CA Toulouse, 2e ch., 27 mai 2025, n° 23/03644
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Société Méridionale De Diffusion Automobile (SASU), FCA France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Salmeron
Conseillers :
Martin de la Moutte, Moulayes
Avocats :
Renier, Dagras, Mayol, Marty-Davies
Exposé des faits et de la procédure :
En octobre 2018 Monsieur [U] [M], exerçant une activité d'artisan peintre, a acquis auprès de la société Someda, qui l'avait elle-même aacquis auprès de la société FCA France, un véhicule utilitaire neuf Fiat Doblo immatriculé FC 028 TX. financé à l'aide d'un crédit-bail conclu avec la société Fca Leasing France, avec option à exercer au plus tard le 31 décembre 2023.
Le 27 mars 2019, [U] [M] s'est plaint auprès de la société Someda d'une consommation excessive d'essence. Lors de l'intervention, la société Someda a fait un appoint d'huile car le niveau était en dessous du volume minimum préconisé.
Par courriel du 20 octobre 2021, [U] [M] a réitéré ses plaintes auprès de la société Someda concernant une perte d'huile importante.
[U] [M] a mandaté un expert pour déterminer l'origine de cette consommation anormale d'huile moteur du véhicule.
Dans son rapport du 14 mars 2022, l'expert amiable a conclu à la responsabilité du vendeur et du constructeur. [U] [M] a donc demandé à la société Someda la prise en charge des réparations ou le remplacement du véhicule.
En réponse, la société Someda a indiqué qu'elle attendait un diagnostic plus précis afin d'établir un devis circonstancié. Monsieur [M] a refusé le devis proposé.
Par acte du 30 septembre 2022, [U] [M] a assigné la société Someda devant le tribunal de commerce de Toulouse afin de solliciter sur le fondement de la garantie des vices cachés sa condamnation au paiement de la somme de 10 895,08 euros TTC.
Par acte du 25 janvier 2023, la société Someda a assigné en intervention forcée la société Fca France, en tant que constructeur, afin de solliciter sa condamnation à la garantir et relever indemne de toute condamnation.
Par jugement du 26 septembre 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :
- Joint les affaires enrôlées sous les numéros 2022J00740 et 2023J00073 et rendu une seule et même décision ;
- Débouté Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Someda
- Débouté Monsieur [M] de sa demande subsidiaire d'expertise
- Condamné Monsieur [M] au paiement de la somme de 1 000 euros à la société Someda en application de l'article 700 du code de procédure civile (cpc)
- Condamné Monsieur [M] au paiement de la somme de 500 euros à la société Fca France en application de l'article 700 du cpc
- Condamné Monsieur [M] aux entiers dépens.
Par déclaration du 23 octobre 2023, Monsieur [M] a relevé appel du jugement en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la Société Someda,
- débouté Monsieur [M] de sa demande subsidiaire d'expertise,
condamné Monsieur [M] au paiement de la somme de 1 000,00 ' à la Société Someda en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné Monsieur [M] au paiement de la somme de 500,00 ' à la Société Fca France en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
condamné Monsieur [M] aux entiers dépens
Par ordonnance du 12 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a :
- constaté l'abandon par la société Someda de l'incident de radiation de l'affaire
- déclaré prescrite l'action fondée sur la garantie légale de conformité
-écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de [U] [M] concernant la garantie des vices cachés
- réservé les dépens d'incident jusqu'à l'arrêt au fond
- débouté la société Someda de sa demande formée en application de l'article 700 du cpc.
La clôture est intervenue le 10 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 mars 2025 à 09h30.
