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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 23 mai 2025, n° 23/09236

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

JCV (SCI), Roland-Emmanuel Dejean De La Batie, Thomas Berdal Et Notaires Associes (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseiller :

Mme Bret

Conseillère :

Mme Girard-Alexandre

Avocats :

Me Vignes, Me Lebas, Me Lallement, Me Bleykasten, Me Ingold, Me Viterbo, Me Ronzeau, Me Roberto

TJ Paris, hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, …

30 mars 2023

FAITS ET PROCEDURE

M. [E] [Z] exploite un hôtel de 9 chambres sous l'enseigne Nouvel Hôtel du Théâtre sis [Adresse 5] à [Localité 22], par suite de l'acquisition du fonds de commerce suivant acte authentique du 31 mars 1988 comprenant le droit au bail commercial, ledit bail ayant été renouvelé le 1er avril 2010, par Mme [K] [V] veuve [D], M. [A] [V] et Mme [B] [V], propriétaires indivis des murs.

En 2016, les indivisaires [D]-[V] souhaitant vendre leur bien immobilier, ont par l'intermédiaire de leur gestionnaire immobilier, le cabinet BELLEVUE, proposé à M. [E] [Z] ledit bien immobilier au prix principal de 650.000 euros, par une lettre recommandée en date du 6 septembre 2016. Par un courriel du 7 septembre 2016, M. [Z] a fait connaître son intérêt pour l'acquisition du bâtiment à ce prix et a indiqué transmettre ce projet d'acquisition à son banquier pour étude de faisabilité.

Suivant un courrier recommandé du 9 septembre 2016, le cabinet BELLEVUE a rappelé à M. [Z] les délais de réalisation de la vente, et notamment le délai de 4 mois, dans la mesure où il avait l'intention de recourir à un prêt.

Par une lettre recommandée en date du 16 novembre 2016, les consorts [V]-[D] ont interrogé M. [Z] sur l'avancement de son projet d'acquisition en rappelant l'ensemble des conditions de l'offre, ainsi que les dispositions de l'article L145-46-1 du code de commerce.

Aux termes d'un courrier recommandé du 19 décembre 2016, M. [Z] invoquant la nullité de la notification du 9 septembre 2016, a indiqué prendre acte du courrier du 19 novembre 2016 et a indiqué transmettre la proposition à sa banque, estimant au surplus que le délai de rigueur à observer était de 4 mois à compter du 19 décembre 2016.

En réponse à un courriel de M. [A] [V] du 15 avril 2017, M. [Z] a indiqué que les banques qu'il avait sollicitées n'avaient pas donné suite à ces demandes de prêt, et qu'il restait prêt à examiner toute offre de vente à un prix plus raisonnable.

Suivant acte authentique en date du 27 octobre 2017 reçu par Maître [L] [W], avec la participation de Maître [C]-[R] assistant le promettant, les consorts [D]-[V] ont unilatéralement promis de vendre à Monsieur [P] [G], avec faculté de substitution, le bien immeuble moyennant le prix de 696.000 ', les parties précisant que le promettant déclare que le bien a fait l'objet d'une lettre de purge du droit de préférence les 6 et 9 septembre 2016, et que bien que la promesse n'ait pas pour objet une opération de cession à des conditions ou un prix plus avantageux pour l'acquéreur », les modalités de cette purge n'ont pas été effectuées conformément à l'article L.145-46-1 du code de commerce, le promettant s'engageant donc à effectuer une nouvelle purge du droit de préemption du locataire conformément aux dispositions dudit article et mandate à cet effet le notaire participant afin d'effectuer lesdites formalités.

Par acte d'huissier en date du 17 novembre 2017, les consorts [D]-[V] ont fait signifier à M. [Z] une offre de vente des locaux donnés à bail commercial, en application de l'article L.145-46-1 du code de commerce, pour un prix de 696.000 euros, mentionnant des honoraires de négociation d'agence de 46.000 euros dus par les vendeurs.

Par courrier recommandé en date du 15 décembre 2017, M. [E] [Z] a notifié à l'Office notarial de Me [C]-[R] son acceptation de l'offre aux conditions indiquées dans l'acte, sous réserve de l'obtention d'un prêt.

