CA Bordeaux, 4e ch. com., 26 mai 2025, n° 24/05459
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Boucherie Rosier (SARL), JEM (SARL)
Défendeur :
Boucherie Rosier (SARL), Jem (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Masson, Mme Jarnevic
Avocats :
Me Bourdet, Me Lalande, Me Hardouin
EXPOSE DU LITIGE
1 - Par acte du 1er décembre 2015, la SARL JEM a donné en location à M. [G] [P] des locaux à usage commercial situés au [Adresse 2] à [Localité 5], afin qu'il y exploite un fonds de commerce de boucherie ovine et bovine ainsi que des produits de charcuterie. Le contrat de bail arrivait à échéance le 30 novembre 2024.
Par acte notarié du 13 janvier 2021, M. [P] a vendu son fonds de commerce à la SARL Boucherie Rosier pour un loyer mensuel de 1200 euros TTC.
Une clause de solidarité a été insérée dans l'acte notarié de cession de fonds de commerce, prévoyant que durant trois ans, le cédant demeurait garant solidaire du cessionnaire vis-à-vis du bailleur pour le paiement du loyer et l'exécution des conditions du bail, garantie étendue à tous les cessionnaires éventuels.
Le bailleur a fait délivrer le 13 juin 2023 un commandement de payer le mois de juin 2023 au preneur, signifié au garant solidaire, M. [P], le 27 juin 2023.
2 - Par actes du 1er août 2023, la société JEM a assigné la société Boucherie Rosier et M. [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de constater la résiliation du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner l'expulsion du preneur et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 9 600 euros au titre des loyers impayés, outre une indemnité d'occupation.
Par ordonnance réputée contradictoire du 10 juin 2024, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la SAS JEM et la SARL Boucherie Rosier.
- Prononcé en conséquence la résiliation du bail commercial à compter du 14 juillet 2023.
- Dit qu'à compter du 14 juillet 2023, la SARL Boucherie Rosier est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant mensuel du loyer en vigueur avant cette date.
- Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SARL Boucherie Rosier et de tout occupant
de son chef des lieux situés à [Localité 5], [Adresse 2], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier.
- Condamné solidairement la SARL Boucherie Rosier et Monsieur [G] [P] à payer à la SAS JEM au titre des loyers et indemnités d'occupation la somme provisionnelle de 9 600 euros.
- Condamné la SARL Boucherie Rosier à payer à la SAS JEM au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 1 200 euros par mois du 14 juillet 2023 jusqu'à libération des lieux.
- Rejeté toutes autres demandes des parties.
- Condamné solidairement la SARL Boucherie Rosier et Monsieur [P] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de sa signification au garant, et à payer à la SAS JEM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe du 21 juin 2024, M. [P] a relevé appel de l'ordonnance, énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la SARL JEM et la SARL Boucherie Rosier.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 9 octobre 2024.
L'ordonnance n'ayant pas été exécutée par M. [P], la société JEM a saisi la première présidente aux fins de radiation.
Par ordonnance du 3 octobre 2024, la première présidente a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de M. [P] et a radié l'affaire.
Par requête du 16 décembre 2024, M. [P] a sollicité la réinscription au rôle de l'affaire, laquelle a été enrôlée sous le numéro RG2405459.
PRETENTIONS DES PARTIES
3 - Par dernières écritures notifiées par message électronique le 1er février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [P] demande à la cour de :
- Recevoir monsieur [G] [P] en son appel de l'ordonnance de référé rendue le 10 juin 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux et faire droit à ses demandes.
- A titre principal, réformer l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 10 juin 2024, en ce que le juge a retenu sa compétence malgré une convention d'arbitrage entre les parties interdisant toute action devant les tribunaux de droit commun.
- Faire droit à la demande de fin de non-recevoir soulevée par monsieur [G] [P] à l'encontre de la société JEM qui n'a pas respecté la convention d'arbitrage contenue dans l'acte notarié du 13 janvier 2021 qui lui interdit toute action devant les tribunaux de droit commun, dont le juge des référés.
