le Fotoba pour notre employé qui doit manutentionner la machine alors qu'elle devrait découper toute seule, et compte tenu des tarifs plus intéressants sur le " dos bleu " [papier spécial pour affiches publicitaires] et l'encre que nous ne parvenons pas à avoir avec vous malgré l'évolution de nos commandes, il s'avère que la rentabilité annoncée lors de votre présentation sur la partie imprimerie de notre société est loin d'être ce que vous nous aviez déclaré ('). " La société Afficion concluait son courrier en sollicitant une reprise, par la société ID Numérique, de la découpeuse Fotoba et d'une imprimante.

La société ID Numérique ne justifie pas avoir répondu à ce courrier recommandé qui énonce toutefois clairement le fait que la machine ne fonctionne pas de manière autonome contrairement à ce qui était attendu. Il est ici précisé que s'il est normal qu'un employé " ramasse " les déchets de découpe au sol, notamment en fin de journée, il est toutefois anormal, ainsi que relevé par l'expert, qu'un employé doive être constamment présent pour retirer les déchets bloqués dans la machine.

La société Afficion a réitéré son mécontentement dans un courriel du 22 novembre 2018, en écrivant : " depuis le début de l'installation des machines, nous ne cessons de vous écrire pour vous signifier que la Fotoba ne fonctionne pas correctement. Votre technicien est venu sur place et nous a clairement confirmé l'obligation d'une personne de rester à côté de la machine'la vente de cette machine a été justement l'objet d'une automatisation complète et certainement pas d'occuper une personne à temps complet pour retirer les blocages de papier sur cette machine ('). Notre Fotoba est toujours inutilisable, et nous sommes le 22 novembre 2018, soit presque 1 an après nos premières réclamations' Je vous ai adressé depuis des mois un recommandé vous demandant de reprendre vos machines ('). A ce jour, personne ne bouge chez vous, personne ne vient récupérer ce matériel et personne ne propose de solutions ('). "

La société ID Numérique n'a répondu à ce courriel que sur la partie des frais d'impression en sous-traitance qu'elle a accepté de prendre en charge à hauteur de 12 843 euros. Elle n'a toutefois proposé aucune solution, autre que la présence permanente d'un salarié, pour parvenir à un fonctionnement normal de la machine Fotoba.

La société ID Numérique n'a ainsi jamais contesté, ni les bourrages provenant des chutes de découpe, tels que constatés par l'expert, ni la nécessité de recourir à un employé chargé de dégager les chutes pour éviter un bourrage. Si la découpeuse a ainsi fonctionné durant les 9 premiers mois de l'année 2018, ce fonctionnement était manifestement anormal, la machine ne pouvant pas fonctionner de manière autonome.

L'expert indique d'ailleurs, en page 51 de son rapport : " le recours à la sous-traitance a été une nécessité pour assurer la livraison des affiches commandées par les clients dans les délais impartis. Ceci afin de pallier une machine qui ne peut pas fonctionner en continu, avec les arrêts par bourrage à répétition. Il a été constaté à la deuxième réunion que l'apparition des bourrages se fait entre 5 et 6 minutes de fonctionnement avec nécessité de supprimer le défaut pour pouvoir redémarrer. Lors de la première réunion, les bourrages ont également été constatés. Après ces constats, il est difficile de planifier une production avec des délais de livraison sans avoir recours à la sous-traitance. "

Au regard de l'ensemble de ces éléments, notamment de l'impossibilité de fonctionnement autonome de la machine entraînant une impossibilité de planification de la production, et contrairement à ce qu'a pu estimer le tribunal, le défaut de la découpeuse présentait une gravité suffisante, pour caractériser une impropriété de la machine à son usage.

Si les intimés soutiennent que le défaut aurait pu être corrigé en ajoutant un système permettant d'expulser les chutes de découpe, cette solution n'a pas été explorée techniquement ni validée par l'expert qui s'est contenté d'affirmer - sans décrire la solution préconisée, et sans aucune explication technique, alors même que cette solution aurait été installée chez d'autres clients de la société Signa - que : " les travaux de remise en état consistent à installer un système pour aider à expulser les chutes de découpe avec des jets d'air ".