Suivant acte authentique en date du 9 mai 2018 reçu par Maître [W], avec la participation de Maître [C]-[R], les consorts [D]-[V] ont vendu le bien immobilier à la société JCV, qui s'est substituée à M. [G].

Mme [K] [V]. veuve [D] est décédée le 25 février 2019 laissant pour lui succéder, suivant acte de notoriété du 26 avril 2019, ses trois enfants, M. [H] [D], Mme [I] [D] et Mme [F] [Y] née [D].

Soutenant que cette vente était intervenue au mépris de son droit de préférence visé à l'article L 145-46-1 du code de commerce, M. [Z] a fait assigner par actes d'huissier des 18 décembre 2019, M. [A] [V], Mme [B] [V], M. [H] [D], Mme [I] [D] et Mme [F] [Y] née [D], la SCI JCV, et la SCP DEJEAN DE LA BATlE-[C]-[R]-BERDAL-GIL, devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de la vente, ainsi que le notaire en responsabilité.

Par jugement rendu le 30 mars 2023, ce tribunal a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de publication de l'assignation,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- rejeté la demande de communication de pièce de M. [Z],

- rejeté la demande de nullité de la vente de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 22], intervenue par acte notarié du 9 mai 2018 entre les consorts [V]-[D] et la SCI JCV ;

- rejeté la demande de nullité de la purge du droit de préférence du locataire du 17 novembre 2017, visé à l'article L 145-46-1 du code de commerce ;

- rejeté la demande de mise en 'uvre la procédure de purge du droit de préférence au profit de M. [E] [Z], es-qualité de locataire des locaux, par la signification d'une offre, avec suppression des frais d'agence ;

- rejeté la demande de communication de pièce sollicitée par M. [E] [Z] pièce n°10 consistant en l'avant contrat conclu entre JCV et les vendeurs ;

- condamné M. [E] [Z] aux dépens et accorde à Maître François VITERBO le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] [Z] à verser à M. [A] [V] et Mme [B] [V], pris ensemble, une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] [Z] à verser à la SCI JCV une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] [Z] à verser à la SCP DEJEAN DE LA BATIE ' PREGER [R] ' BERDAL ' GIL une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] [Z] à verser à la SCI JCV une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile..

M. [Z] a interjeté appel le 22 mai 2023, et demande aux termes de ses dernières conclusions du 14 décembre 2023, de :

- INFIRMER le Jugement rendu le 30 mars 2023 par le Tribunal judiciaire de Paris en ses dispositions sur le fond du litige ci-dessus rappelées,

DECLARER la société JCV mal fondée en son appel incident et l'en débouter comme de toutes ses demandes. DEBOUTER les consorts [V]-[D], la société JCV et l'Etude DEJEAN DE LA BATIE ' [C]-[R]- BERDAL, Notaires de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

Statuant à nouveau,

- PRONONCER la nullité de la vente de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 22], sous les références cadastrales section AI n°[Cadastre 10], intervenue par acte notarié du 9 mai 2018 publiée et enregistré le 30 mai 2018 au service de publicité foncière de Paris 6, sous le numéro de dépôt 2018D02587 - volume 2018P01760 - entre les consorts [V] [D] et la SCI JCV, pour violation du droit de préférence du locataire visé à l'article L 145-46-1 du code de commerce ;

- ORDONNER au notaire' l'Etude DEJEAN DE LA BATIE ' [C]-[R]- BERDAL, Notaires associés [Adresse 2] - et aux consorts [V]-[D], de diligenter à nouveau à bref délai la procédure de purge du droit de préférence de M. [E] [Z], es-qualité de locataire des locaux, par la signification de l'offre qui lui a été précédemment faite, avec suppression des frais d'agence, afin de permettre à M. [E] [Z] de faire valoir ses droits en se portant acquéreur des locaux dans les délais légaux ;

- En conséquence,

- ORDONNER au notaire ' l'Etude DEJEAN DE LA BATIE ' [C] [R]- BERDAL, Notaires associés [Adresse 2] , et aux vendeurs et héritiers, désignés comme les consorts [V]-[D], la reprise de l'offre de vente signifiée le 17 novembre 2017 dans le cadre de la procédure de purge, sans la commission agence des 46 000 euros, pour laquelle le demandeur M. [E] [Z], es-qualité de locataire des locaux n'est pas concerné, afin de lui permettre de faire valoir ses droits à l'acquisition des locaux, par substitution à la SCI JCV.