Prétentions et des moyens des parties :
Par conclusions, notifiées par RPVA le 9 janvier 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, [U] [M] demande, au visa des articles 1641 et suivants du code civil et L 211-4 et suivants du code de la consommation, de :
- Reformer la décision dont appel,
Et, statuant à nouveau,
A titre principal :
Prononcer que le véhicule Fiat Doblo Cargo immatriculé FC 028 TX était affecté d'un vice caché au jour de sa vente, ou à tout le moins, d'un défaut de conformité au sens de l'article L 211-5 du code de la consommation,
Condamner la Someda à verser à Monsieur [M] la somme de 10 895.08 ' TTC au titre des réparations nécessaires sur le véhicule,
Condamner la Someda à verser la somme de 358.10 ' TTC en remboursement des frais de diagnostic,
Condamner la Someda à verser la somme de 1 500 ' sur le fondement de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La Condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, si la Cour d'Appel s'estimait insuffisamment informée sur le vice caché
- Désigner avant dire droit tel expert qu'il plaira à la Cour aux fins de :
Recueillir les explications des parties et prendre connaissance de tous documents utiles à son information, à charge d'en indiquer les sources
Examiner le véhicule litigieux FIAT DOBLO CARGO immatriculé FC 028 TX
Décrire avec précision les désordres allégués, rechercher et indiquer leurs causes, en donnant toutes explications techniques utiles sur les moyens d'investigation employés
Dire s'ils rendent le véhicule impropre à la circulation ou s'ils sont de nature à en restreindre l'usage
Rechercher s'ils existaient à la date de la vente du 3 octobre 2018 et donner son avis sur la connaissance que le vendeur pouvait en avoir
Préciser les travaux propres à remédier aux désordres, en évaluer le coût et la durée, donner son avis sur la vétusté du véhicule ou des éléments du véhicule sur lesquels devraient porter les réparations
Fournir éventuellement tous éléments d'appréciation du préjudice subi
S'expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dires et observations des parties après leur avoir fait part de ses pré conclusions.
Réserver les demandes au titre de l'article 700 du code procédure civile et les dépens dans l'attente du dépôt du rapport et de la décision à intervenir.
Monsieur [M] qui sera propriétaire du véhicule en raison de la levée de l'option d'achat à l'issue du crédit-bail à compter du 28/01/2024, rappelle son intérêt à agir en précisant que l'article VII des conditions générales du contrat de leasing (pièce 11) prévoit que le locataire exercera en son nom propre le recours à l'encontre du constructeur ou du vendeur et notamment exercera les actions en garantie ; le bailleur lui consentant à cet effet toutes délégations dans ses droits et actions à l'encontre du constructeur ou du vendeur.
Monsieur [M] fonde son action sur un vice caché sur son véhicule au sens de l'article 1641 du code civil ou sur un défaut de conformité au sens de l'article L 211-5 du code de la consommation. L'expertise amiable contradictoire établit suffisamment le fait que le véhicule présente un défaut depuis son achat à savoir la consommation anormale d'huile moteur. Ce défaut n'a pas été contesté par le vendeur qui a assisté à l'expertise, qui a signé les procès-verbaux de constatations contradictoires. La consommation d'huile moteur dépasse la norme admise de 19 %.
Selon lui, le fait qu'il continue à utiliser son véhicule, parce qu'il ne peut en acquérir un autre, est sans effet sur l'existence du vice caché.
Le vendeur professionnel est tenu à la réparation intégrale du préjudice au titre de la réparation du véhicule telle qu'évaluée dans le cadre de l'expertise à hauteur de 10 895,08 euros TTC et du remboursement des frais de diagnostic à hauteur de 358.10 euros TTC.
Si la cour considérait que le vice caché n'était pas suffisamment rapporté, Monsieur [M] maintient sa demande subsidiaire de désignation d'un expert judiciaire aux fins de déterminer si le véhicule Fiat Doblo Cargo immatriculé FC 028 TX était atteint d'un vice caché au jour de la vente.
Par conclusions n°2, notifiées par RPVA le 25 septembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Sasu Someda demande, au visa des articles 122, 331 et suivants du code de procédure civile, L211-4 et suivants du code de la consommation et 1641 et suivants du code civil, de :
A titre principal :
- confirmer en tous points le jugement rendu le 26 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse
en tout état de cause :
- déclarer irrecevables pour défaut d'intérêt les demandes formées par Monsieur [M] à la suite du rachat du véhicule en janvier 2024
- débouter Monsieur [M] de sa demande au titre de la garantie légale des vices cachés
- débouter Monsieur [M] de sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire du véhicule, faute de justifier d'un motif légitime
débouter Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
À titre subsidiaire et si la cour d'appel devait faire droit à la demande de réformation sollicitée par Monsieur [M] et retenir l'existence d'un vice caché :
- condamner la société Fca France à relever et garantir la société Someda de toute condamnation éventuelle au titre de la garantie des vices cachés
En tout état de cause :
y ajoutant :
- condamner Monsieur [U] [M] à régler à la société Someda la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc
- condamner Monsieur [U] [M] aux entiers dépens d'instance.