- Se déclarer incompétente pour connaître de l'assignation en référé délivrée par la société JEM à monsieur [G] [P] le 1° août 2023, pour l'audience du 20 novembre 2023 à 14 heures devant le tribunal judiciaire de Bordeaux et ses suites, et pour connaître de l'assignation en référé délivrée par la société JEM à la SARL Boucherie Rosier pour l'audience du 20 novembre 2023 à 14 heures devant le tribunal judiciaire de Bordeaux et ses suites.
- Inviter la société JEM à mieux se pourvoir devant la juridiction arbitrale.
- Condamner la société JEM à payer à monsieur [G] [P] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
- La condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.
- La condamner à rembourser à monsieur [P] toutes les sommes que celui-ci lui a versées en exécution de l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bordeaux du 10 juin 2024 et en exécution de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Bordeaux du 3 octobre 2024.
- Débouter la société JEM de ses demandes contraires à celles de monsieur [P].
A titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit aux demandes à titre principal de monsieur [G] [P],
- Confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 10 juin 2024, en ce qu'elle :
Constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la SAS JEM et la SARL Boucherie Rosier.
Prononce en conséquence la résiliation du bail commercial à compter du 14 juillet 2023.
Dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale.
et de ce fait, en confirmant :
- Constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société JEM et la SARL Boucherie Rosier.
- Prononcer la résiliation du bail commercial à compter du 14 juillet 2023.
- Dire n'y avoir lieu à application de la clause pénale.
- Réformer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 10 juin 2024, en ce qu'elle :
Dit qu'à compter du 14 juillet 2023, la SARL Boucherie Rosier est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant mensuel du loyer en vigueur avant cette date.
Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SARL Boucherie Rosier et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 5][Adresse 2], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier.
Condamne solidairement la SARL Boucherie Rosier et monsieur [G] [P] à payer à la SAS JEM au titre des loyers et indemnités d'occupation la somme provisionnelle de 9 600 euros.
Condamne la SARL Boucherie Rosier à payer à la SAS JEM au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 1 200 euros par mois du 14 juillet 2023 jusqu' à la libération des lieux.
Rejette toutes autres demandes des parties.
Condamne solidairement la SARL Boucherie Rosier et monsieur [P] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de sa signification au garant, et à payer à la SAS JEM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
et de ce fait, en réformant :
- Dire que la garantie solidaire de monsieur [P], du fait du cessionnaire à l'encontre du bailleur, a cessé à la date de résiliation du bail, soit le 14 juillet 2023, et que monsieur [P] n'est redevable d'aucune somme en faveur du bailleur, du fait du cessionnaire, après cette date.
- Dire que monsieur [P] à la date du 14 juillet 2023 où le bail a été résilié, et après compensation, n'est redevable d'aucune somme envers le bailleur, du fait du cessionnaire à l'encontre du bailleur.
- Dire que monsieur [P] après la date du 14 juillet 2023 où le bail a été résilié, n'est redevable d'aucune somme envers le bailleur au titre des indemnités d'occupation dues par le cessionnaire au bailleur.
- Condamner la société JEM à payer à monsieur [G] [P] la somme de 10 000 ' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
- Condamner la société JEM aux dépens de première instance et d'appel.
- Condamner la société JEM à rembourser à monsieur [P] toutes les sommes que celui-ci lui a versées en exécution de l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bordeaux du 10 juin 2024 et en exécution de l'ordonnance du premier président
de la cour d'appel de Bordeaux du 3 octobre 2024.
- Débouter la société JEM de ses demandes contraires à celles de monsieur [G] [P].
En tous les cas :
- Rectifier les coordonnées de monsieur [P] et dire que monsieur [G] [P] est né le 10 août 1958 à [Localité 4] (33) et demeure [Adresse 1].
- Constatant l'inexistence de la SAS JEM, rectifier les coordonnées de la société JEM en ce qu'elle est une SARL et non une SAS.
- Débouter la société JEM de toutes ses demandes contraires à celles de monsieur [P].
4 - Par dernières écritures notifiées par message électronique le 6 mars 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société JEM demande à la cour de :
Vu le bail commercial,
Vu le commandement de payer, signifié à la locataire le 13 juin 2023,
Vu la signification du commandement de payer auprès du garant survenue le 27 juin 2023,
Vu les articles L 145-41 du code de commerce, R 211-4 du code de l'organisation
judiciaire,
Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile
- Confirmer l'ordonnance attaquée, en rectifiant l'erreur matérielle affectant la forme sociale de la société JEM, qui est une SARL et non une SAS, en ce qu'elle :
- Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la SARL JEM et la SARL Boucherie Rosier.