La solution ainsi préconisée n'a en outre été proposée qu'au cours de la seconde réunion d'expertise en juin 2020, près de deux années après que la société Afficion a sollicité, à plusieurs reprises, que la société ID Numérique trouve une solution réparatoire ou qu'elle reprenne la machine, sans que cette dernière réponde à ces demandes. Cette proposition très tardive et hypothétique de solution réparatoire ne permet pas de remettre en cause le constat précédent d'un fonctionnement anormal de la découpeuse, rendant celle-ci impropre à l'usage auquel elle était destinée.

Il convient donc de prononcer la résolution du contrat de vente portant, tant sur la découpeuse Fotoba que sur les matériels annexes, étant observé que le contrat porte sur un ensemble de matériels (la société ID Numérique indique elle-même qu'il s'agit d'un marché global - page 12 du rapport d'expertise) dont il n'est pas allégué qu'ils puissent être dissociés, les imprimantes et le laminateur n'étant d'aucune utilité si la société Afficion n'est pas en mesure de procéder à la découpe des affiches préalablement imprimées.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a, d'une part rejeté la demande de résolution du contrat de vente, d'autre part ordonné aux parties de reprendre le cours du contrat, et notamment le prélèvement des loyers. Il convient, statuant à nouveau, de prononcer la résolution de la vente.

2 - sur les conséquences de la résolution de la vente

2-1 - sur la demande formée par la société Axialease à l'encontre des sociétés ID Numérique et Signa

Du fait de la résolution du contrat de vente qui vient d'être prononcée entre les sociétés ID Numérique et Axialease, cette dernière sollicite la condamnation de la société ID Numérique à lui restituer l'intégralité du prix de vente, soit la somme de 114 652,80 euros, et à récupérer à ses frais les matériels litigieux. Elle sollicite également la condamnation solidaire des sociétés ID Numérique et Signa à lui payer la somme de 11 350,08 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de pouvoir encaisser la différence entre le prix d'achat versé à la société ID Numérique (114 652,80 euros) et le prix de revente auprès de la société Franfinance (126 002,88 euros).

La société ID Numérique ne forme aucune observation à ce titre.

La société Signa s'oppose à la demande indemnitaire formée à son encontre, indiquant qu'elle a rempli l'ensemble de ses obligations de vente du matériel à la société ID Numérique et de formation du personnel, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être imputé.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En application de cette disposition, la société Axialease, acquéreur, a le droit de rendre la chose et de se faire restituer le prix d'acquisition, de sorte qu'il convient de condamner la société ID Numérique à récupérer les matériels litigieux, et à lui restituer la somme non contestée de 114 652,80 euros.

S'agissant de la demande indemnitaire formée par la société Axialease, celle-ci se contente d'invoquer, de manière générale les " manquements imputés par l'expert aux sociétés ID Numérique et Signa " sans caractériser ces prétendus manquements, et sans établir un lien de causalité entre ces derniers et le préjudice qu'elle invoque, de sorte que sa demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée.

2 -2- sur les demandes de caducité des contrats de location et de cession

La société Afficion sollicite, sur le fondement de l'interdépendance des contrats, la caducité du contrat de location souscrit avec la société Axialease, aux droits de laquelle se trouve la société Franfinance, outre le rejet des demandes en paiement formées à son encontre par cette dernière. Elle sollicite en outre remboursement de la somme de 30 188,55 euros versée à la société Franfinance au titre des loyers. Elle indique avoir procédé à la restitution des matériels.

La société Axialease admet que les contrats sont interdépendants, ajoutant que la résolution de la vente ne peut qu'entraîner la caducité des relations interdépendantes, et notamment de la revente du matériel entre elle-même et la société Franfinance. Elle admet ainsi devoir rembourser la somme de

126 002,88 euros à la société Franfinance.

La société Franfinance admet également l'interdépendance des contrats de vente et de location, de sorte que la résolution du premier doit entraîner la caducité du second, outre la caducité de la cession entre elle-même et la société Axialease. Dans cette hypothèse, elle ne forme aucune demande en paiement contre la société Afficion, mais sollicite le remboursement par la société Axialease de la somme de 126 002,88 euros, outre la restitution des matériels par la société Afficion entre les mains de la société Axialease.