La Sasu Someda soutient que Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve des trois conditions nécessaires pour déterminer l'existence d'un vice caché. Le véhicule n'est pas impropre à sa destination et son usage n'est absolument pas limité.
De plus, le rachat du véhicule par Monsieur [M] rend désormais irrecevable sa demande au titre de la garantie légale des vices cachés pour défaut d'intérêt à agir.
Elle ajoute que l'expertise est dépourvue de toute valeur probante ne permettant pas de fonder une décision judiciaire.
Si le véhicule avait présenté un vice caché ou un défaut de conformité, les ajouts d'huile auraient été immédiats et non 3 ans après la prise de possession, et si le véhicule continue de circuler avec autant d'intensité, il n'est pas impropre à sa destination.
La cause la plus probable de la récente surconsommation d'huile serait soit l'absence de contrôle régulier du véhicule, soit l'utilisation anormale du véhicule (charges trop lourdes et petit moteur), voire peut-être une conséquence liée à l'intervention du garage Fournier J. après le changement de la direction assistée.
La Sasu Someda demande que Monsieur [M] soit débouté de sa demande indemnitaire car l'action est soit rédhibitoire soit estimatoire. Or Monsieur [M], en sollicitant la somme totale de 11 253,18 euros, cherche à circuler avec son véhicule gratuitement, obtenir le remboursement de ses frais de crédit-bail sur 5 ans, et conserver le véhicule.
En cas de condamnation de la société Someda sur le fondement de la garantie des vices cachés, cette dernière est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Fca France à la relever et garantir.
Par conclusions, notifiées par RPVA le 5 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Sas Fca France demande, au visa des articles 1641 et suivants et 1353 du code civil, liminaires et L217-1 et suivants du code de la consommation et 9 et 146 du code de procédure civile, de :
A titre principal :
- Dire et juger que Monsieur [M] ne peut se prévaloir de la garantie légale de conformité en raison de sa qualité de professionnel et du caractère prescrit de toute action à ce titre ;
- Dire et juger que Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve d'un vice caché ;
- Dire et juger qu'une expertise judiciaire serait dépourvue de motif légitime eu égard au kilométrage parcouru depuis la mise en circulation du véhicule ;
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 26 septembre 2023 en toutes ses dispositions ;
- Débouter Monsieur [M] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Someda ;
- Débouter la société Someda de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Fca France ;
A titre subsidiaire :
- Décerner acte à la société Fca France de ce qu'elle forme toutes protestations et réserves eu égard la demande d'expertise judiciaire de Monsieur [M] ;
Le cas échéant,
' Compléter la mission de l'Expert dans les termes suivants :
- procéder au contrôle compression moteur, turbo et segmentations du véhicule
- rechercher les conditions d'utilisation du véhicule depuis sa première mise en circulation et dire, dans l'hypothèse d'une utilisation anormale ou défectueuse, les conséquences en résultant sur le véhicule ;
- rechercher les modalités d'entretien et de réparation du véhicule depuis sa première mise en circulation et dire, dans l'hypothèse d'un entretien ou d'une réparation non conforme, les conséquences sur le véhicule ;
- rechercher l'existence de tout aménagement ou transformation survenus sur le véhicule depuis sa première mise en circulation et dire, dans l'hypothèse de l'existence d'un aménagement ou d'une transformation non-conforme, les conséquences sur le véhicule ;
- donner son avis sur le kilométrage parcouru par le véhicule et sur la dépréciation du moteur
En tout état de cause :
condamner la partie succombant au paiement de la somme de 2.500 ' à la société Fca France au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens
Il limine litis, sur l'irrecevabilité de toute prétention sur le fondement de la garantie légale de conformité, elle rappelle que [U] [M] a été déclaré prescrit par le CME.
La Sas Fca France sollicite le rejet des demandes de condamnation de Monsieur [M] pour défaut de preuve car conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, il incombe à l'acquéreur, qui entend se prévaloir des dispositions de l'article 1641 du code civil, de rapporter la preuve d'un vice antérieur à la vente, indécelable au jour de la vente et rendant l'objet vendu impropre à l'usage auquel il était destiné. Lorsque l'action en garantie des vices cachés est diligentée contre le constructeur, il appartient au demandeur de rapporter la preuve des conditions cumulatives suivantes : un défaut affectant gravement l'usage de la chose, caché (c'est-à-dire non apparent lors de l'achat) et existant antérieurement à la mise en circulation du véhicule. Le véhicule litigieux est un véhicule circulant, Monsieur [M] ayant demandé à conserver le véhicule litigieux à l'issue du contrat de crédit-bail.