- Prononcé en conséquence la résiliation du bail commercial à compter du 14 juillet 2023.
- Dit qu'à compter du 14 juillet 2023, la SARL Boucherie Rosier est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant mensuel du loyer en vigueur avant cette date.
- Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SARL Boucherie Rosier et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 2], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier.
- Condamné solidairement la SARL Boucherie Rosier et Monsieur [G] [P] à payer à la SARL JEM au titre des loyers et indemnités d'occupation la somme provisionnelle de 9 600 euros.
- Condamne la SARL Boucherie Rosier à payer à la SARL JEM au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 1 200 euros par mois du 14 juillet 2023 jusqu'à libération des lieux.
- Condamné solidairement la SARL Boucherie Rosier et Monsieur [P] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de sa signification au garant, et à payer à la SARL JEM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant :
- Débouter M.[P] de toutes ses demandes, fins et prétentions
- Condamner solidairement la société Boucherie Rosier et Monsieur [G] [P] au paiement de la somme de 960 euros TTC au titre de la clause pénale prévue au bail
- Fixer l'indemnité d'occupation due par la société Boucherie Rosier à la somme de 1 800 euros TTC au titre de la clause pénale insérée au contrat de bail commercial, et ce à compter du 14 juillet 2023, avec condamnation solidaire de la société Boucherie Rosier et de Monsieur [P],
- Condamner solidairement la société Boucherie Rosier et Monsieur [G] [P] au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner aux entiers dépens
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2025.
Par acte de commissaire de justice du 12 juillet 2024, la déclaration d'appel et l'ordonnance avec avis de fixation à bref délai ont été signifiées à la SARL Boucherie Rosier par dépôt de l'acte à l'étude. Les conclusions d'appelant ont été signifiées à la SARL Boucherie Rosier par acte de commissaire de justice du 14 février 2025 déposé à l'étude. La société Boucherie Rosier ne s'est pas constituée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'exception d'incompétence matérielle tirée de l'existence d'une clause compromissoire
Moyens des parties
5 - M. [P] fait valoir in limine litis que la convention d'arbitrage contenue dans l'acte notarié du 13 janvier 2021 interdit toute action devant les juridictions de droit commun. Il soutient que la société JEM était nécessairement partie à l'acte de cession du fonds qui comporte la cession du bail.
6 - La société JEM réplique que la stipulation de l'acte notarié ne fait pas référence à la SARL JEM, laquelle n'est pas partie à l'acte de cession du fonds de commerce
Réponse de la cour
7 - Aux termes de l'article 48 du code de procédure civile
'Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.'
Aux termes de l'article 1442 du code de procédure civile
'La convention d'arbitrage prend la forme d'une clause compromissoire ou d'un compromis.
La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats.
Le compromis est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l'arbitrage.'
Aux termes de l'article 2061 du code civil :
'La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l'oppose, à moins que celle-ci n'ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l'a initialement acceptée.
Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée.'
Aux termes de l'article 1149 du code civil :
'L'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire.
Sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce, qui statue sur les mesures d'instruction dans les conditions prévues à l'article 145 et, en cas d'urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d'arbitrage.'
8 - Les clauses attributives de compétences sont d'interprétation stricte.
En page 17 de l'acte notarié de cession du fonds de commerce du 13 janvier 2021, une clause intitulée 'convention d'arbitrage' prévoit que ' les parties déclarent se soumettre à la présente convention d'arbitrage.' (...) A l'occasion d'un différend qui pourrait intervenir entre elles, les parties désigneront chacune un arbitre, lesquels désigneront eux-mêmes un troisième arbitre pour ainsi constituer une juridiction arbitrale.'
La clause compromissoire fait référence à deux parties puisqu'il est précisé que les parties désignent chacune un arbitre et que ces deux arbitres en désigneront un troisième. Elle renvoie donc aux parties à l'acte et se limite aux litiges résultant de l'exécution du contrat de cession.