Réponse de la cour

Selon l'article 1186 du code civil un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition. La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

L'article 1187 du même code dispose que la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

En l'espèce, les parties admettent expressément que les contrats de vente du matériel, de location et de cession du matériel concouraient à la réalisation d'une même opération, de sorte que la résolution du contrat de vente entraîne la caducité des contrats de location et de cession. La cour constatera ainsi ces caducités.

Compte tenu de la caducité du contrat de location conclu entre les sociétés Franfinance (venant aux droits de la société Axialease) et Afficion, la société Franfinance ne forme aucune demande en paiement contre sa locataire. Elle ne s'oppose pas à la demande en restitution des loyers réglés par la société Afficion à hauteur de 30 188,55 euros, de sorte qu'il convient d'accueillir cette demande qui est justifiée par la production des pièces comptables (pièce 50 de la société Afficion). La société Franfinance sera ainsi condamnée à payer à la société Afficion la somme de 30 188,55 euros. La société Afficion justifie avoir restitué le matériel le 13 février 2025, de sorte que la demande de la société Franfinance sur ce point est devenue sans objet.

Les parties s'accordent sur la caducité de la cession du contrat de location entre les sociétés Axialease et Franfinance, de sorte qu'il convient d'accueillir cette demande et de condamner la société Axialease à restituer à la société Franfinance le prix de cession à hauteur de la somme de 126 002,88 euros.

2-3 - sur les demandes financières formées par la société Afficion à l'encontre de la société ID Numérique

La société Afficion rappelle être en droit de solliciter la réparation intégrale des préjudices consécutifs au vice caché. Elle sollicite la condamnation de la société ID Numérique à lui rembourser la somme de 5 520 euros correspondant aux journées de formation inutilement payées, et à lui régler la somme de 867,89 euros au titre des frais de restitution du matériel. Elle rappelle en outre que l'acquisition des matériels avait pour objet d'internaliser l'impression de ses affiches, afin de lui permettre de faire des économies par rapport à la situation antérieure d'impression chez un sous-traitant. Elle précise que la société ID Numérique avait elle-même évalué le coût de revient d'une affiche à 18 euros avec le matériel acquis, alors que l'impression en sous-traitance entraînait un coût de 24 euros, soit une économie de 6 euros par affiche. Elle évalue l'économie escomptée à 24 696 euros par an (pour 4 116 affiches), et sollicite donc paiement de la somme globale de 123 480 euros au titre d'une perte de chance de pouvoir réaliser une économie sur 5 ans.

La société ID Numérique s'oppose à la demande en paiement de la somme de 123 480 euros, faisant valoir que la société Afficion a exploité les matériels durant 11 mois, les tableaux des quantités imprimées établissant une moyenne de 364 affiches par mois. Elle observe en outre que l'évaluation d'une perte de chance, telle que réalisée par la société Afficion, est incohérente en ce qu'elle se fonde sur un prévisionnel de 1,57 euros par m2 qui ne tient compte que des consommables (encre et substrat), sans prendre en compte le coût de location du matériel et tous les coûts induits. Elle soutient qu'il n'est pas justifié de la possibilité de réaliser des économies par rapport à la situation antérieure (travail en sous-traitance), de sorte qu'il n'existe a fortiori aucune perte de chance de pouvoir faire des économies. Elle ajoute qu'il n'est justifié d'aucun préjudice financier, les coûts effectivement supportés étant inférieurs aux coûts annoncés.

Réponse de la cour

Selon les articles 1645 et 1646 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence (Com. 17 Janvier 2024, n° 21-23.909).

En l'espèce, les demandes en remboursement du coût des journées de formation et de frais de retour du matériel, qui ne sont pas discutées par la société ID Numérique, seront accueillies dès lors, d'une part qu'elles sont la conséquence directe de la résolution de la vente des matériels, d'autre part qu'elles sont justifiées par les factures correspondantes. La société ID Numérique sera donc condamnée à payer à la société Afficion les sommes de 5 520 euros et 867,89 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il a limité les demandes indemnitaires de la société Afficion.