Le rapport d'expertise amiable même réalisé à l'issue d'une expertise contradictoire, est insuffisant à rapporter la preuve d'un vice caché d'autant qu'une éventuelle surconsommation d'huile peut provenir d'une ou plusieurs causes, en ce compris celles qui ne résultent pas d'un défaut constructeur. Le rapport d'expertise n'est en outre corroboré par aucune pièce.
Elle sollicite également le rejet de la demande d'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Dans le cas où une expertise judiciaire serait ordonnée : la société Fca France entend solliciter des compléments d'expertise dans ses conclusions.
Motifs de la décision :
- Sur les fins de non recevoir :
1. Avant toute défense au fond, la SAS Fca France soulève l'irrecevabilité de toute prétention sur la garantie légale de conformité.
En effet par ordonnance du 12 septembre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a dit prescrite la demande fondée sur la garantie légale de conformité au visa de l'article L217-12 du code de la consommation alors qu'en outre, toutes les parties s'entendaient pour dire l'action prescrite.
Cette ordonnance n'a fait l'objet d'aucun déféré devant la cour, elle a donc autorité de la chose jugée et toute demande de ce chef est désormais irrecevable.
2. Sur le défaut d'intérêt à agir de [U] [M] soulevé par la SAS Someda, cette dernière considère que dès lors qu'il est devenu propriétaire dès la mise en jeu de l'option du crédit bail exercée le 28 janvier 2024, il avait connaissance du vice dénoncé depuis de nombreux mois et n'a pas intérêt à agir en tant qu'acquéreur.
[U] [M] rappelle qu'il ne pouvait renoncer à lever l'option d'achat en raison des frais de restitution très importants encourus mais surtout il rappelle qu'en tant que locataire conformément à l'article VII du contrat, il exerçait en son nom propre le recours à l'encontre du constructeur ou du vendeur et exerçait les actions en garantie, le bailleur lui consentant à cet effet toutes délégations dans ses droits et actions à l'encontre du constructeur ou du vendeur.
La cour constate que [U] [M] a fait assigner la société Someda dès le 30 septembre 2022 en garantie des vices cachés alors qu'il était subrogé dans les droits du bailleur conformément à l'article VII des conditions générales du contrat de crédit bail en tant que preneur à bail avec faculté de devenir propriétaire du véhicule défectueux. Dès lors, le fait qu'il ait opté à l'issue du crédit bail, ne le rend pas irrecevable ipso facto, en son nom propre, dans la poursuite de l'action en garantie des vices cachés à la date de l'option puisqu'il a lui-même engagé préalablement l'action.
La fin de non recevoir sera écartée et le jugement confirmé de ce chef.
- Sur la garantie des vices cachés :
En application de l'article 1641 du code civil, « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Il incombe à celui qui invoque le vice caché de l'établir et notamment ses trois conditions : l'existence du vice antérieurement à la vente, son caractère non apparent et le fait que le défaut rend la chose impropre à sa destination.
En l'espèce, [U] [M] dénonce une surconsommation d'huile moteur depuis l'origine pour un véhicule acquis neuf. Il produit pour l'établir une expertise amiable contradictoire qui constate que la consommation d'huile dépasse la norme admise de 19%, que le constructeur avait admis une consommation maximale de 0,400kg/1000km alors que la consommation est de 0,476kg/1000km. Il justifie du changement de la pompe à huile de direction assistée dès le 21 juin 2021 et dit surveiller le niveau d'huile en permanence pour éviter une casse moteur.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation précise que hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci. (cf.3e Civ., 14 mai 2020, pourvoi n° 19-16.278, 19-16.279).
Il appartient à [U] [M] d'établir que le vice dénoncé existait avant la vente ; or l'expertise amiable n'est étayée par aucun élément qui établirait que dès les premiers mois de l'utilisation du véhicule la surconsommation d'huile était effective en dehors de tout autre facteur exogène.
Comme le fait observer à bon droit la société Someda les premières plaintes de [U] [M] sont apparues en octobre 2021, soit 3 ans après la mise en circulation du véhicule litigieux, et alors que la garantie légale était expirée. 0r aucun autre élément ne vient étayer la surconsommation d'huile depuis l'origine en octobre 2018 pour pouvoir imposer au vendeur l'analyse du défaut comme étant d'origine.