L'acte est conclu entre les parties désignées en première page de l'acte notarié : M. [P], en qualité de cédant, et la société Boucherie Rosier, en qualité de cessionnaire. Les paragraphes suivants de l'acte notarié et notamment celui relatif à la négociation, ainsi que celui relatif à la certification d'identité en page 20, font référence aux parties telles qu'elles ont été mentionnées en tête de l'acte.
En page 7 de l'acte, une clause intitulée 'Intervention du bailleur' prévoit que la société JEM intervient à l'acte en qualité de bailleur aux fins d'agréer la cession. La signature de Mme [C], agissant au nom et pour le compte de la société JEM, est apposée à la fin de l'acte, en page 21.
Ainsi, l'intervention de la société JEM à l'acte de cession du fonds de commerce, aux fins de donner son agrément à celle-ci, ne conférait pas à cette société la qualité de cocontractant à l'acte. Dès lors, la clause compromissoire n'est pas opposable à la la société JEM.
9 - Dès lors, la demande de M. [P] sera rejetée, ainsi que la demande de 10 000 euros pour procédure abusive.
Sur les effets de la solidarité
Moyens des parties
10 - M. [P] soutient que le bail ayant été résilié le 14 juillet 2023, il n'est redevable que des loyers impayés à cette date, et non des loyers postérieurs.
11 - La société JEM réplique que la clause de solidarité continue de produire ses effets malgré la résiliation du contrat.
Réponse de la cour
12 - Selon l'article L145-41 du code de commerce :
'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.'
13 - La clause relative à l'obligation de solidarité en page 7 de l'acte de cession stipule : 'Durant trois ans à compter des présentes, le cédant demeurera garant solidaire de son cessionnaire vis à vis du bailleur pour le paiement du loyer et l'exécution de toutes les conditions du bail, et cette obligation s'étendra à tous les cessionnaires éventuels.'
14 - Il convient tout d'abord de relever que les parties s'accordent sur l'acquisition de la clause résolutoire.
Le bailleur a fait délivrer le 13 juin 2023 un commandement de payer le mois de juin 2023 au preneur, signifié au garant solidaire, M. [P], le 27 juin 2023.
Ce commandement de payer, demeuré infructueux, vise la clause résolutoire prévue à l'article 14 du contrat de bail et mentionne une somme à payer au principal. Il reproduit également les dispositions des articles L. 145-41 et L. 145-17 du Code de commerce.
Or le garant solidaire ne saurait être tenu au paiement d'indemnités d'occupation portant sur une période postérieure à la résiliation, si l'acte de cession ne prévoyait pas expressément une clause en ce sens. En effet, l'engagement solidaire souscrit ne survit pas, sauf stipulation expresse contraire, à la résiliation du bail.
En l'espèce, la clause prévoit une durée mais non que la solidarité perdurera au-delà d'une éventuelle résiliation du bail. Il est d'ailleurs fait référence à une garantie de paiement du loyer et non d'une indemnité d'occupation.
15 - Dès lors, M. [P] n'est redevable que des loyers impayés à la date de la résiliation, le 14 juillet 2023.
Sur les sommes dues
- Sur le respect du contradictoire :
16 - Selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision que des moyens et explications débattus contradictoirement.
17 - M. [P] soulève un moyen tiré du non-respect du contradictoire par le premier juge. Or l'appelant n'en tire aucune conséquence et ne sollicite pas la nullité du jugement dans le dispositif de ses conclusions. Ce moyen est donc inopérant.
- Sur les arriérés de loyer
18 - En vertu des dispositions de l'article 1347-6 du code civil :
'La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.
Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l'un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.'
19 - M. [P] soutient qu'il est redevable de la somme de 1 200 euros pour le mois de juin 2023, outre les frais liés à la signification des commandements de payer de 87,32 euros et 41,64 euros. Il invoque la compensation avec le dépôt de garantie versé sur le compte de la société JEM le 18 janvier 2021 pour un montant total de 3 960 euros.
20 - A la date de résiliation du bail, le 14 juillet 2023, le preneur était redevable du loyer du mois de juin 2023, 1 200 euros, ainsi que du prorata du mois de juillet 2023, 542 euros, soit un montant total de 1 742 euros.