En tout état de cause,

- DEBOUTER les consorts [V]-[D], la société JCV et l'Etude DEJEAN DE LA BATIE ' [C]-[R]- BERDAL, Notaires de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER solidairement les consorts [V]-[D] et la société JCV au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [Z] s'oppose à l'appel incident de la société JCV tendant à voir déclarer prescrite son action en nullité de la vente, en faisant valoir que comme l'a retenu le tribunal, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où le locataire a eu ou aurait dû avoir connaissance de la vente, soit en l'espèce du jour de l'acte de vente entre la société JCV et les consorts [D] -[V].

Sur le fond, il soutient que la nullité de la vente, d'ordre public, découle de l'irrégularité de la purge de son droit de préférence, elle-même tirée de la conclusion de la promesse de vente entre la société JCV et les vendeurs avant la notification de l'offre de vente, d'une part, et d'autre part d'une offre de vente faisant supporter au locataire la commission d'agence, contrairement à ce qui est jugé par la Cour de cassation, ou à tout le moins prêtant à confusion quant au prix de l'offre de vente, dès lors qu'il n'était pas précisé si le prix incluait ou non les frais d'agence.

Il conteste que comme le soutiennent les consorts [D]-[V] et la société JCV, le droit de préférence a été purgé en 2016 de sorte qu'il n'y aurait pas eu lieu de le refaire en 2017, dès lors que les notifications de 2016 étaient irrégulières, la première ne reproduisant pas l'article L.145-46-1 du code de commerce, la seconde ne mentionnant pas le prix de vente, et la lettre du 19 novembre 2016 n'étant qu'une relance.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 16 janvier 2024 auxquelles il est expressément référé pour l'exposé complet des moyens de fait et de droit développés, les consorts [D]-[V] demandent à la cour :

A titre principal,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 30 mars 2023 N° RG 20/00489 ;

DEBOUTER M. [Z] de l'ensemble de ses fins et conclusions ;

CONDAMNER M. [Z] aux entier frais et dépens de l'instance

CONDAMNER M. [Z] à payer aux consorts [V] & [D] une somme de 4 000 ' par application de l'article 700 du CPC ;

A titre subsidiaire, en cas d'annulation de la vente,

CONDAMNER la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE ' THOMAS BERDAL ET [S] [X], à garantir les consorts [V] & [D] de tout conséquence liée à l'annulation de la vente intervenue au profit de la SCI JV le 9 mai 2018 ;

RESERVER aux consorts [V] & [D] le droit à chiffrer le préjudice découlant de l'annulation de la vente du 9 mai 2018 ;

DEBOUTER la SCI JCV de ses conclusions au titre des frais, droits et taxes afférents à la vente et des intérêts de l'emprunt souscrit ;

ORDONNER la déduction du prix de vente de l'ensemble des fruits (loyers, indexations') perçus par la SCI JCV depuis le 9 mai 2018 ;

CONDAMNER solidairement la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE ' THOMAS BERDAL ET [S] [X] et la SCI JCV aux entier frais et dépens de l'instance ;

CONDAMNER solidairement la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE ' THOMAS BERDAL ET [S] [X] et la SCI JCV à payer une somme de 4 000 ' par application de l'article 700 du CODE DE PROCEDURE CIVILE.

Au soutien de la confirmation du jugement par substitution de motifs, ou par adoption de motifs, ils soutiennent qu'il n'y avait pas lieu à réitérer une offre de vente en 2017, la première mise en 'uvre du droit de préférence étant intervenue dans le respect des dispositions de l'article L145-46-1 du code de commerce dès lors que les conditions de l'offre ont été exposées au preneur dans la lettre du 16 novembre 2016, que les quatre premiers alinéas du texte lui ont été rappelés dans la même lettre, que le preneur a pu se positionner dans le mois suivant la réception de l'offre, et qu'il a également bénéficié du délai de quatre mois pour obtenir son financement.