Contrairement aux affirmations de l'expertise, la première intervention produite est datée du 10 avril 2019 (ordre de réparation) et porte sur « une grosse consommation d'essence selon le client 11 litres à 90km et sur autoroute 13 litres au 100 » (cf pièce 3 de la SAS Someda); il y est mentionné en-dessous mais de façon manuscrite « attention niveau huile en dessous du mini.....à rajouter au moins 1l d'huile fait ».
Ensuite, il y a eu plusieurs interventions de garagistes et des réparations sans évoquer de problème d'huile ou de consommation massive avant le mail du 20 octobre 2021 évoquant cette difficulté, soit 3 ans après sa première utilisation.
Dans l'expertise amiable, l'expert n'a pas relevé ce point et s'est borné à dire que le problème avait été soulevé dès le 10 avril 2019 et était récurrent se fondant sur les seuls déclarations de l'assuré de la Cie d'assurance qui le mandatait.
Au 4 janvier 2024, le compteur du véhicule affichait 123 000 km, soit une utilisation effective de 24 000 km par an en plus de 5 années d'utilisation.
La société Someda fait observer à l'examen des ordres de réparation fournis que, ce véhicule n'a pas cessé de rouler puisque dès les 5 premiers mois, il avait roulé plus de 10.000 km alors qu'il était en période de rodage et qu'en moyenne, sur toute la période, il roulait 2029 km par mois (=123 785km/61 mois) alors qu'en moyenne, ce type dé véhicule utilitaire léger effectue environ 14000km / an.
Elle en déduit que la consommation d'un litre d'huile, 5 mois après la mise en location pour un véhicule neuf, peut s'expliquer par une utilisation importante avec des charges importantes alors que le moteur n'est pas encore rôdé.
La difficulté n'a été signalée ensuite qu'en octobre 2021, soit 3 années après la mise en circulation.
La société Someda explique avoir suggéré, à la demande du constructeur, à l'expert amiable un examen plus poussé pour vérifier la compression du moteur et le contrôle de la segmentation, ce qui a été refusé par [U] [M] et a abouti à un rapport insuffisant à caractériser un quelconque vice caché.
Force est de constater que l'utilisation du véhicule est conforme à sa destination et que le débat ne porte que sur la consommation d'huile anormale constatée en mars 2022 lors de l'expertise amiable sans que sa cause en ait été ni établie ni datée précisément.
Il n'est pas davantage établi que d'autres véhicules de ce type ont fait l'objet de plaintes de clients auprès du constructeur concernant la consommation excessive d'huile, qui pourrait laisser présager un vice de construction du moteur.
Par conséquent, le véhicule n'est pas entaché d'un vice qui le rend impropre à sa destination puisqu'il peut être utilisé quotidiennement depuis 5 ans ; certes une forte consommation d'huile rend son utilisation gênante puisqu'il faut, plus souvent que la moyenne normale annoncée, rajouter de l'huile sans que l'on sache si cette consommation anormale résulte d'une utilisation particulière et non conforme dudit véhicule.
La cour confirme le jugement en ce qu'il a dit la garantie des vices cachés non établie.
Sur la demande subsidiaire de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer l'existence d'un vice caché :
En application de l'article 146 du cpc «une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ».
Il appartient à [U] [M] de prouver que le vice qu'il dénonce existait de façon récurrente dès l'origine alors que cette difficulté n'est apparue que trois années après la mise en service et qu'il n'établit pas la consommation effective d'huile en fonction de ses conditions réelles d'utilisation du dit véhicule. Dès lors, la mesure d'instruction ne peut suppléer sa carence probatoire sur un problème technique.
Il convient de débouter [U] [M] de sa demande subsidiaire et de confirmer le jugement de ce chef.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté [U] [M] de ses demandes indemnitaires à défaut de vice caché établi.
- Sur les demandes accessoires :
[U] [M] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné [U] [M] à verser des frais irrépétibles à concurrence de 1000 euros pour la société Someda, vendeur, et 500 euros à la société Fca France, constructeur.
Par ailleurs eu égard à la situation respective des parties, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles en appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare irrecevable la demande de [U] [M] au titre de la garantie légale de conformité
- Confirme le jugement
- Condamne [U] [M] aux dépens d'appel
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.