S'agissant de la perte de chance de réaliser, grâce au matériel acquis, une économie évaluée à 24 696 euros par an, la cour observe que l'évaluation de cette économie repose uniquement sur deux courriels adressés par la société ID numérique les 20 janvier et 10 février 2017.

Le courriel du 20 janvier 2017 est rédigé de la manière suivante : " J'aimerai bien vous revoir pour mieux vous expliquer pourquoi cette imprimante, mais aussi vous communiquer plus précisément les coûts induits de la machine (') si j'ai bien tout compris, vous avez en sous-traitance un coût de 100 K' annuel. Si vous l'achetez bien à 2 ' le m2, soit 24 ' le 4x3, cela vous fait 4 116 affiches annuel, soit 347 affiches par mois. Ces Chiffres vous semblent-ils correspondre à ce que vous faites par mois (')'.

Le 10 février 2017, la société ID Numérique a écrit à la société Afficion : " nous avons imprimé sur dos bleu 120 grammes [papier affiche] le fichier que nous avons dimensionné pour qu'il fasse 1 m2. La consommation d'encre est de 1,04 ' et de 53 centimes pour le média (substrat). Ce qui revient à 1,57 euros le m2 imprimé encre et média compris, auquel il faut ajouter la maintenance et les coûts induits à la machine (tête et kit de nettoyage qui sont du consommable). Je vous refais passer le devis complet ('). "

La cour observe en premier lieu que le chiffre de 2' le m2 d'affiche en sous-traitance ne repose que sur des hypothèses émises par la société ID Numérique, qui ne sont pas confirmées par la société Afficion dès lors qu'elle ne justifie pas avoir répondu au courriel du 20 janvier. En outre et surtout, le prix de revient de 2 ' le m2 en sous-traitance ne peut pas être comparé au prix de 1,57 ' le m2 qui ne repose que sur le coût de l'encre et du substrat (papier), sans tenir compte du coût de location de la machine, outre les coûts induits (consommables).

Ainsi que le fait observer la société ID Numérique, le coût mensuel de location des machines représente une somme de 1 949 euros, soit pour 347 affiches de 12 m2, un coût de 0,48 euros par m2, venant s'ajouter au coût de l'encre et du papier, soit : 1,57 euros + 0,48 euros = 2,05 euros du m2, ce coût étant ainsi supérieur au coût supposé en sous-traitance. Il n'est ainsi justifié d'aucune économie réalisable avec les matériels acquis par la société Afficion, de sorte qu'il n'existe pas non plus de perte de chance de réaliser une économie.

La société Afficion sera donc déboutée de sa demande indemnitaire pour perte de chance, le jugement étant confirmé de ce chef.

3 - sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société ID Numérique qui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à payer, au titre des frais irrépétibles, une somme de 3 000 euros à la société Afficion, outre une somme de 1 000 euros à chacune des sociétés Signa, Axialease et Franfinance.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 21 juin 2023 sauf en ce qu'il a débouté la société Afficion de sa demande en paiement d'une somme de 123 480 euros au titre d'une perte de chance,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Prononce la résolution de la vente de matériels conclue entre les sociétés ID Numérique et Axialease,

Condamne la société ID Numérique à restituer à la société Axialease la somme de 114 652,80 euros, et à récupérer à ses frais les matériels vendus,

Constate la caducité du contrat de cession conclu entre les sociétés Axialease et Franfinance,

Condamne la société Axialease à restituer à la société Franfinance la somme de 126 002,88 euros,

Constate la caducité du contrat de location souscrit entre les sociétés Axialease et Afficion,

Condamne la société Franfinance, venant aux droits de la société Axialease, à rembourser à la société Afficion la somme de 30 188,55 euros au titre des loyers,

Condamne la société ID Numérique à payer à la société Afficion les sommes de 5 520 euros et 867,89 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société ID Numérique à payer, au titre des frais irrépétibles, une somme de 3 000 euros à la société Afficion, outre une somme de 1 000 euros à chacune des sociétés Signa, Axialease et Franfinance,

Condamne la société ID Numérique aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise et les frais des procès-verbaux de constat établis les 25 mars et 25 novembre 2019, avec droit de recouvrement direct pour les parties qui en ont fait la demande.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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