Ils ajoutent qu'en toute hypothèse, la purge du droit de préférence effectuée en 2017 est parfaitement valable, dès lors que la promesse unilatérale de vente conclue avant la dernière purge du droit de préférence l'a été sous la condition suspensive de l'exercice de ce droit de préférence qui est donc parfaitement respecté en ce que, à supposer que M. [Z] ait pu obtenir le financement nécessaire, il aurait eu la faculté d'exercer son droit suite à la nouvelle notification du 17 novembre 2017. Ils soulignent enfin que l'argumentation de M. [Z] a subtilement évolué, celui-ci se plaignant désormais de ce que l'offre aurait était imprécise et ne lui aurait pas permis de savoir si la charge des honoraires d'intermédiaire mentionnés dans celle-ci lui incombait ou non, alors qu'il n'avait pas présenté cet argument au tribunal qui, en toute hypothèse, a parfaitement motivé le rejet de celui-ci.

A titre subsidiaire, si par impossible, la cour devait estimer que le droit de préférence de M. [Z] a été méconnu et devait faire droit à ses conclusions, les consorts [V] & [D] seraient fondés à solliciter que le notaire soit condamné à les garantir de toute conséquence de cette annulation.

Par ses dernières conclusions du 17 octobre 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet des moyens de fait et de droit développés, la société JCV demande à la cour de :

À titre principal : recevoir la Société JCV en son appel incident et ce faisant :

- JUGER que le droit de préférence dont bénéficiait M. [Z] a été purgé par l'effet des notifications des 6 et 9 septembre et 19 novembre 2016 et, en conséquence,

INFIRMER le jugement en ce que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur cette demande et,

statuant à nouveau,

JUGER M. [Z] irrecevable et mal fondé en ses demandes,

Subsidiairement :

o INFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et en conséquence,

o JUGER l'action prescrite ;

Statuant à nouveau et en tout état de cause :

o DECLARER IRRECEVABLE et DEBOUTER M. [Z] en toutes ses demandes, éventuellement par substitution de motifs ;

Subsidiairement au fond, pour le cas où la Cour jugerait M. [Z] recevable,

- CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

Au soutien de son appel incident, elle fait valoir que le droit de préférence a été valablement purgé par l'effet des notifications des 6 et 9 septembre 2016 et 19 novembre 2016, de sorte que toute l'argumentation de M. [Z] fondée sur la nullité de la notification de l'offre de vente du 17 novembre 2017 est inopérante. Elle ajoute qu'elle est en outre prescrite par application de l'article L.145-60 du code de commerce en ce qu'elle aurait dû être engagée dans le délai de deux ans à compter de la date de notification de l'offre de vente et non du jour de la vente comme l'a jugé le tribunal.

A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement.

Par ses dernières conclusions du 3 juin 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE-THOMAS BERDAL ET [S] [X], demande à la cour de :

DEBOUTER M. [E] [Z] de l'ensemble de ses prétentions, fins et demandes contre la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE, THOMAS BERDAL ET [S] [X], NOTAIRES ASSOCIES, autrefois dénommée SCP DEJEAN DE LA BATIE - [C] - [R] - BERDAL ' GIL,

DEBOUTER la société JCV de son appel en garantie formulé à l'encontre de la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE, THOMAS BERDAL ET [S] [X], NOTAIRES ASSOCIES, autrefois dénommée SCP DEJEAN DE LA BATIE - [C] - [R] - BERDAL ' GIL,

DEBOUTER M. [A] [V], Mme [B] [V], Mme [I] [D], Mme [F] [D] épouse [Y] et M. [H] [D] de leur appel en garantie formulé à l'encontre de la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE, THOMAS BERDAL ET [S] [X], NOTAIRES ASSOCIES, autrefois dénommée SCP DEJEAN DE LA BATIE - [C] - [R] - BERDAL ' GIL,