21 - En page 6 de l'acte notarié, il est indiqué que 'le cessionnaire règle à l'instant même ainsi qu'il résulte de la comptabilité du notaire soussigné, savoir au bailleur la somme de 3 960 euros correspondant au dépôt de garanti pour 3 600 euros et à la provision des charges annuelles pour 360 euros.'
M. [P] justifie du virement par Maître [T] de la somme de 3 960 euros sur le compte de la société JEM le 18 janvier 2021.
L'article 15 du contrat de bail prévoit que ' en cas de résiliation de plein droit ou judiciaire, le montant total des loyers d'avance ainsi que le dépôt de garantie, restera acquis au bailleur à titre d'indemnisation.'
Dès lors que le bail commercial est résilié pour défaut de paiement des loyers, le bailleur est fondé à solliciter l'application de cette clause d'indemnité contractuelle de résiliation, qui tend à réparer de manière forfaitaire le préjudice subi.
22 - La demande de compensation entre la créance de loyers de la société JEM et le dépôt de garantie sera donc rejetée. M. [P] et et la société Boucherie Rosier seront condamnés solidairement à payer à la société JEM la somme de 1 742 euros.
L'ordonnance sera infirmée de ce chef.
- Sur la clause pénale
23 - L'article 14 du contrat de bail prévoit une clause pénale de 10% à défaut de paiement du loyer à chaque terme, 15 jours après réception par le locataire d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée sans effet. Il est également prévu que toute somme due portera intérêt au taux de base de l'intérêt légal majoré de 4 points.
24 - Les pouvoirs du juge des référés qui accorde une provision sur une clause pénale sont limités par le caractère non sérieusement contestable de celle-ci. La clause pénale dont il est demandé de faire application étant susceptible d'être modérée par le juge du fond eu égard à son montant, il n'y a pas lieu à référé sur cette demande.
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance de ce chef.
Sur les autres demandes de M. [P]
25 - M. [P] relève la mauvaise foi du bailleur, en arguant de son manque de diligence et du fait qu'il ne l'aurait pas informé des impayés de loyer par le locataire. Il évoque également la défaillance du bailleur dans la communication des pièces dans le cadre de la présente instance.
26 - M. [P] ne tire aucune conséquence de ces allégations, notamment sur le plan indemnitaire. Il conclut seulement au débouté des demandes de la société JEM. Ces moyens sont donc inopérants.
Sur la demande de rectification d'erreurs matérielles
27 - M. [P] sollicite la rectification des erreurs matérielles contenues dans l'ordonnance critiquée.
28 - En vertu des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
29 - L'ordonnance sera donc rectifiée en ce qu'elle a indiqué une forme sociale erronée pour le bailleur et une adresse erronée pour M. [P].
Sur les demandes accessoires
30 - La société Boucherie Rosier sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de signification des commandements de payer, et à verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Rejette l'exception d'incompétence matérielle,
Rectifie l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux du 10 juin 2024 en ce qu'elle a fait référence à la SAS JEM au lieu de la SARL JEM et en ce qu'elle a indiqué que M. [P] est né au Teich et demeure [Adresse 3] alors que M. [P] est né à Arcachon et demeure [Adresse 1],
Dit qu'il sera fait mention de cette rectification sur la minute de l'ordonnance rectifiée et sur les expéditions qui seront délivrées,
Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a condamné solidairement la société Boucherie Rosier et M. [P] à payer à la société JEM la somme provisionnelle de 9 600 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation ,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [G] [P] à payer à la société JEM la somme provisionnelle de 1742 euros, au titre du loyer de juin 2023 et du prorata de loyer de juillet 2023;
Dit que cette condamnation est, à due concurrence de 1742 euros, solidaire avec celle prononcée par le juge des référés à l'encontre de la société Boucherie Rosier,
Confirme l'ordonnance pour le surplus de ses dispositions,
Rejette le surplus des demandes de M. [P],
Rejette les autres demandes de la société JEM,
Condamne la société Boucherie Rosier aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de signification des commandements de payer,
Condamne la société Boucherie Rosier à verser la somme de 4 000 euros à M. [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.