DEBOUTER M. [A] [V], Mme [B] [V], Mme [I] [D], Mme [F] [D] épouse [Y], M. [H] [D] et la société JCV de l'ensemble de leurs prétentions, fins et demandes contre la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE, THOMAS BERDAL ET [S] [X], NOTAIRES ASSOCIES, autrefois dénommée SCP DEJEAN DE LA BATIE - [C] - [R] - BERDAL ' GIL,

CONFIRMER le jugement rendu le 30 mars 2023 par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] [Z] en nullité de la vente immobilière du 8 mai 2018 et en nouvelle purge et reprise de l'offre de vente du 17 novembre 2017,

CONFIRMER le jugement rendu le 30 mars 2023 par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu'il a jugé que la purge n'était pas nulle et que M. [E] [Z] a régulièrement exercé son droit de préférence, la condition suspensive d'octroi de prêt ayant défailli de son propre fait en raison de l'absence de sa justification d'obtention,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que M. [E] [Z] a été condamné à payer à la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE, THOMAS BERDAL ET [S] [X],NOTAIRES ASSOCIES, autrefois dénommée SCP DEJEAN DE LA BATIE - [C] - [R] - BERDAL ' GIL une somme de 2 500 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Y AJOUTANT

CONDAMNER M. [E] [Z] à payer à la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE, THOMAS BERDAL ET [S] [X], NOTAIRES ASSOCIES, autrefois dénommée SCP DEJEAN DE LA BATIE - [C] - [R] - BERDAL ' GIL la somme de 3 000 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

CONDAMNER M. [E] [Z] aux entiers dépens de l'instance d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître Thomas RONZEAU, avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2024.

MOTIVATION

- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale

sur le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la vente

Aux termes de l'article L. 145-60 du code « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans » .

Aux termes de l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

En application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce court du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Comme l'a pertinemment retenu le tribunal, l'action du locataire commercial en nullité de la vente fondée sur le non-respect de son droit de préférence résultant de l'article L145-46-1 du code ce commerce, est soumise à la prescription biennale s'agissant d'une action fondée sur le chapitre 5 du titre 4 du livre 1 du code de commerce.

Par ailleurs, M. [Z] agit en nullité de la vente intervenue le 9 mai 2018 entre la société JCV et les consorts [V], peu important qu'il fonde cette demande sur l'irrégularité qui affecterait la notification par le bailleur de l'offre de vente, de sorte que le point de départ du délai de prescription de cette action ne peut avoir commencé à courir avant la conclusion de l'acte argué de nullité.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l'action.

- Sur la demande de nullité de la vente

Aux termes de l'article L145-46-1 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 18 décembre 2014 au 23 février 2022, « Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.

Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente . Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.

Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.

Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint » ;

Les consorts [V] et la société JCV ne sauraient être suivis dans leur argumentation commune selon laquelle il n'y avait pas lieu à réitérer l'offre de vente postérieurement à la promesse de vente qu'elles ont conclue le 27 octobre 2017 dès lors que la première mise en 'uvre du droit de préférence par l'effet des notifications des 6 septembre et 16 novembre 2016 était intervenue dans le respect des dispositions de l'article L145-46-1 du code de commerce, alors qu'il résulte des termes mêmes de cette promesse que :

« Le PROMETTANT déclare que le BIEN a fait l'objet d'une lettre de purge du droit de préférence les 6 et 9 septembre 2016 dans les termes de l'article L.145-46-1 du Code de commerce. Suite à une relance du cabinet de gestion du 15 avril 2017, le locataire a répondu par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postale le 21 avril 2017 ce qui suit littéralement reproduit :

« Mesdames, Monsieur,

Votre courriel en date du 15 avril 2017 et votre lettre recommandée avec avis de réception ont retenu toute mon attention.

Toutefois, je ne comprends pas pour quelle raison vous faites référence « à la résiliation des baux commerciaux », alors que l'article L 145-46-1 du code de commerce concerne le droit de préemption du locataire commercial en cas de vente des murs.

Sous cette réserve, je suis dans l'obligation de vous préciser que les banques que j'ai sollicitées n'ont pas donné suite à mes demandes de prêts, compte tenu du prix que vous proposez, qui ne leur paraît pas cohérent par rapport à la valeur du bien.

Mais je tenais à vous indiquer que je reste prêt à examiner toute offre de vente à un prix plus raisonnable et vous rappelle à cet égard qu'en application des alinéas 3 et 4 de l'article L145-46-1 du code de commerce, vous avez l'obligation de me notifier tout projet que vous envisageriez à un prix plus avantageux.

Croyez Mesdames, Monsieur à l'expression de ma parfaite considération

A.[Z] »

Les parties précisent que la présente promesse n'a pas pour objet une opération de cession « à des conditions ou un prix plus avantageux pour l'acquéreur », mais que les modalités de cette purge n'ont pas été effectuées conformément à l'article L.145-46-1 du Code de commerce. Le PROMETTANT s'engage donc à effecteur une nouvelle purge du droit de préemption du locataire conformément aux dispositions dudit article (souligné par la cour) et mandate à cet effet le Notaire participant afin d'effectuer lesdites formalités.. »

Dès lors, il y a bien lieu de considérer, comme le tribunal, que seule la signification de l'offre de vente a opéré purge du droit de référence du locataire commercial, et non les notifications l'ayant précédée.

Par ailleurs, il est constant que la régularité de l'offre de vente, prévue par l'article L. 145-46-1, alinéa 1, du code de commerce, adressée par le bailleur à son locataire préalablement à la vente du local commercial loué, n'est affectée ni par la conclusion par le bailleur d'un mandat de vente confié à une agence immobilière, ni par des visites du bien loué, ni par la conclusion d'une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur. Si cette offre de vente ne peut inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d'un agent immobilier, dès lors qu'aucun intermédiaire n'est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l'effet de la loi, la seule mention dans la notification de vente du montant des honoraires de l'agent immobilier en sus du prix principal, laquelle n'avait introduit aucune confusion dans l'esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge et qui pouvait accepter le prix proposé hors frais d'agence, n'était pas une cause de nullité de l'offre de vente. (Civ.3ème, 23 septembre 2021, n° 20-17.799).

En l'espèce, la promesse unilatérale de vente conclue le 27 octobre 2017 entre la société JCV et les consorts [V] mentionne expressément le droit de préférence du locataire commercial, prévoit la notification à nouveau d'une offre de vente, et prévoit une condition suspensive tenant à la purge du droit de préférence du locataire commercial, de sorte que contrairement à ce que soutient M. [Z], cet acte n'a pas eu pour effet de méconnaitre son droit de préférence, étant en outre relevé que la vente a bien été conclue après que le délai dont ce dernier disposait pour justifier de l'obtention d'un financement ait expiré.

Par ailleurs, la signification de l'offre de vente du 17 novembre 2017 mentionne un prix de vente de 696.000 ' et précise qu'une somme de 46.000 ' sera payée par les vendeurs à l'intermédiaire.

M. [Z], qui avait par ailleurs une parfaite connaissance du prix de vente fixé à 650.000 ' par les bailleurs par les divers échanges intervenus depuis le mois de septembre 2016, ne saurait utilement prétendre que cette offre de vente était imprécise et pouvait prêter à confusion concernant les honoraires de négociation, alors qu'il est très clairement indiqué que ces honoraires sont à la charge des vendeurs.

Il s'ensuit que faute pour M. [Z] de démontrer une irrégularité de l'offre de vente ainsi faite, qui ne démontre pas par ailleurs qu'au jour de la vente conclue le 9 mai 2018 il disposait du financement nécessaire pour exercer son droit de préférence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes, ainsi que les demandes de garantie à l'encontre de la SCP notariale.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Z], partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux consorts [D]-[V], la société JCV et la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE-THOMAS BERDAL ET [S] [X], chacun, la somme de 3.000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et sera, pour les mêmes motifs, débouté de sa demande par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 30 mars 2023 ;

CONDAMNE M. [E] [Z] aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande ;

CONDAMNE M. [E] [Z] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- 3.000 ' à M. [A] [V], Mme [B] [V], M. [H] [D], Mme [I] [D] et Mme [F] [Y] née [D] ensemble ;

- 3.000 ' à la société JCV ;

- 3.000 ' à la SCP ROLAND-EMMANUEL DEJEAN DE LA BATIE-THOMAS BERDAL ET [S] [X].

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